Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 1er décembre 2020, n° 19/04609

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 1er déc. 2020, n° 19/04609
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 19/04609
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Creil, 27 mai 2019, N° 17/00388
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

B

B

C

D

S.A.R.L. FINANCIERE B

C/

X

copie exécutoire

le 01 Décembre 2020

à

Me Angotti, Me Le Roy

XB/MR/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

PRUD’HOMMES

ARRET DU 01 DECEMBRE 2020

*************************************************************

N° RG 19/04609 – N° Portalis DBV4-V-B7D-HLQ5

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 28 MAI 2019 (référence dossier N° RG 17/00388)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Monsieur Q B

de nationalité Française

[…]

[…]

Monsieur R B

de nationalité Française

[…]

[…]

Monsieur S C

de nationalité Française

[…]

[…]

Madame T D

de nationalité Française

[…]

[…]

S.A.R.L. FINANCIERE B agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentés, concluant et plaidant par Me Frédérique ANGOTTI de la SCP ANGOTTI, avocat au barreau de COMPIEGNE

ET :

INTIMEE

Madame U X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Eric POILLY, avocat au barreau D’AMIENS

Concluant et plaidant par Me Assia CHAFAÏ, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 06 octobre 2020, devant Monsieur V W, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

— Monsieur V W en son rapport,

— les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Monsieur V W indique que l’arrêt sera prononcé le 01 décembre 2020 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur V W en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :

Monsieur V W, Président de Chambre,

Mme Agnès DE BOSSCHERE, Conseiller,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, Conseiller,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 01 décembre 2020, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur V W, Président de Chambre, et Madame Malika RABHI, Greffier.

*

* *

DECISION :

Le Cabinet CADE a employé Mme U X, née en 1961, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 juillet 1978 en qualité d’employée d’agence.

Le 2 janvier 1980, le contrat de Mme X a été repris par l’agence de M. Y puis en 1992 par l’agence de M. Z après une période de gestion de l’agence par la Compagnie AXA (SGTA) pendant une durée de 3 mois. En 2010, le contrat de travail de Mme X a été repris par l’agence de M. A après une nouvelle gestion SGTA de six mois. A la suite du décès de M. A en octobre 2015, l’agence a été à nouveau gérée par la société AXA jusqu’au 1er janvier 2016.

A cette date, MM. B et C ont repris le contrat de Mme X.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de personnel des agences générales d’assurances.

En dernier lieu Mme X était collaboratrice AGA généraliste et sa rémunération mensuelle brute moyenne s’élevait à la somme de 2093,27 €, moyenne calculée sur les douze derniers mois.

Mme X a ensuite été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre notifiée le 27 décembre 2016 ; la lettre de licenciement indique :

« Lors de notre entretien, préalable à une mesure de licenciement à votre encontre, qui s’est déroulé le mardi 20 décembre 2016 à 11h00 dans nos locaux […] nous vous avons été amenés à vous exposer les faits qui vous sont reprochés.

Dossier n° 1: E Mickaël : Non-exécution d’une demande client d’assurance d’un véhicule entrainant la non-assurance du véhicule pendant plusieurs mois. Réclamation écrite du client.

Dossier n° 2 : F Claude : Non enregistrement d’un remboursement sur une quittance entrainant une mise en demeure non justifiée à la cliente. Très vif mécontentement de celle-ci.

Dossier n° 3 : G ASKOY : Rempli de sa main une résiliation d’un contrat contre notre agence.

Dossier n° 4: H Philippe : Non enregistrement d’une écriture comptable suite résiliation. Client très mécontent. Agression verbale très forte sur l’autre collaboratrice.

Dossier n° 5 : I Bernard : suite décès du client donne des informations erronées à son épouse sur les possibilités de conduite d’une moto hyper sport. En cas de sinistre pas de garanties.

Dossier n° 6: J Selena : Non enregistrement d’une résiliation demandée le 24/10/16. Fait le 15/11/16 suite réclamation de la cliente (très mécontente).

Dossier n° 7 : K Melyssa : Non enregistrement d’une résiliation malgré un document d’huissier.

Ces faits mettent gravement en cause la bonne marche de l’entreprise.

Les éléments que nous avons reçus de votre part lors de cet entretien, ne sont pas de nature à changer notre décision.

Aussi, nous vous signifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Votre préavis de deux mois commencera à la première présentation de ce courrier recommandé et se terminera le 28/02/2017.

Nous vous informons que nous vous dispensons de faire votre préavis. Celui-ci vous sera néanmoins intégralement payé.

Nous vous signifions également la levée totale de la clause de non concurrence figurant à votre contrat.

Votre solde de tout compte, les indemnités dues ainsi que les différentes attestations vous seront remis à la fin de votre préavis. »

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat, Mme X a saisi le 18 décembre 2017 le conseil de prud’hommes de Creil qui, par jugement du 28 mai 2019 auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a rendu la décision suivante :

« Met hors de cause la Financière B ;

FIXE l’ancienneté de Madame U X au 04 juillet 1978 ;

DIT que le licenciement de Madame U X intervenu le 24 décembre 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE solidairement Monsieur R B, Monsieur Q B, Monsieur S C et Madame T D, composant la AB B C D, à payer à Madame U X les sommes suivantes :

- 8.707,17 € au titre du complément de l’indemnité de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2017, date de réception par les défendeurs de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation ;

- 85.822,02 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- 2.093,27 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE Monsieur R B, Monsieur Q B, Monsieur S C et Madame T D, composant la AB B C D, à payer à Madame U X la sommes de 2.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE Monsieur R B, Monsieur Q B, Monsieur S C et Madame T D, composant la AB B C D, aux entiers dépens. »

MM. B C et Mme D ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 6 juin 2019.

La constitution d’intimée de Mme X a été transmise par voie électronique le 18 juin 2019.

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 23 septembre 2020.

L’affaire a été appelée à l’audience du 6 octobre 2020.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 26 février 2020, MM. B et C et Mme D et la SARLU FINANCIERE B demandent à la cour de :

« METTRE HORS DE CAUSE la SARLU FINANCIERE B,

DONNER ACTE aux appelants de ce qu’ils s’en rapportent à justice quant à la fixation de l’ancienneté de Madame X au 04 juillet 1978 et au paiement de la somme de 8.707,17 euros au titre de l’indemnité complémentaire de licenciement qui en découle,

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de CREIL en ce qu’il a :

- Considéré le licenciement de Madame U X dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamné solidairement ses employeurs à lui verser les sommes suivantes :

' 8 707,17 € au titre du complément de l’indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2017,

' 85 822,0 2 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

' 2 093,27 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

' 2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la SARLU FINANCIERE B de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile,

STATUANT A NOUVEAU :

CONSTATER que le licenciement de Madame X repose sur une cause réelle et sérieuse,

DEBOUTER Madame X de l’ensemble de demandes, y compris la demande nouvelle relative à l’exécution de la décision de première instance.

Subsidiairement,

REDUIRE dans de très sensibles proportions les réclamations formulées,

CONFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a débouté Madame X de ses prétentions concernant l’obligation de résultat de l’employeur,

CONDAMNER Madame X à verser à la SARLU FINANCIERE B la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière dans le cadre de la présente procédure,

CONDAMNER Madame X à verser à chacun des appelants la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel,

CONDAMNER Madame U X aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 26 novembre 2019, Mme X demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Creil le 28 mai 2019 en ce qu’il a :

- Mis hors de cause la FINANCIERE B,

- Fixé l’ancienneté de Madame X au 4 juillet 1978,

- Fixé par conséquent l’indemnité légale de licenciement à 24 176,10 €,

- Ordonné le paiement de la différence due soit 8.707,17 €,

- Assorti le paiement de cette somme des intérêts au taux légal à compter de la notification de la convocation au bureau de conciliation,

- Dit et jugé que le licenciement de Madame X est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamné à ce titre les appelants solidairement au paiement de la somme de 85.822,02 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- Dit et jugé que le licenciement de Madame X est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires, condamné à ce titre les appelants solidairement au paiement de la somme de 2.093,27€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Creil le 28 mai 2019 en ce qu’il a débouté Madame X de sa demande relative au manquement de ses employeurs à leur obligation d’assurer sa santé et sa sécurité,

Condamner en conséquence solidairement : Monsieur R B, Monsieur Q B, Monsieur S AA, Madame T D, Composant la AB AC C D au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,

Assortir le paiement de cette somme des intérêts au taux légal à compter de la saisine,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

Débouter les appelants de leur appel et de l’ensemble de leurs demandes.

Condamner les appelants au paiement la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 CPC en plus des 2500 € déjà prononcés en première instance.

Condamner les appelants au paiement de la somme de 1.500 € en réparation du préjudice subi par Madame X pour résistance abusive à l’exécution provisoire de droit.

Laisser les dépens et éventuels frais d’exécution forcée du jugement à la charge des appelants. »

Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 1er décembre 2020 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l’audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur les dispositions non utilement contestées par MM. B et C et Mme D :

La cour constate que Mme X justifie que son contrat de travail a débuté le 4 juillet 1978 et que la relation de travail s’est alors poursuivie avec différents employeurs jusqu’à la reprise de son contrat de travail par MM. B et C et in fine Mme D au sein de la AB B C D.

Compte tenu de ce que les dispositions suivantes ne sont pas utilement contestées, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a :

— mis hors de cause la Financière B ;

— fixé l’ancienneté de Mme X au 4 juillet 1978 ;

— condamné solidairement MM. B et C et Mme D à payer à Mme X la somme de 8.707,17 € au titre du complément de l’indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2017, date de réception par les défendeurs de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation.

Sur le licenciement :

Il ressort de l’article L. 1235-1 du Code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

MM. B et C et Mme D soutiennent que le licenciement pour faute de Mme X est justifié par les défauts d’exécution dans la gestion des contrats dont elle était chargée, défauts qui ont entraîné le mécontentement des clients et auraient pu avoir de graves conséquence en cas de sinistre :

— le premier grief concerne le fait qu’en août 2016, l’employeur a demandé à Mme X de modifier le contrat d’assurance automobile de M. E pour que son véhicule professionnel soit assuré au nom de son entreprise et qu’en novembre 2016, le client a découvert que rien n’avait été fait (pièces n° 11 et 12 employeur),

— le 2e grief concerne le fait qu’en octobre 2016, Mme X a adressé une mise en demeure injustifiée à une cliente faute d’avoir passé une écriture de compensation, ce qui a mécontenté la cliente, Mme F (pièce n° 13 employeur),

— le 3e grief concerne le fait que Mme X a rempli pour un client M. G le formulaire de résiliation de contrat d’assurance souscrit à l’agence alors que son rôle est de développer l’activité du cabinet et non de rédiger aux lieu et place des clients leur courrier de résiliation (pièces n° 2 et 14 employeur),

— le 4e grief concerne le fait que Mme X n’a pas enregistré une écriture comptable afin de rembourser les cotisations payées en trop par un client, M. H (pièces n° 15 à 18 employeur), ce qui a mécontenté le client,

— le 5e grief concerne le fait que Mme X a donné des informations erronées sur le maintien des garanties souscrites par M. I pour sa moto hyper sport alors qu’il est décédé et que les tiers ne sont pas assurés : Mme X aurait dû indiquer à la veuve de l’assuré que le contrat d’assurance était automatiquement résilié du fait du décès de l’assuré (pièce n° 19 employeur) ; par son attitude Mme X a induit la veuve de l’assuré en erreur et a fait prendre un risque financier incommensurable à l’ami du défunt qui conduisait la moto et à l’agence,

— le 6e grief concerne le fait que Mme X n’a pas traité la demande de résiliation d’une cliente, Mme J, reçue le 24 octobre 2016, laquelle n’a été traitée que le 15 novembre quand son employeur a découvert le défaut d’exécution (pièce n° 20 employeur), ce qui a mécontenté la cliente,

— le 7e grief concerne le fait que Mme X n’a pas traité la demande de résiliation d’une cliente,

Mme K, reçue le 27 octobre 2016.

Ces défauts d’exécution ont été découverts lors des congés de Mme X du 7 au 20 novembre 2016 ; ils montrent que Mme X ne s’intéressait plus à son travail et voulait se faire licencier comme cela ressort des attestations de ses collègues de travail, M. L et Mme M (pièce n° 3, 4 employeur).

Elle a d’ailleurs anticipé son départ au point de faire témoigner 27 anciennes clientes dont les attestations n’exonèrent en rien Mme X de ses manquements.

Son ancienneté et l’absence d’antécédent disciplinaire n’exonèrent pas non plus Mme X de ses manquements qui démontrent son incurie dans la gestion des dossiers et ont eu des conséquences tant en termes d’image pour l’entreprise sans parler de la responsabilité civile professionnelle encourue par l’agence en cas de sinistre.

Mme X soutient que son licenciement est abusif pour les raisons suivantes :

— son ancienneté, la reconnaissance par ses clients et collègues de ses compétences professionnelles et l’absence de toute sanction antérieure conduisent de fait à considérer que le licenciement est une mesure disproportionnée,

— la lecture de la lettre de licenciement montre qu’il lui est reproché de ne pas faire suffisamment bien son travail et les griefs constituent d’avantage la constatation de l’incapacité à réaliser les missions de sa fiche de poste qu’un comportement fautif,

— l’employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire pour une insuffisance professionnelle,

— le premier grief est mal fondé car le véhicule professionnel était bien assuré, M. E voulait juste que le contrat d’assurance soit mis au nom de son entreprise pour le faire passer en frais professionnels,

— le 2e grief est mal fondé car elle allait faire le travail attendu lorsqu’elle a été mise à pied ; en outre le mécontentement de la cliente, Mme F, n’est pas prouvé,

— le 3e grief est mal fondé car remplir pour un client un formulaire de résiliation de contrat d’assurance n’est pas fautif : c’est justement pour son sens du service qu’elle est appréciée par les clients,

— le 4e grief est mal fondé car l’enregistrement des écritures comptables ne fait pas partie de son travail ; en outre la preuve que le client, M. H, était mécontent et a agressé verbalement un collègue de travail n’est pas prouvée,

— le 5e grief est mal fondé : elle conteste avoir donné des informations erronées ; elle a bien indiqué que le contrat devait être mis au nom de l’ami de M. I qui devait conduire sa moto ; elle a laissé le dossier en attente par décence,

— le 6e grief est mal fondé car elle allait faire le travail attendu lorsqu’elle a été mise à pied,

— le 7e grief est mal fondé car, étant partie en congé le 7 novembre 2016, le fait de ne pas avoir traité la demande de résiliation d’une cliente, Mme K, reçue le 27 octobre 2016, n’est pas fautif,

Des clients et des collègues témoignent pour elle (pièces n° 11, 20, 25, 26, 13, 33, 34, 35, 37, 38, 11, 39, 37, 36, 32, 31, 30, 29, 28, 24, 23, 22, 21, 18, 17, 15, 12, 38, 19 et 16 salarié) pour attester de leur regret de la voir partir, de ses compétences professionnelles, et de ses qualités humaines.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Mme X a été licencié pour 7 faits fautifs précis.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir que :

— le premier grief est partiellement fondé ; en effet en août 2016, l’employeur a demandé à Mme X de modifier le contrat d’assurance automobile de M. E pour que son véhicule professionnel soit assuré au nom de son entreprise et en novembre 2016, le client a découvert que rien n’avait été fait (pièces n° 11 et 12 employeur) ; en revanche le grief n’est pas fondé en ce qui concerne « la non-assurance du véhicule pendant plusieurs mois » dès lors qu’il n’est pas utilement contesté que le véhicule professionnel était bien assuré au nom de M. E qui voulait juste que le contrat d’assurance soit mis au nom de son entreprise.

Le défaut d’exécution est donc établi mais pas ses conséquences.

— le 2e grief est fondé : en effet Mme X ne conteste pas avoir adressé en octobre 2016 une mise en demeure injustifiée à une client faute d’avoir passé une écriture de compensation ; il est inopérant de la part de Mme X de soutenir qu’elle allait faire le travail attendu lorsqu’elle a été mise à pied car sa mise à pied a été faite le 12 décembre 2016 ; en outre, même si l’employeur ne prouve pas le mécontentement de la cliente, rien ne permet de retenir que la mise en demeure injustifiée n’a pas suscité de réaction de la part de Mme F.

Le grief est donc établi.

— le 3e grief est mal fondé car le fait de remplir pour un client un formulaire de résiliation de contrat d’assurance n’est pas fautif ; le sens du service est aussi une qualité dans le travail de Mme X et son contrat de travail ne l’oblige aucunement à méconnaitre par toutes sortes de moyens dilatoires les demandes claires et précises des clients qui veulent résilier un contrat d’assurance.

Le fait reproché n’est pas fautif.

— le 4e grief est mal fondé : il n’est pas imputable à faute à Mme X de ne pas avoir « enregistré une écriture comptable » comme le mentionne explicitement la lettre de licenciement car l’enregistrement des écritures comptables ne fait pas partie de son travail étant précisé que l’employeur ne peut pas substituer une faute par une autre lors des débats du fait que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Le fait reproché n’est donc pas fautif non plus.

— le 5e grief est fondé : en effet, en n’indiquant pas à la veuve de l’assuré, M. I, que le contrat d’assurance était automatiquement résilié du fait du décès de l’assuré, Mme X a donné des informations incomplètes ; il importe peu qu’elle a indiqué que le contrat devait être mis au nom de l’ami de M. I qui devait conduire sa moto dès lors qu’elle a laissé le dossier en attente, induisant ainsi la veuve de M. I en erreur et exposant l’ami de l’assuré conducteur de la moto à un risque financier réel et important ainsi qu’à l’agence ; c’est en vain que Mme X invoque une forme d’attente par « décence », la délicatesse envers la veuve de l’assurée ne l’empêchant aucunement de lui donner les informations nécessaires.

Le grief est fondé.

— le 6e grief est fondé : en effet Mme X n’a pas traité la demande de résiliation d’une cliente, Mme J, reçue le 24 octobre 2016, laquelle n’a été traitée que le 15 novembre quand son employeur a découvert le défaut d’exécution (pièce n° 20 employeur), ce qui a mécontenté la cliente,

ce qui n’est pas contesté par Mme X ; il est inopérant de la part de Mme X de soutenir qu’elle allait faire le travail attendu lorsqu’elle a été mise à pied car sa mise à pied a été faite le 12 décembre 2016.

Le défaut d’exécution est donc établi.

— le 7e grief est fondé : en effet Mme X n’a pas traité la demande de résiliation d’une cliente, Mme K, reçue le 27 octobre 2016 ; il est inopérant de la part de Mme X de soutenir que ce fait n’est pas fautif du fait qu’elle est partie en congé le 7 novembre 2016 car elle aurait dû traiter cette demande dans des délais raisonnables et en tout cas avant de partir en congé ou alors elle aurait dû en informer son employeur.

Le défaut d’exécution est établi.

Plusieurs fautes sont donc établies ; cependant la cour retient que ces fautes ne justifiaient pas la sanction du licenciement qui apparaît disproportionnée.

Et c’est en vain que MM. B et C et Mme D soutiennent que ces fautes montrent que Mme X ne s’intéressait plus à son travail et qu’elle voulait d’ailleurs se faire licencier comme cela ressort des attestations de ses collègues de travail, M. L et Mme M (pièce n° 3, 4 employeur) ; en effet les évaluations défavorables sur le comportement de Mme X ne peuvent pas être prises en compte dans l’appréciation de la cause réelle et sérieuse au motif que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

C’est enfin en vain que MM. B et C et Mme D soutiennent que son ancienneté et l’absence d’antécédent disciplinaire n’exonèrent pas non plus Mme X de ses manquements qui démontrent son incurie dans la gestion des dossiers et ont eu des conséquences tant en termes d’image pour l’entreprise sans parler de la responsabilité civile professionnelle encourue par l’agence en cas de sinistre ; en effet seule la faute commise dans le dossier I a créé des risques mais pas les autres et l’invocation d’une atteinte à l’image de l’entreprise manque en preuve de sorte que la cour maintient que la sanction du licenciement pour les fautes retenues à l’encontre de Mme X est disproportionnée.

Il ressort de ce qui précède que l’employeur n’a pas établi, à l’occasion de la présente instance, la cause réelle et sérieuse justifiant, au sens de l’article L. 1235-1 du Code du travail, le licenciement de Mme X ; en conséquence, le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Mme X demande par confirmation la somme de 85.822,02 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; MM. B et C et Mme D s’opposent à cette demande et soutiennent que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doivent être sensiblement réduits et ne doivent pas dépasser 20 mois de salaire.

Il est constant qu’à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme X avait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus ; il y a donc lieu à l’application de l’article L. 1235-3 du Code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats, compte tenu de l’âge de Mme X, de son

ancienneté, de la durée de son chômage, de la perte des avantages en nature, des difficultés financières générées par son licenciement abusif, du dommage moral qui a été subi par Mme X à la suite de la perte de son emploi, que l’indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 20.000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a octroyé des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 85.822,02 €, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne solidairement MM. B et C et Mme D à payer à Mme X la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’application de l’article L.1235-4 du code du travail :

L’article L.1235-4 du code du travail dispose « Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ».

Le licenciement de Mme X ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l’application de l’article L.1235-4 du Code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par MM. B et C et Mme D aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme X, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite d’un mois d’indemnités de chômage.

Sur les dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire :

Mme X demande par confirmation du jugement la somme de 2.093,27 € au titre des dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire et fait valoir, à l’appui de cette demande qu’elle a reçu trois convocations à l’entretien préalable (pièce n° 5 salarié), que la lettre de licenciement est expéditive, qu’elle a été mise à pied à titre conservatoire le 12 décembre 2016, qu’il a ainsi été mis fin à la formation « passerelle » qu’elle suivait, qu’elle a été licenciée le jour de Noël et à 6 jours de son anniversaire, que l’employeur s’est déplacé à son domicile pendant le préavis pour y déposer un courrier (pièce n° 10 salarié), que l’employeur la dénigrait auprès des clients (pièces n° 38, 16, 35, 27 salarié).

MM. B et C et Mme D s’opposent à cette demande et font valoir que :

— il n’y a pas 3 convocations à l’entretien préalable mais un exemplaire remis en mains propres, une mise à pied conservatoire et une copie de sa convocation à l’entretien préalable que Mme X avait laissé à l’agence que l’employeur lui a renvoyée par voie postale,

— ces écrits ne caractérisent pas une rupture brutale et vexatoire,

— la lettre de licenciement n’est pas expéditive,

— la mise à pied conservatoire était justifiée par la nécessité de prévenir la réitération des fautes,

— Mme X a planifié son départ,

— le licenciement a été notifié le 27 décembre et non le jour de Noël et l’employeur qui licencie est tenu par des délais,

— le courrier déposé dans la boite aux lettres de Mme X est neutre et portait sur la communication de bulletins de salaire nécessaire des documents de fin de contrat,

— les attestations produites ne prouvent pas le dénigrement allégué.

À titre subsidiaire MM. B et C et Mme D demandent la confirmation du jugement en ce qu’il a fixé à la somme de 2.093,27 € les dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire.

En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l’existence d’un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d’un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir que l’employeur a mis en 'uvre la procédure de licenciement de Mme X dans des conditions fautives au motif qu’il a mis à pied Mme X à titre conservatoire alors que les griefs ne portaient que sur des 7 défauts ponctuels d’exécution, ce qui suffit à caractériser une mesure brutale et vexatoire pour une salariée ayant 38 ans d’ancienneté et gérant des dizaines de dossiers dans un cabinet d’assurance.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a condamné MM. B et C et Mme D à payer à Mme X la somme de 2.093,27 € (1 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité de résultat :

Mme X demande la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat en raison du management par la peur et le mépris que MM. B et C et Mme D ont mis en place dès la reprise du cabinet d’assurance (pièces n° 9, 38, 16, 34 et 43 salarié).

MM. B et C et Mme D s’opposent à cette demande qui n’est pas fondée.

En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l’existence d’un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d’un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que Mme X n’apporte pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que l’employeur a mis en 'uvre un management par la peur et le mépris et manqué par voie de conséquence à son obligation de sécurité de résultat ; en effet les échanges de sms (pièce n° 9 salarié) et les attestations produites de M. N et de Mmes O et P (pièces n° 38, 16 et 34 salarié) ne suffisent aucunement à prouver le management par la peur et le mépris reproché à l’employeur.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat.

Sur la résistance abusive à l’exécution provisoire de droit :

Mme X demande par infirmation du jugement la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive à l’exécution provisoire de droit du fait qu’elle a dû faire procéder à des voies d’exécution forcée.

MM. B et C et Mme D s’opposent à cette demande qui n’est pas fondée.

A l’examen des moyens débattus, la cour retient que Mme X est mal fondée dans sa demande au motif que ni la résistance abusive ni le préjudice susceptible d’en découler à hauteur de 1.500 € ne sont établis.

La cour déboute donc Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à l’exécution provisoire de droit.

Sur les autres demandes :

La cour condamne MM. B et C et Mme D aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de Mme X, MM. B et C et Mme D et de la SARLU FINANCIERE B les frais irrépétibles qu’ils ont exposés.

L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement mais seulement en ce qu’il a condamné solidairement Monsieur R B, Monsieur Q B, Monsieur S C et Madame T D, composant la AB B C D, à payer à Madame U X les sommes suivantes :

—  85.822,02 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

—  2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne solidairement MM. B et C et Mme D composant la AB B C D à payer à Mme X la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

Ordonne le remboursement par MM. B et C et Mme D composant la AB B C D aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme X, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite d’un mois d’indemnités de chômage ;

Déboute Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à l’exécution

provisoire de droit ;

Déboute la SARLU FINANCIERE B, MM. B et C et Mme D et Mme X de leurs demandes antagonistes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

Condamne MM. B et C et Mme D composant la AB B C D aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT.

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Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 1er décembre 2020, n° 19/04609