Cour d'appel de Besançon, 5 décembre 2012, n° 08/01756

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Besançon, 5 déc. 2012, n° 08/01756
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 08/01756
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Montbéliard, 1er février 2006, N° 03/00965

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

XXX

COUR D’APPEL DE BESANÇON

— XXX

ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2012

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

XXX

Contradictoire

Audience publique

du 07 Novembre 2012

N° de rôle : 08/01756

S/appel d’une décision

du Tribunal de Grande Instance de MONTBELIARD

en date du 02 février 2006 [RG N° 03/00965]

Code affaire : 63A

Demande en réparation des dommages causés par l’activité médicale ou para-médicale

AE X C/ MUTUELLES DU MANS ASSURANCES, CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MONTBELIARD, J A, H E épouse A, C.R.A.M AI AJ-COMTE, L AB épouse Z

Mots clés :

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur AE X, gynécologue-obstétricien,

domicilié en cette qualité XXX – XXX

APPELANT

Représenté par la SCP DUMONT – PAUTHIER (avocats au barreau de BESANCON) et Me AM FABRE (avocat au barreau de PARIS)

ET :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MONTBELIARD

dont le siège est sis XXX

INTIMÉE

Représentée par la SCP LEROUX (avocats au barreau de BESANCON) et Me Marcel BONNOT (avocat au barreau de MONTBELIARD)

Monsieur J A

et

Madame H E épouse A, agissant tant à titre personnel qu’ès qualités d’administrateur légal de la personne et des biens de leur fille Y, née le XXX à D

née en 1954 à XXX

XXX

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2009/005231 du 18/12/2009 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BESANCON)

INTIMÉS

Représentés par la SCP LEROUX (avocats au barreau de BESANCON) et la

SCP BOUVERESSE – VERNEREY (avocats au barreau de MONTBELIARD)

C.R.A.M AI AJ-COMTE, prise en sa qualité de gestionnaire de la Clinique Lucine

dont le siège est sis XXX

MUTUELLES DU MANS ASSURANCES

dont le siège est sis XXX

INTIMÉES

Représentée par Me AG CUINAT (avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE) et Me Benjamin LEVY (avocat au barreau de BESANCON)

Madame L AB épouse Z

XXX – XXX

INTIMÉE

Représentée par Me Jean-Michel ECONOMOU et Me Jean-Paul LORACH (avocats au barreau de BESANCON)

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Monsieur B. POLLET, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l’accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.

Lors du délibéré :

Monsieur B. POLLET, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, a rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Madame F G et Monsieur J. O, Conseillers.

GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier

L’affaire, plaidée à l’audience du 07 novembre 2012 a été mise en délibéré au 05 décembre 2012. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 19 février 1996, H A, née E, alors âgée de XXX, a donné naissance à son neuvième enfant, Y A.

H A, née E, avait été introduite vers 16 heures 10 en salle d’accouchement, à la Clinique LUCINE à D, sous la surveillance de L Z, née AB, sage-femme, qui avait constaté à 17 heures une procidence du cordon ombilical et appelé le docteur AE X, gynécologue obstétricien, lequel avait pratiqué une césarienne en urgence.

L’enfant, né à XXX, présentait une encéphalopathie anoxique imputable à la procidence du cordon et à l’origine de très graves séquelles cérébrales.

Par acte d’huissier des 14 et 16 août 2001, les parents de l’enfant ont assigné en référé le docteur AE X ainsi que l’organisme gestionnaire de la Clinique LUCINE, la CRAM de AI AJ-AK, afin que soit ordonnée une expertise judiciaire.

Le docteur AL-AM AN-AO, gynécologue-obstétricien, désignée par ordonnance de référé du 24 octobre 2001, a établi son rapport le 16 juin 2002.

Par jugement du 2 février 2006, le tribunal de grande instance de Montbéliard a débouté le docteur AE X de sa demande d’annulation de l’expertise judiciaire, ordonné un complément d’expertise confié au même expert, avec exécution provisoire de ce chef, afin d’apprécier la responsabilité éventuelle du praticien et la perte de chance de l’enfant, déclaré le rapport d’expertise du 16 juin 2002 inopposable à L Z, née AB, à la CRAM de AI AJ-AK en qualité de gestionnaire de la Clinique LUCINE, ainsi qu’aux Mutuelles du Mans, assureur de cette dernière, et a débouté en conséquence le docteur AE X de ses appels en garantie.

Le docteur AL-AM AN-AO a établi un rapport d’expertise complémentaire le 6 octobre 2006.

*

Le docteur AE X a interjeté appel du jugement du 2 février 2006 pour solliciter à titre principal, en produisant un rapport d’expertise privée établi par le professeur T U, sa mise hors de cause au motif qu’il n’a commis aucune faute.

*

Par arrêt avant dire droit du 2 juin 2010 auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions antérieures des parties, la Cour d’appel de Besançon a ordonné une contre-expertise confiée aux docteurs AC AD (ultérieurement remplacée par le docteur AG B) et R C et a sursis à statuer dans l’attente du rapport sur tous les autres chefs de demande.

Les deux experts ont remis leur rapport le 11 avril 2011.

*

Le docteur AE X maintient que la première expertise doit être annulée, qu’il n’a commis aucune faute, et, à titre subsidiaire, considère devoir être garanti par le gestionnaire de la clinique et l’assureur de celui-ci, en faisant valoir n’être pas responsable du défaut d’organisation et du manque de personnel suffisant pour assurer la sécurité des patientes. À titre encore plus subsidiaire, il soutient, à supposer qu’une faute ait été commise, qu’il n’existe aucun lien de causalité avec une quelconque perte de chance, laquelle n’est que la conséquence de la procidence du cordon. Enfin, à titre infiniment plus subsidiaire, il affirme que le taux de perte de chance susceptible d’être imputé aux différentes parties ne saurait être supérieur à 10 % du montant des indemnités réclamées par H A, née E, tant à titre personnel que pour le compte de sa fille, dont il sollicite par ailleurs la réduction dans des proportions significatives.

*

Demandant à la Cour d’évoquer la question des responsabilités et celle de l’indemnisation du préjudice, H A, née E, tant en son nom personnel qu’en qualité d’administratrice légale de sa fille, conclut à la condamnation in solidum du docteur AE X, de L Z, née AB, de la CRAM de AI AJ-AK ainsi qu’à celle des Mutuelles du Mans, dans les limites de la police souscrite, à payer :

1 – à elle-même,

— au titre de son préjudice moral, la somme de 50'000 €,

— au titre de son préjudice de logement et d’adaptation de véhicule, la somme de 184 940 €,

2 – à Y A,

— au titre des préjudices patrimoniaux soumis au recours des tiers payeurs, la somme de 1'963'664 € sous réserve des droits de la Caisse primaire d’assurance maladie de Montbéliard arrêtés provisoirement au 7 août 2008 à la somme de 436'166,27 €,

— au titre de ses préjudices personnels la somme de 810 000 €,

3 – ainsi qu’une indemnité de 20'000 € au titre des frais irrépétibles.

Elle estime que le docteur AE X a commis une faute en n’anticipant pas le risque de procidence du cordon alors qu’elle était âgée de XXX et qu’il s’agissait de son neuvième accouchement.

Elle considère également que L Z, née AB, aurait dû prévenir plus tôt le docteur AE X et que la Clinique LUCINE, en laissant une sage-femme seule dans le service d’accouchement, est responsable d’un défaut d’organisation à l’origine de la perte de chance pour l’enfant d’échapper à l’invalidité.

*

Pour sa part, L Z, née AB, conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il l’a mise hors de cause.

Elle rappelle que les experts B et C ont relevé qu’elle avait eu une attitude parfaitement adaptée à la situation compte tenu de ses conditions de travail.

*

La CRAM de AI AJ-AK ainsi que les Mutuelles du Mans Assurances concluent à la nullité de l’assignation devant le juge des référés ayant désigné le docteur AL-AM AN-AO ainsi qu’à l’inopposabilité de la totalité des opérations d’expertise. En cas d’évocation, elles entendent voir déclarer irrecevables les demandes formées à leur encontre. À titre subsidiaire, elles considèrent que L Z, née AB, n’a commis aucune faute et qu’il n’existe aucun lien de causalité entre l’éventuelle insuffisance de personnel de la clinique ou un défaut d’organisation et l’état d’invalidité de Y A. Elles sollicitent enfin la condamnation du docteur AE X à leur payer une indemnité de 2 000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Enfin, la Caisse primaire d’assurance maladie de Montbéliard, dans l’hypothèse où la Cour retiendrait la responsabilité du docteur AE X, conclut à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 436'466,27 € au titre des indemnités relatives aux dépenses de santé actuelles, outre la somme de 752'560,38 € au titre des dépenses de santé futures selon décompte définitif arrêté le 7 août 2008, ainsi qu’un montant de 955 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue à l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une indemnité de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle sollicite que la Clinique LUCINE soit déclarée responsable, en raison d’un défaut d’organisation et d’un manque de personnel suffisant pour assurer la sécurité des patientes, des dommages subis, et qu’elle soit condamnée solidairement avec la CRAM de AI AJ-AK à lui payer les mêmes sommes.

*

Pour l’exposé complet des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère :

— aux dernières conclusions de l’appelant déposées le 9 octobre 2012,

— à celles de H A, née E, déposées le XXX,

— à celles de L Z, née AB déposées le XXX,

— à celles de la CRAM de AI AJ-AK et des Mutuelles du Mans Assurances déposées le XXX,

— et à celles de la Caisse primaire d’assurance maladie de Montbéliard déposées le 26 octobre 2012.

L’ordonnance de clôture est intervenue le XXX.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur les demandes formées contre le Docteur X

A – Sur la validité de l’expertise du docteur AL-AM AN-AO :

À hauteur d’appel, il n’est plus sérieusement allégué par le docteur AE X que le premier expert n’aurait pas respecté le principe du contradictoire.

C’est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande d’annulation des opérations d’expertise du docteur AL-AM AN-AO.

De même, L Z, née AB, la CRAM de AI AJ-AK et l’assureur de celle-ci n’ayant pas été convoquées à ces opérations, c’est à bon droit que le jugement déféré les leur a déclarées inopposables.

B – Sur la responsabilité du docteur AE X :

Au regard de l’ancienneté du litige, la Cour estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive et d’évoquer les points non jugés, en application de l’article 568 du nouveau code de procédure civile.

Il n’est pas contesté sur le plan médical que H A, née E, après une grossesse normale et un travail rapide sans particularité, a présenté, à dilatation complète, à 17 heures 05, une procidence du cordon et de la main du bébé lors de la rupture spontanée de la poche des eaux, provoquant une encéphalopathie anoxique.

Il ressort du rapport d’expertise des docteurs AG B et R C, qui apparaît à la Cour d’autant plus convaincant qu’il rejoint d’une part la position d’un autre avis médical, celui du professeur T U, et qu’il émane d’autre part d’un collège de deux experts reconnus dans leur domaine de compétence, que cet accident était impossible à prévoir et à prévenir et que seule une extraction par césarienne, qui a été en l’espèce réalisée dans les meilleurs délais, permettait d’en réduire au mieux les conséquences.

Il convient donc de juger que le docteur AE X n’a commis aucune faute et de débouter H A, née E, des demandes d’indemnisation formulées à son encontre.

II – Sur les demandes nouvelles formées à hauteur de Cour par H A, née E, et par la CPAM de Montbéliard à l’encontre de la CRAM de AI AJ-AK en qualité de gestionnaire de la Clinique LUCINE, de l’assureur de celle-ci, les Mutuelles du Mans Assurances et à l’encontre de L Z, née AB :

) Sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la CRAM et son assureur:

Dans la mesure où à aucun moment dans ses conclusions de première instance, H A, née E n’a demandé une quelconque condamnation directe à l’encontre de la CRAM de AI AJ-AK et des Mutuelles du Mans Assurances, elle ne peut donc le faire pour la première fois à hauteur de Cour, et ce, en application des articles 563 à 567 du code de procédure civile.

Il convient ainsi de déclarer irrecevables les demandes formulées par H A, née E à ce titre.

Il en est de même des demandes formées à titre subsidiaire par la CPAM de Montbéliard contre la CRAM et son assureur.

) Sur la responsabilité de L Z, née AB :

L Z, née AB, ne soulève pas l’irrecevabilité des demandes formées contre elle en cause d’appel.

Il ressort du rapport d’expertise des médecins AG B et R C que L Z, née AB a eu un comportement adapté à une situation d’extrême urgence en réduisant le temps d’extraction de l’enfant à une durée d’une vingtaine de minutes sans qu’il puisse lui être en outre reproché une erreur de manipulation ou un quelconque autre manquement’ dès lors que la présentation était très haute et devenait difficilement refoulable.

Il convient donc également de juger que la sage-femme n’a commis aucune faute et de rejeter les demandes d’indemnisation dirigée contre elle.

III – Sur les appels en garantie :

Aucune faute n’ayant été établie à l’encontre du docteur AE X, il convient de constater que les appels en garantie dirigés par ce dernier contre la CRAM de AI AJ-AK, en qualité de gestionnaire de la Clinique LUCINE, et de l’assureur de celle-ci, les Mutuelles du Mans Assurances, sont sans objet.

IV – Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

H A, née E ayant succombé, elle devra supporter les entiers dépens de première instance et d’appel, y compris le coût de la procédure de référé, sans pouvoir prétendre à une indemnisation au titre de ses frais irrépétibles.

Toutefois, l’équité ne commande pas, eu égard aux circonstances de l’affaire, de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice des autres parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique, et après en avoir délibéré,

Vu l’arrêt avant dire droit rendu par la Cour le 2 juin 2010,

CONFIRME le jugement rendu le 2 février 2006 par le tribunal de grande instance de Montbéliard en ce qu’il a :

— rejeté la demande d’annulation de l’expertise du docteur AL-AM AN-AO formée par le docteur AE X,

— déclaré ce rapport d’expertise inopposable à L Z, née AB, à la CRAM de AI AJ-AK et à l’assureur de celle-ci, les Mutuelles du Mans Assurances ;

Evoquant sur la question des responsabilités du docteur AE X et de L Z, née AB,

REJETTE les demandes d’indemnisation formées à l’encontre du docteur AE X par H A, née E, tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice légale de sa fille Y A, et par la CPAM de Montbéliard ;

REJETTE les demandes d’indemnisation formées à l’encontre de L Z, née AB, par H A, née E, tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice légale de sa fille Y A;

Sur les demandes nouvelles formées par H A, née E, et par la CPAM de Montbéliard à l’encontre de la CRAM de AI AJ-AK, es qualité de gestionnaire de la Clinique LUCINE, et de l’assureur de celle-ci, les Mutuelles du Mans Assurances :

DÉCLARE irrecevables les demandes dirigées à l’encontre de la CRAM de AI AJ-AK et des Mutuelles du Mans Assurances par H A, née E, et par la CPAM de Montbéliard ;

Réformant le jugement déféré sur le surplus :

CONSTATE que les appels en garantie du docteur AE X à l’encontre de la CRAM de AI AJ-AK en qualité de gestionnaire de la Clinique LUCINE, et de l’assureur de celle-ci, les Mutuelles du Mans Assurances, sont sans objet ;

DIT n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à la charge de H A, née E les entiers dépens d’appel et de première instance, y compris ceux de référé et d’expertise, avec droit pour la SCP DUMONT PAUTHIER, pour Me ECONOMOU, pour Me LEVY, avocats, de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été signé par Bernard POLLET, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Dominique BOROWSKI, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,

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Cour d'appel de Besançon, 5 décembre 2012, n° 08/01756