Cour d'appel de Bordeaux, 31 mai 2016, n° 14/06095

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 31 mai 2016, n° 14/06095
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/06095
Décision précédente : Tribunal de grande instance, 27 août 2014, N° 12/00220

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A


ARRÊT DU : 31 MAI 2016

(Rédacteur : Catherine FOURNIEL, président,)

N° de rôle : 14/06095

A DES ORPHEES

c/

SA ALBINGIA

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 août 2014 par le Tribunal de Grande Instance de B (RG : 12/00220) suivant déclaration d’appel du 23 octobre 2014

APPELANTE :

A DES ORPHEES, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis lieu-dit le Bourg – 33350 E PHILIPPE D’AIGUILLE

représentée par Maître Noëlle LARROUY de la SELARL CABINET LARROUY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA ALBINGIA, prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis XXX – XXX

représentée par Maître David CZAMANSKI de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Evelyne NABA, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 mars 2016 en audience publique, devant la cour composée de :

Catherine FOURNIEL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DES FAITS ET PROCÉDURE

L’A des Orphées dont M. G X est le gérant unique, et ayant pour activité l’exploitation, la mise en valeur et la gestion d’une propriété viticole, a souscrit auprès de l’assureur Albingia, après pourparlers par l’intermédiaire du courtier Garonne Conseil, une police d’assurance multirisques viticole n° IN1102638 à effet du 1er février 2011 couvrant l’activité d’exploitation viticole sur sept sites distincts dont elle est locataire.

Un avenant a été établi avec effet au 2 mars 2011 portant sur la garantie responsabilité civile de l’A.

Le 24 juin 2011, un incendie a détruit partiellement l’un de ces sites, XXX à E Ciers d’Abzac, sinistre déclaré le jour même par l’A des Orphées auprès de la société Albingia.

Au vu d’une note de visite risque d’entreprise établie le 27 juin 2011 par M. I L , inspecteur technique , d’un rapport de reconnaissance rédigé le 5 juillet 2011 par Y-R expertises , et d’un constat d’huissier de justice dressé par Me Vacher le 11 juillet 2011, la société Albingia a notifié le 12 juillet 2011 à son assurée par lettre recommandée avec accusé de réception la nullité de plein droit de la police d’assurance, au résultat de la vérification du risque réalisée sur les 7 sites , en application de l’article L 113-8 du code des assurances.

Par courrier recommandé du 24 août 2011, l’A des Orphées a mis la SA Albingia en demeure de l’indemniser sous huitaine en application des garanties souscrites.

Le 29 décembre 2011, l’A des Orphées a fait assigner la société Albingia aux fins d’obtenir l’indemnisation du sinistre par son assureur qui s’y est opposé en raison de fausses déclarations, réticences intentionnelles et omissions volontaires de son assuré dans l’objectif de modifier l’appréciation du risque.

Suivant jugement en date du 28 août 2014, le Tribunal de Grande Instance de B a :

— prononcé la nullité du contrat d’assurance n° IN1102638 ;

— dit que les primes resteraient acquises à la société ALBINGIA à titre de dommages-intérêts ;

— débouté la société Albingia de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive;

— débouté l’EARLdes Orphées de l’ensemble de ses demandes ;

— condamné l’A des Orphées à payer à la société Albingia une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Par déclaration du 23 octobre 2014, l’A DES ORPHEES a interjeté appel du jugement du 28 août 2014 par le Tribunal de Grande Instance de B.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées et remises le 22 janvier 2015, l’A des Orphées demande à la cour , au visa des articles 1134, 1147 du Code civil, L112-4, L113-2 et L112-3 du Code des assurances , de réformer la décision entreprise , et :

— à titre principal , de dire et juger que la société Albingia doit l’indemniser des conséquences du sinistre du 24 juin 2011 en application de la police multirisques viticole n°IN1102638, et lui donner acte de ce que le quantum de ses demandes sera défini après expertise judiciaire qui sera sollicitée par conclusions d’incident ;

— à titre subsidiaire, de constater que la société Albingia ne démontre pas sa mauvaise foi lors de la déclaration du risque concomitante à la souscription de la police, ni ultérieurement , dire et juger en conséquence que la sanction opposable par la société Albingia ne peut consister qu’en une réduction proportionnelle de l’indemnité due conformément aux dispositions de l’article L113-9 alinéa 3 du Code des assurances, et lui enjoindre de justifier des modalités de calcul ;

— en toute hypothèse , de déclarer la société Albingia responsable du préjudice de jouissance subi par elle en raison de son refus abusif d’indemnisation , la condamner au paiement d’une somme forfaitaire de 50.000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal , et d’une indemnité de 6000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile , ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris le coût de l’expertise judiciaire et une somme équivalente au droit proportionnel éventuellement appelé par l’huissier en charge de l’exécution forcée, et d’ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir (sic).

Elle fait essentiellement valoir qu’aucune réticence ou mauvaise foi ne peut lui être reprochée concernant la déclaration d’un premier sinistre survenu le 21 juillet 2010,

alors qu’elle ne pouvait caractériser précisément l’origine de l’incendie ; qu’elle n’a effectué aucune fausse déclaration : qu’en effet, le bâtiment 6 à usage d’habitation, partiellement détruit par l’incendie de 2010, n’était pas laissé à l’abandon mais en l’état suite au sinistre de 2010 signalé à l’assureur, en l’attente du versement intégral des indemnités ; que les bâtiments 1 et 2 qui ont été entièrement détruits ou qui ont subi de nombreux endommagements étaient effectivement habités de manière permanente ; que les meubles avaient été retirés du bâtiment 2 avant l’incendie en raison de menus travaux d’embellissement ; qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir effectué le contrôle annuel de l’installation électrique, le délai imparti pour se conforter à cette obligation n’ayant pas expiré et la non-conformité du dispositif d’électricité n’ayant pas été constatée par l’huissier ; que la présence sur les lieux de la société All Fire gérée par le frère de M. G X n’avait pas à être déclarée en l’absence de bail ; que le stockage, par la société All Fire d’extincteurs n’a débuté qu’après la signature du contrat, rendant impossible toute déclaration de stockage à l’assureur ; que cette présence n’a joué aucun rôle causal dans la survenance du sinistre ; qu’elle a produit des factures d’achat des extincteurs présents sur les lieux avant le sinistre ; qu’en conséquence, qu’aucune fausse déclaration intentionnelle et aucune mauvaise foi ne peuvent être retenue à l’encontre de l’A DES ORPHEES , et qu’en toute hypothèse, seule la règle de la réduction proportionnelle de prime a vocation à lui être opposée.

Dans ses dernières conclusions notifiées et remises le 20 mars 2015, la société Albingia demande à la cour, au visa des dispositions des articles L113-2, L113-8 et L113-9 du Code des assurances, et de l’article 1134 du Code civil, de :

— dire et juger que les éléments constitutifs de la fausse déclaration avec réticence intentionnelle de mauvaise foi de l’article L113-8 du Code des assurances constitués , et que c’est à bon droit qu’elle a notifié à son assuré la nullité du contrat d’assurances pour l’ensemble des 7 sites qui lui ont été déclarés ;

— par voie de conséquence , débouter l’A des Orphées de l’ensemble de ses moyens et prétentions ;

— Confirmer la nullité constatée par le jugement du 28 août 2014 ;

— dire et juger qu’elle a également dans le cadre de l’instance et au terme de son acte introductif , confirmé non seulement le caractère mensonger de ses déclarations initiales mais en a rajouté d’autres , accréditant plus encore sa totale mauvaise foi et son intention de modifier l’appréciation du risque et de troubles la religion de la cour ;

— dès lors , à titre complémentaire , dire et juger qu’à défaut de mauvaise foi constituée de sa part elle est en droit d’opposer la règle proportionnelle visée à l’article L 113-9 du code des assurances , et de l’alinéa 4 de l’article 4.3 des conditions générales du contrat d’assurance ;

A titre infiniment subsidiaire , si la nullité de la police n’était pas retenue, elle sollicite l’application d’une règle proportionnelle de 100% sur l’indemnité due au titre de la réparation des dommages consécutifs au sinistre , et de prononcer la résiliation du contrat, comme conséquence de la totale inexactitude dans la déclaration de la réalité du risque.

Elle demande enfin de dire et juger, qu’en application de l’article L113-8 du Code des assurances, elle est bien fondée à conserver à titre de dommages-intérêts, l’ensemble de la prime perçue sur le contrat d’assurances dont la nullité a été consacrée , de condamner l’A des Orphées au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts, et de celle de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile , ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait observer en substance qu’au vu des éléments fournis par l’assuré dans un questionnaire de présentation du risque du 13 décembre 2010, elle avait refusé de prendre le risque du fait d’autres activités que viticole exercées sur les sites occupés par l’intimée, qu’au titre des antécédents l’assuré indiquait qu’un incendie trouvant son origine dans un court-circuit électrique était survenu le 22 juillet 2010, ce qui ne pouvait laisser penser qu’à une origine accidentelle, alors que son expert indique que ce sinistre était d’origine criminelle ; que la nullité du contrat résulte des éléments recueillis et de la vérification du risque réalisée sur le site de ST Ciers d’Abzac mais également des omissions et fausses déclarations constatées sur les autres sites ; que les conditions de l’article L113-8 du Code des assurances sont réunies ; qu’en effet, tout d’abord, la déclaration du risque effectuée par l’assurée était mensongère et a modifié l’appréciation du risque par l’assureur ; qu’à ce titre, d’autres activités que viticole ne rentrant pas dans l’objet de la police étaient exercées sur le site de ST Ciers d’Abzac par la SARL All Fire co-gérée par M. G X et que notamment des extincteurs y étaient stockés ; que l’ensemble des fenêtres et des volets des sites ne disposaient pas de systèmes de fermeture ; que M .G X n’ignorait pas les circonstances du sinistre de 2010 ; que la présence d’aucun extincteur mobile n’a été constaté sur les sept sites ; qu’une absence d’entretien caractérisée a été retenue à l’encontre des installations électriques qui ne semblent pas vérifiées tous les deux ans ; que l’état de vétusté du bâtiment et l’absence de tout aménagement minimum démontrent l’inoccupation des bâtiments ; qu’ensuite, le caractère intentionnel de la déclaration incorrecte visible et constitué ; qu’ainsi la mauvaise foi de l’assurée est caractérisée.

Il est fait référence aux écritures respectives des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

L’ordonnance déclarant l’instruction close a été rendue le 7 mars 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LA NULLITE DU CONTRAT D’ASSURANCE

Selon l’article L 113-8 du code des assurances : Indépendamment des causes ordinaires de nullité , et sous réserve des dispositions de l’article L 132-26 , le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré , quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur , alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.

En application de l’article L 113-2 du même code , l’assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l’assureur , notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat , sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge.

Il doit également déclarer , en cours de contrat , les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes et caduques les réponses faites à l’assureur , notamment dans le formulaire ci-dessus mentionné.

Les déclarations du courtier, mandataire de l’assuré, engagent ce dernier.

En l’espèce les omissions et inexactitudes relevant selon la compagnie Albingia d’une fausse déclaration intentionnelle concernent les renseignements fournis sur un précédent sinistre survenu en juillet 2010 , sur des bâtiments agricoles et partie d’une maison d’habitation, l’exercice sur le site de E Ciers d’Abzac d’activités non déclarées et ne rentrant pas dans l’objet de la police , les modalités de protection contre le vol , la vérification des installations électriques , la présence d’extincteurs et l’occupation des locaux à usage d’habitation.

Il est indiqué dans les conditions personnelles du contrat d’assurance n°IN1102638 souscrit par l’A Les Orphées au paragraphe ' DECLARATIONS ' que les bâtiments sont construits et couverts pour au moins 90 % en matériaux durs et qu’ils sont en bon état d’entretien , que les installations électriques satisfont aux prescriptions réglementaires les concernant et sont contrôlées au moins une fois par an par un vérificateur qualifié de l’A.P.S.A.D., que les bâtiments sont dotés d’une installation d’extincteurs mobiles mise en place par une entreprise qualifiée par l’A.P.S.A.D.et qu’un contrat de vérification annuelle a été souscrit auprès de l’installateur ou d’un vérificateur qualifié par l’A.P.S.A.D.

Les pièces versées aux débats révèlent que préalablement à la souscription de ce contrat des échanges ont eu lieu entre le courtier Garonne Conseil , mandataire de l’A Les Orphées et la compagnie Albingia.

C’et ainsi qu’un formulaire de déclaration de risque a été rempli en décembre 2010 par le courtier mais l’assureur n’a pas souhaité y donner suite en raison des activités ' céréales et foins ' déclarées par l’A et d’un précédent sinistre survenu en juillet 2010 , ce qu’il l’indique dans un mail du 14 décembre 2010.

Garonne Conseil a répondu le 21 décembre 2010 que le seul site de stockage de foins était celui de E Ciers d’Abzac et que tout le reste concernait la viticulture , cependant Albingia a confirmé son refus le 24 décembre 2010 , en raison de la présence d’activité de stockage de foin.

Dans un mail du 12 janvier 2011 , le courtier a indiqué : ' Mr X le dirigeant m’a précisé que le site qui a brûlé le 23 juillet 2010 n’a été acheté que le 6 / 12/ 2010 ( date de signature chez le notaire ).

Le GAN qui était le tenant a véritablement ' traîné’ ne serait ce que pour ouvrir le dossier , ce qui a inquiété le client quant à la capacité d’assurer ses biens correctement. Il a donc résilié après cet événement . ( …)

Il faisait ensuite état d’une proposition d’AXA de l’ordre de 6000 euros par an alors qu’elle était de 3000 euros au GAN, ajoutait que l’affaire pourrait se réaliser si l’on proposait 'quelque chose autour de 3500 euros ' , et souhaitait un traitement rapide de ce dossier , le client n’étant plus assuré.

Le 13 janvier 2011, la compagnie Albingia a demandé à Garonne Conseil de lui communiquer des éléments absents du formulaire de déclaration de risque MR VITICOLE :

— les adresses de chacun des sites

— la superficie de chaque bâtiment

— la qualité de l’assuré (locataire , propriétaire …)

— la matérialité de chacun des bâtiments

— les moyens de protection et mesures de prévention incendie (extincteurs , q 18) par site

— les moyens de protection vol ( mécaniques , électroniques )

— le montant des matériels, mobiliers et marchandises hors vins par site

— le montant des vins par site

— une copie du contrat si possible.

Garonne Conseil a communiqué en réponse le 18 janvier 2011 les adresses et valeur de chaque site, les plans , les protections signalées pour le vol par M. X , et a précisé qu’il existait pour les extincteurs un contrat prévoyant une vérification annuelle , et que l’A était propriétaire de tous les sites.

Le même jour , Albingia a réclamé des renseignements manquants qui concernaient les superficies , la qualité de l’assuré par bâtiment et la matérialité de chacun des bâtiments, la vérification annuelle des installations électriques , les moyens de protections mécaniques vol par site , et le montant des vins par site.

Le 27 janvier 2011, Garonne Conseil a précisé notamment que tous les bâtiments étaient en dur soit en pierre , soit en parpaing, que l’A faisait vérifier ses installations électriques tous les deux ans, que tous les bâtiments étaient fermés à clé, que les châteaux et logements étaient habités , avec pour deux adresses alarme et vidéo avec enregistreur ( sites de E F et E Quentin de Caplong ) que l’A était propriétaire du tout , et que le site de Puisseguin était loué.

Sur la base de ces informations , la compagnie Albingia a fait une offre de souscription le 28 janvier 2011 multirisque viticole , en rappelant qu’aucun stockage de foin ou paille ne devait être présent sur l’ensemble des sites , et que l’assuré devait interdire à ses locataires ce type de stockage.

Garonne Conseil a transmis à l’assureur le 31 janvier 2011 , l’accord du client , lequel a souligné que l’A était fermière, et après avoir sollicité communication des baux le même jour , Albingia a établi le 21 février 2011 un second projet qui a été accepté par l’A le 2 mars 2011.

L’examen du formulaire de déclaration du risque fait apparaître le caractère succinct des questions posées et par suite des réponses données par l’assuré , cependant les mails ultérieurement adressés par l’assureur au courtier contiennent des questions précises et claires , appelant des réponses sincères et complètes notamment sur l’état des bâtiments, leurs installations électriques et le système de protection incendie.

Au titre des antécédents il est mentionné dans le formulaire :

'Incendie -Court circuit électrique , 21 / 07 / 2010 environ 200 000 € Bâtiment agricole + Partie d’une maison d’habitation .'

L’indication d’un court circuit électrique laissait entendre qu’il s’agissait d’un sinistre d’origine accidentelle.

La précision spontanément apportée par Garonne Conseil , rapportant les propos de M. X, le 12 janvier 2011 selon laquelle : ' le site qui a brûlé le 23 juillet 2010 n’a été acheté que le 6 / 12 / 2010 …'était de nature à laisser penser que l’assuré n’avait qu’une connaissance indirecte et relative concernant ce sinistre.

Or ainsi que l’a justement relevé le tribunal, s’il n’est pas contesté que l’A Les Orphées n’est pas propriétaire du site en question, il n’est pas davantage contesté que le propriétaire de ce site est la SCI Monvoisin dont la gérante est la mère de M. G X.

L’identité du propriétaire du site au jour du premier sinistre n’est pas justifiée , mais il résulte du rapport de reconnaissance daté du 5 juillet 2011 établi par le cabinet R Expertises que l’exploitation de ce site avait été confiée par bail à ferme à l’A des O X , dont le gérant était M. C X , jusqu’à la reprise du fermage en 2007 par l’A des Orphées , peu après la mise en redressement judiciaire, le 15 décembre 2006 de l’A des O X , dont la liquidation judiciaire a été prononcée le 8 janvier 2008.

L’exactitude de ces renseignements n’est pas démentie par les pièces que produit l’appelante , laquelle a en tout état de cause déclaré dans le formulaire qu’elle était déjà assurée pour ce risque auprès du GAN , ce qui implique qu’elle était déjà exploitant du site de E Ciers d’Abzac , et qu’à ce titre elle devait avoir une parfaite connaissance du sinistre.

L’A des Orphées n’explique pas à quel autre titre elle aurait assuré ce site.

En indiquant d’abord que l’incendie était dû à un court circuit électrique , ensuite en faisant savoir par son courtier que le site qui avait brûlé en juillet 2010 n’avait été acheté que le 6 décembre 2010 , l’A a volontairement présenté l’incendie comme un accident dont elle n’avait qu’une connaissance imparfaite, et a ainsi sciemment omis de donner à l’assureur des détails qu’elle possédait nécessairement en sa qualité de locataire exploitant du site , notamment que l’origine du sinistre n’était pas établie et qu’une enquête de l’assureur GAN était en cours.

Or cette connaissance par Albingia d’un premier incendie d’origine éventuellement intentionnelle , ainsi que du litige avec le premier assureur portant sur cet incendie , aurait incontestablement modifié l’appréciation du risque par l’assureur , et le tribunal a estimé à bon droit que l’assuré avait fait preuve de mauvaise foi sur ce point.

Concernant les activités exercées , l’A des Orphées n’a pas menti en indiquant dans le questionnaire de déclaration de risque qu’elle avait une activité de viticulture , céréale et foins , et si en raison de cette dernière activité la compagnie Albingia a refusé initialement de procéder à une étude du dossier , puis a précisé qu’aucun stockage de foin ou de paille ne devait être effectué sur l’ensemble des sites, il n’est pas reproché à l’assurée un manquement à ce titre , et la preuve de l’exercice par elle-même d’une activité autre que la viticulture n’est pas rapportée.

Il apparaît en revanche établi qu’une société All Fire Recycling , dont l’activité était la récupération de déchets triés , occupait au moment du sinistre de juin 2011 un des bâtiments du site de E Ciers d’Abzac, sans que cette situation ait été déclarée à l’assureur.

Les gérants de cette société immatriculée au RCS depuis le 1er septembre 2010 étaient M. G X et son frère I X , et le siège social de cette société était situé au lieudit Lamothe E Ciers d’Abzac , l’un des sites assurés.

Le jour de la visite risque d’entreprise réalisée par l’inspecteur de la compagnie d’assurance le 27 juin 2011, il a été constaté le stockage dans ce bâtiment d’extincteurs en nombre important et de cuves en plastique utiles à une activité non viticole.

L’A des Orphées soutient que lors de la conclusion du contrat l’activité de cette société n’avait pas commencé , qu’elle n’aurait débuté que courant avril 2011, qu’il n’existait aucun bail entre elle et la société All Fire, alors que dans le formulaire de déclaration de risques seule figurait une question sur la situation locative de l’ensemble du mobilier , et qu’elle avait adressé l’ensemble des baux qu’elle détenait au représentant de la compagnie Albingia.

Elle ajoute que la présence sur les lieux de la société All Fire n’a pas joué le moindre rôle causal dans la survenance du sinistre.

Il s’évince clairement des demandes précises faites par l’assureur de justification des conditions d’utilisation des locaux que devaient être déclarées de manière exhaustive toutes les activités exercées sur les sites à assurer , que ce soit par l’assuré ou par un tiers , locataire ou occupant à un autre titre , ce que l’A Orphées et en tout état de cause son mandataire ne pouvaient ignorer.

Même si l’activité de la société All Fire n’avait pas commencé lors de la souscription du contrat d’assurance , M. G X , en sa qualité de co-gérant de cette société , savait parfaitement que celle-ci , créée quelques mois auparavant, était ou allait s’installer sur le site de E Ciers d’Abzac , et en toute hypothèse cette activité aurait dû à tout le moins être déclarée dès le mois d’avril 2011 , d’autant qu’il s’agit d’une activité spécifique nécessitant une assurance particulière.

Cette réticence de l’assuré était de nature à changer l’objet du risque pour l’assureur , et ce même si le risque omis a été sans influence sur le sinistre.

La mauvaise foi de l’assuré apparaît établie dès lors que le gérant de l’A des Orphées était également l’un des gérants de la société All Fire.

L’assureur a posé des questions précises sur les moyens de protection et les mesures de prévention incendie par site et sur les moyens de prévention vol le 13 janvier 2011 et le 25 janvier 2011.

Le courtier Garonne Conseil a répondu le 27 janvier 2011 que l’A faisait vérifier ses installations électriques tous les deux ans , que pour les extincteurs il y avait un contrat , et qu’ils étaient vérifiés systématiquement tous les ans sur tous les sites.

Or les photographies versées aux débats ne montrent la présence d’extincteurs dans aucun des bâtiments , à l’exception de ceux stockés dans les locaux occupés par la société All Fire.

Le tribunal a relevé que le demandeur ne justifiait d’aucune plainte déposée pour leur vol puisqu’elle prétendait qu’ils existaient mais avaient été volés , que par ailleurs il ne produisait aucun certificat de vérification antérieur à la souscription du contrat , ou pendant le contrat , de ces extincteurs alors que leur existence même était contestée , et que la seule présentation de ces documents lui aurait permis de se convaincre de la réalité de leur existence.

L’appelante ne fournit à cet égard aucun élément justificatif en cause d’appel.

Il a justement considéré qu’à défaut , il était établi que la réponse de l’assuré n’était pas sincère , voire mensongère , que cette absence de sincérité avait nécessairement modifié l’appréciation du risque par l’assureur , et que la mauvaise foi de l’assuré sur ce point était totale dès lors qu’il était informé du premier sinistre par incendie et de la nécessité de protéger l’ensemble des sites d’un second sinistre du même type.

S’agissant des installations électriques , aucune pièce n’a été produite par l’A des Orphées sur l’état de ces installations et sur les vérifications effectuées auxquelles elles étaient soumises, en dépit de la déclaration faite par son mandataire sur ce point , impliquant la possibilité d’en justifier à première demande de l’assureur ou de la juridiction.

La question posée par l’assureur sur la fréquence des vérifications , avec référence à un certificat Q 18 , avait pour objet évident de lui permettre d’être renseigné précisément sur l’état des installations électriques , et en répondant qu’elles étaient vérifiées tous les deux ans , l’assuré laissait entendre qu’elles étaient aux normes et en bon état d’entretien.

Il ressort des constatations faites à la suite du sinistre que sur le site de E Ciers d’Abzac , les bâtiments touchés par le premier incendie n’avaient fait l’objet d’aucune réfection , ce qui incluait nécessairement l’électricité.

L’assuré a donc sciemment omis d’indiquer que l’installation électrique d’une partie des sites loués n’était pas en bon état.

Le cabinet Garonne Conseil , après avoir mentionné le 18 janvier 2011 l’existence de d’habitations sur les seuls sites de Puisseguin , E Quentin de Caplong , Nérigean et E Ciers d’Abzac, y a ajouté le 27 janvier les sites de E Philippe d’Aiguille et E F , en précisant que tous les bâtiments étaient fermés à clés , et que les châteaux et logements étaient habités.

Or il a été constaté le 27 juin 2011 que les logements de E F , E Quentin de Caplong, E Philippe d’Aiguille , E Ciers d’Abzac et Nérigean étaient vides de tous occupants , et cette situation a été confirmée lors de la réunion de reconnaissance du 28 juin 2011 menée par cabinet Y Expertises en présence du cabinet Z et de M. X.

Force est de constater que l’A des Orphées ne justifie par aucun document objectif d’une occupation effective de l’ensemble de ces logements.

Il s’ensuit que l’assuré a fait une fausse déclaration sur ce point , alors que l’occupation des bâtiments , gage d’entretien et de surveillance régulière , est un élément essentiel d’évaluation du risque pour l’assureur.

Concernant la sécurisation des sites , l’assuré avait déclaré initialement que tous les sites étaient pourvus de portes et de vitrages avec serrures.

L’assureur l’ayant interrogé le 13 janvier 2011 sur les moyens de protection vol, il a été répondu par Garonne Conseil le 18 janvier :

— pour le site de E F : alarme reliée téléphone + caméra

— pour le site de E Quentin de Caplong : caméra avec enregistreur.

A la même question posée le 25 janvier 2011 , il a été indiqué : ' Tous les bâtiments sont fermés à clefs , de plus les châteaux et logements sont habités , je vous ai précisé pour deux adresses : alarme et vidéo avec enregistreur .'

Or les photographies produites montrent qu’une partie des bâtiments de E Philippe d’Aiguille et de E Ciers d’Abzac ne possèdent pas de fermeture et sont donc aisément accessibles , et les derniers cités ont été visités au regard des tags figurant sur les murs.

L’A des Orphées ne justifie par aucune pièce , telle qu’un constat d’huissier, de ce que l’ensemble des vitrages et des portes de tous les sites possédaient des serrures, conformément à ce qu’elle a déclaré.

La preuve est ainsi rapportée de plusieurs omissions , réticences mais aussi de fausses déclarations faites sciemment par l’assuré et changeant l’opinion du risque ou en diminuant l’opinion pour l’assureur , la mauvaise foi de l’assuré étant établie de façon manifeste par sa connaissance de l’état de l’ensemble des sites appartenant à la famille X et des activités qui y étaient exercées par cette famille , de l’existence d’un premier incendie et d’une enquête diligentée à ce titre par l’assureur GAN, ce qui l’a conduit à dissimuler des éléments fondamentaux pour le second assureur Albingia , dans le but d’obtenir le plus rapidement possible une assurance qui lui faisait défaut.

C’est en conséquence à bon droit qu’a été prononcée la nullité du contrat d’assurance n°IN1102638.

SUR LES AUTRES DEMANDES

En application de l’article L 113-8 du code des assurances , il a été justement décidé que les primes resteraient acquises à la société Albingia à titre de dommages et intérêts.

Le caractère abusif de la procédure diligentée par l’A des Orphées n’est pas

démontré.

Le rejet de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera confirmé, ainsi que les dispositions du jugement relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile qui apparaissent conformes à l’équité.

Il est équitable d’allouer à l’intimée la somme complémentaire de 3000 euros au titre des frais non compris dans les dépens de la présente instance , et de laisser à la charge de l’appelante ses propres frais.

SUR LES DEPENS

La condamnation aux dépens prononcée à l’encontre de la partie succombant doit être confirmée.

L’A des Orphées qui échoue en ses prétentions devant la cour supportera les dépens de la présente procédure.

* * *

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

Condamne l’A des Orphées à payer à la société Albingia la somme de 3000 euros au titre des frais non compris dans les dépens de la présente procédure ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne l’A des Orphées aux dépens de la présente procédure , et dit qu’ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Catherine FOURNIEL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Bordeaux, 31 mai 2016, n° 14/06095