Cour d'appel de Besançon, 1re chambre, 7 février 2023, n° 21/01321

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Besançon, 1re ch., 7 févr. 2023, n° 21/01321
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 21/01321
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal d'instance de Lure, 24 juin 2021, N° 112100047
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 13 février 2023
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

DR/FA

COUR D’APPEL DE BESANÇON

—  172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 07 FEVRIER 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 06 décembre 2022

N° de rôle : N° RG 21/01321 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EM2Y

S/appel d’une décision du TRIBUNAL DE PROXIMITE DE LURE en date du 25 juin 2021 [RG N° 112100047]

Code affaire : 61B Demande en réparation des dommages causés par un produit ou une prestation de services défectueux

S.A.R.L. POMPES FUNÈBRES THIERRY [D] C/ [G] [T]

PARTIES EN CAUSE :

S.A.R.L. POMPES FUNÈBRES THIERRY [D], représentée par son représentant légal domicilié audit siège, immatriculée au RCS de Vesoul sous le numéro 442 627 360

Sise [Adresse 2]

Représentée par Me Xavier CLAUDE de la SCP CLAUDE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

APPELANTE

ET :

Monsieur [G] [T]

né le 02 Mai 1986 à [Localité 4], de nationalité française, sans profession, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Julien GLAIVE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

INTIMÉ

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Dominique RUBEY, vice-président placé ;

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre,

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Dominique RUBEY, magistrat rédacteur.

L’affaire, plaidée à l’audience du 06 décembre 2022 a été mise en délibéré au 07 février 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

Par exploit d’huissier en date du 15 février 2021, faisant valoir qu’en suite de l’inhumation de sa mère, le caveau familial avait été incorrectement scellé, M. [G] [T] a assigné la SARL Pompes Funèbres Thierry [D] (société [D]) devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lure, aux fins de la voir condamner à lui payer, à titre principal, la somme de 7 500 euros en indemnisation de l’ensemble de ses préjudices, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant notamment le coût du procès-verbal de constat d’huissier dressé le 20 mars 2018 et à lui verser la somme de 1 200 euros, au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance du 3 mars 2021, l’affaire a été renvoyée devant le Tribunal de proximité de Lure.

Par jugement du 25 juin 2021 le tribunal de proximité de Lure, a :

— déclaré M. [G] [T] recevable en son action à l’encontre de la société [D] ;

— condamné la société [D] à payer à M. [G] [T] les sommes suivantes :

—  2 023 euros au titre de son préjudice matériel ;

—  4 000 euros au titre de son préjudice moral ;

— condamné la société [D] à payer à M. [G] [T] la somme de 1 000 euros au titre

des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

— rejeté toute autre demande.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que':

— sur l’intérêt à agir, M. [G] [T], par la production de son acte de naissance, justifiait des liens de parenté et de filiation avec les décédés et occupants du caveau familial, et avoir procédé au règlement de la facture relative aux obsèques de sa mère décédée. Dès lors, M. [G] [T], en sa qualité d’ayant droit de ses parents défunts, justifiait d’un intérêt légitime à agir';

— sur la responsabilité contractuelle de la société [D], les travaux de cimetière impliquaient notamment l’ouverture et la fermeture du caveau dans lequel reposait le cercueil de son père, afin de déposer l’urne cinéraire comportant les cendres de sa mère. Le caveau n’avait cependant pas été refermé dans les règles de 1'art, une plaque de ciment étant restée non scellée et entourée d’une simple bande adhésive, dce dont il résultait que la société [D] avait commis une faute engageant sa responsabilité civile professionnelle';

— sur le préjudice matériel, il y avait lieu d’écarter les frais liés à l’évacuation, la fourniture et la mise en place d’un nouveau caveau. Par ailleurs, M. [G] [T] avait subi un préjudice moral important pour avoir été contraint de procéder à l’exhumation de ses parents';

— sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée, la société [D] ne démontrait pas le caractère abusif de l’action en justice, initiée par M. [G] [T].

Par déclaration parvenue au greffe le 16 juillet 2021, la société [D] a interjeté appel du jugement en déférant à la cour l’ensemble de ses dispositions, et, selon ses dernières conclusions transmises le 29 août 2022, elle conclut à son infirmation en toutes ses dispositions, et demande à la cour, statuant à nouveau de :

— dire et juger les demandes de M. [G] [T], irrecevables, infondées, et en tous les cas, injustifiées,

— l’en débouter intégralement,

— condamner M. [G] [T] à payer à la société [D] 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et le condamner à lui régler 3'500'euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [G] [T] a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 8 juillet 2022 pour demander à la cour de confirmer le jugement concernant les chefs susvisés et, y ajoutant, de':

— condamner la société [D] à payer à M. [G] [T] la somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société [D] à supporter les entiers dépens d’appel et de première instance qui comprendront le coût du procès-verbal de constat dressé le 20 mars 2018 par Maître [P] [M], Huissier de Justice à la résidence de [Localité 3].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2022 et l’affaire, appelée à l’audience du 6 décembre 2022 suivant, a été mise en délibéré au 7 février 2023.

Pour l’exposé complet des moyens tant de l’appelant que de l’intimé, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

En application de l’article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

— Sur l’irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité à agir,

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La société [D] fait valoir que':

— le titulaire de la concession ne dispose pas d’un droit de propriété au sens classique du terme, dès lors que l’acte de concession se limite à l’usage auquel la concession est affectée, soit les inhumations et les manifestations à l’égard de la mémoire des défunts.

— le titulaire de la concession a le droit de jouir de manière paisible du terrain qui lui a été concédé, de gérer la concession funéraire et d’en disposer.

— M. [G] [T] ne justifie pas de droits sur la concession funéraire litigieuse puisqu’il ne produit pas l’acte de concession qui pourrait lui donner capacité à agir, et qu’il n’a aucun lien contractuel avec la société [D].

En réponse, M. [G] [T] expose que':

— il est fils et héritier de la défunte, et a en tout état de cause acquitté la facture de la société [D], de sorte qu’il justifie de la matérialité du lien contractuel avec la société [D].

— à l’égard de ses droits sur la concession funéraire, le lendemain du décès de son père, soit le 17 mars 2017, M. le Maire de [Localité 5] a dressé un arrêté pour accorder à feue [V] [T], née [W], une concession pour une durée de 15 ans dans le cimetière communal. De sorte qu’elle était donc, sans contestation possible, titulaire de la concession dans laquelle son mari a été inhumé, et dans laquelle elle a, elle-même été inhumée. De même, la concession appartient aux héritiers, après le décès de son titulaire.

En l’espèce, le 17 mars 2017 est édité, par la mairie de la commune de [Localité 5], une concession de terrain dans le cimetière communal et ce, pour une durée de 15 ans à compter de cette date, soit jusqu’au 17 mars 2032, pour une somme totale de 112 euros. Cette somme est dûment acquittée par feue [V] [T], née [W], ainsi qu’en atteste la déclaration de recette émanant des finances publiques en date du 6 avril 2022. Le lendemain du décès de cette dernière, soit le 18 décembre 2017, la société [D] établi une facture acquittée le 13 février 2018 par M. [G] [T] en tant que fils et héritier. Dès lors, M. [G] [T] justifie tant des droits sur la concession funéraire litigieuse que du lien contractuel avec la société [D].

En conséquence, il y aura lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré M. [G] [T] recevable en son action à l’encontre de la société [D].

— Sur la responsabilité de la société [D] et les demandes de dommages et intérêts,

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Aux termes de l’article 6 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder.

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

La société [D] fait valoir qu’il appartient, à M. [G] [T], et à lui seul, de justifier précisément des griefs qu’il soulève ainsi qu’en précisant le ou les fondements. Un caveau n’est jamais étanche et ne devrait de toute façon jamais l’être. Pour réduire normalement un corps dans le temps, le caveau doit opérer des échanges gazeux avec l’environnement. Il doit être rappeler que la fonction d’un caveau est d’assurer la protection du cercueil contre le risque d’écrasement par la terre et non d’empêcher la présence d’eau aux fins de conserver le corps du défunt au sec. La présence d’humidité dans la cavité, ne signifie donc aucunement que les travaux entrepris par la société [D] ne sont pas conformes aux règles de l’art.

En réponse, M. [G] [T] expose que':

— la société [D] a manifestement commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ce qu’elle n’a pas scellé la plaque de ciment du caveau après l’inhumation de feue [V] [T], née [W], se contentant de poser une bande adhésive, non étanche, aux lieu et place.

— cette faute a pour conséquence le pourrissement accéléré du cercueil dans lequel repose le père de M. [G] [T] et de l’urne cinéraire dans laquelle reposent les cendres de sa mère. La société [D] n’a pas respecté les règles d’ouverture et de fermeture d’un caveau en ciment au vu de la plaque de ciment brisée et non scellée, outre une humidité importante dans le caveau, les règles de l’art concernant la fermeture d’un caveau étant particulièrement strictes.

— la société [D] reconnaît elle-même sa responsabilité en sollicitant un devis auprès d’une société concurrente pour un remplacement de caveau.

— outre son préjudice matériel, le préjudice moral de M. [G] [T] découle de la nécessaire exhumation de ses parents, inhérente aux travaux de reprise et se trouve accentué par la résistance abusive de la société [D], refusant d’assumer sa responsabilité.

En l’espèce, les constatations opérées par la police municipale de [Localité 5] en date du 19 mars 2018, accompagnées de planches photographiques, attestent que l’une des trois plaques de ciment, brisée par endroit, est non scellée et entourée d’une bande adhésive.

Selon le procès-verbal de constat de Maître [P] [M], huissier de justice, en date du 25 mars 2018, réalisé en présence de M. [G] [T], ainsi que du représentant et de salariés de la société [D], le caveau ne dispose ni de stèle, ni de pierre tombale et est recouvert d’une bâche plastifiée sur laquelle sont déposées des pots de fleurs et des plaques funéraires. Après retrait de la bâche, la semelle et la dalle extérieure du caveau sont apparentes. La dalle extérieure est elle-même composée de trois plaques en béton, dont celle aux pieds de la croix en bois n’est pas scellée. Il n’y a pas de joint autour de cette plaque. Le cercueil en bois est humide, blanchi et noirci par les infiltrations. Le fond du caveau est également humide.

Par une attestation du 31 mai 2018, la société de Pompes Funèbres Marbrerie Jeanmougin, en sa qualité de professionnelle du secteur, indique que, lors des opérations de fermeture d’un caveau, il est utilisé une mousse polyuréthane, du sable dans les rainures, lui-même recouvert d’un ciment lissé et qu’il est procédé à le remise en place des tampons de fermeture, à la pose de bandes goudronnées aux jointures qui sont ensuite chauffées au chalumeau, et que, dans l’hypothèse où les tampons de fermeture sont cassés, il est procédé à leur remplacement aux fins d’éviter toute infiltration d’eau.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l’appelante, les règles de l’art imposent indubitablement un scellement du caveau, ce que confirme le fait que, sur la sépulture de la famille [T], seul le caveau litigieux n’était pas scellé, à la différence des deux autres. La société [D] est au demeurant d’autant moins fondée à soutenir l’absence de nécessité d’un scellement qu’elle a elle-même procédé à cette opération en présence de l’huissier de justice après que celui-ci ait constaté le désordre.

La pose d’une simple bande adhésive non étanche ne pouvant à l’évidence tenir lieu de scellement, la société [D], faute d’avoir procédé à celui-ci, a engagé sa responsabilité contractuelle envers M. [T].

Concernant le préjudice matériel, il y a lieu d’écarter les frais liés à l’évacuation, la fourniture et la mise en place d’un nouveau caveau, qui ne sont pas nécessaires à la reprise des désordres, soit un résiduel de 2 023 euros au vu du devis produit. M. [G] [T] étant contraint de procéder à l’exhumation de ses parents, son préjudice moral apparaît justement évalué à hauteur de 4 000 euros.

En conséquence, le jugement sera confirmé de ces chefs.

— Sur la procédure abusive,

Dès lors qu’il a été fait droit à la demande de M. [T], l’instance qu’il a engagée ne saurait présenter de caractère abusif.

En conséquence, le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 juin 2021 par le tribunal de proximité de Lure.

Y ajoutant,

Condamne la SARL Pompes Funèbres Thierry [D] aux dépens d’appel.

Et, vu l’article 700 du code de procédure civile, la déboute de sa demande et':

— condamne la SARL Pompes Funèbres Thierry [D] à payer 1'500'euros à M. [G] [T].

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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