Cour d'appel de Bordeaux, 10 avril 2013, n° 12/00124

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 10 avr. 2013, n° 12/00124
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 12/00124
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 6 décembre 2011, N° 10/06087

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 10 avril 2013

(Rédacteur : Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,)

N° de rôle : 12/124

Monsieur G A

c/

Monsieur D Y

XXX

CARPIMKO -Caisse de Prévoyance et de Retraite

SAS PREVIFRANCE

CPAM de la GIRONDE – Caisse Primaire d’Assurance Maladie -

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 décembre 2011 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 10/06087) suivant déclaration d’appel du 09 janvier 2012,

APPELANT :

Monsieur G A, né le XXX à XXX, demeurant XXX

représenté par la SCP CASTEJA CLERMONTEL ET JAUBERT, avocats postulants, et assisté de Maître Pierre-marie PIGEANNE substituant Maître Marie-hélène LAPALUS-DIGNAC, avocats plaidants, au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉS :

1°) Monsieur D Y, né le XXX à XXX, demeurant XXX – XXX,

assisté de Maître Laurence DOUMAS, avocat au barreau de BORDEAUX,

2°) XXX prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social sis XXX – 33200 BORDEAUX,

représentée par la SCP LE BARAZER ET d’AMIENS, avocats postulants, et assistée de Maître BERLAND de la SELARL RACINE, avocat plaidant, au barreau de BORDEAUX,

3°) CARPIMKO – Caisse de Prévoyance et de Retraite – prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, demeurant XXX – XXX

assistée de Maître PUYBARAUD-PARADIVIN de la SCP PUYBARAUD-PARADIVIN, avocat au barreau de BORDEAUX,

4°) SAS PREVIFRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège XXX,

assignée à personne, n’ayant pas constitué avocat,

INTERVENANTE :

C.P.A.M. de la GIRONDE – Caisse Primaire d’Assurance Maladie – prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Place de l’Europe – XXX,

assignée à personne, n’ayant pas constitué avocat,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 février 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,

Monsieur Bernard ORS, Conseiller,

Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE

M. G A a subi le 28 février 2005 une résection endoscopique d’une tumeur de vessie évoluée. Cette intervention a été pratiquée par le Docteur D Y au sein de la Clinique Chirurgicale Bel Air.

Il a été ré-hospitalisé en urgence le 30 mars 2005 pour hématurie. Après des lavages et décaillotages, le 4 avril 2005, le Docteur Y a réalisé une nouvelle résection endoscopique de vessie sous anesthésie générale.

Après refus des traitements, M. G A a quitté la Clinique contre avis médical le 9 avril 2005 et ce malgré l’existence d’une hyperthermie. Il a signé dès le 8 avril 2005 un avis de sortie contre-avis médical. Le Docteur Y lui a remis une ordonnance avec une prescription de Dafalgan et Noroxine outre le compte-rendu opératoire et le résultat des analyses histologiques.

Après sa sortie, M. A qui n’avait pas de médecin traitant est demeuré à son domicile où son état de santé s’est aggravé. Le 23 avril 2005, il a consulté un médecin qui lui a prescrit une échographie abdominale, des examens sanguins et un traitement homéopathique.

Il a finalement été hospitalisé le 9 mai 2005 à la Clinique Mutualiste de Pessac dans un état de septicémie grave. Une hémoculture et une uroculture ont permis l’isolement d’une souche de Streptocoque du groupe B sans résistance particulière aux antibiotiques. Des signes en faveur d’une greffe bactérienne pluri viscérale ont ensuite orienté les investigations et les traitements vers l’épaule droite, l’endocarde et le foie. Le traitement de ces complications a nécessité plusieurs hospitalisations achevées en décembre 2005 ainsi qu’une auto-rééducation avec reprise d’activité professionnelle le 4 septembre 2006, M. A étant kinésithérapeute.

Se plaignant de la mauvaise prise en charge de son infection, Monsieur A a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux l’organisation d’une expertise médicale. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance 19 mars 2007 désignant en qualité d’expert le Docteur F.

L’expert a établi son rapport le 12 janvier 2010.

Par actes d’huissier en date des 7 et 8 juin 2010, M. G A a assigné devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux, le Centre d’urologie Bel Air, le Docteur D Y et la société Carpimko aux fins d’obtenir l’indemnisation du préjudice résultant, de l’infection nosocomiale contractée à la clinique et du suivi post-opératoire par le Docteur Y qu’il estime non conforme aux règles de l’art.

Par jugement en date du 7 décembre 2011 le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— Déclaré la Clinique Chirurgicale Bel Air responsable des conséquences de l’infection nosocomiale dont a été victime M. A à la suite de l’intervention du 4 avril 2005 et des conséquences dommageables de l’aggravation de celle-ci à hauteur d’une perte de chance de 10%,

— Déclaré le Docteur Y responsable à hauteur d’une perte de chance de 10 % des conséquences dommageables de l’aggravation de l’infection nosocomiale dont a été victime M. A à la suite de l’intervention du 4 avril 2005, ce, in solidum avec la Clinique Chirurgicale Bel Air,

— Condamné la Clinique Chirurgicale Bel Air à verser à Monsieur G A une indemnité de 2.114 € en réparation du préjudice corporel hors poste de Dépenses de Santé Actuelles au titre de l’infection nosocomiale non aggravée,

— Sursis à statuer sur le préjudice causé par l’infection non aggravée au titre poste de Dépenses de Santé Actuelles jusqu’à mise en cause par M. G A de l’organisme ayant servi les prestations en nature (sauf justification de l’intention de l’organisme de ne pas intervenir) et production aux débats du décompte de la créance de l’organisme pour l’infection hors aggravation,

— Condamné in solidum la Clinique Chirurgicale Bel Air et le Docteur D Y à verser à M. G A une indemnité de 19.995,92 € en réparation du préjudice corporel de perte de chance hors poste de Dépenses de Santé Actuelles au titre de l’aggravation de l’infection nosocomiale,

— Débouté la Carpimko de sa demande de remboursement d’une somme de 21.286,95 € représentant le montant d’indemnités journalières et d’une rente temporaire d’invalidité,

— Sursis à statuer sur le préjudice causé par l’aggravation de l’infection au titre poste de Dépenses de Santé Actuelles et Dépenses de Santé Futures jusqu’à mise en cause par M. G A de l’organisme servant les prestations en nature (sauf justification de l’intention de l’organisme de ne pas intervenir) et production aux débats du décompte de la créance de l’organisme pour l’aggravation de l’infection,

— Débouté la Clinique Chirurgicale Bel Air des fins de son recours à l’encontre du Docteur D Y pour les condamnations au titre de l’infection non aggravée,

— Condamné le Docteur D Y à relever intégralement la Clinique Chirurgicale Bel Air de la condamnation qui précède à une somme de 19.995,92€ au titre de l’aggravation de l’infection,

— Sursis à statuer sur toutes autres demandes jusqu’à réouverture des débats,

— Réservé les dépens,

— Ordonné l’exécution provisoire à hauteur de moitié du montant des condamnations,

— Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état continue du 28 février 2012.

Par déclaration en date du 9 janvier 2012 Monsieur G A a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions signifiées et déposées le 7 février 2013 il demande à la cour de :

— Réformer le jugement dont appel, et statuant à nouveau :

— Constater le caractère nosocomial de l’infection qu’il a contractée au Centre urologique Bel Air,

— Constater que son suivi post-opératoire par le Docteur Y n’a pas été conforme aux règles de l’art,

— Dire et juger en conséquence que le Centre urologique et le docteur Y sont solidairement responsables de son préjudice

— Dire et juger que :

' le Centre Urologique ne rapporte pas la preuve d’une cause étrangère

' aucune faute ne peut lui être imputée

' n’y avoir lieu à appliquer la notion de perte de chance en l’absence de privation d’une éventualité favorable

' il est ainsi en droit de prétendre à l’indemnisation intégrale des préjudices imputables décrits par l’expert

— Condamner in solidum le Centre urologique Bel Air et le Docteur Y à lui payer les sommes suivantes :

* Frais divers ……………………………………………………………….. : 15.555,00 €

* tierce personne temporaire ……………………………………………. : 15.555,00 €

* perte de gains professionnels actuels ……………………………… : 49.766,91 €

* perte de gains professionnels futurs ……………………………… : 153.269,57 €

* incidence professionnelle ……………………………………………… : 100.000,00 €

* déficit fonctionnel temporaire ………………………………………… : 11.937,00 €

* souffrances endurées …………………………………………………….. : 35.000,00 €

* déficit fonctionnel permanent ………………………………………… : 30.000,00 €

* préjudice esthétique ……………………………………………………… : 7.000,00 €

* préjudice d’agrément …………………………………………………….. : 15.000,00 €

* préjudice sexuel …………………………………………………………… : 20.000,00 €

* préjudice d’établissement ………………………………………………. : 10.000,00 €

— Lui donner acte de ses réserves au titre de l’aggravation de son préjudice.

— Condamner avec la même solidarité le Centre urologique Bel Air et le Docteur Y au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Casteja-Clermontel

— Condamner avec la même solidarité le Centre urologique Bel Air et le Docteur Y au paiement d’une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées et déposées le 12 février 2013 la Clinique Bel Air demande à la cour de :

A titre principal :

— Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit les préjudices liés à l’aggravation de l’infection imputables à la Clinique Bel Air.

— Dire et juger que l’infection contractée au sein de la Clinique Chirurgicale Bel Air le 4 avril 2005 bien traitée n’aurait généré aucune conséquence,

— Dire et Juger que les préjudices évoqués par M. A résultent exclusivement d’une mauvaise prise en charge due à un refus de soin,

— Dire et Juger que la Clinique Chirurgicale Bel Air n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité dans un défaut de prise en charge de l’infection,

— Dire que M. A n’aurait subi aucun préjudice imputable à l’infection initialement contractée si elle avait été correctement prise en charge,

— Dire et Juger que les complications infectieuses secondaires (épaule droite, hépatique et cardiaque) doivent être exclues des postes de préjudices indemnisables.

En conséquence,

— Débouter M. A de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions et le condamner au paiement d’une somme de 3.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire :

— Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le suivi post opératoire relève de la responsabilité du chirurgien et condamné le Docteur Y à la relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre, outre une somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

A titre infiniment subsidiaire : sur les sommes réclamées

— Infirmer le jugement en ce qu’il a retenu:

' une assistance par tierce personne.

' des pertes de gains professionnels actuels à hauteur de 39.667,17 €

' une indemnité au titre de l’incidence professionnelle.

— Confirmer le jugement sur les autres postes de préjudice

En tout état de cause :

— Débouter la Carpimko de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

— Statuer ce que de droit sur les dépens avec distraction pour ceux d’appel au profit de la SCP Le Barazer & d’Amiens, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées et déposées le16 janvier 2013 le docteur Y demande à la cour de :

A titre principal,

— Dire qu’il n’a commis aucune faute dans les soins qu’il a prodigués à M. G A et qu’il se devait de respecter le refus de soins de ce dernier et qu’en conséquence sa responsabilité ne saurait être engagée dans le préjudice invoqué par l’appelant

— Dire et juger que c’est l’attitude de M. A lui-même qui est l’origine de son propre préjudice, en conséquence, le débouter de l’ensemble des demandes formées à son encontre

A titre subsidiaire, sur sa condamnation solidaire avec la Clinique Bel Air

— Dire et juger que le suivi post opératoire qu’il a effectué s’il était considéré comme fautif, ne saurait constituer cette cause étrangère exonératoire de responsabilité pour la Clinique.

— En conséquence, juger que c’est à bon droit, en raison du caractère nosocomial de l’infection et de l’absence de cause étrangère exonératoire que le Tribunal a retenu la responsabilité solidaire de l’établissement et du chirurgien et confirmer le jugement sur ce point.

A titre infiniment subsidiaire,

— Dire et juger que le Tribunal a estimé à bon droit que le préjudice de M. A était un préjudice de perte de chance évaluée à 10 %.

— Confirmer le Jugement dont appel sur l’évaluation des préjudices, base de l’indemnisation accordée sur le fondement de la perte de chance.

— Rejeter toutes les autres demandes de M. A

En tout état de cause,

— Condamner Monsieur A à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions signifiées et déposées le 26 juin 2012 la société Carpimko demande à la cour de :

— Déclarer le Centre d’Urologie Bel Air et le Docteur Y responsables in solidum de l’entier préjudice subi par M. A à la suite de l’opération

chirurgicale qu’il a subie le 4 avril 2005 au Centre d’Urologie Bel Air.

— Les condamner in solidum à lui payer, au titre de son recours subrogatoire, la somme globale de 21.286,95 € assortie des intérêts sur ladite somme à compter du 31 août 2006, date de la consolidation

— Les condamner sous la même solidarité en 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.

La société Prévifrance qui a été assignée à personne n’a pas constitué avocat.

La CPAM a été régulièrement assignée, elle n’a pas comparu mais a fait savoir par courrier du 11 octobre 2012 qu’elle n’avait aucune créance à faire valoir en raison de l’ancienneté de l’affaire et qu’elle ne constituera pas avocat dans la procédure. L’arrêt sera réputé contradictoire en application des dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2013

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’origine du préjudice corporel dont M. A demande l’indemnisation

Il ressort du rapport d’expertise du docteur F les éléments suivants :

—  1 – Chronologie des interventions chirurgicales, de l’apparition de l’infection et des soins

Lors de son hospitalisation en urgence à la clinique Bel Air le 30 mars 2005, M. A est connu du Docteur Y urologue, qui a pratiqué sur lui dans cette même clinique, le 28 février précédent, une résection d’un polype vésical par endoscopie avec couverture post opératoire par Noroxine. A son arrivée, il présente des urines sanglantes avec caillots et un globe vésical très douloureux, les soins appliqués sont les suivants, lavages réguliers et décaillotages. La persistance d’urines hématuriques conduit le chirurgien à envisager un contrôle vésical et à pratiquer sur M. A une nouvelle résection vésicale le 4 avril 2005, avec administration de Cefoxitine puis en post-opératoire de Noroxine.

A la suite de cette deuxième intervention M. A présente une hyperthermie laissant supposer l’existence d’une infection, cependant trois hémocultures et une uroculture se révèlent être stériles. Le patient est placé sous antibiotiques, une anémie constatée fait l’objet d’un traitement par injections de Venofer prescrites par le médecin anesthésiste à partir du 5 avril 2005. Il est noté une persistance de l’hyperthermie et un état nauséeux que M. A impute au Venofer dont il refuse l’administration estimant que ce produit ' l’empoissonne ', et demande qu’il soit fait appel au Centre anti-poison pour recherche d’un antidote. Il refuse toute nouvelle injection de Venofer.

A partir du 6 avril 2005 M. A refuse également le traitement antibiotique et à compter du 7 avril il refuse tout traitement, persuadé d’avoir une hépatite.

A ce moment l’hyperthermie persiste : le 7 avril à 21 h30 : 39°,2 ; à 2h30 : 38°,7 ; une perfusion glucosée est mise en place, la numération/formule globulaire confirme l’anémie et fait apparaître une hyperleucocytose élevée – 15.000 globules blancs/mm3 avec polynucléose neutrophile (82%); alors que le contrôle du 5 avril révélait : 8100/mm3 : le tableau infectieux est donc patent.

Le 8 avril, une cytologie quantitative urinaire montre la présence de 700.000 leucocytes/ml (contre 50.000 le 5 avril), la culture des urines est toujours négative.

Le 9 avril, M. A, quitte, fébrile (XXX, la Clinique Bel Air, contre avis médical, et après signature d’une décharge, le docteur C ayant tenté en vain de le convaincre de rester hospitalisé et lui proposant de le diriger selon son choix vers un autre établissement médical, ce que M. A refuse même informé par l’urologue des risques qu’il encourt.

Il rejoint son domicile le 9 avril 2005, muni d’une ordonnance lui prescrivant du Dafalgan et de la Noroxine et d’un arrêt de travail de 15 jours. Monsieur A n’ayant pas de médecin traitant le docteur C ne lui remet pas de courrier de synthèse de l’hospitalisation et de suivi post-hospitalisation, mais lui remet personnellement les documents relatifs aux interventions subies, aux analyses hystologiques et traitements administrés.

A son domicile du 9 au 23 avril M. A poursuit seul son traitement sans consulter ni aviser personne, son état s’aggrave considérablement. Le 23 avril 2005, il consulte le docteur E médecin homéopathe-acuponcteur qui lui prescrit un bilan biologique inflammatoire réalisé le 25 avril 2005 qui confirme l’état infectieux. Le docteur E lui prescrit un traitement homéopathique ainsi qu’ un bilan biochimique hépatique et une échographie abdomino pelvienne. Pratiqués le 27 avril les examens révèlent notamment un volumineux kyste du lobe gauche du foie.

M. A informe téléphoniquement le docteur C de son état de santé le 26 avril 2005 et lui communique le nom de son médecin traitant le docteur E . Dès le lendemain 27 avril 2005 le docteur C adresse au docteur E le compte rendu de l’hospitalisation de Monsieur A du 30 mars au 9 avril 2005.

M. A part une semaine se reposer au Pays Basque à son retour, son état s’étant encore aggravé, il est hospitalisé à la clinique Mutualiste à Pessac le 9 mai 2005, il y restera jusqu’au 24 mai 2005.

Dès son admission dans cet établissement,l’ hémoculture réalisée permet d’isoler une souche de Streptocoque du Groupe B ; une bactérie de même espèce est isolée dans les urines (le 11 mai 2005). Monsieur A est placé sous une bi-antibiothérapie Clamoxyl+Gentalline, pour une durée de 15 jours.

Un bilan complémentaire d’imagerie à la recherche d’une greffe bactérienne systémique est réalisé, sur l’épaule droite (échographie de la coiffe des rotateurs), il n’est pas noté de présence du germe, ainsi que sur le coeur, l’échodoppler et l’échographie ne révèlent pas d’ endocardite sur la valve mitrale et la valve aortique.

A ce stade de l’évolution de la maladie, le diagnostic d’état septicémique, à point de départ urinaire est évident, les hémocultures et urocultures sont alors positives.

Plus tard le 6 juillet 2005 Monsieur A entre au service des Maladies infectieuses du CHU Bordeaux en raison d’un 'souffle holosystolique’ du foyer mitral irradiant les carotides sans signe d’insuffisance cardiaque associée, un échodoppler cardiaque est réalisé, suivi par une échographie transoesophagienne le diagnostic d’endocardite mitro-aortique est fait le 5 septembre 2005 à XXX.

—  2 – Conclusions de l’expertise

'Le diagnostic d’état septicémique, à point de départ urinaire est alors évident, l’ infection est documentée par l’isolement après culture, d’une souche de Streptocoque du Groupe B. Dans le cas présent, le primum moyen de l’infection apparue chez Monsieur A est lié à la pénétration du Streptocoque du Groupe B dans la cavité vésicale, les voies urinaires sont normalement stériles – lors de la révision/résection réalisée le 4 avril par le Docteur Y à la Clinique Bel Air.'

' L’état septicémique d’origine urinaire, apparu chez Monsieur A à l’issue de la résection endoscopique vésicale du 4 avril 2005, a été accompagné de localisations septiques secondaires ; deux de ces localisations (articulation de l’épaule droite et endocarde), bien que rarement citées dans la littérature sont toujours à redouter, en particulier celle de l’endocarde, justifiant un contrôle systématique cardiaque par imagerie. C’est ce qui a été fait. La localisation hépatique de l’infection peut être expliquée par la préexistence d’un kyste des voies biliaire du foie gauche, véritable point d’appel.

Nous ne reviendrons sur les modalités du diagnostic de l’infection, de l’acquisition de la bactérie infectante mais sur des points importants, déjà cités, se rapportant à la qualité de la prise en charge du syndrome infectieux de Monsieur A, en raison de leurs conséquences péjoratives :

Monsieur A sort de la clinique Bel Air le 9 avril 2005 contre-avis médical

alors qu’il est atteint à l’évidence d’un syndrome infectieux pour lequel une antibiothérapie devait être poursuivie en milieu hospitalier; quelques jours avant sa sortie il avait refusé toute thérapeutique.'

Sur l’existence d’une infection nosocomiale et la responsabilité de la clinique Bel Air

Selon le rapport d’expertise : le Streptocoque du Groupe B fait partie des streptocoques 'commensaux’ habituellement présents dans le tube digestif ou à la surface de la peau ; dans certaines circonstances, cette bactérie lorsqu’elle colonise spontanément ou est introduite dans des territoires de l’organisme normalement stériles – surface de muqueuse stérile ou par effraction de la barrière cutanéo- muqueuse se comporte tel un pathogènes dit 'opportuniste’ et peut être à l’origine d’infections aigues variées.

Dans le cas présent, le’ primum moyen’ de l’infection apparue chez M. A est lié à la pénétration du Streptocoque du Groupe B dans la cavité vésicale lors de la résection réalisée le 4 avril 2005 par le Docteur Y à la Clinique Bel Air.En effet, les premiers signes infectieux cliniques sont apparus immédiatement après l’intervention, le 5 avril (hyperthermie à 38°,3), cette hyperthermie est restée persistante les jours suivants malgré l’administration d’antibiotiques.

Selon l’expert cet état fébrile ne peut avoir comme origine la seule injection d’une dose de Venofer.

Le 7 avril est notée une hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile très significative, XXX dont 82% de polynucléaires, et le 8 avril 2005 une cytologie urinaire avec 700 000 leucocytes/ml ; éléments en faveur d’un processus infectieux bien que l’uroculture reste stérile. M. A est alors sous antibiotiques, jusqu’à son refus à compter de ce jour de prendre ce traitement.

L’isolement dans l’hémoculture et l’uroculture d’une souche de Streptocoque du Groupe B+antibiogramme n’interviendra qu’ultérieurement pour les raisons qui ont été détaillées ci dessus dans la chronologie des soins. Ce diagnostic n’a été fait que 9 mai 2005 lors de son admission en urgence à la clinique mutualiste de Pessac.

Il s’ensuit que de façon certaine l’infection dont a été atteint M. A est une infection du site opératoire, liée aux soins: elle présente tous les caractères d’une infection nosocomiale, elle est bactériologiquement documentée.

Le CLIN en vigueur à la clinique ne révèle pas d’anomalies, de sorte qu’aucune faute d’asepsie ne peut être reprochée à la clinique. Il s’agit d’un germe endogène qui s’est développé à la faveur de l’intervention chirurgicale.

S’agissant de l’Infection nosocomiale à l’origine de l’ensemble des conséquences corporelles décrites par l’expert, le régime de responsabilité de la clinique est fixé par les dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : ' Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. '

Il s’agit d’une responsabilité sans faute dont l’établissement de soin ne peut s’exonérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère. Celle-ci doit présenter les caractères de la force majeure à savoir l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité.

En l’espèce il n’y a ni imprévisibilité ni caractère irrésistible établis concernant le développement d’un germe endogène lors d’une intervention chirurgicale invasive . Par ailleurs même dans l’hypothèse où une faute serait prouvée à l’encontre du chirurgien, ceci ne constituerait pas une cause étrangère pour la clinique et n’aurait d’effet que dans les rapports entre la clinique et le chirurgien. La cause extérieure n’est pas davantage établie dans la mesure où elle s’entend comme un événement extérieur à l’activité de soins de l’établissement.

Il s’ensuit qu’est établie la responsabilité sans faute de la clinique Bel Air s’agissant d’une infection nosocomiale contractée dans l’établissement de soins à l’occasion de l’intervention chirurgicale du 4 avril 2005.

Sur le suivi post-opératoire et la responsabilité du docteur C

Il sera précisé que le dr C intervient à titre libéral dans la clinique, il n’en n’est pas le salarié.

Sa responsabilité ne peut être engagée que si est caractérisée une faute à son encontre dans la totalité du processus de soins y compris dans le suivi post-opératoire.

Selon l’expert, le choix fait par le docteur C de la 2e intervention du 4 avril 2005 était la seule indication possible face à l’état du patient lors de son admission à la clinique Bel Air dans les suites de la première intervention du 28 février 2005. Le geste chirurgical du docteur Y a été fait dans les règles de l’art, le suivi post -opératoire n’appelle pas de critique jusqu’à la sortie de Mr A contre avis médical.

Cependant l’expert, qui relève que M. A professionnel de la santé, étant kynésithérapeute, a parfaitement compris les informations qui lui ont été délivrées, reproche néanmoins au Dr C de ne pas avoir remis à M. A pour son médecin traitant, un compte rendu opératoire détaillé et des informations sur son état fébrile et l’infection à suivre, tout en constatant qu’il n’avait pas de médecin traitant. Il indique néanmoins que le Dr C aurait du faire une telle lettre sans entête, puisque M. A n’avait pas alors de médecin traitant, lettre que ce dernier aurait pu remettre dès sa décision de consulter un médecin.

L’expert indique ne disposer d’aucune information concernant l’antibiothérapie suivie alors par M. A. à son domicile. Ceci est d’autant plus important que l’antibiothérapie avait été initialement prescrite pour 15 jours et donc à supposer qu’il ait pris ce traitement à son domicile, M. A n’était plus sous antibiotique à compter du 23 avril 2005, lorsqu’il a consulté le docteur E médecin homéopathe-acuponcteur. Il sera rappelé que celui-ci, outre les examens biologiques et l’échographie, ne lui a prescrit qu’un traitement homéopathique. Ainsi lors de son séjour au pays basque et notamment à compter du 23 avril 2005, et alors qu’il avait connaissance des résultats alarmants des examens prescrits par le docteur E, il n’était plus sous antibiotique alors qu’il est constant que son état infectieux s’était aggravé. Selon l’expert, c’est durant cette période que vont se constituer les complications infectieuses secondaires, épaule droite et cardiaque.

Les textes applicables à l’espèce, régissant les soins et les droits du malade sont les suivants :

L’article L. 1111-4 du Code de la Santé Publique prévoit que :

« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.

Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de son choix.

Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables.

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment… ».

L’article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique prévoit que :

« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.'

L’article R.4127-35 du code de la santé publique rappelle que le médecin doit à son patient une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose.

L’article R.4127-63 du code de la santé publique précise que lorsque qu’un patient est hospitalisé le médecin hospitalier doit tenir au courant le médecin traitant et éventuellement le spécialiste qui a contribué à l’hospitalisation.

L’article L1111-2 du Code de la santé publique précité précise aussi que l’établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la continuité des soins après sa sortie.

Il n’est pas soutenu par M. A que le docteur C ait manqué à son devoir d’information ni que M. A n’ait pas compris la portée des informations complètes qui lui ont été données que ce soit avant pendant ou après l’intervention chirurgicale du 4 avril 2005.

Il est établi que M. A n’a donné aucune coordonnée de médecin traitant, ni lors de son admission à la clinique Bel Air ni lors de sa sortie contre avis médical.

Il ressort du dossier que M. A a signé la veille de sa sortie l’attestation reproduite ci-après:

'Je soussigné Monsieur A G, hospitalisé dans l’établissement, reconnaît avoir été informé que :

* mon état de santé nécessite un maintien de mon séjour

* mon état de santé nécessite des soins

Mais décide, en toute connaissance de cause :

* de vouloir interrompre mon séjour

Fait à Bordeaux le 8 avril 2005 '

Lors de sa sortie contre avis médical le 9 avril 2005, le docteur C après avoir tenté de convaincre Monsieur A de rester hospitalisé ou d’être transféré dans un autre établissement de soins, lui a remis directement tous les éléments médicaux relatifs à l’intervention chirurgicale et à ses suites c’est à dire les résultats d’analyse démontrant l’existence d’un état infectieux, dont l’origine n’était pas encore identifiée, se traduisant par une hypothermie persistante. Il lui a remis également une ordonnance pour la poursuite du traitement antibiotique pendant 15 jours.

Le reproche fait par Monsieur A au Docteur Y d’une prescription d’antibiotique inadaptée à son état à partir du 4 avril 2005, la Neuroxine n’ayant pas effet curatif sur le streptocoque B est infondé car le germe dont il était infecté était en cours de recherche à l’époque et il lui a été administré une antibiothérapie probabiliste dans l’attente de l’identification du germe, laquelle n’a pas pu se faire en raison du refus et du départ du patient.

Il ne ressort pas des textes cités ci-avant que le Docteur C avait l’obligation de remettre une note à M. A qui n’avait pas de médecin traitant.

Il s’ensuit qu’on ne peut donc pas faire grief au docteur C de n’avoir pas remis à Monsieur A au moment de sa sortie contre avis médical le 9 avril 2005, une lettre pour son médecin traitant, dès lors que le patient n’avait pas de médecin traitant à ce moment là.

Il est également établi par les pièces du dossier que dès que le docteur C a été informé par son patient, lors de la communication téléphonique du 26 avril 2005, de l’aggravation de son état et que ce dernier lui a communiqué le nom du docteur E, le docteur C a adressé dès le lendemain, le 27 avril 2005, un courrier détaillé au docteur E sur l’intervention pratiquée le 4 avril 2005 et sur ses suites.

Il sera relevé que le 18 mai 2005, alors qu’il était encore hospitalisé à la clinique mutualiste de Pessac, M. A a écrit au docteur C pour le tenir au courant de l’évolution de son état depuis leur conversation téléphonique du 26 avril 2005, le remercier et le féliciter pour son intervention réussie. Ses doléances ne concernent que le médecin anesthésiste le docteur B qu’il accuse de l’avoir 'empoisonné au Venofer '. Il sera noté que néanmoins le docteur Z n’a jamais été mis en cause par le M. A.

Dés lors, il n’est rapporté la preuve d’aucune faute commise par le docteur C dans le suivi post-opératoire de son patient compte tenu de la position affirmée de Monsieur A de ne pas poursuivre l’hospitalisation et son absence de contact avec un médecin traitant à l’époque de sa sortie contre avis médical, le docteur C a fait tout ce qui était en son pouvoir pour assurer le suivi de Monsieur A, qui avait été informé de son état et des risques qu’il encourrait, information dont il était en mesure de comprendre la portée étant lui même professionnel de la santé.

Il s’ensuit qu’à défaut de faute établie à son encontre, la responsabilité du docteur C n’est pas engagée, qu’en conséquence aucune condamnation ne peut être mise à sa charge.

Sur le droit à réparation de M. A relativement aux préjudices consécutifs à l’infection nosocomiale

Les préjudices imputables aux suites normales des soins nécessaires sont ceux d’une résection vésicale par voie endoscopique d’une lésion tumorale. Il n’apparaît pas dans la symptomatologie présentée après l’intervention du 4 avril 2005 de complication ou de préjudice de nature urologique liés à ce geste chirurgical. L’expert a indiqué qu’en tenant compte de l’infection développée à la suite de l’intervention, normalement prise en charge immédiatement, celle-ci aurait entraîné une incapacité de travail de 30 jours et n’aurait pas généré de séquelles.

Cependant, il a précisé également que l’ensemble des différents préjudices subis par M. A et dont il demande réparation, sont en lien direct et certain avec l’infection nosocomiale à point de départ urinaire. Cette infection est une complication du geste chirurgical, (résection vésicale endoscopique), pratiqué le 4 avril 2005 par le Docteur Y à la Clinique Bel Air de Bordeaux, il s’agit d’un aléa thérapeutique. Cette infection, suspectée dès le 4 avril ne sera bactériologiquement documentée que plus d’un mois plus tard par l’isolement d’une souche de Streptocoque du Groupe B suite aux prélèvements des 9 et 11 mai 2005 et au vu des hémocultures et urocultures, faits à la clinique Mutualiste de Pessac. Elle s’est compliquée d’un état septicémique à l’origine de trois localisations secondaires à l’épaule, au foie et au coeur.

L’expert a procédé à l’évaluation du préjudice subi du fait de la totalité des conséquences de l’infection nosocomiale sans distinguer comme l’a fait le tribunal l’infection initiale et son aggravation, ce qui ne relevait pas de ses attributions.

Mais il s’est cependant prononcé sur les conséquences normales de ce type d’infection prise en charge dans les règles de l’art comme il a été rapporté précédemment.

Il est établi par les différentes pièces du dossier et notamment la chronologie des soins et celle du développement de l’infection et des conséquences qui en découlent que l’état infectieux de M. A a été repéré avant sa sortie de la clinique, mais que son origine n’avait pas encore été déterminée. Si M. A n’était pas parti contre avis médical, refusant un transfert vers un autre établissement, n’ayant pas de médecin traitant et ne contactant personne à son retour chez lui, selon l’expert, une antibiothérapie adaptée au germe qui aurait pu être identifié par la poursuite des examens et analyses engagés lors de son séjour à la clinique Bel Air et interrompus avant d’avoir abouti en raison du départ du patient contre avis médical, aurait permis, dans un délai de 15 à 30 jours maximum de résorber l’infection et donc d’éviter l’aggravation de son état et notamment les localisations secondaires ayant atteint l’épaule, le foie et le coeur.

M. A conteste l’application erronée selon lui qu’a fait le tribunal en estimant qu’il a commis une faute à l’origine de l’aggravation de son préjudice, ceci étant incompatible avec la liberté du malade dans le choix des soins rappelée par l’article L 1111-4 du Code de la Santé Publique.

Il résulte des termes de cet article que :

'Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.

Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de son choix.

Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables.

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment… '.

Le refus de soins du patient est légitime, la loi prévoyant le respect de sa volonté. Mais dans les circonstances décrites au regard du processus infectieux dont M. A se plaint, ce refus est à l’origine de son préjudice en aggravation il ne peut en tenir l’établissement de santé responsable, même dans le cadre d’une responsabilité sans faute s’agissant d’une infection nosocomiale. En effet il est établi par les pièces du dossier et l’anamnèse du développement de l’infection que l’attitude de M. A, sous-tendue par ses convictions personnelles sur les médecines naturelles, est indéniablement à l’origine de son refus de soins et par voie de conséquence du retard à la mise en oeuvre d’une thérapeutique adaptée, laquelle appliquée dans les suites immédiates de l’intervention du 4 avril 2005 aurait permis d’éviter les complications infectieuses secondaires (épaule droite, cardiaque et hépatique).

L’attitude de Monsieur A est caractérisée par les éléments suivants dont il a pris la responsabilité étant souligné qu’il est un professionnel de santé étant, kinésithérapeute en exercice au moment des faits :

— Refus de l’antibiothérapie à la Clinique Bel Air à compter du 7 avril 2005

— Sortie de la Clinique Bel Air en dépit d’un état fébrile et contre avis médical après signature d’une décharge explicite le 8 avril dont les termes ont été reproduits ci-dessus dans le paragraphe consacré à la mise en jeu de la responsabilité du docteur C

— Absence totale de suivi médical pendant près d’un mois malgré des signes cliniques avérés

— consultation au bout de 15 jours d’un médecin homéopathe et prise d’un traitement homéopathique

— départ en séjour de repos sans aucun autre traitement pendant une dizaine de jours du 27/28 avril au 9 mai 2005 avant sa ré-hospitalisation en urgence dans un état critique le 9 mai 2005 à la clinique mutualiste, alors qu’il avait connaissance des résultats alarmants des examens ordonnés par le docteur E le 23 avril 2005.

Il est établi par l’expertise que si M. A était resté à la clinique Bel Air ou avait accepté une hospitalisation dans un autre établissement de soins, comme cela lui a été proposé par le docteur C, en raison de la perte de confiance avec le dr Z anesthésiste et avec les infirmières, son infection (streptocoque B) aurait été identifiée plus vite. Soignée immédiatement de façon appropriée elle se serait résorbée sans la survenance des complications dues à la fixation du germe sur l’épaule, le foie et le coeur. Cette extension du streptocoque est due à ce que la thérapeutique adaptée n’a pu être mise en oeuvre que plus d’un mois après le début de l’infection, en raison du refus de M. A de poursuivre les investigations et soins en cours.

Ainsi il y a lieu de distinguer entre réduction du dommage et évitement d’une situation d’aggravation du dommage. Le refus de soins de Monsieur A devant être considéré comme une négligence au sens des articles 1382 et 1383 du code civil, dès lors qu’il est établi que les soins qu’il a refusés n’avaient pas un caractère lourd et pénible pouvant justifier qu’il ne choisisse de s’y soustraire. En effet il ne s’agissait au moment de son hospitalisation à la clinique Bel Air et dans les suites de l’opération du 4 avril 2005 que d’attendre le résultat probant d’identification du germe infectieux par la poursuite de l’hospitalisation et des analyses biologiques en cours et la mise en place d’un traitement antibiotique adapté. Pendant le cours même de son séjour à la clinique Bel Air, il a refusé dans un premier temps une deuxième injection de Venofer dès le 6 avril 2005 et le lendemain, 7 avril, il a refusé l’administration des antibiotiques.

Il apparaît donc clairement qu’en raison de convictions personnelles M. A, préférant les médecines naturelles, bien qu’informé des conséquences de son choix, en présence d’un état infectieux dont le germe n’était pas encore déterminé, a pris le risque de voir aggraver sa pathologie avec toutes les conséquences dommageables pour lui qui en sont découlées.

C’est en raison de ce contexte et de ces circonstances particulières et eu égard à la capacité de compréhension de l’appelant à raison de sa qualification professionnelle que ne peuvent dès lors être réparés comme imputables à l’infection nosocomiale contractée à la clinique Bel Air que les suites normales de celle-ci sans les complications liées au retard de la mise en oeuvre du traitement adapté. En effet les complications ne sont imputables ni à la clinique Bel Air au titre de sa responsabilité sans faute et encore moins au docteur C à l’encontre duquel n’a été établie aucune faute dans le suivi post-opératoire, dans la mesure où ils qui n’ont pas été en capacité de poursuivre les soins et investigations en cours pour identifier l’origine de l’état infectieux. Ces complications résultant de l’absence de traitement de l’infection pendant plus d’un mois sont en lien avec l’attitude de l’appelant constitutive de négligence, étant encore souligné qu’en tant que professionnel de la santé il était en mesure de comprendre les informations données sur son état de santé et les risques encourus et par voie de conséquence la portée de sa décision.

Il s’ensuit que M. A ne peut prétendre qu’à l’indemnisation du préjudice résultant de l’infection nosocomiale normalement traitée dans les suites de l’intervention du 4 avril 2005 à la clinique Bel Air. Celle-ci sera, dès lors, condamnée à n’indemniser que cette partie du préjudice de M. A.

Sur la liquidation du préjudice corporel de M. G A

Il ne sera tenu compte comme indiqué ci-dessus que des préjudices résultant de l’infection nosocomiale normalement traitée dans les suites de l’intervention du 4 avril 2005, à l’exclusion de tous les autres préjudices consécutifs au développement ultérieur de l’infection non soignée pendant plus d’un mois.

Les indemnités déterminées seront mises à la charge de la clinique Bel Air à raison de sa responsabilité sans faute retenue dans les limites précisées ci avant.

— XXX

L’infection même normalement traitée a indéniablement généré des souffrances en raison de l’hyperthermie, de la nécessité d’analyses et de traitements par perfusion. C’est par une juste appréciation que le tribunal a fixé à la somme de 2 000 €, l’indemnité réparatrice des souffrances endurées.

—  2 – Le déficit fonctionnel temporaire

L’expert a retenu dans son rapport que si l’infection avait été normalement prise en charge dans les suites de l’intervention chirurgicale, celle-ci aurait entraîné un déficit fonctionnel temporaire d’une durée de 30 jours. Il convient de retenir donc la totalité de cette période sans qu’il soit possible de distinguer la part imputable aux suites normales de l’intervention elle même et celle imputable à l’infection. L’indemnité réparant ce préjudice sera donc fixée à la somme de 630 €.

—  3 – Les pertes de gains professionnels actuels

Pendant cette période M. A n’a pas pu exercer son activité professionnelle il justifie donc de d’une perte de gains professionnels actuels pour la même durée, soit 30 jours.

Il ressort des pièces produites que Monsieur A a déclaré un résultat

fiscal en 2002 de 33.859 €, en 2003 de 36.832 € et en 2004 de 34.619 soit une moyenne annuelle 35.103,34 € et une moyenne journalière 96,18 €.

Il est établi que M. A a perçu seulement la somme journalière de 50,45 € pendant son arrêt de maladie. Il s’ensuit qu’il justifie d’une perte de salaire journalière de 45,73 € ( 96,18 € – 50,45 € ). Il a donc perdu la somme de 1.371,90 € (45,73 € X 30 j)

Il lui sera en conséquence alloué la somme arrondie de 1.372 € en réparation du préjudice subi au titre des pertes de gains professionnels actuels.

Les autres préjudices invoqués par M. A ne relevant pas de l’infection nosocomiale normalement traitée, seule imputable à la clinique Bel Air, il n’y a pas lieu de les examiner, ni de faire droit à ses demandes excédant les trois préjudices ci-dessus déterminés et évalués.

XXX sera donc condamnée à verser à M. A une somme totale de 4.002 € (2.000 € + 630 € + 1.372 €) au titre de l’indemnisation de son préjudice indemnisable.

La CPAM a indiqué n’avoir aucune créance à faire valoir, il n’y a donc pas lieu de déduire de sommes sur l’indemnité allouée à M. G A .

Sur les demandes de la Carpimko

La Carpimko (Caisse Autonome de Retraite et de Prévoyance des Infirmiers, Masseurs-kinesitherapeutes, Pedicures-podologues, Orthophonistes et Ortohptistes) auprès de laquelle M. A en sa qualité de masseur kinésithérapeute est affilié, a versé à ce dernier consécutivement à cet accident au titre de la perte de gains professionnels échus, jusqu’à la date de consolidation du 3 septembre 2006 et en demande le remboursement.

Elle réclame d’une part, au titre des indemnités journalières qu’elle lui a versées , du 23 juin 2005 au 31 décembre 2005 la somme de 9.484,80 € et du 1 er janvier 2006 au 24 mars 2006 la somme de 4.175,73 € et d’autre part la somme de 7.626,42 € au titre de la rente d’invalidité.

Comme il est précisé plus avant, la période prise en compte concernant les pertes de gains professionnels actuels de M. A est de 30 jours courant du 4 avril 2005 au 4 mai 2005. Il convient de constater que la Carpimko ne réclame aucune somme pour la période considérée.

Par ailleurs dans les limites du préjudice indemnisable de M. A n’ont pas été retenues de séquelles, il n’y a donc pas lieu à condamnation de quiconque au titre de la pension d’invalidité versée par la Carpimko.

Elle sera en conséquence déboutée de toutes ses demandes.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, toutes les parties ayant formé une demande de ce chef, en seront déboutées.

La clinique Bel Air qui succombe sur le principe de la condamnation sera condamnée à supporter les entiers dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

— Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

— Déclare la Clinique Centre d’Urologie Bel Air responsable des conséquences de l’infection nosocomiale contractée par M. G A lors de l’intervention chirurgicale pratiquée le 4 avril 2005, dans les limites ci-après définies

— Dit que la Clinique Centre d’Urologie Bel Air n’est tenue d’ indemniser le préjudice subi par M. G A qu’au titre des trois préjudices suivants

* Souffrances endurées fixées à la somme de 2.000 €

* Déficit fonctionnel temporaire du 4 avril au 4 mai 2005 fixé à la somme de 630 €,

* Pertes de gains professionnels actuels du 4 avril au 4 mai 2005 fixées à la somme de 1.372 €,

— Condamne en conséquence la Clinique Centre d’Urologie Bel Air à payer à M. G A au titre de son préjudice indemnisable la somme totale de 4.002 €

— Déboute M. G A de toutes les autres demandes formées au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel total

— Dit que le docteur D C n’a commis aucune faute à l’occasion de l’intervention pratiquée le 4 avril 2005 ainsi que dans le suivi post-opératoire de M. G A

— Déboute M. G A de toutes les demandes formées à l’encontre du docteur D C

— Déboute la Clinique Centre d’Urologie Bel Air de toutes les demandes formées à l’encontre du docteur D C

— Déboute la Carpimko de l’intégralité de ses demandes

— Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— Déboute en conséquence toutes les parties des demandes formées de ce chef

— Condamne la Clinique Centre d’Urologie Bel Air à supporter les entiers dépens de l’instance qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Robert Miori, Président, et par Véronique Saige, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

V. Saige R. Miori

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Cour d'appel de Bordeaux, 10 avril 2013, n° 12/00124