Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 15 décembre 2020, n° 19/05281

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 15 déc. 2020, n° 19/05281
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 19/05281
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Beauvais, 5 juin 2019, N° 17/00019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

X

C/

S.A.S. WURTH FRANCE

copie exécutoire

le 15 décembre 2020

à

Me Vrillac, Me Doyen

XB/MR/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

PRUD’HOMMES

ARRET DU 15 DECEMBRE 2020

*************************************************************

N° RG 19/05281 – N° Portalis DBV4-V-B7D-HMYP

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 06 JUIN 2019 (référence dossier N° RG 17/00019)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur Z X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représenté, concluant et plaidant par Me Barbara VRILLAC, avocat au barreau de SENLIS substituée par Me Fabrice AYIKOUE, avocat au barreau de SENLIS

ET :

INTIMEE

S.A.S. WURTH FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Marcel DOYEN de la SCP MONTIGNY DOYEN, avocat au barreau D’AMIENS

concluant et plaidant par Me Christine TSCHEILLER-WEISS, avocat au barreau de STRASBOURG

DEBATS :

A l’audience publique du 20 octobre 2020, devant Monsieur A B, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

— Monsieur A B en son rapport,

— les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Monsieur A B indique que l’arrêt sera prononcé le 15 décembre 2020 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur A B en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :

Monsieur A B, Président de Chambre,

Mme Agnès DE BOSSCHERE, Conseiller,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, Conseiller,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 15 décembre 2020, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur A B, Président de Chambre, et Madame Malika RABHI, Greffier.

*

* *

DECISION :

La société WURTH France (SAS) a employé M. X, né en 1975, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2004 en qualité de VRP exclusif, statut cadre.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des VRP.

Par lettre notifiée le 28 octobre 2016 a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société WURTH France ; à l’appui de cette prise d’acte de la rupture, M. X a articulé les griefs suivants à l’encontre de son employeur :

— la modification unilatérale du contrat de travail qui a entrainé une baisse de sa rémunération,

— des pressions psychologiques,

— la suppression de sa prime d’ancienneté,

— le détournement de clientèle,

— le non-paiement de l’intégralité des commissions,

— la non infirmation relative au challenge région qui lui a fait perdre 150 € en septembre 2016.

A la date de la prise d’acte de la rupture, M. X avait une ancienneté de 12 ans et 6 mois et la société WURTH France occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. X a saisi le 2 février 2017 le conseil de prud’hommes de Beauvais qui, par jugement du 6 juin 2019 auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

— dit que la prise d’acte de M. X doit s’analyser en une démission,

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes,

— condamné M. X à payer à la société WURTH France la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat,

— condamné M. X à payer à la société WURTH France la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du CPC,

— condamné M. X à payer les dépens.

M. X a relevé appel de ce jugement par déclaration du 4 juillet 2019.

La constitution d’intimée de la société WURTH France a été transmise par voie électronique le 16 juillet 2019.

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 30 septembre 2019.

L’affaire a été appelée à l’audience du 20 octobre 2020.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 28 juillet 2020, M. X demande à la cour de :

« DIRE et JUGER Monsieur Z X recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence :

INFIRMER le jugement rendu le 6 juin 2019, en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau :

DIRE ET JUGER bien fondée la prise d’acte par Monsieur Z X de la rupture de son contrat de travail en date du 28 octobre 2016 ;

DIRE ET JUGER que la prise d’acte de la rupture du contrat intervenue le 28 octobre 2016, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

CONDAMNER la société WURTH S.A à verser à Monsieur Z X la somme de 37.764 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER la société WURTH S.A à verser à Monsieur Z X la somme de 8.391 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

CONDAMNER la société WURTH S.A à verser à Monsieur Z X la somme de 9.441 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 944 euros au titre des congés payés y afférents ;

CONDAMNER la société WURTH S.A à verser à Monsieur Z X la somme de 9.441 euros au titre des dommages et intérêts pour la perte de chance

CONDAMNER la société WURTH S.A à verser à Monsieur Z X la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

CONDAMNER la société WURTH S.A à remettre à Monsieur Z X sous astreinte journalière de 50 euros par document et ce, à compter de la date de la requête introductive d’instance soit le 2 février 2017 :

- une attestation Pôle Emploi à jour du préavis,

- un certificat de travail à jour du préavis,

- un bulletin de salaires conforme au jugement à intervenir.

DEBOUTER la société SA WURTH FRANCE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

DIRE que ces sommes seront assorties de l’intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine du Conseil de céans. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 2 janvier 2020, la société WURTH France demande à la cour de :

« Déclarer l’appel de Monsieur X irrecevable, en tous les cas infondé ;

Confirmer en conséquence le jugement entrepris, en toutes ses dispositions,

Condamner M. X à payer à la Société WURTH la somme de 3 000 € par application de l’article 700 du CPC au titre de la procédure d’appel ;

Le condamner aux entiers dépens, y compris les éventuels frais de signification et d’exécution de l’arrêt à intervenir. »

Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 15 décembre 2020 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la prise d’acte de la rupture :

Il est constant que le contrat de travail de M. X a été rompu par la prise d’acte de la rupture du 28 octobre 2016.

Il entre dans l’office du juge, dans le contentieux de la prise d’acte de la rupture, de rechercher si les faits invoqués justifient ou non la rupture du contrat et de décider par la suite si cette dernière produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’une démission.

Il résulte de la combinaison des articles L 1231 ' 1, L 1237 ' 2 et L 1235 ' 1 du code du travail que la prise d’acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l’employeur qu’en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

En ce qui concerne le risque de la preuve, lorsque le juge constate qu’il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués par le salarié à l’appui de sa prise d’acte, il peut estimer à bon droit que le salarié n’a pas établi les faits qu’il alléguait à l’encontre de l’employeur comme cela lui incombait ; en effet, c’est au salarié d’apporter la preuve des faits réels et suffisamment graves justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ; il appartient donc au juge de se prononcer sur la réalité et la gravité des faits allégués par le salarié à l’appui de sa prise d’acte et non de statuer « au bénéfice du doute ».

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqué devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnées dans cet écrit.

A l’appui de sa demande de prise d’acte aux torts de l’employeur, M. X soutient que la société WURTH France a commis les manquements suivants :

— la modification de sa rémunération,

— la baisse de sa rémunération,

— les pressions psychologiques,

— le détournement de clientèle.

La cour constate que M. X n’articule pas dans ses conclusions de moyens à l’appui des autres griefs mentionnés dans la lettre de d’acte de la rupture ; ils sont donc abandonnés.

La société WURTH France conteste la réalité des griefs et fait valoir que M. X n’adhérait plus à la politique de l’entreprise et que la prise d’acte de la rupture a pour origine le fait que l’employeur a refusé la rupture conventionnelle qu’il avait demandée.

Sur la modification de la rémunération

Il est constant que l’employeur a modifié le système de rémunération en avril 2016.

M. X soutient que son accord était nécessaire et que cette modification est donc illicite ; le comité d’établissement avait émis un avis négatif (pièce n° 10 salarié) et depuis la mise en place du nouveau système de rémunération, les avis des salariés sont négatifs (pièce n° 17 salarié)

La société WURTH France conteste l’illicéité de la modification de la rémunération dès lors la structure de la rémunération n’a pas été modifiée et que le nouveau système de rémunération mise en place en avril 2016 entraîne une hausse de la rémunération.

La cour constate que la rémunération de M. X contractualisée à l’article IV du contrat de travail de M. X est composée :

— d’une rémunération fixe d’un montant minimum de 700 € déterminée par le chiffre d’affaires mensuel hors taxes livré et facturé, avoirs déduit, réalisé par le représentant ;

— des commissions sur le chiffre d’affaires réalisé ;

— d’une prime mensuelle sur objectifs fondées sur la réalisation des quotas du représentant ;

— d’une prime mensuelle de priorité portant sur l’évolution de la plateforme clients.

(Pièce n° 8 employeur).

La cour constate que le système de rémunération EUROPRICING mis en place par la société WURTH France en avril 2016 prévoit :

— une rémunération fixe, mais d’un montant minimum de 1.000 € et des paliers supérieurs jusqu’à 1.600 € bruts sur les douze mois de l’année y compris pendant les congés ;

— des commissions sur le chiffre d’affaires réalisé à la position, avec un minimum de 250 € bruts mensuels ;

— une prime mensuelle sur objectifs avec un minimum de 150 € mensuel garanti ;

— une prime annuelle de priorité ;

— une prime sur la croissance du chiffre d’affaires ;

(Pièce n° 17 employeur)

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que M. X n’apporte pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l’encontre de

la société WURTH France relativement à la modification de sa rémunération ; en effet la cour retient que le système de rémunération EUROPRICING mis en place par la société WURTH France en avril 2016 ne modifie pas la structure de la rémunération qui reste inchangée (avec une partie fixe, des commissions, une prime sur objectifs et une prime de priorité) et que les modifications survenues à l’occasion de la mise en place du système de rémunération EUROPRICING (hausse du montant minimum de la partie fixe, fixation d’un minimum pour les commissions et pour la prime sur objectifs, annualisation de la prime de priorité et création d’une prime sur la croissance du chiffre d’affaires) ne caractérisent aucunement une modification de la rémunération nécessitant l’accord des parties étant ajouté que la société WURTH France démontre que le nouveau système de rémunération permettait d’obtenir une rémunération plus élevée que l’ancien et cela pour la même activité bien sûr : par exemple en avril 2016 M. X aurait perçu 3.591 € avec l’ancien système et il a perçu 3.674 € avec le nouveau système et en mai 2016 M. X aurait perçu 2.576 € avec l’ancien système et il a perçu 2.578 € (pièces n° 18 et 10 employeur).

C’est donc en vain que M. X soutient que son accord était nécessaire et que cette modification de la rémunération est donc illicite ; en effet la cour retient que ce moyen est mal fondé comme cela a été dit plus haut étant précisé que M. X n’indique pas précisément en quoi un élément essentiel de la rémunération a été modifié ni même en quoi la structure de la rémunération a été modifiée si l’on s’en tient aux règles de droit qu’il invoque.

C’est aussi en vain que M. X soutient que le comité d’établissement (CE) avait émis un avis négatif (pièce n° 10 salarié) et que depuis la mise en place du nouveau système de rémunération, les avis des salariés sont négatifs (pièce n° 17 salarié) ; en effet cela ne suffit pas à rendre illicite la modification du système de rémunération mentionnée ci-dessus.

Ce manquement est donc rejeté.

Sur la baisse de sa rémunération

M. X soutient que le nouveau système de rémunération a entrainé une baisse de sa rémunération comme le montre son bulletin de salaire de juin 2011 (pièce n° 11 salarié), que c’était une crainte exprimée par le CE (pièce n° 10 salarié) et que cela nourrit les avis négatifs sur la société WURTH France (pièce n° 17 salarié) ; il ajoute que ce nouveau système lui faisait perdre des clients alors qu’il a de surcroit « dû faire face au détournement de sa clientèle » (sic).

La société WURTH France conteste le détournement de clientèle et conteste la baisse de la rémunération soit imputable au changement de système de rémunération alors qu’elle résulte seulement de la baisse d’activité de M. X qui s’est désengagé à compter du mois de juin 2016 (pièce n° 16 employeur), et soutient que le nouveau système de rémunération mise en place en avril 2016 entraîne au contraire une hausse de la rémunération (pièces n° 18 et 10 employeur).

La cour constate que la rémunération de M. X a effectivement baissé en juin 2016 (pièce n° 11 salarié).

Cependant la cour constate aussi que le % de réalisation des quotas mensuel de M. X est passé de 110 % en moyenne avant juin 2016 à 73 % en moyenne entre juin 2016 et décembre 2016 (pièce n° 16 employeur).

La cour retient donc que la baisse de la rémunération de M. X à partir de juin 2016 n’est pas en lien avec le nouveau système de rémunération EUROPRICING mis en place par la société WURTH France en avril 2016 étant précisé que M. X est mal fondé à invoquer, soit dit en passant, un détournement de clientèle dès lors qu’il a signé un avenant le 28 janvier 2015 qui a restructuré son secteur afin de permettre une meilleure prospection et un meilleur développement de la clientèle, point non utilement contesté (pièces n° 14 et 15 salarié et pièce n° 28 employeur).

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que M. X n’apporte pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l’encontre de la société WURTH France relativement à la baisse de sa rémunération.

Ce manquement est donc rejeté.

Sur les pressions psychologiques

M. X soutient qu’il a dû faire face au détournement de sa clientèle qui lui a été imposé (pièces n° 14 et 15 salarié), que le nouveau chef des ventes M. Y ne cessait de lui faire des remontrances, qu’il en est tombé malade, et que les avis des salariés stigmatisent d’ailleurs le management au sein de la société WURTH France et le harcèlement moral (pièce n° 17 salarié).

En défense, la société WURTH France conteste le détournement de clientèle et conteste l’existence des pressions psychologiques ; les courriers électroniques échangés entre M. X et M. Y que M. X produit (pièce n° 13 salarié) montrent que la relation de travail est normale, les échanges étant professionnels.

A l’examen des pièces produites (pièce n° 13, 14 et 15 salarié) et des moyens débattus, la cour ne dispose pas d’éléments suffisants pour retenir que M. X a subi des pressions psychologiques avant de signer l’avenant le 28 janvier 2015 qui a restructuré son secteur et qu’il a subi des pressions psychologiques de la part de son supérieur hiérarchique M. Y, les courriers électroniques (pièces n° 13 et 14 salarié) et la note manuscrite du 19 décembre 2014 (pièce n° 15 salarié) que M. X produit ne faisant ressortir strictement aucune pression psychologique.

Et c’est en vain que M. X soutient que les avis des salariés stigmatisent d’ailleurs le management au sein de la société WURTH France et le harcèlement moral au motif non utilement contesté que les avis en question ne le concernent aucunement.

Par voie de conséquence, M. X n’apporte pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l’encontre de la société WURTH France relativement aux pressions psychologiques.

Ce manquement est donc rejeté.

Sur le détournement de clientèle

M. X soutient que l’employeur lui a retiré une partie de sa clientèle (pièces n° 8 et 16 salarié).

En défense, la société WURTH France conteste le détournement de clientèle dès lors qu’il a signé un avenant le 28 janvier 2015 qui a restructuré son secteur (pièces n° 14 et 15 salarié et pièce n° 28 employeur) ; en outre la société WURTH France rappelle que contractuellement, l’attribution d’un secteur n’est pas définitive.

La cour constate que l’article III du contrat de travail de M. X stipule :

« Compte tenu de l’organisation commerciale de la Société WURTH et de l’indispensable souplesse des forces de vente, il a été expressément convenu que ni le secteur, ni la clientèle, ni les gammes de produits objet du présent contrat n’ont un caractère d’attribution définitive.

C’est pourquoi le secteur, la clientèle ainsi que les gammes de produits présentement confiés au représentant sont visés par l’annexe 2. La Société WURTH se réserve la faculté de modifier le secteur géographique et la clientèle ainsi que les gammes de produits en fonction des nécessités de l’organisation commerciale.

Le représentant déclare expressément que ni le secteur géographique ni la clientèle visés ni les gammes de produits à l’annexe 2 n’ont déterminé son engagement et accepte par avance leur modification en fonction des intérêts de l’entreprise ['] ».

La cour constate que M. X a signé un avenant relatif à la restructuration de la clientèle le 28 janvier 2015, 21 mois avant la prise d’acte de la rupture, de surcroît.

Par suite, la cour retient que M. X n’apporte pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l’encontre de la société WURTH France relativement au détournement de clientèle ; en effet le détournement de clientèle n’est pas prouvé et il est même contredit par la signature de l’avenant relatif à la restructuration de la clientèle le 28 janvier 2015 étant ajouté que l’attribution d’un secteur n’est pas définitive au terme même du contrat de travail.

La cour ajoute que le manquement relatif au challenge, mentionné dans la lettre de prise d’acte de la rupture, invoqué par M. X dans les développements sur le détournement de clientèle, est lui aussi mal fondé comme le soutient la société WURTH France au motif que M. X avait été informé de ce challenge (pièce n° 21 salarié).

Il ressort de ce qui précède que M. X n’établit pas suffisamment les manquements allégués à l’encontre de la société WURTH France ; sa demande de prise d’acte aux torts de l’employeur est donc rejetée ainsi que les demandes de dommages intérêts et d’indemnités de rupture qui en découle.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat de travail de M. X n’est pas imputable à faute à la société WURTH France et qu’elle produit les effets d’une démission ; voie de conséquence, le jugement déféré est donc aussi confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnités de rupture.

Sur les dommages et intérêts pour perte de chance :

M. X demande la somme de 9.441 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier d’information sur la portabilité de la prévoyance du fait que lors de la prise d’acte de la rupture, il n’a pas pu bénéficier de ces informations ; la société WURTH France s’oppose à cette demande et soutient que M. X ne justifie d’aucun préjudice, ni dans son principe, ni dans son montant.

En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l’existence d’un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d’un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Sans qu’il soit besoin d’examiner le fait générateur de responsabilité, il résulte de l’examen des moyens débattus que M. X n’articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser le préjudice découlant, selon lui, de la perte de chance de bénéficier d’information sur la portabilité de la prévoyance du fait que lors de la prise d’acte de la rupture, ni dans son principe, ni dans son quantum ; le moyen de ce chef est donc rejeté.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour rupture brutale :

Par confirmation du jugement, la société WURTH France demande la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat du fait que M. X n’a pas effectué son

3e mois de préavis.

M. X s’oppose à cette demande sans articuler de moyens de défense.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dit que la société WURTH France est bien fondée, en son principe, dans sa demande d’indemnité pour non-respect du préavis au motif que lorsque les griefs invoqués par le salarié sont infondés, comme c’est le cas en l’espèce, la prise d’acte produit les effets d’une démission et que le salarié est alors redevable de l’indemnité correspondant au préavis qu’il n’a pas exécuté.

La cour constate cependant que pendant le 1er mois de préavis que M. X a effectué en novembre 2016 à la demande de l’employeur, il a perçu 1.443 € de salaire brut ; la cour retient donc que cette somme est celle à laquelle doit s’élever l’indemnité correspondant au préavis que M. X n’a pas exécuté.

La cour constate que M. X n’apporte aucun élément pour contredire que la rupture du contrat de travail a été brutale.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a condamné M. X à payer à la société WURTH France la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat et statuant de nouveau de ce chef, la cour condamne M. X à payer à la société WURTH France la somme de 1.443 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat.

Sur les autres demandes

La cour condamne M. X aux dépens en application de l’article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la M. X à payer à la société WURTH France la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d’appel.

L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt étant ajouté que la cour n’a pas à statuer sur les éventuels frais d’exécution à venir.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement mais seulement en ce qu’il a condamné M. X à payer à la société WURTH France la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat,

Et statuant de nouveau de ce chef,

Condamne M. X à payer à la société WURTH France la somme de 1.443 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat,

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne M. X à payer à la société WURTH France la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne M. X aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT.

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