Cour d'appel de Bordeaux, 5 octobre 2016, n° 14/06905

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 5 oct. 2016, n° 14/06905
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/06905
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 12 octobre 2014, N° 13/02028

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A


ARRÊT DU : 05 OCTOBRE 2016

(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)

N° de rôle : 14/06905

Christian X

Sylvie HASSOUN épouse Y

Patrick Y

c/

Z A

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/004381 du 18/06/2015 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de
BORDEAUX)

B A

SOCIETE CIVILE DU CHATEAU PALMER

GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE

Nature de la décision : AU
FOND

JONCTION AVEC DOSSIERS RG : 14/06907 et 14/06906

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour :
jugement rendu le 13 octobre 2014 par le Tribunal de Grande
Instance de BORDEAUX (chambre :

6°,

RG : 13/02028) suivant trois déclarations d’appel en

date du 26 novembre 2014 (RG : 14/06905, 14/06906 et 14/06907)

APPELANT suivant déclaration d’appel du 26 novembre 2014 (RG 14/6907):

Christian X

né le XXX à XXX)

de nationalité Française

demeurant XXX
TRESSES

représenté par Maître Claire CHAVIGNIER, avocat au barreau de BORDEAUX

APPELANTS suivant déclaration d’appel du 26 novembre 2014 (RG 14/6905 et RG 14/6906) et Intimés :

Sylvie HASSOUN épouse Y

née le XXX à XXX)

de nationalité Française

demeurant XXX
PAREMPUYRE

Patrick Y

né le XXX à XXX)

de nationalité Française

demeurant XXX
PAREMPUYRE

représentés par Maître François DE
CONTENCIN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Z A

né le XXX à XXX)

de nationalité Française

demeurant XXX – 40006 MONT DE MARSAN CEDEX

représenté par Maître Julie GABINSKI, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Cécile OSTIZ, avocat plaidant au barreau de MONT-DE-MARSAN

B A

né le XXX à XXX)

de nationalité Française

demeurant XXX
BLANQUEFORT

représenté par Maître Manon WENDLING, avocat au barreau de BORDEAUX

SOCIETE CIVILE DU CHATEAU PALMER, prise en la personne de son représentant légal domicilié XXX
CANTENAC

GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE, prise en la personne de son représentant légal domicilié XXX NIORT
CEDEX

représentées par Maître C D substituant
Maître E F de la
SELARL CABINET CAPORALE – F – BLATT
ASSOCIES, avocats au barreau de

BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 juin 2016 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Catherine BRISSET, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Catherine FOURNIEL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique
SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

La société civile du château Palmer, assurée auprès de Groupama Centre Atlantique, a déposé plainte le 22 novembre 2004 pour un vol avec effraction dans un chai.

Après expertise d’assurance Groupama a versé à son assurée la somme de 56.426 après déduction de la franchise de 1 302 . Une somme de 11 090 a été remboursée à l’assureur après restitution à la victime de bouteilles volées découvertes dans le cadre de l’enquête pénale.

Après ouverture d’une information pénale ont été mis en examen pour vol Z A,
B A et pour recel les époux Y et
Christian X, renvoyés devant le tribunal correctionnel et déclarés coupables des infractions commises notamment au préjudice de la société civile du château
Palmer.

Par jugement du 10 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné solidairement les époux Y et M. X à payer à Groupama la somme de 700 au titre du recel d’une bouteille château Palmer 1959 et 700 par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Le tribunal avait déclaré le surplus de la demande de Groupama irrecevable en retenant que la solidarité des receleurs avec les voleurs ne pouvait s’appliquer qu’à la condition que la réparation s’applique aussi au voleur identifié.

C’est dans ces conditions que Groupama et la société civile du château Palmer ont fait assigner Z A, B A, les époux Y et Christian X devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de condamnation solidaire de la somme de 44 636 au profit de Groupama et 1 302 au profit de Château
Palmer outre 3 000 par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 octobre 2014, le tribunal a condamné solidairement Z A,
B A, les époux Y et Christian
X à payer à Groupama la somme de 44 636 au profit de Groupama celle de 1 302 au Château Palmer outre 1 500 par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a écarté la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, considérant que dans son précédent jugement le tribunal n’avait pas tranché le litige au fond relativement à la demande d’une somme de 44 636 fondée sur le principe de solidarité et qu’il n’existait pas d’identité de parties. Il a écarté la prescription biennale, considéré que l’absence de mise en cause de M. G poursuivi pour recel était sans incidence comme l’était l’absence de constitution de partie civile devant la juridiction pénale.
Sur le fond il a retenu l’action subrogatoire de l’assureur et les dommages causés par l’infraction pénale.

Par différentes déclarations d’appel qui ont fait l’objet d’une jonction, les époux Y et M. X ont relevé appel de la décision le 26 novembre 2014.

Dans ses dernières conclusions en date du 25 février 2015, M. X conclut à la réformation du jugement et à l’irrecevabilité des demandes de
Groupama et Château Palmer.
Subsidiairement, il conclut au mal fondé de leurs demandes. Il demande enfin la somme de 3 000 par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 10 novembre 2010 rendait irrecevables les demandes présentées à nouveau devant ce même tribunal. Il invoque la prescription de l’article L 114-3 du code des assurances et plus subsidiairement, l’irrecevabilité tirée de l’absence d’un des codébiteurs solidaires. Sur le fond, il fait valoir qu’il n’a été condamné que pour le recel de deux bouteilles de vin et que pour les autres il ne les a ni volées ni recélées de sorte qu’il ne saurait être tenu au paiement.

Dans leurs dernières écritures, les époux
Y concluent à la réformation du jugement et à l’irrecevabilité des demandes de Groupama et Château
Palmer. Subsidiairement, ils concluent au mal fondé de leurs demandes. Ils demandent enfin la somme de 3 000 à l’encontre de
Groupama et celle de 1 500 à l’encontre de Château Palmer par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 10 novembre 2010 s’oppose aux nouvelles demandes. Sur le fond, ils estiment ne pouvoir être tenus des conséquences du vol lui même et rappellent qu’ils ont été condamnés uniquement pour un recel très secondaire.

Dans leurs dernières écritures en date du 12 mars 2015, Château Palmer et Groupama concluent à la confirmation du jugement. Ils reprennent leurs demandes telles que présentées en première instance comprenant le cours des intérêts à compter de l’assignation et la condamnation solidaire de Z A, B A, les époux Y et Christian
X au paiement de la somme de 3 000 par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils contestent que l’autorité de la chose jugée attachée au précédent jugement rende leurs demandes irrecevables compte tenu des termes du dispositif. Ils estiment que la prescription biennale ne peut trouver à s’appliquer en l’espèce et que l’absence d’un des codébiteurs, tenu uniquement pour recel, est indifférente. Ils ajoutent que l’absence de constitution de partie civile ne saurait les priver de leur droit à indemnisation.
Ils invoquent enfin la solidarité entre voleurs et receleurs et s’expliquent sur le préjudice.

Dans ses dernières conclusions en date du 18 mai 2015, M. Z A conclut à

l’infirmation du jugement et au débouté de Groupama et Château Palmer de toutes leurs demandes. Il sollicite leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 3 000 par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir qu’il n’y a pas eu de constitution de partie civile et que la compagnie d’assurance aurait du le faire intervenir dans la précédente instance alors que Château Palmer a renoncé à toute demande. Il discute le préjudice.

M. B A a constitué avocat mais n’a pas conclu.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 16 juin 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre principal les parties qui concluent à la réformation du jugement entrepris développent des moyens tenant à l’irrecevabilité des demandes présentées en première instance. Ces moyens tiennent à l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 10 novembre 2010 et à la prescription de l’article L114-1 du code des assurances, la référence à l’article L 114-3 du même code relevant d’une manifeste erreur matérielle.

S’agissant de la question de l’autorité de la chose jugée il convient d’observer que ce moyen ne saurait en aucun cas être opposé à la société civile du Château Palmer qui n’était pas partie à l’instance ayant donné lieu au jugement du 10 novembre 2010. Miguel A qui n’était pas davantage partie à cette instance ne peut se prévaloir de l’autorité de la chose jugée, l’identité de partie faisant défaut.

Le débat sur cette autorité de la chose jugée ne peut donc concerner que les prétentions émises par Groupama à l’encontre de M. X et des époux Y.

Il résulte des dispositions de l’article 480 du code de procédure civile que le jugement qui, dans son dispositif, tranche une partie du principal a l’autorité de la chose jugée, dès son prononcé, relativement à la question qu’il tranche. Cette autorité de la chose jugée ne s’attache qu’au seul dispositif dont la portée peut cependant être éclairée par les motifs de la décision.

En l’espèce, le jugement du 10 novembre 2010 avait déclaré Groupama irrecevable en ses demandes formées à l’encontre de M. X et des époux Y. Le motif de cette irrecevabilité était précisément explicité et procédait de la qualité de receleur des défendeurs sans que les auteurs, pourtant identifiés, du vol aient été mis en cause ce qui excluait le mécanisme de la solidarité entre vol et recel.

Dès lors l’autorité de la chose jugée ne peut porter que sur l’irrecevabilité de demandes présentés pour l’ensemble du préjudice contre les receleurs sans avoir appelé en la cause les auteurs du vol. Dès lors que ceux ci sont désormais partie à l’instance, il n’existe plus de cause d’irrecevabilité à ce titre sans que les receleurs puissent désormais exciper de l’autorité de la chose jugée laquelle était circonscrite à la seule question tranchée. Le principe de concentration des moyens invoqué par les époux Y est tout aussi inopérant puisque les prétentions ne procèdent pas d’un moyen nouveau qui n’aurait pas été développé dans une autre instance mais de la présence d’autres parties dans la cause.

L’absence de mise en cause d’un des receleurs, M. G, ne saurait être une cause d’irrecevabilité puisque les personnes condamnées pour le vol l’ont elles bien été.

Le moyen de prescription est développé par le seul M. X. Cependant, si les actions

dérivant d’un contrat d’assurance se prescrivent par deux ans, il convient d’observer que l’action de Groupama ne dérive pas du contrat d’assurance. En effet, Groupama qui a indemnisé son assuré est subrogé dans ses droits et exerce donc l’action que la victime du vol aurait pu exercer elle même et qu’elle exerce d’ailleurs pour ce qui concerne la franchise. Or, l’action directe de l’assureur subrogé dans les droits de la victime qui trouve son fondement dans les droits de la victime à la réparation de son préjudice n’est pas soumise à la prescription biennale et se prescrit par le délai de droit commun dont il n’est pas soutenu qu’il ait été expiré. D’ailleurs, M. X invoque de manière générale la prescription biennale sans même s’attacher à l’action exercée par Château
Palmer qui, à l’évidence, ne dérive pas du contrat d’assurance. La subrogation de l’assureur dans les droits de la victime lui confère les mêmes droits que cette dernière.

Dès lors la prescription n’est pas acquise.

Peu importe que Château Palmer ne se soit pas constitué partie civile dans le cadre de l’instance pénale. En effet, la victime a toujours la possibilité d’exercer son action en réparation devant la juridiction civile et ce par application des dispositions de l’article 4 du code de procédure pénale. Le fait qu’elle ait indiqué avoir été indemnisée à l’exception de la franchise par son assureur ne saurait emporter renonciation de sa part à l’exercice d’un droit, c’est à dire celui de prétendre à l’indemnisation complète de son préjudice. Une telle renonciation devrait être expresse et aucun élément ne caractérise une telle renonciation expresse. Dès lors le moyen d’irrecevabilité soulevé par Miguel A n’est pas davantage fondé.

De l’ensemble de ces motifs il se déduit que c’est à bon droit que le tribunal a écarté l’ensemble des fins de non recevoir et déclaré l’action des demandeurs recevable.

Sur le fond, tant les époux Y que M. X font valoir qu’ils ont été condamnés pour recel ce qui exclut qu’ils soient l’auteur du vol de sorte qu’il ne peuvent être tenus pour le tout alors qu’ils n’ont pas recelé l’intégralité du produit du vol mais seulement une faible partie.

Or, ainsi que l’a rappelé le premier juge, le vol et le recel sont des infractions connexes de sorte que le receleur et le voleur sont solidairement tenus de l’ensemble des restitutions et dommages et intérêts en application des dispositions de l’article 480-1 du code de procédure pénale.

C’est donc par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que les défendeurs devaient ensemble être tenus solidairement pour le tout. Les dispositions de l’article L 121-12 du code des assurances qui régit le mécanisme du recours subrogatoire de l’assuré ne saurait remettre en cause cette solidarité.

Quant à l’évaluation du préjudice, les appelants comme Z A soutiennent qu’elle serait contestable. Ce dernier considère en outre que le préjudice ne consisterait qu’en une perte de chance de vendre des bouteilles de vin dont la valeur aurait pu se déprécier ce qui est tout de même fort peu envisageable s’agissant de grands crus.
Aucun élément précis ne vient remettre en cause l’évaluation du préjudice qui a été faite en tenant compte des bouteilles manquantes après le vol et de l’estimation de chacune de ces bouteilles.

C’est donc encore par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu le préjudice des demandeurs lequel est constitué pour
Château Palmer par la franchise contractuelle laissée à sa charge et pour Groupama par le montant de l’indemnisation qu’elle a versée et pour laquelle elle dispose d’une quittance subrogatoire.

En conséquence le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, sans qu’il y ait lieu à

cours des intérêts dans des conditions différentes, la demande de confirmation du jugement par les intimées étant d’ailleurs contradictoire avec la prétention telle que reprise au titre du cours des intérêts.

L’appel étant mal fondé, les demandes présentées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile par les personnes solidairement tenues au paiement des condamnations principales sont mal fondées.

Les appelants seront solidairement tenus aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette les demandes présentées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne solidairement M. X et les époux Y aux dépens d’appel et dit qu’il pourra être fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par les avocats de la cause qui l’ont demandé.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, conseiller, en remplacement de Madame Catherine FOURNIEL, président, légitimement empêchée, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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