Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 6 février 2020, n° 18/00203

  • Mise à pied·
  • Licenciement·
  • Salariée·
  • Sociétés·
  • Entretien préalable·
  • Préjudice moral·
  • Titre·
  • Employeur·
  • Restaurant·
  • Travail

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Angers, troisième ch., 6 févr. 2020, n° 18/00203
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 18/00203
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Angers, 19 mars 2018, N° F17/00128
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 18/00203 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EJN4.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 20 Mars 2018, enregistrée sous le

n° F 17/00128

ARRÊT DU 06 Février 2020

APPELANTE :

SARL EXPERTISO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Nicolas BEDON de la SCP DELAGE- BEDON-ROUXEL, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Me ROBERT, avocat plaidant au barreau des SABLES D’OLONNE, subtitué par Me GARRAUD

INTIMEE :

Madame A X

[…]

[…]

représentée par Me Patrick BARRET de la SELARL BARRET PATRICK & ASSOCIES, substitué par Me Laurence LESAGE-STRELISKI, avocats au barreau d’ANGERS – N° du dossier 170006

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Décembre 2019 à 9H00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame G-H I, conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Monsieur Yannick BRISQUET

Conseiller : Madame G-H I

Greffier lors des débats : Madame E F

ARRÊT :

prononcé le 06 Février 2020, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame G-H I, conseiller, pour le président empêché, et par Madame E F, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Expertiso a pour activité la réalisation de travaux de menuiseries bois et pvc.

Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 4 septembre 2012, elle a embauché Madame A-D X, en qualité de téléprospectrice, catégorie Etam, niveau A.

Mme X a toutefois démissionné de ses fonctions en juillet 2013, pour des considérations d’ordre personnel.

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, Mme X a été engagée à nouveau par la société Expertiso, à compter du 6 janvier 2014, aux mêmes poste et classification.

Elle a été affectée sur le site de Cholet et sa rémunération brute mensuelle s’est élevée à la somme de 1444, 89 euros sur la base d’un taux horaire de 9,52 euros pour 151,67 heures de travail mensuelles.

Par avenants des 1er mai et 1er juin 2014, ce taux horaire a été porté à la somme de 9,53 euros puis 11,35 euros et Mme X a été promue au poste de responsable téléprospectrice.

Par nouvel avenant du 1er janvier 2015, la salariée s’est vue attribuer la classification Etam, niveau D avec une rémunération brute horaire de 12,6093 euros outre une prime d’assiduité de 300 euros net.

Ledit avenant a également prévu que Mme X exercerait ses fonctions tant sur le site de Cholet que sur celui, nouvellement créé, de Saint Thuriau-Pontivy dans le Morbihan.

Le 1er février 2016, le taux horaire brut de la salariée a été porté, par avenant à son contrat de travail, à la somme de 21,6897 euros.

Le 31 mai 2016, M. C Y, compagnon de Mme X, associé et co-gérant de la société Expertiso, a démissionné de ses fonctions.

Le 30 mai 2016, la salariée avait été placée en arrêt maladie jusqu’au 10 juin suivant.

Du 13 au 20 juin 2016, Mme X a pris des congés payés. Puis elle a de nouveau été arrêtée pour maladie du 20 juin au 29 juillet 2016.

A l’issue de la période de fermeture annuelle de la société Expertiso, Mme X s’est présentée à son poste de travail le 22 août 2016 et une mise à pied à titre conservatoire lui a été notifiée par courrier remis en main propre, que la salariée a refusé de signer.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 septembre 2016, la société Expertiso a convoqué Mme X à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 6 octobre suivant.

Par nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception du 13 octobre 2016, elle lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse, lui reprochant 'un comportement inutilement inadapté à l’égard des téléprospectrices et du service comptable, caractérisé par des réprimandes gratuites et injustifiées, des attaques personnelles et des propos méprisants, qui a abouti à un climat délétère.'

Contestant la mesure de licenciement, la salariée a pris attache avec son assurance de protection juridique, qui a adressé deux missives à la société Expertiso, les 4 et 29 novembre 2016 aux fins de trouver une solution amiable.

Le 9 mars 2017, en l’absence de réponse de l’employeur, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers, pour voir son licenciement jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir le versement par l’employeur d’indemnités de rupture subséquentes outre des dommages et intérêts pour préjudice moral, une somme au titre du remboursement de ses frais de déplacement et une autre au titre de tickets restaurants non délivrés.

Par jugement en date du 20 mars 2018, le conseil de prud’hommes d’Angers a :

— dit que la mise à pied conservatoire du 22 août au 13 octobre 2016 est disciplinaire ;

— dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;

— dit que Mme X a subi un préjudice ;

— condamné la SARL Expertiso à verser à Mme X les sommes suivantes :

*19 738,08 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

*1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

*99,32 euros au titre des déplacements de la salariée à Cholet,

*184 euros au titre des tickets restaurants non délivrés durant la mise à pied,

*1500 euros au titre des frais irrépétibles,

— condamné la société Expertiso à rembourser à pôle emploi les indemnités chômage payées à la salariée du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite d’un mois d’indemnité ;

— débouté l’employeur de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

La société Expertiso a relevé appel de cette décision, par déclaration électronique du 17 avril 2018, acte visant expressément l’ensemble des dispositions du jugement entrepris.

Mme X, intimée, a constitué avocat le 26 avril 2018.

Suivant avis en date du 11 juillet 2019, l’affaire a été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 3 décembre 2019.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 novembre 2019.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL Expertiso dans ses dernières conclusions adressées au greffe le 8 janvier 2019, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

— infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

— statuant à nouveau, dire les demandes de Mme X infondées et l’en débouter,

— à titre subsidiaire, limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 19 738,08 euros, celui du remboursement des frais de déplacement à la somme de 99,32 euros et le remboursement à Pôle Emploi à un mois d’indemnité de chômage,

— en tout état de cause, condamner la salariée aux dépens et à lui verser la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles.

Au soutien de ses intérêts, elle fait valoir en substance que :

Sur le licenciement :

— les faits fautifs retenus au soutien du licenciement ne sont pas prescrits dès lors qu’elle n’en a eu connaissance qu’à l’occasion du retour de la salariée au sein de l’entreprise, à l’issue d’une longue période de congés ;

— elle a pris la mesure de l’ampleur des faits reprochés seulement à l’issue de son enquête diligentée en septembre 2016 ;

— le grief fait à Mme X quant à son comportement inadapté avec ses collègues de travail est établi par les différentes attestations produites ;

— la démission de M. Y a permis aux salariés de faire état de leur ressenti ;

— une enquête menée par le gérant de la société a permis de confirmer la réalité de plaintes alléguées ;

— la majorité des salariés ont exprimé leur volonté de refuser de travailler à nouveau avec Mme X ;

— compte tenu de son obligation de sécurité, elle a dû écarter Mme X le temps d’enquêter et vérifier la véracité des faits dénoncés par ses collègues, de sorte que la mise à pied est justifiée et qu’il ne s’est pas écoulé un délai excessif entre cette mise à pied et le licenciement.

Sur le quantum des indemnités :

— les augmentations successives du salaire de Mme X ont été convenues entre elle et M. Y sans que la société ne soit informée ;

— ces augmentations ne permettent donc nullement d’attester des qualités professionnelles de la salariée ;

— elle a appris lors de l’enquête que les horaires de Mme X avaient été modifiés unilatéralement par la salariée et son compagnon ;

— dans ces conditions, elle ne saurait prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, équivalente à plus de six mois de salaire ;

— Mme X ne démontre nullement avoir subi de préjudice moral, étant relevé que le conseil de prud’hommes a retenu un préjudice financier qualifié à tort de préjudice moral ;

— la simple absence d’information quant aux raisons de la mise à pied ne constitue pas un préjudice moral ;

— le fait que la salariée ait dû patienter vingt minutes avant de se voir notifier sa mise à pied n’est pas une humiliation ;

— Mme X n’a effectué le trajet à Cholet qu’à quatre reprises ;

— le conseil de prud’hommes ne pouvait déduire de la nullité de la mise à pied dont le prononcé n’avait pas été sollicité par Mme X, l’obligation pour l’employeur de lui payer les titres restaurants durant la période de mise à pied.

Mme A-D X, dans ses dernières conclusions adressées au greffe le 11 septembre 2019, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum des indemnités allouées par les premiers juges à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, de dommages et intérêts pour préjudice moral et de remboursement de frais de déplacement, qu’elle souhaite voir fixés par la cour, statuant à nouveau, aux sommes suivantes :

-26 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3289,68 euros en réparation du préjudice moral subi,

—  447,45 euros à titre de remboursement de ses frais de déplacement.

Elle sollicite également la condamnation de la société à lui verser la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

Mme X fait valoir principalement que :

Sur le licenciement

— de son propre aveu, l’employeur, dans la lettre de licenciement, affirme avoir constaté une prétendue dégradation du comportement de la salariée depuis le 1er juin 2014 ;

— les faits sont donc prescrits ;

— la société ne verse aucune pièce permettant de confirmer qu’elle a diligenté une enquête ;

— aucune attestation ne démontre la réalité du grief ; ces attestations de complaisance, toutes libellées de la même manière, ne démontrent pas qu’elle serait objectivement responsable d’une situation de mésentente sanctionnable ;

— l’attestation de Mme Z, imprécise, a été rédigée plus d’un an après le licenciement ;

— la société ne lui a jamais indiqué ce qu’elle lui reprochait, le réel motif de son licenciement résidant dans le fait que l’ex-épouse de M. Y travaillait toujours dans l’entreprise ;

— l’employeur lui a proposé de choisir entre une rupture conventionnelle et un licenciement, ce qui ressort du compte-rendu de l’entretien préalable ;

— il lui a été notifié une mise à pied disciplinaire compte tenu du délai – supérieur à un mois – entre sa notification et la convocation à l’entretien préalable ;

— la seule mention d’une convocation prochaine à un entretien préalable dans la lettre de notification de la mise

à pied ne satisfait pas à l’exigence de concomitance entre mise à pied et convocation à un entretien préalable.

Sur les demandes indemnitaires

— la société a toujours été informée de ses augmentations successives ;

— elle est encore à la recherche d’un emploi dans un contexte économique difficile ;

— son licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires : elle s’est rendue à Cholet au motif d’un besoin ponctuel de ses services pour un mois ce qui était faux puisque la mise à pied lui a été notifiée le jour de sa reprise ; elle a dû patienter avant de recevoir cette mise à pied, sans pouvoir accéder à son bureau ; cette mesure ne lui a été notifiée qu’après son refus de signer une rupture conventionnelle ;

— à compter du 22 août, elle a été injustement privée de ses titres restaurants.

***

MOTIFS DE LA DÉCISION

I-Sur le licenciement

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l’article L. 1235-1 du même code, en cas de litige relatif au licenciement, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute persiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement du 13 octobre 2016, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'Nous vous avons reçu le jeudi 6 octobre 2016 pour l’entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre. Vous étiez accompagnée à cette occasion d’un conseiller représentant la CGT.

Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier.

Ainsi que nous vous l’avons exposé lors de l’entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

Vous avez été embauchée par la société Expertiso SARL le 4 septembre 2012 en qualité de téléprospectrice et vous aviez démissionné de votre poste le 4 juillet 2013.

La société Expertiso SARL vous a repris le 6 janvier 2014 par un contrat à durée indéterminée pour exercer la fonction de téléprospectrice, étam, niveau A.

Le 1er juin 2014, vous êtes devenue responsable téléprospectrice et à cet effet votre salaire de base est passé de 1462,10 euros par mois à 1721,45 euros. Une augmentation vous a été également attribuée à compter du 1er février 2016, votre salaire de base est passé à 3289,68 euros par mois.

Depuis le passage à vos nouvelles fonctions, nous constatons que votre comportement inutilement inadapté à l’égard des téléprospectrices et du service comptable, caractérisé par des réprimandes gratuites et injustifiées, des attaques personnelles et des propos méprisants, a abouti à un climat délétère, rendant impossible le maintien de votre poste au sein de notre entreprise.

Nous considérons que ces faits constituent donc une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Votre préavis d’une durée de 2 mois débutera à la première présentation de la présente lettre.

Nous avons décidé de vous dispenser de l’exécution de votre préavis qui vous sera toutefois payé.'

L’article L. 1332-3 du code du travail autorise l’employeur à recourir à une mise à pied conservatoire lorsque les agissements du salarié la rendent indispensable.

Cette mesure provisoire, qui n’est pas en elle-même une sanction, a pour objet d’écarter le salarié de l’entreprise compte tenu de la gravité des faits, dans l’attente de la décision devant être prise dans la procédure de licenciement.

En l’absence de dispositions légales ou conventionnelles prévoyant un délai précis entre la mise à pied et le licenciement, la mise à pied doit être, pour conserver un caractère conservatoire, immédiatement suivie du déclenchement d’une procédure de licenciement. Le respect de cette obligation par l’employeur s’apprécie au regard des circonstances de l’espèce, et notamment de la nécessité ou non de recueillir des éléments d’informations complémentaires sur les faits reprochés au salarié.

En l’espèce, il est constant que par courrier remis en main propre que la salariée a refusé de signer en date du 22 août 2016, la société Expertiso a notifié à Mme X une mise à pied en ces termes : 'Nous envisageons de prendre à votre encontre une sanction disciplinaire pour laquelle vous allez être convoquée à un entretien préalable.

Compte tenu de la gravité des faits constatés, nous vous notifions par la présente votre mise à pied à titre conservatoire avec effet immédiat dans l’attente de l’issue de la procédure en cours […] '

La convocation à l’entretien préalable, qui marque l’engagement de la procédure de licenciement, n’est intervenue que par une lettre datée du 27 septembre 2016 – soit plus d’un mois après la date de la lettre de mise à pied – libellée en ces termes :'Nous envisageons de procéder à votre licenciement.

Afin d’entendre vos explications sur les faits qui vous sont reprochés, et en application des articles L 1232-2 à L 1232-4 du code du travail, nous vous convoquons à un entretien préalable qui aura lieu le :

Jeudi 6 octobre 2016 à 9 heures 30, au […], […].

Au cours de cet entretien, vous pouvez, si vous le souhaitez, être assistée par un membre du personnel de votre choix ou par une personne choisie sur une liste dressée par le préfet, liste que vous pourrez consulter à la mairie de Cholet, […], […] ou à l’inspection du travail située au […] […]'

La seule mention, dans la lettre de mise à pied précédemment reproduite, de ce qu’une procédure de sanction disciplinaire allait être engagée, ne saurait caractériser, comme le prétend l’employeur, la simultanéité de la mise à pied à titre conservatoire et de la procédure de licenciement.

Or, si la lettre de notification de la mise à pied qualifie expressément celle-ci de conservatoire, elle ne fait pas état cependant de la nécessité de procéder à des investigations complémentaires sur les faits évoqués.

L’employeur affirme avoir eu besoin d’enquêter pendant le délai ayant séparé l’envoi de la mise à pied et la convocation à l’entretien préalable.

Cependant, il indique dans la lettre de licenciement du 13 octobre 2016 que'depuis le passage [de Mme X] à ses nouvelles fonctions', qu’il date dans ce même courrier au 1er juin 2014, il a constaté que son comportement est 'inadapté à l’égard des téléprospectrices et du service comptable, caractérisé par des réprimandes gratuites et injustifiées, des attaques personnelles et des propos méprisants' et qui a abouti à instaurer 'un climat délétère', rendant impossible le maintien de son poste au sein de l’entreprise.

Il aurait donc eu ainsi connaissance – et mieux encore constaté – des agissements à reprocher à la salariée bien avant son retour dans l’entreprise.

Par ailleurs, la société Expertiso mentionne avoir été destinataire de plaintes de certains salariés 'à l’occasion du retour de Mme X', retour qui a été effectif le 22 août 2016, soit à l’issue de la période de fermeture estivale de l’entreprise. Elle avait donc déjà connaissance à cette date des faits allégués au soutien du licenciement, voire de leur confirmation, compte tenu des termes utilisés dans la lettre de licenciement tels que précités.

Au surplus, si la société Expertiso prétend qu’eu égard à la période estivale, l’enquête évoquée n’a pu débuter qu’à compter du mois de septembre 2016, elle ne justifie pas que la totalité du mois de septembre eut été nécessaire à cette fin et ce, alors que la fermeture de l’entreprise pour congés d’été avait pris fin dès le 22 août 2016.

En réalité, elle ne produit aucun élément de nature à étayer son propos ; elle ne démontre pas avoir accompli des démarches ou recueilli des informations durant le délai écoulé entre la notification de la mise à pied et la convocation à l’entretien préalable de licenciement.

Elle ne justifie en conséquence d’aucun motif légitime permettant d’expliquer la raison pour laquelle elle n’a engagé la procédure de licenciement qu’un mois après la remise de la lettre de mise à pied. Il en résulte que la mise à pied présentait un caractère disciplinaire en dépit de sa qualification de mise à pied conservatoire pour une durée indéterminée.

Enfin, la société Expertiso ne prétend pas que Mme X aurait commis de nouveaux faits répréhensibles postérieurement à la notification de cette mise à pied ni que le licenciement serait fondé sur d’autres éléments.

En vertu de la règle selon laquelle un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits, la société Expertiso ne pouvait sanctionner une nouvelle fois Mme X en prononçant son licenciement.

Pour ces motifs, le licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la mise à pied conservatoire devait être qualifiée de mise à pied disciplinaire et jugé le licenciement de Mme X comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

II – Sur les conséquences financières de la rupture

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme X, de son âge (27 ans), de son ancienneté (2 ans, 9 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l’article L.1235-3 du code du travail, la somme de 19 738,08 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, justement fixée par les premiers juges dont la décision sera confirmée de ce chef.

- Sur les tickets restaurants afférents à la période de mise à pied

Dès lors que le licenciement dont Mme X a été l’objet a été reconnu dépourvu de cause réelle et sérieuse, il convient de considérer que la salariée a été injustement privée de tickets restaurants sur la période de mise à pied, postérieure au 22 août 2016.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Expertiso à verser à la salariée la somme non contestée dans son quantum de 184 euros au titre des tickets restaurants non délivrés durant la mise à pied.

Sur les frais de déplacement

C’est par une exacte appréciation des faits de la cause et des éléments de preuve fournis par les parties que les premiers juges ont considéré qu’au regard principalement de l’avenant au contrat de travail de Mme X signé le 1er février 2016, la société Expertiso était redevable envers Mme X de la somme de 99,32 euros au titre des frais de déplacement exposés pour se rendre à Cholet les 22 août et 6 octobre 2016.

En l’absence de nouveaux éléments de preuve versés en appel, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Expertiso à verser à Mme X la somme de 99,32 euros au titre du remboursement de ses déplacements à Cholet.

- Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

Mme X demande réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi du fait

de la procédure de licenciement entreprise à son encontre dans des conditions qu’elle estime vexatoires.

Certes, l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail, n’est pas exclusive du droit, pour le salarié, de solliciter des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire lorsqu’il apparaît que son employeur a entouré le licenciement d’un comportement brutal, injurieux ou propre à porter atteinte à sa dignité.

Toutefois, une telle preuve n’est pas rapportée, en l’espèce, à l’encontre de la société Expertiso qui n’a ni dénigré, ni injurié son salarié, ni fait preuve à son égard d’une particulière brutalité, ni entouré la rupture d’aucune circonstance vexatoire, cela ne pouvant être déduit du seul fait que la salariée a dû patienter une vingtaine de minutes avant de recevoir cette mise à pied, sans pouvoir accéder à son bureau.

Mme X sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et le jugement entrepris infirmé en ce qu’il a condamné la société Expertiso à verser à cette dernière la somme de 1000 euros à ce titre.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage

Les conditions de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, étant réunies, le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné le remboursement par la société Expertiso à Pôle emploi des indemnités de chômage effectivement versées à Mme X par suite de son licenciement et ce, dans la limite d’un mois d’indemnité.

III – Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement de première instance sont confirmées s’agissant des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Expertiso, partie qui succombe principalement, est condamnée au paiement des dépens de la

procédure d’appel.

Elle est également condamnée à verser à Mme X la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles exposés en appel.

La demande présentée par l’employeur sur ce même fondement doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe de la cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 20 mars 2018 sauf en ce qu’il a condamné la SARL Expertiso à verser à Mme A-D X la somme de 1000 euros au titre du préjudice moral ;

Statuant à nouveau de ce seul chef infirmé,

Rejette la demande présentée par Mme A-D X à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Y ajoutant,

Déboute la SARL Expertiso de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne la SARL Expertiso à payer à Mme A-D X la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Condamne la SARL Expertiso aux entiers dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,

E F G-H I

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 6 février 2020, n° 18/00203