Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 17 décembre 2020, n° 18/00692

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, troisième ch., 17 déc. 2020, n° 18/00692
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 18/00692
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Le Mans, 20 septembre 2018, N° 17/00424
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00692 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EMXM.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation de départage du MANS, décision attaquée en date du 21 Septembre 2018, enregistrée sous le n° 17/00424

ARRÊT DU 17 Décembre 2020

APPELANTE :

Madame F X

[…]

[…]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/008598 du 09/11/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)

représentée par Me Valérie MOINE de la SELARL MOINE – DEMARET, avocat au barreau du MANS et Me CONTE, avocat substituant au barreau du MANS

INTIMEE :

Société Sté CRM 72 anciennement dénommée B2S LE MANS SAS agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

[…]

[…]

représentée par Maître J K-FORZY, avocat au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Octobre 2020 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine I, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Monsieur Yannick BRISQUET

Conseiller : Madame Marie-Christine I

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 17 Décembre 2020, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Christine I conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS CRM 72 anciennement dénommée la SAS B2S Le Mans a pour activité la prise en charge de la gestion de l’accueil téléphonique et physique des entreprises quels que soient leurs domaines d’activités. Appliquant la convention collective nationale des prestataires de service dans le domaine tertiaire, elle emploie 372 salariés. Elle fait partie du groupe Comdata.

Mme F X a été engagée par la société Hays Ceritex à laquelle a succédé ultérieurement la société B2S Le Mans, en qualité de télé-opératrice polyvalente par contrat de travail à durée déterminée ayant pris effet le 18 juin 2001.

La relation de travail s’est poursuivie pour une durée indéterminée. En dernier lieu, Mme X exerçait ses fonctions en qualité de télé-opératrice polyvalente au statut d’employé, classification II, coefficient 160 de la convention collective précitée, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1458,21 euros pour une durée de travail hebdomadaire de trente cinq heures.

Le 10 février 2012, la caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe (la caisse) a reçu une déclaration d’accident du travail remplie par la société B2S Le Mans (service du personnel) sur la base d’un certificat médical établi par le médecin traitant de Mme X en date du 6 septembre 201l mentionnant les symptômes suivants : ' douleur thoracique + céphalée'.

Mme X prétendait que ces lésions étaient les séquelles d’un accident survenu sur le lieu de travail le 30 août 2011.

Les circonstances de l’accident étaient décrites sur la déclaration comme suit:

' La salariée s’est rendue au bureau du plateau pour signer sa feuille de présence. Elle a frappé à la porte. M. Y, responsable opérationnel, étant en conférence téléphonique, lui a demandé de ne pas rentrer. La salariée n’a pas entendu et a ouvert la porte. M. Y s’est levé et a refermé la porte devant Melle X'.

La caisse a reconnu le caractère professionnel de l’accident ainsi déclaré par décision du 24 mai 2012.

Sur recours gracieux de l’employeur, la commission de recours amiable de la caisse, par décision du l5 octobre 2013, a déclaré inopposable à la société B2S Le Mans, la décision de prise en charge des soins et arrêts de travail liés à l’accident du travail du 30 août 2011.

Mme X a ensuite été placée en arrêt de travail prolongé à compter du 6 septembre 2011.

Par avis du 1er octobre 2013, pris à l’issue d’une visite médicale unique, pour cause d’urgence, le médecin du travail a déclaré Mme X 'inapte à tout poste dans l’entreprise du fait de la mise en danger immédiat de la santé'.

Par requête du 12 novembre 2013, reçue au greffe du conseil de prud’hommes du Mans le 28 novembre suivant, Mme X a saisi la dite juridiction pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et condamner ce dernier à lui payer diverses indemnités subséquentes, soit

4 300,18 euros à titre d’indemnité de préavis outre 430 euros au titre des congés payés afférents, 3 782,25 euros à titre d’indemnité de licenciement et 34 400,64 euros à titre de dommages et intérêts.

Après avoir été convoquée le 19 novembre 2016 à un entretien préalable fixé au 26 novembre suivant, Mme X a été licenciée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 2 décembre 2013, pour inaptitude non professionnelle médicalement constatée et impossibilité de reclassement.

Suivant procès-verbal en date du 25 avril 2018, la juridiction prud’homale s’est déclarée en partage de voix.

Par jugement de départage en date du 21 septembre 2018, le conseil a :

— dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de dommages et intérêts pour cause de faute inexcusable de l’employeur en considération de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale,

— débouté Mme X de toutes ses demandes de nature salariale et indemnitaire formées pour cause de rupture fautive du contrat de travail,

— condamné Mme X aux dépens,

— débouté la société CRM 72 de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 24 octobre 2018, Mme X a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

L’affaire a été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 27 octobre 2020 et l’ordonnance de clôture est intervenue le 7 octobre 2020.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme F X, dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, adressées au greffe le 15 janvier 2019, ici expressément visées, demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

— prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société CRM 72 et subsidiairement, juger le licenciement abusif,

— condamner la société CRM 72 à lui payer les sommes suivantes :

—  4300,08 euros à titre d’indemnité de préavis,

—  430 euros de congés payés sur préavis,

—  34 400,64 euros à titre de dommages et intérêts du fait du prononcé de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur,

— la condamner à lui remettre un certificat de travail et une nouvelle attestation Pôle emploi dans la huitaine de la décision à intervenir, et dire que passé ce délai, une astreinte de 50 euros par jour de retard sera due,

— la condamner également à lui verser une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Au soutien de son appel, Mme X fait valoir en substance que le fait que l’accident de travail ait été déclaré inopposable dans les rapports entre la caisse et l’employeur est indifférent à la procédure de résiliation judiciaire.

Elle ajoute avoir subi des rebuffades, des brimades et des humiliations diverses dans un cadre de travail extrêmement stressant, alors qu’avant l’accident du travail elle ne présentait aucune pathologie. Elle relève que M. Y n’a pas été sanctionné pour l’agression dont elle a été victime, et ne s’est pas davantage excusé auprès d’elle.

Elle explique qu’elle a été dans l’incapacité de travailler le 6 septembre 2011 en raison de son état de santé qui n’avait cessé de se dégrader dans l’intervalle.

Elle estime que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat et rappelle qu’il incombe à celui-ci de rapporter la preuve de la mise en place de dispositifs de prévention suffisants, mais aussi de démontrer que, s’il n’avait pas été en mesure de respecter ses obligations, c’était pour une cause étrangère ou un cas de force majeure, preuve non rapportée en l’espèce.

Enfin, dans l’hypothèse où la cour ne ferait pas droit à sa demande de résiliation aux torts de l’employeur, elle soutient qu’elle a été licenciée pour inaptitude ensuite des faits qu’elle a dénoncés, de sorte que son licenciement doit être considéré comme abusif.

La SAS CRM 72, dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, adressées au greffe le 15 avril 2019, ici expressément visées, demande à la cour de confirmer le jugement et débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, elle sollicite la limitation des sommes réclamées par la salariée aux montants suivants :

—  2 866 euros à titre d’indemnité de préavis et 286 euros de congés payés afférents;

—  8 598 euros de dommages intérêts en application de 1'article L. 1235-3 du code du travail.

Dans tous les cas, elle demande la condamnation de Mme X à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses intérêts, elle fait valoir principalement que c’est au salarié qui invoque un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur, en dehors des situations de discrimination et de harcèlement, d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur, ainsi que l’a rappelé justement le conseil de prud’hommes.

Elle constate cependant, que la salariée ne fournit aucun élément qui permettrait d’établir un manquement de sa part, et a fortiori un manquement suffisamment grave pour entraîner la résiliation

judiciaire de son contrat de travail, demande présentée pour mémoire, plus de deux ans après les faits litigieux et alors qu’une procédure de licenciement était initiée.

Elle relève que l’inaptitude de Mme X ne peut être considérée comme la résultante d’un accident du travail et moins encore d’un comportement de l’employeur, précisant qu’aucun lien n’était établi entre l’état de santé de la salariée et son travail.

De surcroît, elle soutient à l’instar des premiers juges que la matérialité d’un acte de violence physique de la part d’un supérieur hiérarchique sur un autre salarié de l’entreprise n’est pas démontrée. De même, elle constate que Mme X n’invoque ni n’établit aucun fait précis au soutien de ses allégations de 'rebuffades, brimades et humiliations diverses'.

Ainsi pour sa part, elle considère avoir respecté toutes ses obligations y compris s’agissant de la procédure de licenciement et des recherches de reclassement auxquelles elle a procédé en lien avec le médecin du travail et les délégués du personnel dûment consultés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire , il sera constaté, à la lecture des écritures de Mme X devant la cour, que celle-ci ne présente plus de demande de dommages et intérêts pour faute inexcusable de l’employeur, ni ne sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de cette prétention. Ainsi, en l’absence d’appel incident relevé par la société CRM 72, le jugement sera considéré définitif sur ce point.

I- Sur la résiliation judiciaire

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

Un salarié peut demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d’inexécution par l’employeur de ses obligations contractuelles, conformément aux dispositions de l’ancien article 1184 du code civil. Les manquements de l’employeur doivent être d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire et il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire.

En l’espèce, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes du Mans le 12 novembre 2013 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail avant d’être licenciée par courrier du 2 décembre suivant.

Il appartient en conséquence à la cour de se prononcer d’abord sur la demande de résiliation judiciaire et c’est seulement si celle-ci est rejetée qu’il lui incombera de se prononcer sur le bien-fondé du licenciement.

Mme X soutient que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en raison des conséquences sur sa santé de faits de violence commis à son encontre par son supérieur hiérarchique sur le lieu de travail le 30 août 2011, et de 'rebuffades, brimades et humiliations diverses' subies antérieurement et ce, dans un cadre de travail extrêmement stressant.

Elle reproche à l’employeur plus précisément de ne pas avoir organisé de confrontation, ni reconnu par un acte quelconque l’anormalité de la violence dont elle a été victime et du comportement de M. Y.

Enfin, elle dénonce aussi le management mis en oeuvre par la société CRM 72 et l’organisation mise en place qui a été à l’origine de la dégradation de son état de santé.

Elle reprend devant la cour ce motif tiré du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, manquement qu’elle considère suffisamment grave au regard des conséquences ayant altéré son état de santé, pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle.

Aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, dans sa version alors applicable, 'l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

- des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail;

- des actions d’information et de formation ;

- la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.'

Il est certes de principe qu’en application de ces dispositions, l’employeur qui démontre avoir pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et 2 du code du travail, satisfait à son obligation de sécurité. En outre, il appartient également à l’employeur de démontrer que la survenance d’un accident ou incident ayant eu des effets sur la santé du salarié est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité.

Néanmoins, il revient préalablement à Mme X d’établir les faits dont elle prétend avoir été victime.

En premier lieu, force est de constater que Mme X ne justifie aucunement des rebuffades, brimades et humiliations diverses qu’elle indique avoir subies, les rares attestations de collègues versées aux débats n’y faisant pas même allusion.

Les comptes-rendus des 'entretiens annuels de progrès' établis pour les années 2009 puis 2010 et qu’elle verse elle-même aux débats ne relatent aucune plainte de cet ordre alors même qu’ il y est mentionné que la salariée, lors des réunions d’équipe, n’hésitait pas à donner son avis sur les points abordés.

Plus encore, Mme X ne cite aucun fait précis ou exemple de ce qui aurait pu lui arriver, ni n’en précise les auteurs éventuels.

Il en est de même s’agissant du climat 'extrêmement stressant' invoqué par la salariée, laquelle n’en n’a jamais parlé lors de ses entretiens annuels d’évaluation.

Dans ses conclusions, Mme X fait état d’un mail d’un délégué du personnel CFTC qui aurait invoqué 'des dérives constatées sur le plateau 3939- celui de Mme X-, dérives liées à un management qui considère le manque de respect des subalternes comme une méthode'. Toutefois, ce document n’est pas produit et serait à lui seul insuffisant pour faire la démonstration de ce qu’il contient.

En revanche, il est patent que les attestations de collègues versées aux débats par Mme X, en particulier celle de Mme A, membre du CHSCT, ne font état ni des brimades et humiliations alléguées ni même du prétendu climat stressant.

En conséquence, il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir pris les mesures de prévention adéquates ni les mesures propres à remédier à ces faits allégués mais non établis.

Enfin, s’agissant des faits du 30 août 2011dont les conséquences ont été prises en charge par la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 24 mai 2012, les premiers juges ont rappelé à juste titre que, dans sa décision définitive du 15 octobre 2013, la commission de recours amiable de la caisse, avait déclaré le dit accident inopposable à l’employeur au motif suivant : 'la commission estime que les faits relatés tant par Melle X que par son employeur ne caractérisent pas l’existence d’un accident du travail. Le seul fait de refermer une porte devant quelqu’un même brusquement, ne peut être considéré comme un fait justifiant une lésion telle que décrite dans le certificat initial (douleurs thoraciques et céphalées) d’autant qu’il apparaît qu’aucun choc physique n’a eu lieu'.

Ainsi, après avoir relevé d’une part, le défaut d’attestation de témoin direct de la scène et d’autre part, l’absence de heurt physique de Mme X avec la porte lors de sa fermeture, le conseil a, à bon droit, jugé que n’était rapportée aucune preuve de faits de violences tels qu’invoqués par Mme X.

De fait, force est de constater que les attestations de médecins, versées par Mme X, ne font que reprendre les allégations tenues devant eux par la patiente et les témoignages de salariés qu’elle produit ne mettent pas en exergue de contact physique avec la porte qui a été fermée devant elle par son supérieur.

Certes, Mme B, sauveteur secouriste intervenue le 30 août 2011 après la survenance des faits, a pu attester du ressenti de la salariée se manifestant par des 'crise de larmes avec tremblements, mal de tête, sentiment d’humiliation', estimant que si M. Y était venu les voir lors de son intervention en secouriste (SST), il 'n’avait pas fait d’excuses proprement dites'. En outre, Mme A, membre du CHSCT, également présente au moment de l’intervention du SST (dans le local CHSCT), a confirmé l’état de détresse de Mme X, précisant que 'cet état a été enregistré dans le registre d’accident bénin'.

En outre, il est acquis aux débats que si Mme X a travaillé les jours suivants, elle a dû néanmoins être de nouveau prise en charge le 6 septembre 2011 par les services de sécurité, M. C attestant de l’état de stress et de larmes empêchant Mme X de prendre des appels ce jour là.

De surcroît, Mme X produit l’ensemble des certificats médicaux de son médecin spécialiste et l’arrêt rendu par la cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents de travail le 4 octobre 2018 lui attribuant un taux d’incapacité de 20%.

Enfin, le rapport d’expertise du docteur D réalisé le 27 septembre 2014 explique que Mme X présentait 'une poly-symptomatologie très riche, bien décrite par le certificat du docteur E du 20 juillet 2014", médecin spécialiste suivant Mme X, dont il reprenait les conclusions en détaillant les troubles importants dont elle souffrait (obésité morbide, troubles du comportement alimentaire, anxiété morbide avec angoisse, trouble de l’image du corp, stress post traumatique…).

Ce dernier certificat n’est pas versé aux débats, mais il ressort de ceux dressés par ce même médecin les 17 octobre 2011 et 1er octobre 2013 que Mme X souffrait alors 'd’un état réactionnel eu égard au trouble de la personnalité de la patiente', précisant que 'dans le cadre de cette personnalité, sont exprimées des idées de préjudice et de revendication'. Le docteur E, reprenant ces éléments en octobre 2013, relevait que 'les signes et symptômes étaient toujours les mêmes: il s’agit essentiellement d’idées de revendication concernant le préjudice subi dans les suites de l’accident de travail qui serait survenu le 31 août 2011 ; en ce qui concerne la nature et la gravité du préjudice, seul un examen effectué par un spécialiste en victimologie serait à même de répondre avec exactitude à la commission…'

Mais, il ressort de l’ensemble de ces éléments que si la pathologie dont souffre Mme X a été prise en charge par la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels en lien avec les faits survenus le 30 août 2011 reconnus en accident du travail jusqu’à lui voir reconnaître un taux d’invalidité de 20%, ce seul constat ne peut suffire à caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, étant relevé la dégradation importante de l’état de santé de Mme X au regard de l’unique incident survenu tel que relaté dans la déclaration d’accident de travail (une porte fermée).

En effet, il doit être relevé que la survenance de ces seuls faits est étrangère à tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Il a été mentionné que ces faits avaient été consignés dans le seul registre des 'accidents bénins', étant relevé que Mme A, membre du CHSCT, elle-même, n’avait pas estimé davantage nécessaire de prévenir qui de droit au sein de l’entreprise pour traiter l’incident et veiller à ce qu’il ne se reproduise plus.

De fait, même à considérer qu’à la vue de Mme X qui ouvrait la porte en dépit de son interdiction, M. Y ait fermé la porte avec force, aucun contact physique n’a eu lieu et l’employeur ne saurait prévenir ce type de mouvement d’humeur, surtout s’il n’a pas été informé préalablement comme en l’espèce de l’existence de relations tendues entre ces deux collaborateurs.

De la même façon, ainsi que l’ont analysé pertinemment les premiers juges, il ne peut être reproché à la société CRM 72 de ne pas avoir enquêté ni sanctionné M. Y pour ces faits, en l’absence de caractérisation par Mme X des éléments matériels et intentionnels constitutifs de violence commis sur sa personne. Au surplus, il n’est pas établi que la société en ait été avisée avant le 6 septembre 2011, date de l’arrêt de travail de Mme X qui a travaillé 'normalement’ postérieurement aux faits du 31 août 2011.

En tout état de cause, il doit être considéré que la gravité d’un incident ne peut se mesurer à ses seules conséquences sur l’état de santé du salarié fussent elles conséquentes, indépendamment des faits eux mêmes, lesquels ont pu apparaître pour l’employeur un incident banal entre deux collaborateurs de travail à fleur de peau.

En conséquence, c’est par une exacte appréciation des faits de la cause et des éléments de preuve fournis par les parties que les premiers juges ont considéré que n’était pas démontré un manquement par l’employeur à son obligation de sécurité.

Ainsi, en l’absence de nouveaux éléments de preuve, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes indemnitaires subséquentes.

II- Sur le licenciement

Mme X prétend que le manquement de l’employeur qu’elle invoque au soutien de sa demande en résiliation judiciaire, justifie subsidiairement que son licenciement soit déclaré abusif, rappelant que l’inaptitude a été constatée en suite des faits dénoncés le 31 août 2011.

Un licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Toutefois, la cour a confirmé le jugement en ce qu’il avait conclu à l’absence de tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, de sorte que l’inaptitude ne pourra pas être considérée comme étant consécutive à un quelconque manquement de l’employeur.

Par ailleurs, comme l’a relevé à juste titre le conseil de prud’hommes, Mme X n’articule aucun autre moyen, ne contestant ni la matérialité de son inaptitude, ni l’impossibilité de son reclassement.

En conséquence, Mme X sera déboutée de sa demande tendant à voir reconnaître son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires en découlant. Le jugement sera confirmé de ce chef.

III- Sur la remise de documents

Mme X demande à la cour d’ordonner à son employeur de lui remettre une attestation Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés.

La cour la déboutant de l’ensemble de ses prétentions, la présente demande est sans objet et sera rejetée, le jugement étant également confirmé sur ce point.

IV- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement de première instance sont confirmées s’agissant des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme X, partie qui succombe aussi en appel, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel -étant rappelé que celle-ci bénéficie de l’aide juridictionnelle totale-, avec autorisation pour Me J K-L, de faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il est équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu’elles ont pu exposer à l’occasion de ce litige. Elles seront déboutées de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes du Mans le 21 septembre 2018 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leur demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

CONDAMNE Mme F X aux entiers dépens de la procédure d’appel, étant rappelé que celle-ci bénéficie de l’aide juridictionnelle totale, avec autorisation pour Me J K-L, de faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN M-C. I

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