Cour d'appel de Basse-Terre, 26 octobre 2020, 17/016271

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Basse-Terre, 01, 26 oct. 2020, n° 17/01627
Juridiction : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro(s) : 17/016271
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, 6 septembre 2017, N° 15/000684
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042509998
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRET No 400 DU 26 OCTOBRE 2020

No RG 17/01627 – CF/EK

No Portalis DBV7-V-B7B-C4TL

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine du tribunal de grande instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 07 septembre 2017, enregistrée sous le no 15/000684

APPELANT :

Monsieur L… D…

[…]

[…]

Représenté par Me Francis CORDOLIANI, (TOQUE 120) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉS :

Monsieur T… A…

[…]

[…]

Monsieur J… A…

[…]

[…]

Madame S… A…

[…]

[…]

Représentés tous par Me Sandra DIVIALLE-GELAS, (TOQUE 56) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

SCP […]

société civile professionnelle titulaire d’un office notarial représentée par Me FS… UK…, notaire suppléant

[…]

[…]

Représentée par Me Myriam WIN BOMPARD, (TOQUE 114) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

Madame Y… HK… HY… épouse

X…

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Francis CORDOLIANI, (TOQUE 120) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 07 septembre 2020.

Par avis du 07 septembre 2020, le président a informé les parties que l’affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :

Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,

Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,

Madame Christine DEFOY, conseillère

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 26 octobre 2020.

GREFFIER

Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Les époux B… UJ… A…, décédé le […] commune de Les Abymes, et ZP… NV… KW…, décédée à Petit-Bourg le […] ont laissé pour leur succéder, leurs treize enfants : M… UJ…, IX… J…, E… P…, T… P…, YU…, NB… NY…, RJ… N…, C… HG…, I… N…, H… F…, U… BW…, Q… OG…, S… RQ…. ZP… NV… KW… a également laissé pour lui succéder sa fille WK… RH… KW…. Il dépendait de ces successions un terrain situé […] (Guadeloupe), anciennement cadastré numéro […] lequel sera par la suite divisé et numérotés […] , […] , […] , […] , […] , […], […] , […] , […] , […] , […] , […] , […] , […].

Le 3 mai 2011, un acte portant mention des noms de IX… J… A…, T… P… A…, S… RQ… A…, en qualité de promettants et celui de L… D… en qualité de bénéficiaire était établi, lequel portait engagement unilatéral de vendre à L… D… , si bon lui semble, dans un délai de 6 mois, les terrains cadastrés […] , […] et […] […] (Guadeloupe) dépendant de la succession A… KW… moyennant le prix de 285 815 euros à concurrence de 33 000 euros payable comptant à compter de la signature de la vente et le surplus payable à terme au fur et à mesure de la vente des lots que l’acquéreur compte réaliser, ce sous conditions suspensives auxquelles seul le bénéficiaire pourrait renoncer notamment que soit établie une origine de propriété régulière, que soit régularisés la succession de B… A…, le partage des biens entre ses héritiers et attribués aux vendeurs la parcelle […] à S… A…, […] à M. IX… A… et […] à M. T… A….

Le 26 septembre 2011, L… D… a transmis au notaire CW… un chèque d’un montant de 33 000 euros établi par Y… X…, en indiquant que ce chèque "représente les frais de succession des héritiers A… de […]« d’une part et que d’autre part, il »est à encaisser après signature des vendeurs/acheteur« , l’étude notariale ayant à la suite délivré le 9 novembre 2011 un reçu à Y… X… au titre de »la liquidation de la succession A…".

Le 27 décembre 2011, Maître MQ… CW…, notaire de la société civile professionnelle "[…]" a reçu l’acte de liquidation et partage de ces successions par les 14 héritiers A… KW… , avec attribution des parcelles numérotées […] à Mme S… RQ… A…, […] à M. IX… J… A…, […] à M. T… P… A….

Dans une lettre datée du 29 janvier 2012 adressée à « MR/MME A… I… », L… D… indiquant avoir « payé et versé au notaire: Maître CW… MQ… les frais de succession partage des consorts heritiers A…, révendiquait le remboursement des dépenses et frais payés par »Chaque A… devenu Propriétaire des parcelles du terrain cadastré […] ", revendication réitérée par courrier des 30 mars 2012, 13 avril 2012 et 7 mai 2012 envoyée au même destinataire.

Le 9 mai 2012, L… D… a sollicité du notaire CW…, après constat de la nullité de la promesse de vente du "terrain Heritiers A… de […], « l’annulation du paiement des frais de succession A… de TRENTE TROIS MILLE EUROS./.33.000,00 euros » au motif que la "MAIRIE de […] a récupéré le Terrain en bloquant le LOTISSEMENT D…".

Selon attestation datée du 11 mai 2012, Me CW… a attesté avoir reçu le 27 décembre 2011 les actes de transmission immobilière après décès des successions A… KW… et de partage des biens immobiliers ayant appartenu au de cujus, les frais d’établissement de ces actes évalués à la somme de 33 000 euros ayant "été versés en sa comptabilité le 14 décembre 2011, par Madame X… Y…, suivant chèque […] tiré sur la BANQUE POSTALE".

Par acte délivré par huissier le 8 juin 2012, L… D… a sommé I… A… et T… A… de lui payer la somme totale de 55 300 euros représentant « les frais relatifs à la succession, aux travaux et démarches pour lotir et aménager le terrain ».

Par lettre adressée à L… D… le 18 juin 2012, S… RQ… A…, M. IX… J… A… et M. T… P… A… ont notifié à celui-ci la caducité de la promesse unilatérale de vente du 3 mai 2011, tout en contestant « avoir signé tous les trois ce document ».

Suivant acte d’huissier en date des 12 et 13 mars 2015, L… D… a assigné IX… J… A…, T… P… A…, S… RQ… A… et le notaire MQ… CW… devant le tribunal de grande instance de Pointe à Pitre, pour voir déclarer parfaite la vente des terrains cadastrées […],[…] et […] […] (Guadeloupe) , objet de la promesse unilatérale de vente signée entre les parties le 3 mai 2011 à hauteur d’une somme de 33 000 euros, ordonner la réalisation forcée de cette vente et payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 7 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Pointe à Pitre a :

— prononcé la nullité de la promesse unilatérale de vente datée du 3 mai 2011,

— déclaré irrecevable la demande de remboursement de la somme de 33 000 euros formée par M. L… D… à l’encontre de M. J… A…, M. T… A…, Mme S… A… et Me MQ… CW…,

— condamné M. L… D… à payer à M. J… A…, M. T… A…, Mme S… A… ensemble la somme de 2 000 euros et à payer à Me MQ… CW… la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. L… D… aux dépens qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le 22 novembre 2017, L… D… a interjeté appel de cette décision.

Le 19 février 2018, Y… HK… HY… épouse X… est intervenue volontairement à l’instance.

Le 18 mai 2018, J… A…, T… A…, S… A… ont formé appel incident.

Par ordonnance en date du 15 octobre 2018, le conseiller de la mise en état s’est déclaré non saisi de l’inscription de faux de J… A…, T… A…, S… A… et renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience de la cour du 4 février 2019, l’ordonnance de clôture devant intervenir le 21 janvier 2019.

Dans son arrêt en date du 29 avril 2019, la cour de céans a révoqué l’ordonnance de clôture, ordonné la réouverture des débats et renvoyé l’affaire à la mie en état.

L’ordonnance de clôture, qui est intervenue le 26 novembre 2019 a fixé le dépôt des dossiers des avocats à la cour le 16 décembre 2019, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré jusqu’au 17 février 2019 pour son prononcé par mise à disposition au greffe.

Par arrêt en date du 17 février 2020, la cour de céans a :

— ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture en date du 26 novembre 2019,

— invité L… D… à régulariser, au contradictoire des autres parties, ses dernières écritures en adjoignant la page manquante,

— réservé les demandes des parties,

— renvoyé l’affaire à la mise en état,

— réservé les dépens.

Le ministère public s’en est rapporté à l’appréciation de la cour.

L’ordonnance de clôture, qui est intervenue le 29 juin 2020 a fixé, en application de l’alinéa 3 de l’article 779 du code de procédure civile, le dépôt des dossiers des avocats à la cour le 7 septembre 2020, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré jusqu’au 26 octobre 2020, pour son prononcé par mise à disposition au greffe.

PRETENTIONS ET MOYENS

— L’APPELANT ET L’INTERVENANTE VOLONTAIRE:

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 31 mars 2020 aux termes desquelles L… D…, appelant et Y… HY… épouse X…, intervenante volontaire, demandent à la cour de :

— recevoir en la forme l’appel et le dire bien fondé,

— infirmer par voie de conséquence le dispositif portant sur la responsabilité du notaire et sur le remboursement de la somme de 33 000 euros,

— dire à cette fin, que Me MQ… CW… a bien participé à la rédaction de la promesse de vente du 3 mai 2011,

— dire qu’en tout état de cause et en tant que destinataire d’un exemplaire de cette promesse, elle a indiscutablement manqué à son devoir d’information et de conseil envers M. L… D… en n’enregistrant pas la dite promesse de vente,

— dire que par suite, Me MQ… CW… qui a reçu de L… D… un chèque de 33 000 euros émis par son amie Y… X… pour la levée de son option dans le cadre de la promesse de vente précitée, a failli surabondamment en ne l’informant pas qu’elle n’affecterait pas ses fonds à la levée d’option et à la rédaction de l’acte authentique de vente qu’il sollicitait, mais a affecté son versement au paiement de la succession et du partage des consorts A…, opération dans laquelle L… D… n’était pas partie,

— dire alors que Me MQ… CW… sachant pertinemment qu’elle n’accomplirait pas la passation de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente, l’endossement du chèque versé par L… D…, tiré sur le compte de Y… X… est caractéristique ici du délit de concussion énoncé à l’article 423-10 du code pénal,

— dire aussi que Me MQ… CW… a méconnu les dispositions de l’article 1341 du code civil, en ne passant pas un acte authentique ou sous signatures privées dont elle avait l’obligation, la somme de 33 000 euros reçue par elle, dont la valeur était supérieure à 1 500 euros suivant un décret du 5 juillet 1980,

— condamner en conséquence Me MQ… CW… pour ce fait à payer à L… D… la somme de 66 000 euros pour le préjudice subi, à titre de dommages et intérêts,

— dire en tout état de cause, que par ses agissements et manoeuvres manifestement trompeurs et déloyaux de la part d’un officier public ministériel, Me MQ… CW… a engagé sa responsabilité en se prêtant à une escroquerie envers L… D… ou en la personne de Y… X…, visant, notamment à leur préjudice, à la remise d’un chèque de 33 000 euros que ceux-ci destinaient en réalité à la levée de son option sur la promesse de vente du 3 mai 2011,

— condamner Me MQ… CW… en réparation du préjudice subi pour manquement à ses diligences et obligations de conseil et complicité d’escroquerie à payer à L… D… la somme de 50 000 euros pour le préjudice ainsi subi, à titre de dommages et intérêts,

— dire que les consorts A… qui ont perçu indûment les fonds versés par Y… X…, agissant au nom et pour le compte de L… D… au notaire, ont bénéficié à cette occasion d’un enrichissement injustifié estimé à la somme perçue de 33 000 euros, qui a été la cause de l’appauvrissement de ces derniers,

— condamner en conséquence les consorts A… in solidum à restituer à L… D… la somme de 33 000 euros qui leur a été indûment verser par le notaire, assortie de tous intérêts de droit à compter de la remise des fonds, avec capitalisation,

— subsidiairement, condamner les consorts A… in solidum à restituer à Y… X… la somme de 33 000 euros qu’elle a émis pour le compte de L… D…, somme qui leur a été indûment versée par le notaire, assortie de tous intérêts de droit à compter de la remise des fonds, avec capitalisation,

— condamner ensuite les consorts A… in solidum à payer à L… D… à titre de dommages et intérêts pour l’escroquerie et complicité d’escroquerie, refus de signer l’acte de vente, la somme de 50 000 euros, en raison des préjudices subis par le demandeur du fait de ces manoeuvres trompeuses et autres agissements perpétrés sous la responsabilité du notaire,

— condamner enfin Me MQ… CW… et les consorts A… in solidum à payer à M. L… D… la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Me MQ… CW… et les consorts A… aux entiers dépens,

— LES INTIMES:

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 18 mai 2018 par lesquelles la société […] SCP sollicite de voir :

— constater que la promesse de vente unilatérale sous seings privés dont se prévaut M. D… dans la présente instance est, soit nulle et de nul effet pour n’avoir pas été enregistrée dans les 10 jours de sa date, soit pour être inexistante car arguée de faux par les hoirs A… vendeurs des terrains objet de ladite promesse,

— juger au vu de 1'ensemble des motifs sus visés que la responsabilité de l’étude notariale […] n’est pas engagée à l’occasion de ladite promesse unilatérale de vente sous seings prives arguée de faux entre M. L… D… et les hoirs A… à laquelle la SCP […] n’a pas concouru,

— confirmer par suite le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pointe à Pitre le 7 septembre 2017 en ce qu’il a débouté M D… de toutes ses fins demandes

et conclusions notamment à l’égard de la SCP concluante,

— et y ajoutant, statuer ce que de droit sur l’intervention volontaire en cause d’appe1 de Mme X… en la déboutant de sa demande de restitution de fonds à hauteur de 33000 euros par l’étude notariale concluante sauf subsidiairement à la cour de céans à ordonner la restitution des fonds par l’étude notariale mais avec l’accord des hoirs A… bénéficiaires de l’opération,

— et en outre statuant sur l’appel incident formée par la SCP concluante,

— condamner L… D… à payer à la SCP concluante la somme de 10 000 euros à titre de légitimes dommages intérêts pour atteinte à son image et sa réputation par des imputations diffamatoires à son encontre,

— condamner en outre L… D… à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner enfin L… D… aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, ceux d’appel distraits au profit de Me WIN BOMPARD avocat postulant sur sa due affirmation de droit en application de l’article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 12 mars 2020 en vertu desquelles M. J… A…, M. T… A…, Mme S… A… demandent à la cour de :

* à titre principal,

— dire irrecevables les conclusions récapitulatives en réponse no1 datées du 19 février 2020 de L… D…,

— les dires recevables et bien fondés en leurs demandes d’inscription de faux,

— déclarer la promesse unilatérale de vente litigieuse fausse ou falsifiée,

— inscrire la promesse unilatérale de vente litigieuse en faux,

— ordonner la mention du jugement à intervenir en marge de la promesse unilatérale de vente reconnue faux,

— rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de M. L… D…,

* à titre subsidiaire,

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance le 7 septembre 2017 en ce qu’il a :

. prononcé la nullité de la promesse unilatérale de vente datée du 3 mai 2011,

. rejeté la demande de remboursement de la somme de 33 000 euros formée par M. L… D… à leur égard et à celle de Me MQ… CW…,

— rejeter la demande de remboursement de la somme de la somme de 33 000 euros formulée par Y… X…,

* sur l’appel incident,

— infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance le 7 septembre 2017 en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamner M. L… D… à leur verser les sommes suivantes:

. 5 000 euros chacun, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

. 6 000 euros chacun pour procédure abusive,

.5 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de L… D…,

— condamner L… D… aux dépens qui seront recouvrés par Me Sandra DIVIALLE-GELAS selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des conclusions notifiées le 18 février 2020

Attendu que selon l’article 961 du code de procédure civile, les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats; qu’elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article précédent n’ont pas été fournies, soit si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; que cependant cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu’au jour du prononcé de la clôture ou, en l’absence de mise en état, jusqu’à l’ouverture des débats ;

Que les conclusions notifiées et remises au greffe par L… D… le 18 février 2020 – et non le 18 février 2020 comme indiqué par les consorts A… ne mentionnent pas les prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; que toutefois, par de nouvelles écritures remises au greffe et notifiées le 31 mars 2020 – lesquelles quant à elle ne donnent lieu à aucune critique de forme -, ces omissions ont été réparées avant le prononcé de l’ordonnance de clôture du 29 juin 2020, les dites conclusions ayant été ainsi régularisée ;

Que dès lors, la fin de non recevoir soulevée par les consorts A… sur le fondement de l’article 961 du code de procédure civile sera écartée ;

Que par ailleurs, ces derniers soutiennent également que dans ces mêmes écritures, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures n’ont pas été présentées de manière formellement distincte, ainsi que l’exige l’alinéa 2 de l’article 954 du code de procédure civile ; que pour autant ils ne mettent en exergue aucun moyen nouveau par rapport aux moyens soulevés dans des procédures antérieures, ce alors que ces dernières dispositions ne sont pas prescrites à peine d’irrecevabilité ; que ce second moyen sera également rejeté;

Sur la nullité de la promesse de vente

Attendu que l’article 1589 du code civil dispose : « La promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties, sur la chose et sur le prix. Si cette promesse s’applique à des terrains déjà lotis ou à lotir, son acceptation et la convention qui en résultera s’établiront par le payement d’un acompte sur le prix, quel que soit le nom donné à cet acompte, et par la prise de possession du terrain. La date de la convention, même régularisée ultérieurement, sera celle du versement du premier acompte. »;

Que la promesse unilatérale est un contrat qui fait naître un droit d’option au profit du bénéficiaire;

Que tel est le cas en l’espèce, au regard de ses termes de l’acte du 3 mai 2011, par lequel L… D… s’engageait unilatéralement « si bon lui semble, dans un délai de 6 mois, » les terrains cadastrés […] , […] et […] […] (Guadeloupe) ;

Que dès lors il s’agissait d’une promesse unilatérale de vente, à laquelle n’avait pas été conféré l’authenticité puisqu’elle était dépourvue de la signature d’un notaire et ne comportait pas mention de son intervention à l’acte ; que ce faisant, l’article 1840 A du Code général des impôts doit recevoir application, lequel frappe de nullité absolue la promesse unilatérale de vente qui n’a pas été enregistrée dans les dix jours de l’acceptation ou qui n’a pas été constatée par un acte authentique, ce qui n’est pas avéré en l’espèce ;

Qu’après avoir interjeté appel de ce chef, L… D… ne critique plus, au demeurant, dans ses dernières écritures le caractère d’acte sous seing privé de l’acte qu’il a signé le 3 mai 2011, sa qualité de promesse unilatérale de vente, l’irrespect des dispositions précitées et par suite la nullité absolue de cet acte ;

Que dès lors, sans examen à ce stade des demandes distinctes de dommages et intérêts afférentes à cet acte, la disposition du jugement relative au prononcé de la nullité de la promesse unilatérale de vente datée du 3 mai 2011 peut être d’ores et déjà confirmée ;

Sur le faux

Attendu que selon l’article 287 du code de procédure civile, applicable à l’incident de vérification d’un acte sous seing privé, si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte ;

Que la nullité de la promesse de vente rend sans objet l’incident de vérification de l’acte sous seing privé du 3 mai 2011 ;

Sur les demandes principales

— sur les demandes de dommages et intérêts

Attendu qu’en premier lieu L… D… sollicite à l’encontre de MQ… CW… des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 66 000 euros en faisant valoir :

— qu’elle a bien participé à la rédaction de la promesse de vente du 3 mai 2011,

— qu’en tant que destinataire d’un exemplaire de cette promesse, elle a manqué à son devoir d’information et de conseil en n’enregistrant pas la dite promesse de vente,

— qu’ayant reçu de sa part un chèque de 33 000 euros émis par son amie Y… X… pour la levée de son option dans le cadre de la promesse de vente précitée, elle a failli en ne l’informant pas qu’elle n’affecterait pas ses fonds à la levée d’option et à la rédaction de l’acte authentique de vente qu’il sollicitait, mais a affecté son versement au paiement de la succession et du partage des consorts A…, opération dans laquelle il n’était pas partie,

— que sachant pertinemment qu’elle n’accomplirait pas la passation de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente, l’endossement du chèque versé par L… D…, tiré sur le compte de Y… X… est caractéristique du délit de concussion énoncé à l’article 423-10 du code pénal,

— qu’elle a méconnu les dispositions de l’article 1341 du code civil, en ne passant pas un acte authentique ou sous signatures privées;

Qu’en second lieu et en tout état de cause, il revendique à son encontre l’octroi d’une somme de 50 000 euros pour manquement à ses diligences et obligations de conseil et complicité d’escroquerie à payer à L… D… la somme de 50 000 euros pour le préjudice ainsi subi, à titre de dommages et intérêts.

Qu’en dernier lieu, il demande que les consorts A… soient condamnés in solidum à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’escroquerie et complicité d’escroquerie, refus de signer l’acte de vente, en raison des manoeuvres trompeuses et autres agissements perpétrés sous la responsabilité du notaire ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que dans le cadre des opérations de liquidation et partage des successions B… A… et ZP… KW…, des pourparlers ont été engagés entre IX… J… A…, T… P… A…, S… RQ… A… d’une part et d’autre part L… D…, ce dernier désireux de faire l’acquisition d’une partie de la parcelle située […] (Guadeloupe), anciennement cadastré numéro […] afin d’y réaliser un lotissement ; que le 3 mai 2011, un acte portant mention des noms de IX… J… A…, T… P… A…, S… RQ… A…, en qualité de promettants et celui de L… D… en qualité de bénéficiaire a été établi, lequel valait uniquement promesse unilatérale de vente ;

Que toutefois, ainsi qu’il a été précédemment relevé cet acte, dont seules la signature de S… A… et L… D… sont reconnus – celles de IX… J… A… et T… P… A… étant déniées par ces derniers – ne comporte aucune mention de l’intervention du notaire MQ… CW…, même si celle-ci était en charge de procéder aux formalités de la succession A… KW… par l’ensemble des héritiers; que quand bien même ce document présente toutes les mentions habituelles d’une promesse unilatérale de vente et fait référence in fine à la conservation de l’acte en l’office notarial de la SCP […] , il ne comporte ni l’ entête de l’étude, ni mention de l’intervention du notaire, ni sa signature ; que ce notaire dénie en outre formellement être l’auteur de cet acte, lequel ne peut être démenti par les seules déclarations de S… A… lors de son audition à la gendarmerie indiquant « avoir signé devant le notaire » alors qu’elle atteste également L… D… ne lui aurait « remis aucune exemplaire de la promesse de vente », ce qui contredit encore l’intervention du notaire à ce titre ; que si dans la discussion de ses écritures, L… D… indique réitérer devant la cour sa demande de communication du répertoire tenu par l’office notarial pour le mois de mai 2011 et suivants ainsi que des factures adressées par les parties, il ne reprend pas cette revendication dans le dispositif de ses écritures, sur laquelle la cour ne peut ainsi statuer en application de l’alinéa 3 de l’article 954 du code de procédure civile ;

Que dès lors qu’il n’est pas établi ni son intervention à l’acte, ni celle de la date de la communication de cet acte par L… D… ou l’un des héritiers A… KW… , avant la transmission du chèque émis par Y… HY… le 26 septembre 2011, L… D… est mal fondé à invoquer un manquement du notaire à son devoir d’information et de conseil en n’enregistrant pas la dite promesse de vente ; qu’il est également mal fondé à soutenir que MQ… CW… se serait autorisée à affecter le chèque émise par Y… HY… X… aux frais des actes de partage et liquidation de la succession des consorts A… au lieu de l’affecter à la levée d’option et à la rédaction de l’acte authentique de vente et aurait omis de l’en informer ; qu’en effet, il ressort de la lettre rédigée le 26 septembre par L… D… portant transmission du chèque de 33 000 euros émis par Y… HY… X… le 26 septembre 2011, que ce chèque selon ses propres termes "représente les frais de succession des héritiers A… de […]" ; que c’est donc, sans autre information lui incombant que l’étude notariale a conformément à cette stipulation délivré le 9 novembre 2011 un reçu à Y… X… au titre de « la liquidation de la succession A… »; qu’en outre, L… D…, dans une lettre du 29 janvier 2012 en précisant avoir « payé et versé au notaire: Maître CW… MQ… les frais de succession partage des consorts heritiers A… » et en revendiquant le remboursement des dépenses et frais payés par "Chaque A… devenu Propriétaire des parcelles du terrain cadastré […] ", confirmait encore la destination donnée cette somme; que tel était encore le cas dans une lettre du 13 avril 2012 où il précisait que "concernant le paiement de votre succession d’héritage avec signature de tous les 14 Héritiers chez le Notaire CW… Pour permettre le déblocage de votre terrain […] (…) Monsieur L… D… A PAYE TOUS LES FRAIS de succession" ; qu’il s’évince de ces termes clairs, précis, et réitérés, que l’affectation de cette somme de 33 000 euros ne représentait aucunement la levée de l’option pour la réalisation de la promesse unilatérale de vente et que L… D… a entendu acquitter les frais de succession de l’ensemble des héritiers A…;

Que par suite, en l’état de l’ensemble de ces éléments, aucun fait constitutif d’une manoeuvre frauduleuse de la part des intimés de nature à caractériser des faits d’escroquerie, ni une quelconque complicité du notaire, concussion de la part de ce dernier ou manquement à des obligations de notaire n’est établi; que les prétentions à titre indemnitaire de L… D… seront rejetées, ainsi que l’avait déjà statué le premier juge ;

— sur la restitution ou le remboursement de la somme de 30 000 euros

Attendu qu’au regard des termes des lettres ci-dessus énoncées, c’est volontairement que L… D… a versé la somme de 33 000 euros au titre des frais de liquidation et partage des successions A… KW… et non de la promesse unilatérale de vente qu’il avait quant à lui signé ; que dès lors, l’anéantissement de la dite promesse ne peut opérer restitution de cette somme par IX… A…, T… A…, S… A… ou MQ… CW… ;

Que sur le fondement de l’enrichissement sans cause, cette action nécessite pour son succès la réunion de cinq conditions : un enrichissement, un appauvrissement et une corrélation entre les deux. un lien de corrélation entre cet enrichissement et cet appauvrissement, l’absence de cause juridique du transfert de valeur d’un patrimoine à l’autre et enfin l’absence d’une autre action à la disposition de ce dernier pour la protection de ses droits ;

Qu’en l’espèce, le transfert de fonds était justifié par le projet immobilier de L… D… après division et partage de la parcelle cadastré numéro […] […] (Guadeloupe), et à cet égard, dans ce cadre, celui-ci dispose d’une action à l’égard des 14 héritiers de la succession A… KW… ; que dès lors, la demande de remboursement de cette somme, tant de L… D… que de Y… HY… X… sera rejetée ;

Sur les demandes reconventionnelles

Attendu que les consorts A… soutiennent qu’en falsifiant un acte et des signatures, en reconnaissant la nullité de la promesse, en chargeant des huissiers de l’exécuter, puis en les assignant quatre ans après en exécution de cet acte nul, et en leur adressant des courriers virulents et menaçants, L… D… a tout mis en oeuvre pour les déstabiliser et effrayer ce qui leur a causé un préjudice ;

Attendu qu’ainsi que l’avait déjà apprécié le premier juge, à supposer les falsifications de signatures établis, la preuve n’en est pas rapportée que L… D… en soit l’auteur, les seules références jurisprudentielles dans ses écritures ne pouvant l’établir ; qu’il est incontestable d’autre part que des pourparlers pour l’acquisition de terrain était en cours, un des héritiers S… A… reconnaissant s’être engagée dans le cadre juridique qu’une promesse unilatérale de vente ; que compte tenu de la non concrétisation de cette vente, les démarches en exécution forcée ou en récupération de ses fonds engagées par L… D…, qui s’inscrivent dans un cadre judiciaire, ne peuvent être considérée comme fautives ; qu’en outre, une action en justice constitue de principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à dommages et intérêts, qu’en cas de faute dûment établie dans son exercice ; que l’insuccès de l’action de l’appelant ne caractérise en tant que tel aucune volonté de nuisance ou faute ; que les consorts A… seront déboutés de leur demande indemnitaire tant en indemnisation d’un préjudice moral que fondée sur le caractère abusif de la procédure ;

Attendu qu’il en sera de même de la prétention indemnitaire de MQ… CW… qui serait fondée sur le préjudice subi du fait de l’atteinte à la réputation de l’étude notariale, la mauvaise appréciation que L… D… s’est fait de ses droits n’établissant, en dépit du seul vocabulaire utilisé par ce dernier, une telle atteinte ;

Attendu que dès lors, sur ces points, la décision de première instance sera également confirmée ;

Sur les mesures accessoires

Attendu qu’en application de l’article 696 du code de procédure civile, L… D…, qui succombe, sera condamné aux dépens de l’instance d’appel ;

Qu’en cause d’appel, l’équité commande de le condamner à payer aux consorts A… d’une part et à MQ… CW… d’autre part une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que les dispositions de première instance seront sur ces points confirmées ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

Ecarte les fins de non recevoir des conclusions remises au greffe et notifiées par le 18 février 2020 par L… D… et Y… HY…,

Confirme le jugement déféré du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre en date du 7 septembre 2017 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne en cause d’appel L… D… à payer IX… J… A…, T… P… A…, S… RQ… A… une somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne en cause d’appel L… D… à payer MQ… CW… une somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne L… D… aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par Sandra DIVIALLE GELAS et Myriam WIN BOMPARD, avocats du barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy pour ceux dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision ;

Et ont signé le présent arrêt.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Basse-Terre, 26 octobre 2020, 17/016271