Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 27 mai 2021, n° 18/00342

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 2e ch. civ., 27 mai 2021, n° 18/00342
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/00342
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 26 décembre 2017, N° 15/08169
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 27 MAI 2021

(Rédacteur : Madame Catherine LEQUES, Conseiller)

N° RG 18/00342 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KHNB

Monsieur B X

c/

Monsieur D Y

Compagnie d’assurances SMABTP en qualité d’assureur de la société SOCABOIS

Compagnie d’assurances SMABTP en qualité d’assureur de la Société France FERMETTES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 décembre 2017 (7e chambre civile R.G. 15/08169) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 22 janvier 2018

APPELANT :

B X

né le […] à […]

de nationalité Française

Retraité

demeurant […]

Représenté par Me Xavier DELAVALLADE de la SCP DELAVALLADE – RAIMBAULT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

D Y

de nationalité Française

Profession : Entrepreneur exerçant en nom propre,

demeurant Quartier CAZES 1, lieu-dit Chaoupoule – 33720 ILLATS

Représenté par Me HIBERT substituant Me Marie-Christine RIBEIRO de la SELARL CMC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

Compagnie d’assurances SMABTP – SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, (société d’assurance mutuelle à cotisations variables),

recherchée en qualité d’assureur de la société SOCABOIS,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

Représentée par Me Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX

Compagnie d’assurances SMABTP – SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

recherchée en sa qualité d’assureur de la Société France FERMETTES

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […], […]

Représentée par Me Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Jean CORONAT de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 avril 2021 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie Jeanne LAVERGNE-CONTAL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Catherine LEQUES, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Au cours de l’année 2003, M X, dans le cadre de la construction de son immeuble à Hourtin, a confié à M Y la pose d’une charpente extérieure, facturée le 27 octobre 2003 pour un montant de 15 051,10 €.

La charpente a été fournie suivant facture d’un montant de 5121,21 € à M. Y par la société France Fermette qui s’était approvisionnée auprès de la société Socabois.

La peinture de la fermette a été réalisée par la société Faure.

Déplorant la dégradation de la charpente, M X a obtenu en référé le 18 juin 2013 la désignation en qualité d’expert de M Z, dont le rapport a été déposé le 10 octobre 2014, puis a assigné M Y, la société France Fermette et la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette et de la société Socabois devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, lequel par jugement du 27 décembre 2017, a ainsi statué :

— déboute M X de ses demandes dirigées contre M Y et contre la société France Fermette et son assureur

— déclare irrecevables comme prescrites les demandes de M X contre la SMABTP assureur de la société Socabois

— laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles

— condamne M X aux dépens y compris les frais de référé et d’expertise.

M X a formé un appel le 22 janvier 2018.

Par ordonnance du 5 décembre 2019, la caducité partielle de l’appel principal à l’encontre de la société France Fermette prise en la personne de son mandataire liquidateur a été constatée.

Dans ses conclusions du 15 janvier 2020, M X demande de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la recevabilité de l’action de M X à l’égard de la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois

— le réformer pour le surplus et statuant à nouveau :

— dire que la prescription n’est pas acquise à l’encontre de la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois

— condamner in solidum M Y, la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette et la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois à lui payer les sommes de

*2058,59 euros TTC au titre du coût des travaux réparatoires, sauf à parfaire

*4328,50 euros TTC au titre du remboursement des travaux de remplacement de la charpente

*682 € TTC au titre des travaux de mise en sécurité

*3500 € au titre du préjudice de jouissance

— condamner in solidum les défendeurs à lui payer la somme de 3500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens d’instance en ce compris les dépens de référé et les frais d’expertise.

Dans ses dernières écritures du 24 mars 2020, M Y demande de :

— confirmer le jugement

— subsidiairement si la cour retenait la responsabilité de M Y envers M X :

*dire que le rapport d’expertise est opposable à la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette et la société Socabois

*condamner la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette et de la société Socabois à garantir et relever indemne M Y de toutes les condamnations qui seraient éventuellement prononcées à son encontre

— à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour rejetait la demande de garantie dirigée contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette et la société Socabois :

*réduire la part de responsabilité de M Y envers M X à 25 %

— en tout état de cause

*débouter M X de sa demande de dommages-intérêts tant au titre de son préjudice matériel qu’au titre de son préjudice de jouissance

*condamner in solidum les parties qui succombent à verser à M Y la somme de 2500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Dans ses dernières écritures du 18 juillet 2018, la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette demande de :

— confirmer le jugement

*à titre principal

— dire que la société France Fermette n’était tenue à aucun devoir de conseil à l’égard de

M Y

— débouter M X et M Y de leurs demandes à l’encontre de la société France Fermette et de la SMABTP

— prononcer la mise hors de cause de la société France Fermette et de la SMABTP

*à titre subsidiaire

— dire que les garanties de la SMABTP n’ont pas vocation à être mobilisées au titre des désordres considérés

*à titre infiniment subsidiaire

— dire que l’expert n’a pas outrepassé la mission qui lui avait été confiée

— dire que la société France Fermette ne peut être tenue responsable de plein droit sur le fondement de l’article 1792 du code civil que de sa propre mission et non de celles qui se trouvaient en dehors de sa sphère d’intervention

— dire que M X doit se voir imputer une part de responsabilité

— condamner M Y à garantir et relever intégralement indemne la SMABTP de toute condamnation susceptible d’intervenir à son encontre

— limiter l’indemnisation allouée au titre du préjudice de jouissance à 420 €

*en tout état de cause

— constater que la SMABTP est fondée à opposer erga ornes une franchise contractuelle d’un montant de 25 franchises statutaires soit 25x 168 = 4200 €, conformément aux termes des conditions particulières de la police d’assurance professionnelle souscrite auprès de la SMABTP

— condamner M X ou toute partie succombante aux entiers dépens sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de la SCP Boyreau, ainsi qu’à payer à la SMABTP une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions du 16 octobre 2018, la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois , demande de :

— réformer le jugement en ce qu’il a jugé que la responsabilité de la société Socabois pouvait être recherchée sur le fondement de la responsabilité délictuelle et déclaré le rapport d’expertise opposable à la SMABTP , et statuant à nouveau :

*à titre principal

— dire que la responsabilité de la société Socabois ne peut être recherchée que sur le fondement de la garantie des vices cachés, et déclarer prescrite l’action en garantie des vices cachés

— dire en tout état de cause que l’action de M X serait prescrite même si elle était fondée sur l’article 1147 du code civil

— dire que l’action de M X contre la SMABTP se prescrit par le même délai que celle pouvant être engagée contre son assuré, en conséquence

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par M X contre la SMABTP

— condamner M X à payer à la SMABTP la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris ceux de première instance

*à titre subsidiaire

— déclarer inopposable à la SMABTP le rapport d’expertise judiciaire

— constater que les demandes dirigées contre la SMABTP sont exclusivement fondées sur ce rapport, et en conséquence

— rejeter toute demande dirigée contre la SMABTP

— condamner M X à payer à la SMABTP la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris ceux de première instance

*à titre infiniment subsidiaire

— dire que la police d’assurance souscrite par la société Socabois auprès de la SMABTP ne couvre pas l’activité de charpenterie, et qu’aucune des garanties souscrites auprès de la SMABTP n’a vocation à s’appliquer, et en conséquence

— rejeter toute demande dirigée contre la SMABTP

— condamner M X à payer à la SMABTP la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris ceux de première instance

*à titre éminemment subsidiaire

— dire que la responsabilité de la société Socabois n’est pas établie et en conséquence

— rejeter toute demande dirigée contre la SMABTP

— condamner M X à payer à la SMABTP la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris ceux de première instance

*à titre encore plus subsidiaire

— dire qu’en raison des fautes qu’il a commises, M X devra conserver à sa charge une part de responsabilité

— condamner pour le surplus M Y à garantir et relever indemne la SMABTP de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre

— rejeter toutes demandes formées à l’encontre de la SMABTP au titre du préjudice de jouissance invoqué par M X

— statuer ce que de droit sur les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2021.

La SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois a transmis de nouvelles conclusions le 23 mars 2021.

Par conclusions du 24 mars 2021, M X demande de déclarer irrecevables ces conclusions, transmises selon lui le 23 mars 2021 à 10h33, soit postérieurement à l’ordonnance de clôture prononcée le 23 mars 2021 à 8h34, et les écarter des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

sur la recevabilité des conclusions

Les conclusions transmises par la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois le jour de la clôture l’ont été trop tardivement pour permettre aux autres parties d’en prendre connaissance et d’y répondre.

Elles seront déclarées irrecevables.

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Dans son rapport, l’expert judiciaire décrit l’immeuble appartenant à M X comme une maison d’habitation de plain-pied, dont l’entrée est située sous un porche apparent en ferme traditionnelle assemblée en partie extérieure.

Il a constaté le pourrissement prématuré des pièces de charpente formant l’ossature de la demi ferme apparente de l’auvent, et affirmé que l’ouvrage allait peu à peu continuer à se dégrader jusqu’à sa ruine totale dans un délai de 12 mois, et était donc impropre à sa destination.

Selon lui en effet, la structure porteuse de la charpente traditionnelle est mise en cause par la détérioration du bois par l’intérieur même des pièces de charpente formant la triangulation et l’auto-stabilisation de l’ouvrage : la pourriture cubique due au ruissellement de l’eau affaiblit les zones d’encastrement des pièces de bois mais aussi les zones au milieu des pièces principales.

Selon lui ces désordres ont deux causes :

— la qualité du bois employé est médiocre, les bois ayant un résiduel d’eau libre dans leurs fibres très important ; les cerneaux du bois sont larges, et proviennent donc de bois de petite fûtée et issu de très jeunes arbres ; il s’agit donc d’une fibre molle ; du fait d’une absence de traitement en classe IV de risques, les fibres du bois ne résistent pas aux intempéries

— la mise en peinture très rapide a bloqué l’humidité du bois ; même si la peinture est dite micro poreuse, elle empêche les agressions des intempéries extérieures mais bloque l’humidité intérieure du bois : les fibres se sont auto-détruites par un empêchement du bois à libérer l’humidité qu’il contenait.

Selon lui, une erreur a été commise dans le choix du bois et sa qualité : les bois étant destinés à l’extérieur auraient dû faire l’objet d’une attention particulière et recevoir un classement en classe III pour la structure porteuse et classe IV pour le poteau ; selon lui le sapin mis en 'uvre ne peut d’aucune manière recevoir un classement III ou IV , il est dit inimprégnable.

L’expert estime que si le vice n’est pas dû à la pose de la charpente par M Y, celui-ci se devait de prévenir son fournisseur sur la qualité des bois qu’ils souhaitait pour une mise en 'uvre exposée aux intempéries.

Il estime que la société Socabois n’a pas exécuté son devoir de conseil auprès de la société France Fermette en proposant un produit propre à sa destination, et notamment des bois traités en autoclave et une essence de bois correspondant à sa destination, apte à recevoir un traitement autoclavé , ce qui n’est pas le cas du sapin.

Il note que M X, maître d’ouvrage , a transmis aux entreprises des informations sur la base des plans de permis de construire, mais pas celle sur la finition de mise en peinture.

Il estime que le peintre qui est intervenu n’aurait pas dû accepter un support inapte à recevoir trois couches de peinture.

Selon lui, la société France Fermette, revendeur intermédiaire, n’est pas un professionnel de la construction et ne peut être tenu de proposer des solutions techniques qui lui échappent.

Au vu des devis qui lui ont été transmis, il a chiffré à la somme totale de 6830,87 euros TTC le montant des travaux réparatoires ; il a évalué à sept jours la durée des travaux.

Sur la garantie décennale

M X estime engagée la garantie décennale de M Y , qui avait connaissance de la destination de la charpente, dès lors qu’aucune immixtion fautive du maître d’ouvrage n’est établie.

M Y objecte que sa mission était circonscrite à la pose de la charpente, dont le montage, comme l’a constaté le tribunal , n’était affecté d’aucun vice , de sorte que le dommage invoqué étant sans rapport avec la mission qui lui a été contractuellement confiée, sa responsabilité décennale ne peut être retenue.

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En application de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

La mise en oeuvre de la garantie décennale suppose que soit établi un lien d’imputabilité entre le dommage constaté et l’activité du constructeur.

En ce cas, il incombe à ce dernier, pour s’exonérer de sa responsabilité, de rapporter la preuve de ce que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Le premier juge a constaté à bon droit que les désordres constatés par l’expert affectaient un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil, étaient apparus dans les dix ans de la réception tacite des travaux intervenue après paiement total des factures par le maître de l’ouvrage dans des conditions dépourvues d’équivoque le 20 octobre 2003, et que ces désordres n’étaient ni apparents pour un profane ni réservés lors de la réception, et rendaient l’ouvrage impropre à sa destination.

Il a toutefois écarté la garantie décennale de M Y au motif que les désordres n’étaient pas directement en lien avec son activité puisque sa mission était limitée au montage de la charpente en fermette.

Si la facture établie par M Y mentionne comme prestation : « montage de la charpente en fermette », il a en fait facturé à M X à la fois la fourniture et la pose de cette charpente, qu’il s’était lui-même procurée auprès de la société France Fermettes.

Il n’est en effet pas établi que M X, en qualité de maître d’ouvrage , se soit réservé la commande de la charpente.

M Y a dès lors la qualité de constructeur de l’ouvrage ; il est responsable de plein droit des désordres d’ordre décennal affectant cet ouvrage.

Aucune immixtion du maître d’ouvrage de nature à limiter la responsabilité de M Y n’est établie.

C’est à tort que le premier juge a rejeté les demandes formées contre M Y sur le fondement de l’article 1792 du code civil .

Sur les demandes dirigées contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette

M X estime engagée la responsabilité de la société France Fermette en application de l’article 1382 du code civil.

M Y soutient de son côté que la société France Fermette a manqué à son obligation de conseil envers lui.

M X et M Y font en effet valoir que la société France Fermette à laquelle les plans de construction avaient été transmis, et dont l’activité déclarée est la fabrication de charpentes, aurait dû préconiser un bois adapté à sa destination.

Ils estiment donc mobilisable la garantie de son assureur.

La SMABTP objecte que :

— comme l’a conclu l’expert, la société France Fermette, qui n’était pas un professionnel de la construction, n’était redevable d’aucun devoir de conseil envers M Y , car elle n’était qu’un intermédiaire entre le poseur et le fabricant de la charpente, son rôle s’étant borné à enregistrer la commande de M Y et à trouver l’entreprise économiquement la plus avantageuse pour la fabrication : il appartenait donc à M Y, titulaire du lot « charpente » de choisir le matériau utilisé.

— la société France Fermette a vendu à M Y une charpente industrielle et non une charpente traditionnelle ; il s’agit d’une activité non garantie.

— M X , qui a refusé tout accompagnement par un maître d’oeuvre , ne s’est pas assuré que le bois commandé par M Y était adapté à sa destination, et a fait appliquer la peinture sur un support pas encore sec, doit conserver une part de responsabilité

— M Y qui n’a pas été vigilant sur la qualité du bois et les informations à transmettre pour obtenir un bon résultat doit être condamné à relever indemne la SMABTP de condamnations éventuelles.

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La société France Fermette a établi la facture suivante : « ensemble de charpente industrielle selon devis », pour un montant de 5121,21 €.

Le devis était ainsi détaillé :

—  14 fermes de 10.80 M A cm dont 2 doublées pour conduit de fumée

—  24 fermes de 8.50 M QV 50 cm

—  5 fermes tronquées à 5.80 M

—  1 chevêtre pour conduit de fumée

— échelle de pignon

— accessoires de stabilité selon DTU

[…]

— ferme tradi sur poteau de sapin

— panne sapin traitée rabotée taillée.

La facture Socabois, d’un montant de 819,68 € a été dressée pour les fournitures suivantes :

-1/2 ferme assemblée sapin raboté traité fongicide insecticide compris fixation

— sablière sapin raboté traité fongicide insecticide compris fixation

— pannes sapin raboté traité fongicide insecticide compris fixation

— faitage sapin raboté traité fongicide insecticide compris fixation.

Tant M X, maître d’ouvrage, que M Y disposent d’une action contractuelle directe contre la société France Fermette , fabricant ayant livré les matériaux à l’entrepreneur.

Ils soutiennent que la société France Fermette a manqué à son obligation de conseil.

La SMABTP reprend à son compte, pour soutenir que la société France Fermette n’était redevable d’aucun devoir de conseil, les affirmations de l’expert selon lequel la société France Fermette est un intermédiaire à la revente d’un produit , mais pas un professionnel de la construction et doit recevoir toutes les informations techniques nécessaires, qu’il ne lui appartient pas de donner.

Toutefois, d’après l’extrait du registre du commerce versé aux débats par M Y, l’activité pour laquelle est immatriculée la société France Fermette est la suivante : « fabrication de charpentes et d’autres menuiseries ».

Il n’est pas contesté que, comme l’a indiqué l’expert, M X avait transmis les plans de la construction à M Y qui les avait communiqués à la société France Fermette : cette société en sa qualité de fournisseur, disposait donc d’éléments lui permettant de savoir que les fermettes étaient destinées à l’extérieur ; il lui appartenait en conséquence de livrer à M Y un produit adapté à l’usage projeté, éventuellement en prenant attache avec la société Socabois si elle s’estimait incompétente sur le plan technique pour choisir le bois à utiliser.

Elle a manqué à son devoir de conseil envers le maître d’ouvrage et M Y : cette faute contractuelle a contribué à la production de l’entier dommage de sorte qu’elle sera tenue in solidum avec M Y à réparer le dommage subi par M X .

Contrairement à ce que demande la SMABTP, aucune part de responsabilité ne sera laissée à la charge de M X : en effet, l’absence d’un maître d’oeuvre n’est pas une cause d’atténuation de la responsabilité d’un entrepreneur, qui doit se renseigner sur la finalité des travaux qu’il a accepté de réaliser et dont l’obligation de conseil est renforcée en l’absence de maître d’oeuvre.

Le fait que selon l’expert , M X n’ait pas prévenu M Y de ce qu’il envisageait de peindre la charpente est notamment indifférent puisque la qualité inadaptée du bois était à elle seule suffisante pour rendre l’ouvrage impropre à sa destination et compromettre sa solidité.

M Y n’a pas pris de son côté de précautions suffisantes, et n’a pas fait preuve de vigilance quant à la qualité des matériaux mis en oeuvre ; au vu des éléments de l’espèce, dans les rapports entre M Y et la société France Fermette, la part de responsabilité de M Y doit être fixée à 70 % et celle de la société France Fermette à 30 %.

Sur la garantie de la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette

Aux termes des conditions particulières du contrat d’assurance souscrit par la société France Fermette auprès de la SMABTP, donnent lieu à l’application des garanties les seuls produits suivants :

*fabrication :

— fermettes ( conformes au référentiel CTBA B)

— charpentes traditionnelles (bois traité) sous-traité à la société Charpente Bois d’Aquitaine

— panneaux pour maisons à ossature bois

— poutres en I Steico sous ATE 06/0238

[…]

*négoce :

tuiles, […], lisses, contreventements,accessoires de fixation hors pointes.

Parmi les activités garanties figure la fabrication de fermettes, dénomination technique des composants des charpentes industrielles.

La fabrication par la société France Fermette d’un ensemble de charpente industrielle facturé à M Y fait donc partie des activités garanties aux termes du contrat d’assurance.

C’est donc à tort que la SMABTP dénie sa garantie .

La SMABTP sera donc condamnée in solidum avec M Y à réparer l’entier dommage subi par M X .

M Y d’une part et l’assureur de la société France Fermette se devront mutuellement garantie à proportion de leur part de responsabilité respective , soit 70% pour M Y et 30% pour la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette.

La SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette peut opposer la franchise prévue au contrat à M X et M Y .

Il ressort des conditions particulières versées aux débats, que la franchise prévue pour la garantie responsabilité professionnelle est égale à 10 % des dommages avec un minimum égal à 20 franchises statutaires.

Sur les demandes dirigées contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois

M X soutient que son action dirigée contre l’assureur de la société Socabois sur le fondement de l’article 1382 du code civil n’est pas prescrite, car il n’a eu connaissance de la responsabilité de la société Socabois que lors de la première expertise réalisée en présence de la société France Fermette le 28 septembre 2012, et a assigné la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois le 9 septembre 2016, dans le délai de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil.

Il ajoute que le rapport d’expertise est opposable à la SMABTP , comme l’a décidé le premier juge.

Il estime que la société Socabois a manqué à son obligation de conseil en ne fournissant pas des matériaux adaptés à un usage en extérieur alors qu’elle avait reçu les plans de la construction.

M Y soutient que la responsabilité décennale de la société Socabois est engagée en sa qualité de fabricant, et que la menuiserie, activité déclarée au contrat d’assurance, est une activité accessoire à celle de de charpente et doit être garantie par la SMABTP.

La SMABTP soutient que l’action de M X est prescrite.

En effet selon elle, le contrat conclu entre la société France Fermette et la société Socabois est un contrat de vente , le travail effectué par la société Socabois ne présentant aucune particularité ou spécificité ; M X disposait donc d’une action contractuelle transmise aux sous acquéreurs successifs, et non d’une action délictuelle.

Or, l’action en garantie des vices cachés est prescrite comme n’ayant pas été engagée dans le bref délai prévu par l’article 1648 ancien du code civil.

L’action délictuelle est selon elle prescrite elle aussi, puisque les désordres datent au plus tard de juillet 2011 et que l’assignation délivrée à la SMABTP ne l’a été que le 9 septembre 2016, soit plus de cinq ans après, et alors que M X connaissait parfaitement l’intervention de la société Socabois

La SMABTP fait valoir subsidiairement qu’elle n’a pas été appelée ou représentée aux opérations d’expertise, que le rapport lui est inopposable et ne saurait fonder à lui seul les demandes de M X .

Elle ajoute que la société Socabois était assurée pour l’activité menuiserie bois ou PVC ou métallique et non pour celle de fabrication d’éléments de charpente, et qu’en tout état de cause aucune des garanties prévues au contrat ne s’applique en l’espèce, soutenant notamment que sa responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement de l’article 1792 ni 1792-4 du code civil .

Elle estime enfin que la preuve d’un manquement à son devoir de conseil n’est pas rapportée.

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*sur la prescription de l’action dirigée par M X contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois

L’action dirigée par M X contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois n’est pas une action en garantie des vices cachés mais un action directe contre

l’assureur fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Socabois , soumise au délai de prescription de cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, en application de l’article 2224 du code civil alors applicable.

La SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois a été assignée le 9 septembre 2016.

Or, s’il résulte d’un courrier du 22 juin 2012 de l’assureur protection juridique de M X que si ce dernier a fait constater en juillet 2011 les désordres de la charpente à M Y accompagné de son fournisseur, soit la société France Fermette , aucun élément ne démontre que M X ait alors reçu la moindre information sur l’intervention de la société Socabois

C’est seulement dans un rapport d’expertise protection juridique établi le 30 janvier 2013 après une réunion du 28 septembre 2012 qu’apparaît dans les pièces versées aux débats le nom de la société Socabois en qualité de vendeur de la demi ferme à la société France Fermette.

Le point de départ du délai de prescription ne peut être fixé à une date antérieure au 28 septembre 2012.

L’assignation délivrée le 9 septembre 2016 à la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois l’a donc été dans le délai de cinq ans.

L’action dirigée par M X contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois n’est pas prescrite et sera déclarée recevable par infirmation du jugement.

*sur l’opposabilité du rapport d’expertise à la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois

La SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois , a eu connaissance des résultats de l’expertise dont le but est d’établir la réalité et l’étendue de la responsabilité de son assuré qu’elle garantit ; elle a donc eu la possibilité d’en discuter les conclusions ; elle n’invoque aucune fraude commise à son encontre ; comme l’a décidé à bon droit le tribunal, elle n’est donc pas fondée à soutenir que l’expertise lui est inopposable, et ce même si la société Socabois n’était ni présente ni convoquée aux opérations d’expertise. ( 3°civ, 29 septembre 2016, pourvoi 15-16.342)

*sur l’appel en garantie dirigé par M Y contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois

M Y estime engagée la responsabilité de la société Socabois sur le fondement de l’article 1792 du code civil en sa qualité de fabricant de la charpente.

La SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois fait toutefois valoir à bon droit que la garantie décennale n’est due en application de cet article que par les constructeurs d’un ouvrage, que la société Socabois, fabricant de matériaux, ne peut être considérée comme un constructeur et que sa garantie décennale n’est pas mobilisable en l’espèce.

*sur la garantie de la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois

— sur l’activité garantie

C’est à tort que la SMABTP soutient que la fabrication de charpente ne ferait pas partie des

activités couvertes par le contrat d’assurance souscrit par la société Socabois ainsi définies « menuiserie bois ou PVC ou métallique » : en effet la charpente fournie en l’espèce est bien le résultat d’un travail de menuiserie que l’assurance doit garantir.

— sur les garanties prévues au contrat

Le contrat d’assurance souscrit par la société Socabois comprend les garanties suivantes :

garantie de dommages en cours de travaux, garantie de la responsabilité civile professionnelle, et garantie de la responsabilité décennale.

La SMABTP fait valoir à bon droit qu’aucune de ces garanties ne peut trouver application dans le cadre du présent litige.

En effet, la responsabilité décennale de la société Socabois n’est pas mobilisable.

La garantie dommages en cours de travaux ne vise que les dommages matériels affectant les ouvrages avant réception, à la suite d’un incendie, d’un effondrement, des effets du vent ou d’une catastrophe naturelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Enfin sont expressément exclus de la garantie responsabilité civile professionnelle les « dommages matériels ou les indemnités compensant ces dommages subis par les travaux, parties d’ouvrage que vous exécutez ou par les matériaux que vous fournissez et que vous mettez en oeuvre, ainsi que les frais et dépenses engagés pour la réparation de ces dommages ».

Les dommages dont M X demande réparation entrent dans la catégorie des dommages visés par cette exclusion, de sorte que la SMABTP n’est pas tenue de les garantir.

Les demandes dirigées contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois sont mal fondées et seront rejetées.

Sur le montant de l’indemnisation de M X

En réparation de son préjudice matériel, M X demande les sommes suivantes :

*2058,59 euros TTC au titre du coût des travaux réparatoires, sauf à parfaire

*4328,50 euros TTC au titre du remboursement des travaux de remplacement de la charpente

*682 € TTC au titre des travaux de mise en sécurité.

*3500 € au titre du préjudice de jouissance

M Y objecte que la somme de 2058,59 € correspond à l’addition de deux devis l’un de peinture, l’autre d’enduit et qu’il s’agit donc de la même prestation.

M Y et la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette estiment excessive la demande formée au titre du préjudice de jouissance.

**************************************************

L’expert a chiffré à la somme de 6830,87 € le coût des travaux réparatoires ainsi ventilé :

— charpente : 4805,81 €

— fourniture et pose enduit type PRB : 1235,66 €

— peinture ( fourniture et pose 3 couches) : 789,42 €.

M X produit les factures et devis suivants :

— charpente ( facture en date du 13 décembre 2019) : 4328,50€

— travaux de confortation : fourniture d’une toile, d’un madrier et d’un poteau (facture en date du 14 février 2015) : 682€.

— remise en état de l’enduit ( devis du 2 août 2012) : 1391 €

— peinture ( devis du 25 mai 2012) : 667,59 €.

Il convient de retenir le chiffrage des travaux d’enduit et de peinture proposé par l’expert sur la base de devis d’une date postérieure à ceux versés aux débats par M X , soit la somme totale de 2025,08 €.

La réparation intégrale du préjudice de M X justifie sa demande en paiement des sommes de 4328,50 € au titre de la réfection de la charpente et de 682 € au titre des travaux confortatifs qu’il justifie avoir exposés, soit la somme totale de 5010,50 €.

Il convient donc d’allouer à M X la somme de 7035,58 € en réparation de son préjudice matériel.

L’expert a évalué à 7 jours la durée des travaux de réception et proposé de chiffrer à 60 € par jour le préjudice de jouissance pendant ce délai.

M X ne produit pas d’élément de nature à justifier sa demande de 3500€ à ce titre, d’autant que les travaux confortatifs effectués par lui sont de nature à exclure la préjudice lié selon lui à la crainte de voir la charpente tomber en ruine.

Son préjudice de jouissance sera justement réparé par la somme de 420€ de dommages-intérêts

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

M Y et la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette seront condamnés in solidum aux dépens et à payer à M X la somme de 3500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les conclusions transmises le 23 mars 2021 par la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois

Infirme le jugement

Statuant à nouveau

Condamne in solidum M Y et la SMABTP en qualité d’assureur de la société France

Fermette à payer à M X les sommes de :

—  7035,58 € en réparation de son préjudice matériel.

—  420€ en réparation de son préjudice de jouissance

Dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s’effectuera de la manière suivante :

— M Y : 70 %

— la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette : 30 %

et que M Y et la SMABTP se devront mutuellement garantie dans ces proportions

Dit que la franchise contractuelle égale à 10 % des dommages avec un minimum égal à 20 franchises statutaires est opposable par la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette à M X et M Y

Déclare recevables les demandes dirigées contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois

Rejette les demandes de M X et M Y dirigées contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois

Rejette la demande de la SMABTP en qualité d’assureur de la société Socabois fondée sur l’article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum M Y et la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette à payer à M X la somme de 3500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum M Y et la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette aux dépens de première instance et d’appel y compris les frais de référé et d’expertise

Dit que dans leurs rapports entre eux, M Y supportera 70 % de la charge des condamnations aux dépens et fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et la SMABTP en qualité d’assureur de la société France Fermette 30%

La présente décision a été signée par madame Marie-Jeanne Lavergne-Contal, présidente, et madame Audrey Collin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 27 mai 2021, n° 18/00342