Cour d'appel d'Angers, 5 juillet 2016, n° 14/00741

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, 5 juill. 2016, n° 14/00741
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 14/00741
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Angers, 11 février 2014, N° F13/00425

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

al/rs

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/00741.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 12 Février 2014, enregistrée sous le n° F 13/00425

ARRÊT DU 05 Juillet 2016

APPELANT :

Monsieur Y X

XXX

XXX

Représenté par Maître Alain GUYON de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau d’ANGERS

INTIMEE :

XXX

XXX

XXX

XXX

Représenté par Maître James GAILLARD, avocat au barreau de DEUX-SEVRES.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Mai 2016 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller

Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier lors des plaidoiries.

Greffier : Madame GOUBET, greffier lors du prononcé.

ARRÊT :

prononcé le 05 Juillet 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame GOUBET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCEDURE

M. Y X a été engagé en qualité d’animateur développeur réseau par la société Batistyl Production selon contrat à durée indéterminée du 11 juin 2007.

En dernier lieu, il occupait, selon les mentions figurant sur ses bulletins de paie, un poste de chargé de marketing clients moyennant une rémunération brute de base de 3 632 €.

Etait applicable aux relations entre les parties la convention collective de la plasturgie.

Par lettre du 7 décembre 2012, la société Batistyl menuiseries, venue aux droits de la société Batistyl Production, a informé le salarié de ce qu’elle envisageait de le licencier pour raisons économiques :

' (…) Le groupe Legeais – Batistyl composé de trois sociétés qui sont sur le même secteur d’activité, à savoir la fabrication de menuiseries et fermetures en alu et Pvc et leur commercialisation auprès des professionnels du bâtiment, est amené à mettre en place des plans de suppressions de postes. Ces plans reposent sur trois motifs économiques combinés.

* Difficultés économiques :

Le secteur d’activité des sociétés du groupe Legeais-Batistyl connait de grandes difficultés avec :

— un recul de 20 à 25% des mises en chantier sur le marché du neuf.

— un marché de la rénovation en sommeil avec des accès au financement difficiles et un environnement fiscal incertain.

— un marché du tertiaire en panne avec des enveloppes budgétaires des acteurs du marché revue à la baisse.

Le marché de la fenêtre français risque dans sa globalité d’être en recul de 10 à 15% sur l’exercice 2012-2013. Nous considérons que cette baisse d’activité se poursuivra sur 2014 voir 2015 et nous avons donc défini un projet d’entreprise qui vise à maintenir les parts de marché et l’outil de production du Groupe Legeais-Batistyl.

Le carnet de commandes de la société Batistyl Menuiseries est en baisse depuis avril 2012. Sur la période avril-août 2012 la baisse est de 12,4% par rapport à avril-août 2011. La prise de commandes est en recul de 2 millions d’euros pour Batistyl Menuiseries sur la période janvier-août 2012 par rapport à janvier-août 2011.

Les prévisions présentées aux membres du comité d’entreprise tablent pour le groupe Legeais-Batistyl sur une baisse du CA de 2,31 % et de 4,26% en volume pour l’exercice 2012-2013 par rapport à celui clôturé au 31/08/2012.

Ces prévisions à la baisse se confirment sur les 3 premiers mois de l’exercice 2012-2013 avec un net recul par rapport à l’exercice 2011-2012. Le chiffre d’affaires cumulé de septembre à novembre 2012 est en diminution de 11 % par rapport à N-1 et le groupe Legeais-Batistyl accuse un retard de 4,5 % sur cette même période par rapport aux prévisions pourtant revue à la baisse.

Par ailleurs, la SAS Specitec dont le chiffre d’affaires dépend à 95% de la SAS Batistyl Menuiseries est en grande difficultés financières, ce qui impacte l’ensemble du groupe Legeais-Batistyl via les comptes consolidés. Les résultats comptables de la SAS Specitec sont sur un résultat courant avant impôt de – 562 239 € au 31/08/2011et – 489 845 € au 31/08/2010.

Pour faire face à ces difficultés financières, le groupe Legeais-Batistyl a décidé de réduire l’enveloppe budgétaire liée à la communication et au marketing, la suppression du poste de chargé de marketing clients en est une conséquence directe.

A charges constantes, sans le plan de restructuration et les trois plans de suppressions de postes engagés dans les trois sociétés du Groupe, avec un chiffre d’affaires en baisse de 2,31%, les résultats comptables générés dans les différentes sociétés mettraient en danger la pérennité du groupe Legeais-Batistyl.

* Mutation technologique :

L’ERP Diapason vient remplacer un logiciel de GPAO et une CRM. Son déploiement entrainera l’automatisation de certaines tâches et une répartition différente des flux et missions de certains collaborateurs.

En effet, les missions qui vous étaient confiées sur les 13 derniers mois, à savoir la saisie de devis ou de commandes directes sous DIPASON et la gestion des données techniques ( articles et fournisseurs) vont être réaffectées respectivement au service suivi devis et au pôle produit.

* Réorganisation pour une sauvegarde de compétitivité

Dans un contexte de crise sur le secteur très concurrentiel de la menuiserie industrielle, l’entreprise doit se réorganiser pour trouver de la compétitivité et entrer dans la bagarre commerciale afin de préserver ses parts de marché. Les écarts de prix constatés avec nos concurrents se creusent et la notion de services apportés ne suffit plus à compenser pour décrocher les affaires. La Fusion/Absorption de la SAS Specitec par la SAS Batistyl Menuiseries vise à obtenir des synergies et économies d’échelles.

Les activités du poste de Chargé de marketing clients n’existent pas en tant que tel à ce jour, dans la mesure où depuis 13 mois, il y a eu uniquement quelques missions très ponctuelles relevant du Marketing clients qui vous ont été confiées. Dans le cadre de la réorganisation de l’entreprise, le poste de Chargé de marketing client est supprimé et les missions futures seront confiées au titulaire du poste Assistant marketing. Les économies réalisées doivent servir à être plus compétitif en terme de prix.

(…) Le 5 novembre 2012 une proposition de reclassement vous a été faite sur un poste d’assistant Marketing à pourvoir au 01 janvier 2013. Le 22 novembre 2012, vous nous avez fait part de votre refus. A ce jour, nous n’avons pas trouvé un autre poste au sein du Groupe Legeais-Batistyl et nous poursuivons nos recherches. (…) '

Le 14 décembre 2012, le salarié a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle. Le contrat de travail a été rompu d’un commun accord le 28 décembre 2012.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 27 février 2013 de demandes en paiement d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement abusif, de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et congés payés afférents ainsi que d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 février 2014, le conseil de prud’hommes d’Angers a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté le salarié de toutes ses demandes, débouté la société de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. X aux dépens.

Le salarié a régulièrement interjeté un appel général.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. X, dans ses conclusions parvenues au greffe le 26 mai 2015,régulièrement communiquées, soutenues oralement à l’audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à la condamnation de la société à payer, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice pour les sommes à caractère salarial et à compter du jugement pour celles à caractère indemnitaire :

—  87 000 € nets de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail,

—  10 875 € à titre d’indemnité de préavis, outre 1 087,50 € de congés payés afférents,

—  10 000 € de dommages-intérêts pour violation de communiquer la priorité de réembauchage,

—  13 077,29 € au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence outre 1 372 € au titre de l’incidence de congés payés,

— subsidiairement, pour le cas où la rupture serait jugée fondée, 97 000 € de dommages-intérêts pour violation des critères d’ordre de licenciement,

—  3 000 € pour frais non répétibles d’instance et d’appel,

— les dépens d’instance et d’appel.

Il sollicite en outre la remise, sous astreinte, d’un bulletin de salaire relatif aux condamnations de nature salariale à intervenir et une attestation destinée à Pôle emploi.

Au soutien de ses prétentions, il indique que, n’étant pas contesté que la société fait partie du groupe Legeais-Batistyl et que le secteur d’activité s’étend aux trois sociétés du groupe, le motif économique de la rupture doit donc s’analyser à l’échelle du groupe.

S’agissant des difficultés économiques invoquées, la société s’est uniquement basée sur des prévisions de baisse de chiffre d’affaires et non sur des difficultés économiques avérées. Les documents produits sont postérieurs à la rupture et aucun élément n’est produit sur le résultat du groupe Legeais-Batistyl. Les difficultés économiques invoquées ne sont pas démontrées.

S’agissant de la mutation technologique, aucune pièce n’est produite.

S’agissant enfin de la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité, aucun document comptable concernant le groupe et ses entités n’est produit, de sorte que le motif invoqué n’est pas plus justifié.

Par ailleurs, l’incidence sur le poste n’existe pas puisque le salarié, comme cela résulte d’ailleurs des termes mêmes de la lettre de licenciement, ne travaillait plus au service marketing clients depuis le mois d’octobre 2011.

L’employeur, qui n’a pas proposé tous les postes de reclassement identifiés, n’a pas justifié de son respect de l’obligation de reclassement,.

La mention de la priorité de réembauchage ne figure pas dans la lettre de notification des motifs de la rupture en date du 7 décembre 2012.

L’employeur n’a pas respecté le formalisme prévu au contrat de travail quant à la renonciation à la clause de non-concurrence. Il existait un doute sur sa volonté non équivoque de renoncer à se prévaloir de la clause de non-concurrence. Il est dès lors redevable de l’indemnité compensatrice.

Subsidiairement, si la cour disait la rupture fondée, l’employeur n’a pas mis en oeuvre les critères d’ordre de licenciement. A cet égard, le salarié n’exerçait plus la fonction de cadre marketing client, ce dont il résulte que cette catégorie n’existait pas.

La société, dans ses conclusions remises au greffe le 10 mars 2016, régulièrement communiquées, soutenues oralement à l’audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. X au paiement de la somme de 4 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction selon l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Montaigne avocats.

Au soutien de ses prétentions, elle indique que les difficultés économiques rencontrées par la société laissaient entrevoir à la fois une baisse prévisionnelle du chiffre d’affaires et du volume d’activité pour l’exercice 2012-2013 et nécessitaient une restructuration.

Sur les difficultés économiques, les sociétés du groupe auquel elle appartient connaissaient des difficultés économiques. Les prévisions permettaient déjà de justifier la mise en oeuvre d’un plan de licenciements économiques, et les résultats ont été encore plus défavorables à la date du 31 août 2013.

Sur la mutation technologique, l’installation d’un nouveau système ' ERP Diapason’ en remplacement d’un ancien logiciel a entraîné l’automatisation de certaines tâches et une répartition différente des flux et missions de certains collaborateurs.

Sur la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité, la fusion-absorption de la SAS Specitec et de la société Menuiseries Fermetures Rénovation par la société Batistyl Menuiseries a été réalisée le 19 décembre 2012. Dans ce secteur de menuiserie extrêmement concurrentiel, le but était de permettre une synergie et des économies d’échelle afin de favoriser une réduction des coûts de production pour redevenir compétitif.

Dans ces conditions, les motifs économiques sont justifiés.

Enfin, M. X a retrouvé un emploi et n’a donc subi aucun préjudice financier.

Sur la prétendue absence d’incidence sur le poste occupé, le poste de chargé marketing était toujours existant durant la période d’octobre 2011 à décembre 2012 et personne n’y remplaçait M. X qui était rémunéré à ce titre, comme le démontrent ses bulletins de salaire.

S’agissant de l’obligation de reclassement, le groupe justifie d’une recherche active et individualisée de reclassement. Il n’existait aucun poste de reclassement avec le même statut de cadre au sein de l’entreprise et du groupe. Les seuls postes disponibles dans l’entreprise étaient des postes de catégorie inférieure, soit que le salarié était inapte à occuper, soit qu’il n’a pas accepté.

L’information sur la priorité de réembauche figure dans la lettre de notification des motifs en date du 7 décembre 2012.Le salarié sera débouté de cette demande, d’autant plus qu’elle est nouvelle.

Sur l’indemnité de préavis, il a déjà été versé 3 mois d’indemnités auprès du Pôle emploi. Il n’y a pas lieu de cumuler les deux dispositifs.

La clause de non-concurrence a été levée par écrit, par une mention figurant au certificat de travail, dans le respect du délai imparti et d’un commun accord des parties, ce qui dispensait du formalisme prévu par le contrat de travail.

Les règles relatives à l’ordre des licenciements ne s’appliquent que si l’employeur doit opérer un choix parmi les salariés à licencier, ce qui n’était pas le cas puisque M. X était le seul dans sa catégorie professionnelle de chargé de marketing client.

MOTIFS DE LA DECISION

— Sur les motifs économiques de licenciement :

Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, qui repose sur une cause économique (notamment, des difficultés économiques ou des mutations technologiques, mais aussi la réorganisation de l’entreprise), laquelle cause économique doit avoir une incidence sur l’emploi du salarié concerné (suppression ou transformation) ou sur son contrat de travail.

La cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient.

Pour constituer une cause économique de licenciement, la réorganisation de l’entreprise doit être justifiée soit par des difficultés économiques, soit par des mutations technologiques, soit par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité dans son secteur d’activité, ce qui suppose démontré dans ce dernier cas, que cette compétitivité soit menacée et que l’organisation existante de l’entreprise soit impuissante à y pallier. Par contre, la réorganisation de l’entreprise conduite dans le seul souci d’améliorer le fonctionnement de l’entreprise ou de privilégier son niveau de rentabilité au détriment de la stabilité de l’emploi ne constitue pas une cause économique valable de licenciement. Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, la réorganisation doit être rendue nécessaire pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient.

La prise en considération de difficultés prévisibles à venir n’est possible pour l’appréciation du bien fondé du motif économique que lorsque la réorganisation de l’entreprise est motivée par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité. Par contre, lorsqu’elle est motivée par des difficultés économiques, le motif économique doit être apprécié en considération des difficultés économiques existantes à la date du licenciement, le juge ayant la faculté de s’appuyer sur des éléments de preuve connus ou divulgués postérieurement dès lors qu’ils se rapportent à la période contemporaine au licenciement ou permettent d’éclairer la situation qui existait à cette époque.

En l’espèce, il est avéré par les pièces produites que les tâches de l’emploi du salarié relevant du service marketing ont été supprimées. L’emploi a bien été supprimé au sens du texte précité.

Il ne fait pas débat, et cela ressort d’ailleurs des termes de la lettre de licenciement, que la société Batistyl menuiseries faisait partie d’un groupe, le groupe Legeais-Batistyl, lequel comprenait outre la société Legeais-Batistyl et la société Batistyl menuiseries, les sociétés Specitec et Menuiseries Fermetures Rénovation, lesquelles seront au demeurant absorbées par la société Batistyl menuiseries dans le cadre d’une procédure de fusion. Le secteur d’activité est identique pour chacune des sociétés et le groupe, soit la fabrication et la commercialisation de menuiseries et fermetures auprès des professionnels du bâtiment ( comme cela résulte notamment du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d’entreprise du 24 septembre 2012).

Il n’est pas justifié de difficultés économiques avérées au sein du groupe à la date de la rupture du contrat de travail. Ainsi, il n’est pas produit de documents comptables ou financiers relatifs à la situation du groupe à la fin de l’année 2012. Il est exclusivement produit quelques pages extraites d’un document établi par une société d’expertise comptable et intitulé ' Legeais-Batistyl, rapport sur les comptes de l’UES au 31 août 2013 ". Ce document fait état d’un recul du chiffre d’affaires consolidé sur l’exercice 2012/2013, après deux exercices forts ( 2010/2011 et 2011/2012), ainsi que d’une baisse du résultat d’exploitation consolidé sur les exercices 2011/2012 et 2012/2013.

Ces seuls éléments sont insuffisants pour établir la réalité de difficultés économiques au niveau du secteur d’activité du groupe et à la date du licenciement.

S’agissant des mutations technologiques, aucune pièce n’est soumise à l’appréciation de la cour pour caractériser l’existence d’une mutation technologique.

En outre, l’incidence sur l’emploi du salarié est injustifiée. En effet, selon les termes de la lettre de licenciement, le déploiement d’un nouveau logiciel a eu pour effet de créer de nouvelles tâches, qui avaient été confiées au salarié durant la période précédant son licenciement, mais n’a eu aucune conséquence sur son poste de chargé de marketing finalement supprimé.

La réorganisation invoquée comme nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou, si elle appartient à un groupe, la compétitivité du secteur d’activité dont ce groupe relève, suppose que soit démontrée par l’employeur une menace, un péril pesant sur l’entreprise ou sur le secteur d’activité concerné (tel l’arrivée d’un nouveau concurrent, la disparition d’un produit ') et qui impacte défavorablement son positionnement sur le marché.

Si une réorganisation a bien été effectuée, il est insuffisamment justifié de ce qu’une menace pesait sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe et de ce que l’organisation existante était impuissante à y pallier. La seule existence d’une baisse générale de l’activité de la construction et de la rénovation de logements, laquelle est justifiée à la fin de l’année 2012 ( cf la pièce n° 18 de la société), est impropre à caractériser une telle menace, en l’absence d’autres éléments d’appréciation.

Dans ces conditions, la cause économique du licenciement est insuffisamment justifiée et le licenciement sera jugé dénué de cause réelle et sérieuse, par voie d’infirmation du jugement, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le moyen tiré de la violation de l’obligation de reclassement, qui tend à la même fin.

Il n’y a pas lieu par conséquent d’examiner la demande, subsidiaire, en paiement de dommages-intérêts pour violation des critères d’ordre de licenciement.

— Sur les conséquences financières de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement :

Justifiant d’une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, M. X peut prétendre à l’indemnisation de l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de son contrat de travail sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Compte tenu de la situation particulière du salarié, notamment du montant de sa rémunération (3 632 € ), de son âge ( 46 ans) et de son ancienneté (5 ans ) au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, du fait que l’intéressé exerce désormais comme dirigeant d’une société de conseils de gestion, il convient d’allouer à M. X la somme de 28 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture injustifiée.

Cette indemnité produira des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, s’agissant d’une indemnité et non d’un rappel de salaires et les circonstances de l’espèce ne justifiant pas qu’il soit , par application des dispositions de l’article 1153-1 du code civil, fixé le point de départ des intérêts à une date antérieure.

En l’absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées par l’employeur au salarié ( ce que ne sont pas les sommes réglées par l’employeur au titre de sa participation au financement de l’allocation de sécurisation professionnelle ).

Le montant de l’indemnité compensatrice de préavis réclamée, correspondant à 3 mois de salaires, a été exactement calculé en l’état des pièces soumises à l’appréciation de la cour.

Selon l’article L.1235-4 du code du travail, ' dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé '. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

L’employeur est ainsi tenu de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l’article L.1233-69-1° du code du travail dans sa version en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail. Ce remboursement sera limité à 5 mois d’indemnités.

— Sur les dommages-intérêts pour violation de l’obligation de mention de la priorité de réembauche :

La lettre du 7 décembre 2012 mentionne le bénéfice de la priorité de réembauche, de sorte que la demande est infondée et sera rejetée par voie de dispositions nouvelles.

— Sur la demande en paiement d’une contrepartie financière à la clause de non-concurrence :

En l’espèce, le contrat de travail prévoit que la société se réserve ' le droit de renoncer à l’application de la clause de non-concurrence sous réserve de notifier cette renonciation par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à Monsieur X Y dans un délai d’un mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail quelle que soit la partie qui a pris l’initiative de la rupture '.

Le respect du délai de renonciation n’est pas contesté.

Sur le respect de la forme de la renonciation, il est établi par les termes des échanges de mails entre les parties que le salarié, qui avait sollicité la renonciation de la société à la clause de non-concurrence, a obtenu un accord oral du représentant de la société puis sur nouvelle demande, l’envoi par courrier d’un nouveau certificat de travail daté du 18 janvier 2013 et portant la mention suivante : ' M. X (…) nous quitte ce jour libre de tout engagement et en particulier de la clause de non concurrence.'

Il s’agit là d’une manifestation non équivoque de la volonté de l’employeur de renoncer à se prévaloir de la clause de non-concurrence. En outre, cette manifestation non équivoque est la conséquence d’un accord de volonté des parties.

S’il n’est ni allégué ni établi que l’envoi du certificat de travail rectifié valant renonciation à la clause de non concurrence ait été fait par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, il résulte du mail du 24 janvier 2013 émanant du salarié que celui-ci a bien reçu ledit courrier.

Le salarié sera par conséquent débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.

— Sur la demande de remise de documents sous astreinte :

Il sera ordonné la remise d’un bulletin de paie et d’une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, par voie de dispositions nouvelles.

Par contre, aucune circonstance ne permet de considérer qu’une mesure d’astreinte est nécessaire pour garantir la délivrance des documents dont il s’agit ; la demande d’astreinte sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS.

La cour, statuant en matière sociale, publiquement , contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. Y X de sa demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et débouté la société Batistyl menuiseries de sa demande en paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Juge le licenciement de M. Y X dénué de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Batistyl menuiseries à payer à M. Y X les sommes suivantes :

* 28 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10 875 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 087,50 € de congés payés afférents,

* 2 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne la société Batistyl menuiseries à remettre à M. Y X un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Déboute M. Y X de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de mention de la priorité de réembauche ;

Condamne la société Batistyl menuiseries au remboursement des indemnités de chômage versées à M. Y X à compter de son licenciement, dans la limite de 5 mois d’indemnités et sous déduction de la contribution prévue à l’article L.1233-69-1° du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011;

Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 4 mars 2013, et à défaut de demande initiale, à la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Batistyl menuiseries aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

M. GOUBET Anne JOUANARD

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