Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 7 mai 2020, n° 18/00490

  • Salarié·
  • Licenciement·
  • Participation·
  • Roumanie·
  • Sociétés·
  • Employeur·
  • Contrat de travail·
  • Indemnité·
  • Filiale·
  • Liberté d'expression

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 7 mai 2020, n° 18/00490
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 18/00490
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saint-Quentin, 4 janvier 2018, N° F17/00043
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

X

C/

SAS TEREOS PARTICIPATIONS

copie exécutoire

le

à

Me Bourguingon

Me Davico-Hoarau

MV/MR/BG

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

PRUD’HOMMES

ARRET DU 7 MAI 2020

*************************************************************

N° RG 18/00490 – N° Portalis DBV4-V-B7C-G4FM

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 05 JANVIER 2018 (référence dossier N° RG F17/00043)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur H X

né le […] à PARIS

de nationalité Française

[…]

[…]

concluant par Me Marc BOURGUIGNON- SELEURL VAE SOLI, avocat au barreau de Paris

représenté par Me Patrick PLATEAU de la SCP MILLON – PLATEAU, avocat au barreau

d’AMIENS, postulant

ET :

INTIMEE

SAS TEREOS PARTICIPATIONS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[…]

[…]

concluant par Me Catherine DAVICO-HOARAU-SCP COBLENCE ET ASSOCIES, avocat au barreau de Paris

représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS, postulant

DEBATS :

A l’audience publique du 09 janvier 2020, devant Mme S T-U, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Mme S T-U indique que l’arrêt sera prononcé le 19 mars 2020 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme S T-U en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de Chambre,

Mme Agnès DE BOSSCHERE, Conseiller,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

A l’audience publique du 19 mars 2020, la Cour a décidé de prolonger le délibéré et a renvoyé l’affaire à l’audience publique du 7 mai 2020 pour prononcé de l’arrêt

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 7 mai 2020, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme S T-U, Conseiller pour le Président de Chambre empêché, et Madame Isabelle LEROY, Greffier.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 5 janvier 2018 par lequel le conseil de prud’hommes de Saint-Quentin, statuant dans le litige opposant M. H X à son ancien employeur, la société TEREOS PARTICIPATIONS (SAS), a débouté le salarié de sa demande de nullité de la procédure de licenciement, de ses demandes d’indemnités de rupture et d’indemnité pour licenciement illicite, a débouté le salarié de sa demande de qualification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes financières subséquentes, a débouté le salarié de sa demande de réparation du caractère vexatoire de la procédure de licenciement, a débouté la société de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de M. X à lui rembourser un trop-perçu, a débouté la société de sa demande de condamnation du salarié à une amende civile, a condamné le salarié à verser à la société une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Vu l’appel interjeté le 6 février 2018 par M. H X à l’encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 26 janvier précédent ;

Vu la constitution d’avocat de la société TEREOS PARTICIPATIONS, intimée, effectuée par voie électronique le 15 février 2018 ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 28 janvier 2019 par lesquelles le salarié appelant, soutenant avoir été licencié pour avoir usé de son droit d’alerte auprès de sa hiérarchie, faisant valoir que l’employeur ne caractérise pas un abus de sa liberté d’expression, considérant que le licenciement prononcé en violation de cette liberté fondamentale consacrée par l’article 10 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est nul, exposant à titre subsidiaire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse faute pour l’employeur d’établir la matérialité des faits reprochés et parce que les griefs articulés à son encontre ne sont pas susceptibles de constituer une faute grave, exposant avoir subi des préjudices distincts procédant d’une violation par l’employeur de son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi et du caractère vexatoire du licenciement, opposant à la demande fondée sur l’article 32-1 du code de procédure civile formée à son encontre par l’employeur qu’aucun abus de son droit d’ester en justice n’est caractérisé, soutenant sur la demande de remboursement d’un trop-perçu de la société TEREOS PARTICIPATIONS que cette dernière ne justifie pas de l’applicabilité du droit brésilien ni d’aucun fondement contractuel ou juridique en droit français et qu’il est fondé à solliciter le remboursement de la somme que lui-même a versé en exécution du protocole du 2 mars 2015, sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il n’a pas retenu la nullité dont le licenciement est entaché et la condamnation de son ancien employeur à lui payer les sommes reprises au dispositif de ses conclusions à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité réparant l’intégralité du préjudice subi en raison du caractère illicite du licenciement, prie la cour à titre subsidiaire d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu le caractère causé du licenciement et en conséquence de condamner la société TEREOS PARTICIPATIONS à lui verser les sommes reprises au dispositif de ses conclusions à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, requiert en toutes hypothèses l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a écarté sa demande de réparation du préjudice à raison des circonstances vexatoires du licenciement et la condamnation de ce chef de la société TEREOS PARTICIPATIONS à lui payer la somme indiquée au dispositif de ses conclusions, requiert aussi la condamnation de la société à lui payer la somme précisée au dispositif de ces conclusions à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation par l’employeur de son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a débouté la société de ses demandes de remboursement et prie la cour en conséquence de condamner la société à lui rembourser la somme de 37.785 € qu’il a versé en exécution du protocole du 2 mars 2015, enfin sollicite la condamnation de la société intimée à lui verser une indemnité de procédure en application de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens dont

distraction au profit de la SCP MILLON PLATEAU avocats et d’assortir l’ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes jusqu’à parfait paiement ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 23 août 2019 aux termes desquelles la société TEREOS PARTICIPATIONS, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, aux motifs notamment que la preuve n’est pas rapportée que le salarié aurait été licencié pour avoir exercé son droit d’expression alors qu’au contraire elle démontre que les agissements et le comportement de M. X tels que sanctionnés par le licenciement étaient en contradiction avec son statut et ses obligations professionnelles et contractuelles, qu’il n’a pas relaté de faits précis constitutifs d’un crime ou d’un délit, qu’il ne peut se prévaloir des dispositions relatives au lanceur d’alerte qui ont été promulguées postérieurement à son congédiement, opposant à la demande formée à titre subsidiaire que la preuve est rapportée de la mauvaise foi du salarié et de son comportement fautif qui procède à la fois du refus d’assumer les responsabilités inhérentes à ses fonctions, d’avoir abusé de sa liberté d’expression en portant des accusations infondées contre le groupe et ses dirigeants et en menaçant de porter atteinte aux intérêts de la société s’il n’obtenait pas un départ négocié, considérant que la demande de dommages et intérêts liés aux circonstances de la rupture du contrat de travail est irrecevable par défaut de qualité à agir et infondée, faisant valoir que la demande d’indemnisation pour défaut d’exécution de bonne foi du contrat de travail est injustifiée en son principe et dans son quantum, exposant au soutien de sa demande reconventionnelle en remboursement d’un trop-perçu d’une part que M. X a signé un protocole d’accord aux termes duquel il se reconnaissait redevable d’un trop-perçu de rémunération, protocole qui a reçu un début d’exécution, et d’autre part qu’à cette dette s’est ajoutée une somme perçue d’un fonds de garantie instauré au Brésil dont la législation prévoit la perception par le salarié licencié d’une indemnité, indemnité que M. X ne devait pas percevoir dès lors qu’il n’a pas été licencié seule son expatriation s’achevant, soutenant aussi que la procédure intentée par M. X est dilatoire et abusive, sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile, prie la cour de débouter M. X de l’ensemble de ses demandes, de la recevoir en son appel incident et y faisant droit de condamner M. X à lui verser les sommes reprises au dispositif de ses conclusions à titre de remboursement d’un trop-perçu de salaires et à titre de remboursement de la somme perçue dans le cadre du fonds de garantie pour temps de service (FGTS), de condamner M. X à lui payer une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à lui payer la somme précisée au dispositif de ses conclusions en application de l’article 32-1 du code de procédure civile, enfin de le condamner aux dépens ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 11 décembre 2019 renvoyant l’affaire pour être plaidée à l’audience du 9 janvier 2020 ;

Vu les conclusions transmises le 28 janvier 2019 par l’appelant et le 23 août 2019 par l’intimé auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel ;

SUR CE, LA COUR ;

Monsieur H X, né en 1966, a été engagé à compter du 5 août 1991 suivant contrat de travail à durée indéterminée par la Société sucrière agricole de Maizy devenue UNION SDA puis TEREOS Syral en qualité d’ingénieur adjoint au directeur technique.

À compter du 1er juillet 2011 et suivant contrat d’expatriation, il a occupé le poste de directeur général de la société TEREOS SYRAL DO BRASIL, filiale brésilienne du groupe TEREOS.

Suivant contrat de travail international du 18 mars 2015 à effet du 1er janvier 2015, il a été transféré au service de la société TEREOS PARTICIPATIONS, filiale française du groupe TEREOS, tout en

étant maintenu au poste de directeur général de la société TEREOS SYRAL DO BRASIL.

Suivant avenant conclu le 29 juin 2016, M. X a été nommé directeur général de la société TEREOS ROMANIA S.A. également dénommée TEREOS SUGAR ROMANIA, filiale roumaine du groupe basée dans la ville de Ludus, et ce à compter du 16 août 2016 moyennant une rémunération annuelle garantie de 171.656 € nets de charges salariales et d’impôt sur le revenu, hors bonus et hors intéressement et participation aux résultats de l’entreprise.

La société TEREOS PARTICIPATIONS relève de la convention collective nationale des sucreries, sucreries-distilleries et raffineries du sucre et comporte un effectif de plus de 50 salariés.

Par délibération du 4 janvier 2017, le conseil d’administration de la société TEREOS ROMANIA S.A. a révoqué M. H X.

Ce dernier a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 janvier 2017 par lettre du 4 janvier précédent, mis à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 20 janvier 2017, motivée comme suit :

«Je vous ai reçu en présence de Monsieur I Y le 16 janvier dernier dans nos locaux sis rue Médéric à Paris. Vous étiez assisté de J A, salarié de Tereos Participations.

Je vous ai exposé les griefs retenus à votre encontre et j’ai recueilli vos explications, lesquelles n’ont pas modifié notre appréciation des faits.

Par la présente, j’ai le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :

La société Tereos Participations vous a nommé, à compter du 16 août 2016, au poste de « Executive Director» au sein de la société de droit roumain Tereos Sugar Romania avec, pour objectifs, notamment, que vous contribuiez à la définition de la stratégie de cette filiale sur le long terme, conformément aux orientations stratégiques du Groupe et pilotiez sa mise en 'uvre afin d’atteindre les objectifs de vente, de croissance durable et de rentabilité.

Vous avez expressément accepté cette mission et, à cet effet, avez signé votre avenant le 29 juin 2016.

Le 13 octobre vous nous avez alertés sur des soupçons de corruption dans notre filiale roumaine et il a été convenu d’initier un audit interne avec l’appui de KPMG.

Le 29 novembre, vous nous avez signalés un accident du travail et nous avons dépêché sur le site le 7 décembre le Directeur Hygiène et Sécurité de TEREOS Sucre France pour déterminer les causes de l’accident et définir un plan d’actions.

Par courrier du 2 décembre dernier, vous nous avez indiqué que vous ne souhaitiez pas que votre nom soit entaché du fait des carences de la gestion antérieure et que vous n’étiez en rien responsable de la situation actuelle, ce que nous n’avons jamais prétendu.

Le 12 décembre, nous sommes rencontrés à Paris et vous m’avez dit que vous souhaitiez quitter le Groupe avec signature « d’un accord de départ reconnaissant les services rendus à l’entreprise ».

Malgré vos entretiens et réunions des 3, 12 et 20 décembre avec Monsieur I Y au cours desquels un certain nombre de mesures ont été prises ou décidées, vous avez, le 23 décembre, adressé un courrier au Président du Groupe.

Les termes de ce courrier sont inacceptables, en ce qu’ils mettent en cause Monsieur Y personnellement, comme les choix stratégiques du Groupe Tereos et en ce que vous affirmez que vous n’aviez plus confiance dans le Groupe et que vous entendiez quitter au plus vite la Roumanie.

Plus grave encore, vos insinuations selon lesquelles le Groupe aurait été au courant des faits de corruption.

Le Président vous a immédiatement répondu en vous rappelant vos obligations contractuelles et notamment qu’en votre qualité de Directeur de cette filiale, il vous appartenait d’établir un rapport circonstancié sur les dysfonctionnements constatés, de prendre les mesures urgentes pour y remédier et de proposer des solutions et actions concrètes pour rétablir un fonctionnement conforme aux règles du Groupe, sachant que des audits avaient été programmés dont celui sur l’accident qui avait débuté. De son côté, Monsieur Y vous a écrit le 26 décembre en récapitulant toutes les actions qui avaient été entreprises pour vous aider dans la direction de cette filiale et en vous demandant de respecter vos obligations contractuelles.

À réception de ces courriers, vous avez téléphoné le 28 décembre à Monsieur Y pour réitérer votre décision de rentrer en France sans démissionner et lui avez signifié à I Y que, « sans réponse positive avant le 3 janvier 2017 sur votre demande de licenciement, vous vous sentiez libre de communiquer à l’extérieur du Groupe à votre manière ». Monsieur Y vous a répondu que vos propos ressemblaient à du chantage et a refusé toute négociation de départ.

Le 3 janvier 2017, lors d’un entretien téléphonique avec Monsieur Y vous avez menacé de communiquer auprès de tiers, tels que les institutions roumaines, les équipes locales et les planteurs de Tereos (nos fournisseurs de betteraves) des faits dont vous auriez eu connaissance, dans l’intention claire de nuire aux intérêts de Tereos, si la société ne négociait pas votre départ et ne vous versait pas des indemnités de rupture, ce qui constitue à nouveau une tentative de chantage.

Conformément à l’article 12 de votre avenant vous vous étiez engagé jusqu’à l’issue de votre affectation en Roumanie à ne divulguer ou à n’utiliser à votre profit aucune information confidentielle portée à votre connaissance de par vos fonctions.

Le non-respect de ces engagements est selon ce même article constitutif d’une faute grave.

En conséquence de votre conduite, inacceptable au regard de votre statut de cadre dirigeant, de votre refus d’assumer les responsabilités inhérentes à votre fonction, de vos accusations inqualifiables, de la violation de vos obligations contractuelles et de votre tentative de chantage, votre licenciement pour faute grave privative des indemnités de rupture prend effet à la date d’envoi de la présente.

Je vous remercie de me contacter à réception pour définir les modalités :

- du remboursement de votre dette (77 141 euros) relative au remboursement du FGTS conformément au contrat de travail que vous avez signé, et au trop perçu salarial à régulariser, ce dont nous étions d’accord

- du déménagement de vos effets en Roumanie

- de la restitution du matériel, clefs et documents appartenant à Tereos.

Nous vous ferons parvenir la semaine prochaine votre solde pour tout compte, votre certificat de travail ainsi qu’une attestation employeur d’assurance chômage (…) ».

Contestant la licéité, subsidiairement la légitimité de son licenciement ainsi que les conditions

d’exécution de son contrat de travail et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Saint Quentin, qui, statuant par jugement du 05 janvier 2018, dont appel, s’est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur la demande tendant au prononcé de la nullité du licenciement

M. X, invoquant l’article 10§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions des articles L.2281-1 et L.2281-3 du code du travail, soutient n’avoir été licencié que pour sanctionner et neutraliser son rôle de lanceur d’alerte après qu’il ait dénoncé à M. Y, son N+1, puis M. Z, N+2, une série de manquements graves et renouvelés aux règles de sécurité constitutifs d’une violation manifeste par le groupe TEREOS de son obligation de sécurité et ce au préjudice des salariés de la filiale roumaine, des faits susceptibles de recevoir la qualification de corruption impliquant la société TEREOS et affectant la situation économique de l’entreprise, la violation par l’employeur de l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi dans la mesure où la réelle situation de la société TEREOS SUGAR ROMANIA lui avait été dissimulée afin qu’il accepte d’en prendre la direction.

Il fait valoir n’avoir jamais diffusé d’information sur les faits dont il a eu connaissance en dehors d’un cercle très restreint et averti, il réfute avoir exercé une forme de chantage et soutient que l’employeur ne caractérise pas l’existence d’un abus de sa liberté d’expression ni le fait qu’il ait refusé d’assumer les missions qui lui étaient confiées.

En l’espèce, la lettre de licenciement pour faute grave articule en substance les griefs suivants à l’encontre du salarié :

— avoir adressé au président du directoire du groupe, M. Z le 23 décembre 2016 un courrier mettant notamment en cause M. Y, directeur Tereos Europe, personnellement ainsi que les choix stratégiques du groupe et insinuant que ce dernier aurait été au courant des faits de corruption ;

— avoir usé de la menace de communiquer auprès de tiers des faits dont il aurait eu connaissance dans le cadre de ses fonctions, dans l’intention de nuire aux intérêts du groupe, et ce afin d’obtenir un départ négocié, en contradiction avec les stipulations contractuelles lui imposant une obligation de confidentialité ;

— le refus d’assumer les responsabilités inhérentes à son statut et sa fonction.

L’article 10§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacre la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir d’ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière.

La liberté d’expression, comme le droit d’opinion, est également consacrée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Elle s’est vue reconnaître une valeur constitutionnelle.

Le salarié jouit, dans l’entreprise et hors de celle-ci, de sa liberté d’expression.

Son exercice ne peut justifier un licenciement sauf abus.

Par ailleurs, il sera rappelé que la faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis; les faits invoqués comme constitutifs de faute grave doivent par conséquent être sanctionnés dans un bref délai.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.

En l’espèce, le courrier litigieux du 23 décembre 2016 adressé par M. X au président du groupe TEREOS est ainsi rédigé :

« M N

Vous avez, je n’en doute pas, été informé d’un incident survenu à Ludus le 28 novembre qui aurait pu causer au moins un triple accident mortel de salariés Tereos et au pire un désastre avec l’explosion d’un silo plein de sucre.

Je me sens trahi et trompé, je n’ai plus confiance en Tereos, et je veux vous expliquer pourquoi dans ce courrier, le précédent du 2/12 étant toujours sans réponse. Je pense qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que je retrouve une telle pétaudière en Roumanie, 4 ans après l’arrivée de Tereos : 4 ans de non gestion, où le groupe a renié des valeurs aussi essentielles que Sécurité et Éthique.

La Sécurité: le management en place avant mon arrivée est incompétent, gravement incompétent.

Le responsable RH est totalement débutant alors que, comme I l’écrivait le 25 mai 2016, le renouvellement des générations est un projet important pour Ludus. Comment est-ce possible de ne pas avoir commencé dès notre arrivée en 2012, et en commençant par les positions de management '

Le rapport d’audit d’O D (6 décembre suite incident du 28/11) est un rapport qui conforte mon approche. La situation est inquiétante. Personne n’est à la hauteur. Les limites de la « gestion» à distance d’I Y (présent 3 jours par an selon la rumeur) sont criantes.

I m’a d’ailleurs recommandé dès mon arrivée de garder Q C comme mon second, pour m’aider….. Pour le cas où vous l’ignoreriez, « l’incident» du 28 novembre s’est déjà passé en 2015 et, comme de bien entendu, aucun enseignement n’en a été tiré.

Et on essaie de nous faire croire qu’en deux ans il n’y aurait pas eu d’accident de travail à Ludus '

On m’a donc menti sur la solidité et la compétence de l’équipe, et je n’ai donc pas accepté ce poste en Roumanie en connaissance de cause, comme I Y a pu me le dire lors de notre réunion du 20 décembre.

Concernant l’Éthique, la situation est tout aussi dramatique.

II est aberrant que l’on ait pas mis une personne de confiance du groupe plus tôt, qui comprenne le roumain.

J’ai appris le roumain et entendu les planteurs nous dire que nous sommes des voleurs et des personnes corrompues depuis toujours, j’ai entendu comment l’argent était distribué au centre de réception pour falsifier les résultats, j’ai entendu des planteurs qui ne prenaient plus de pulpes car ils refusaient de payer le bakchich au chargement.

C’est aujourd’hui l’image désastreuse que donne Tereos.

J’ai été abasourdi de constater qu’en 4 ans, mon prédécesseur n’avait jamais jugé nécessaire d’impliquer la direction des achats du groupe dans un pays connu comme le plus fort payeur de bakchich de l’UE selon le dernier rapport de Transparency.org. En 4 ans, Tereos n’avait même pas fait, au minimum, des appels d’offres avant de procéder à des achats aussi stratégiques que le gaz.

Étrangement le premier appel d’offre, fait en septembre a provoqué une réduction de 22% de notre prix d’achat (195 k€ d’économies pour le groupe). J’ai une seule question: la direction de Tereos qui ne mettait presque jamais les pieds en Roumanie a-t-elle sciemment laissé perdurer cette situation ou a-t-elle, par manque d’implication laissé toute latitude à un management local incompétent et corrompu'

Pour conclure, si je pouvais avoir l’occasion de vous parler de la Roumanie, je vous parlerais de mon étonnement d’y voir Tereos. Le groupe, par le passé, a toujours voulu s’implanter dans les pays les plus compétitifs au plan agricole, ce qui est très loin d’être le cas en Roumanie.

Je vous parlerais de ma déception, de voir l’image de Tereos, un groupe au sein duquel je me suis beaucoup investi et auquel j’étais fier d’appartenir, dégradée pour avoir été pendant 4 ans associée à de si mauvaises pratiques.

Je vous parlerais du profond malaise qui est le mien à avoir été nommé à un tel poste. Je ne suis manifestement pas fait pour la Roumanie, je suis trop honnête et trop strict.

Enfin, je ne comprends pas pourquoi nous retirerions une épine du pied de Pfeifer en Roumanie en achetant leur usine, eux qui ont limogé leur équipe dirigeante début 2016 pour des motifs qui ne sont évidemment pas dans la presse ! Quittez au plus vite ce pays, il faut se démarquer enfin des pratiques qui ont été cautionnées pendant 4 ans.

Je me sens trahi et en décalage, la confiance est définitivement rompue.

Bien sincèrement ».

Ce courrier est à replacer dans son contexte.

À cet égard il apparaît que le 13 octobre 2016, M. X a établi un rapport d’arrivée consistant en un état des lieux lequel listait les actions déjà entreprises (notamment mise en place d’un comité de direction mensuel et organisation d’un appel d’offres pour la fourniture de gaz) et celles restant à mener. Ce rapport, restitué à sa hiérarchie en la personne de M. Y, alertait sur des éléments susceptibles de constituer des faits de corruption impliquant la direction locale de la sucrerie mais également sur des carences en matière de sécurité.

Il ressort du dossier que s’agissant des risques de corruption, l’information a été relayée auprès du directeur de l’audit interne du groupe qui a rendu compte à la direction juridique ainsi qu’en témoigne le courriel de M. A à M. B le 25 octobre 2016 lequel consigne différents témoignages et conclut à l’existence de « soupçons forts ». Il a été décidé de confier un audit à KPMG, M. X étant partie prenante dans l’élaboration de la mission.

Par ailleurs, il est constant que le 28 novembre 2016 est survenu sur le site de Ludus un accident du travail impliquant trois salariés dans des conditions confirmant d’importantes défaillances en matière de sécurité, événement porté à la connaissance de M. Y par M. X le lendemain. Il apparaît que préalablement à cet accident, le salarié avait pris l’initiative de donner pour instruction à son adjoint M. C de définir des plans d’action en matière de sécurité. Il est versé aux débats le rapport d’audit de M. D directeur sécurité et environnement multi sites de TEREOS en date du 7 décembre 2016 qui confirme la multiplicité des carences en matière de processus de gestion d’accident, d’évaluation des risques, de travail en hauteur, d’animation sécurité et une absence générale de maîtrise en matière de sécurité. Les échanges de courriels entre M. X et son équipe, postérieurs à l’accident, témoignent des différentes actions mises en place en urgence pour parer à la survenance d’autres accidents.

Il apparaît que le 2 décembre 2016, M. X a adressé à M. Y un courriel visant à l’alerter sur l’ampleur des difficultés exposant la société sur le terrain économique et financier (et compromettant à court terme certains des objectifs du salarié) et en termes de non-respect des règles de sécurité au travail ; le salarié y exprimait sa volonté de ne pas être tenu pour responsable de la situation qui n’était pas conforme à la description qui lui avait été faite de la filiale roumaine.

La cour relève qu’aucune réponse officielle n’a été apportée à ce courrier avant l’envoi à M. Z du courrier litigieux reproduit précédemment.

La cour retient que la teneur de ce courrier adressé au seul président du groupe ne saurait caractériser un abus de la liberté d’expression du salarié et être imputé à faute dès lors que les faits dénoncés reposent sur des éléments précis, objectifs, corroborés par les premières investigations et audits et non infirmés par les pièces versées aux débats par la société intimée qui s’abstient notamment de produire le rapport d’audit de KPMG, dès lors également que les résultats de l’audit du directeur sécurité et environnement confirment, par l’ampleur et la nature des défaillances constatées en matière de sécurité, la forte probabilité de non déclaration d’accidents du travail antérieurement, l’ancienneté des manquements et ainsi à tout le moins l’inertie de la direction en la matière précédemment à l’arrivée de M. X, que les faits relatés par ce dernier étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale, enfin que les termes employés ne sont ni injurieux, ni excessifs ni diffamatoires à l’endroit de l’employeur et de M. Y. À cet égard la cour constate que la probité de celui-ci n’est pas remise en cause mais uniquement sa gestion de la société TEREOS SUGAR ROMANIA, les éléments de la société intimée ne démentant pas qu’il s’est cantonné, comme le soulève le salarié, à une supervision «à distance» de la direction locale roumaine à compter du rachat quatre ans auparavant jusqu’à la nomination de M. X au poste de directeur. Les termes de ce courrier, certes critiques, ne révèlent pas une intention malveillante à l’égard de la société ou du groupe étant retenu à cet égard que le salarié n’a donné aucune publicité à son courrier ni aux faits qu’il dénonçait.

L’employeur expose que le salarié a usé de procédés pour contraindre la société à négocier son départ. Ainsi il soutient qu’outre le courrier du 23 décembre 2016, M. X a, au cours de deux entretiens téléphoniques avec M. Y, menacé, si ce départ ne se concrétisait pas, de divulguer à des tiers (autorités, fournisseurs de la société) les faits dont il avait eu connaissance ce qui serait confirmé par les témoignages de MM E et F.

La cour relève que si le salarié écrit que la confiance est rompue et ne se cache pas d’avoir formulé au cours d’une réunion en décembre 2016 une demande de rupture conventionnelle, une telle demande ne saurait justifier un licenciement d’autant moins qu’au vu du dossier, il apparaît que M. X a jusqu’à sa mise à pied conservatoire et en dépit de son souhait de ne plus occuper son poste en Roumanie continué à exercer de manière effective la direction de cette entité ce qui contredit qu’il ait refusé d’assumer ses responsabilités. Par ailleurs, les témoignages invoqués, émanant de hauts dirigeants de la société et du groupe, manquent manifestement d’impartialité, et ne font état que d’une interprétation personnelle et donc subjective des propos de M. X sans établir avec certitude le « chantage » auquel celui-ci se serait prêté.

Dans ces circonstances qui ne permettent pas de remettre en cause la bonne foi de M. X, les faits énoncés dans la lettre de licenciement ne sauraient constituer une cause réelle et sérieuse ni a fortiori une faute grave.

Il s’ensuit que le licenciement querellé sanctionne l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression. Un tel licenciement prononcé en violation d’une liberté fondamentale est nul.

Le jugement entrepris, qui a débouté le salarié de sa demande tendant au prononcé de la nullité de son licenciement, sera infirmé de ce chef.

Tout salarié victime d’un licenciement nul qui ne réclame pas sa réintégration, a droit, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise, d’une part, aux indemnités de rupture, et d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à six mois de salaire.

M. X demande à la cour de lui allouer la somme de 626.022,84 € correspondant à 24 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

En considération notamment des circonstances de la rupture, du niveau de rémunération du salarié qui s’établissait au regard des éléments du dossier à 26.084,29 € par mois, de son âge et de son ancienneté au moment de la rupture du contrat de travail mais aussi de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

Les droits du salarié au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de l’indemnité conventionnelle de licenciement, non contestés dans leur quantum, seront précisés au dispositif de l’arrêt.

Sur les demandes de dommages et intérêts en réparation des préjudices distincts

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison du manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi

M. X soutient avoir été trompé sur la réalité de la mission qui allait être la sienne en Roumanie et ses implications sur sa responsabilité en qualité de représentant légal ; il fait valoir aussi que l’employeur lui a fixé des objectifs qu’il savait irréalisables eu égard à la situation de la filiale roumaine.

La société TEREOS PARTICIPATIONS oppose que c’est le salarié qui a été déloyal allant jusqu’à refuser d’assumer ses responsabilités ; elle soutient également que ce dernier ne justifie pas de l’étendu du préjudice moral allégué.

L’article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l’espèce, la réalité de la situation de la société TEREOS SUGAR ROMANIA telle que décrite par M. X n’est pas remise en cause par l’employeur dont les propres éléments et notamment l’audit interne réalisé quelques mois après le licenciement entre juin et octobre 2017 tendent à corroborer les dysfonctionnements de la filiale (70 « déficiences » sont encore recensées dont plus de la moitié est associée à un « risque » prioritaire ou élevé). Le salarié verse aux débats les documents que lui a communiqué l’employeur préalablement à la formalisation de son affectation en Roumanie dont l’examen confirme qu’ils ne donnaient pas une image fidèle de la filiale particulièrement en matière de sécurité laquelle apparaissait d’un niveau correct. Il s’en évince que l’employeur n’a pas permis au salarié d’accepter l’affectation qui lui était proposée en connaissance de cause ce qui caractérise un manquement à son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, analyse non utilement contestée par la société TEREOS PARTICIPATIONS.

Eu égard aux circonstances des faits et à leurs conséquences à l’égard du salarié, la cour considère que son préjudice sera intégralement réparé par l’allocation de la somme précisée au dispositif de l’arrêt.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts à raison du caractère vexatoire du licenciement

Il ne ressort pas des moyens débattus et des éléments du dossier que le licenciement a été prononcé dans des circonstances rendant celui-ci brutal ou vexatoire, le prononcé d’une mise à pied conservatoire n’étant pas en soi constitutif d’un abus du pouvoir disciplinaire de l’employeur. Par ailleurs la révocation dont fait état le salarié a été prononcée par le conseil d’administration de la société TEREOS SUGAR ROMANIA dont il était le directeur ; il ne peut être reproché à la société TEREOS PARTICIPATIONS une décision prise par l’organe de direction d’une autre entité. Enfin, le préjudice résultant du caractère nul du licenciement se trouve déjà réparé par l’allocation de dommages et intérêts.

Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de cette demande.

Sur la demande de M. X au titre des intérêts au taux légal

Les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur le 6 mars 2017 de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaires.

Sur les demandes reconventionnelles de la société TEREOS PARTICIPATIONS

Sur la demande de remboursement de la somme globale de 77.141 €

La société TEREOS PARTICIPATIONS sollicite à ce titre d’une part le remboursement d’un reliquat de trop-perçu de rémunérations et se prévaut à cet égard d’un protocole d’accord régularisé entre les parties le 2 mars 2015, et d’autre part le paiement d’une somme qu’elle a versée pour le compte du salarié au titre du fonds de garantie (FGTS) instauré par le droit brésilien et qui lui a été servie lorsque le contrat de travail avec la société TEREOS SYRAL DO BRASIL a pris fin. Elle soutient que ce règlement est indu dès lors que M. X n’a pas été licencié et que son contrat prévoyait expressément le non-cumul de ce type d’indemnité avec sa rémunération nette garantie.

M. X oppose notamment que l’employeur se prévaut de la mise en 'uvre de la législation brésilienne du travail sans qu’il soit justifié de l’applicabilité de ce droit ni de sa teneur ; par ailleurs il expose que son contrat de travail n’exclut pas le cumul de l’indemnité versée par le FGTS avec sa rémunération. Il soutient aussi que l’employeur ne peut fonder sa demande sur le protocole d’accord signé et exécuté alors qu’il était placé sous un lien de subordination et qui doit être analysé comme constituant une sanction pécuniaire prohibée. Il sollicite le remboursement des sommes qu’il a réglées en application du protocole.

Sur la demande tendant au remboursement du trop-perçu de rémunération

Au soutien de sa demande, la société TEREOS PARTICIPATIONS invoque le protocole d’accord signé entre les parties le 2 mars 2015 prévoyant le remboursement échelonné par le salarié d’une somme de 53.738 € correspondant à un trop-perçu de rémunération nette de charges sociales et fiscales alors que M. X était expatrié au Brésil.

La cour relève qu’aux termes de ce protocole les parties ont convenu que l’accord était établi « conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil » et entendaient donc lui conférer l’effet d’une transaction possédant entre les parties l’autorité de la chose jugée. Toutefois ce protocole prévoit un remboursement de la somme que le salarié reconnaît devoir par retenues sur le salaire, or cette compensation constitue une sanction pécuniaire prohibée. Une telle clause illicite

remet donc en cause la validité de la transaction de sorte que la cour peut se livrer à l’examen des éléments de fait et du différend que le protocole d’accord avait pour objet de clore.

L’employeur produit aux débats plusieurs échanges de courriels entre M. X et la responsable de la mobilité (Mme G) dont il ressort que ce dernier se reconnaissait redevable d’un trop-perçu de rémunération et n’en contestait pas le montant. De même le fait qu’il ait accepté de conclure le protocole d’accord litigieux accrédite la thèse de l’employeur dès lors qu’il ressort des éléments du dossier que son consentement a été libre et éclairé contrairement à ce qu’il soutient. L’employeur qui établit au vu des éléments produits le caractère indu du paiement verse aux débats un décompte des sommes dues et remboursées, non sérieusement contesté par le salarié, dont il résulte que ce dernier reste redevable de la somme de 15.701 €.

Par infirmation du jugement entrepris, il convient dès lors de le condamner au paiement de cette somme. Il sera débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société à lui rembourser la somme de 37.785 €.

Sur la demande tendant au remboursement de la somme versée au FGTS et perçue par M. X

Si le contrat de travail liant M. X à la société TEREOS PARTICIPATIONS était soumis à la loi française, l’employeur devait néanmoins respecter les affiliations obligatoires au Brésil où le salarié était affecté.

À cet égard, le système de protection sociale brésilien prévoit en particulier que les employeurs versent une cotisation mensuelle destinée à alimenter le « fonds de garantie pour temps de service » sur un compte spécifique ouvert au nom du salarié pour financer une indemnité de départ. L’assuré peut retirer des fonds de son compte individuel dans des circonstances précises. Ce fonds est obligatoire pour tout travailleur salarié.

M. X ne conteste pas avoir perçu dans ce cadre la somme de 61.440,58 €.

Or, il apparaît que ce fonds a été créé avec pour objectif de protéger le salarié et lui assurer une indemnisation en cas de licenciement sans cause, de faillite de l’employeur, de fin de contrat de travail précaire, de départ à la retraite, de nécessité personnelle et urgente précisément définie, de maladie grave, lorsque le salarié a atteint l’âge de 70 ans ou encore lorsque le compte n’a pas reçu de dépôt pendant une certaine durée.

Manifestement, M. X ne répondait à aucun de ces critères lorsque son contrat de travail a pris fin avec la société TEREOS SYRAL DO BRASIL.

Les échanges de courriels avec Mme G ci-dessus évoqués, mettent en évidence que M. X savait et reconnaissait qu’il devait rembourser le FGTS.

Il résulte de ces éléments que l’indu est établi.

Par infirmation du jugement entrepris, il convient donc de condamner M. X à payer à la société TEREOS PARTICIPATIONS la somme de 61.440,58 €.

Sur la demande de dommages et intérêts en application de l’article 32-1 du code de procédure civile

Eu égard à la solution donnée au litige sur l’appel principal de M. X, le caractère abusif ou dilatoire de l’action en justice diligentée par ce dernier n’est pas caractérisé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance seront infirmées.

Succombant, la société TEREOS PARTICIPATIONS sera condamnée à verser à M. H X en application de l’article 700 du code de procédure civile une somme que l’équité commande de fixer à 3.000 € pour la procédure de première instance et l’appel.

Partie perdante, la société TEREOS PARTICIPATIONS sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour par dispositions confirmatives, infirmatives et supplétives

Dit que le licenciement de M. H X par la société TEREOS PARTICIPATIONS est nul ;

Condamne la société TEREOS PARTICIPATIONS à verser à M. H X les sommes suivantes :

—  313. 011,48 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

—  156.505,71 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017,

—  15.650,57 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017,

—  391.264,28 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017,

—  5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de l’employeur de son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne M. H X à payer à la société TEREOS PARTICIPATIONS les sommes suivantes :

—  15.701 € à titre de remboursement d’un trop-perçu de rémunération,

—  61.440,58 € à titre de remboursement de l’indemnité versée par le fonds de garantie pour temps de service ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

Condamne la société TEREOS PARTICIPATIONS à verser à M. H X la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et l’appel ;

Condamne la société TEREOS PARTICIPATIONS aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, P. LE PRESIDENT. empêché,

LE CONSEILLER,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 7 mai 2020, n° 18/00490