Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 14 mai 2020, n° 18/02195

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 2e ch. civ., 14 mai 2020, n° 18/02195
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 18/02195
Décision précédente : Tribunal de commerce de Caen, 15 mai 2018, N° 2017002198
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE :N° RG 18/02195 -

N° Portalis DBVC-V-B7C-GEBR

Code Aff. :

ARRÊT N° JB.

ORIGINE : DECISION en date du 16 Mai 2018 du Tribunal de Commerce de CAEN -

RG n° 2017002198

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 14 MAI 2020

APPELANTES :

SARL LE PETIT-CORPS

N° SIRET : 434 796 223

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

SARL CONFORT SHOP

N° SIRET : 509 336 145

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentés et assistés de Me Nicolas MARGUERIE, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMEE :

SARL D C

N° SIRET : 792 483 109

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Gaël BALAVOINE, substitué par Me BENNETT, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Président de Chambre,

Mme HEIJMEIJER, Conseiller,

Mme GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 12 mars 2020

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 14 mai 2020 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour et signé par Mme DELAHAYE, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

En 2015, la SARL D C a conclu cinq contrats de construction de maisons individuelles à Ifs avec la SAS EM 14 qui a sous-traité les travaux d’électricité à la SARL Le Petit-Corps et les travaux de plomberie à la SARL Confort Shop suivant contrats de sous-traitance établis le 10 juillet 2015.

Par lettre recommandée datée du 13 octobre 2016, la SARL Le Petit-Corps a mis en demeure la SAS EM 14 de lui régler la somme de 16.500 euros au titre des factures impayées, lettre qui a été dénoncée à la SARL D C le 14 octobre 2016 avec rappel des dispositions de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 2015.

Par lettre recommandée datée du 17 octobre 2016, la SARL Confort Shop a également mis en demeure la SAS EM 14 de lui régler le solde des travaux réalisés à hauteur de la somme de 37.425,20 euros, lettre qui a été dénoncée à la SARL D C le 20 octobre 2016.

Par jugement du 9 novembre 2016, le tribunal de commerce de Caen a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la SAS EM 14, devenue la SARL Espace 2 Vie Budget.

Par lettres du 29 novembre 2016, la SARL Le Petit-Corps et la SARL Confort Shop ont déclaré leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Espace 2 Vie Budget.

Par acte d’huissier du 21 février 2017, la SARL Le Petit-Corps et la SARL Confort Shop ont fait assigner la SARL D C en paiement du solde des marchés de travaux.

Par jugement contradictoire rendu le 16 mai 2018, le tribunal de commerce de Caen a :

— condamné la SARL D C à payer à la SARL Le Petit-Corps la somme de 2.133,07 euros HT (auto liquidation de la TVA) majorée des intérêts d’un montant égal à 3 fois le taux d’intérêt légal en vigueur à compter du 17 novembre 2016 ;

— condamné la SARL D C à payer à la SARL Confort Shop la somme de 6.866,93 euros (auto liquidation de la TVA) majorée des intérêts d’un montant égal à 3 fois le taux d’intérêt légal en vigueur ;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

— condamné la SARL D C à payer aux sociétés Le Petit-Corps et Confort Shop unies d’intérêt

la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la SARL D C aux dépens, y compris ceux afférents à la mesure conservatoire.

Par déclaration en date du 16 juillet 2018, la SARL Le Petit-Corps et la SARL Confort Shop ont relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions reçues le 29 mars 2019, la SARL Le Petit-Corps et la SARL Confort Shop demandent à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SARL D C à leur verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens y compris ceux afférents à la mesure conservatoire ;

— infirmer le jugement en ce qu’il a limité leur indemnisation ;

Statuant à nouveau

— condamner la SARL D C à verser à la SARL Le Petit-Corps la somme de 8.662,50 euros à titre de dommages et intérêts ;

— condamner la SARL D C à verser à la SARL Confort Shop la somme de 27.887,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

— condamner la SARL D C à leur verser une indemnité complémentaire de 3.000 euros en cause d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— la condamner aux dépens d’appel avec distraction au profit de la SCP Dorel-Lecomte-Marguerie.

Par dernières conclusions reçues le 3 janvier 2019, la SARL D C demande à la cour de :

— réformer la décision entreprise ;

— déclarer irrecevables et à tout le moins débouter la SARL Le Petit-Corps et la SARL Confort Shop de leurs demandes ;

— les condamner in solidum à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel ;

A titre subsidiaire

— confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la SARL D C à payer à la SARL Le Petit-Corps la somme de 2.133,07 euros HT (auto liquidation de la TVA) et la SARL D C à payer à la SARL Confort Shop la somme de 6.866,93 euros (auto liquidation de la TVA) ;

— la réformer pour le surplus ;

— rejeter les autres demandes formées par la SARL Le Petit-Corps et la SARL Confort Shop ;

— dire que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens de procédure.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l’exposé des moyens de celles-ci.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2020.

MOTIFS

Aucun moyen n’est développé par la SARL D C au soutien de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes formées par les appelantes de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer de ce chef.

Sur la responsabilité du maître de l’ouvrage

En application de l’article 1383 devenu 1240 du code civil, engage sa responsabilité quasi-délictuelle envers le sous-traitant le maître de l’ouvrage qui ne respecte pas ses obligations.

Aux termes de l’article 14-1 1er tiret de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 applicable aux contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics, le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 ou à l’article 6 ainsi que celles définies à l’article 5, mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations.

Pour caractériser l’existence d’une sous-traitance occulte, il appartient aux appelantes de rapporter la preuve de la connaissance par le maître de l’ouvrage de la présence des sous-traitants sur le chantier et de la violation d’une obligation imposée par la loi du 31 décembre 1975.

En l’espèce, il est constant que les sociétés Le Petit Corps et Confort Shop sont intervenues en qualité de sous-traitantes sur le chantier de construction confié par la SARL D C, maître de l’ouvrage, à l’entrepreneur principal alors dénommé SAS EM 14.

Il n’est pas davantage contesté que les sous-traitantes n’ont pas été acceptées par la SARL D C et que les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance n’ont pas été agréées, ce en violation des dispositions de l’article 3 de la loi n°75-1334 de la loi du 31 décembre 1975.

Il résulte de l’attestation de M. X, salarié de la SARL Le Petit Corps, que ce dernier a réalisé les travaux d’électricité sur le chantier et qu’il a été en contact personnellement avec M. G A, gérant de la SARL D C, lors de la phase de peinture et avec M. H A, également gérant de la SARL D C, au cours des travaux de terrassement réalisés par l’EURL A H. L’attestant précise en outre avoir garé son camion devant les pavillons en chantier, camion dont il n’est pas contesté qu’il est sérigraphié au nom de l’entreprise Le Petit Corps.

Il résulte également de l’attestation rédigée par M. Y, salarié de la SARL Confort Shop, que lors des travaux de plomberie chauffage réalisés sur le chantier, il a pu discuter et échanger sur des questions techniques avec M. A H, qu’il précise connaître pour travailler régulièrement avec lui sur d’autres chantiers. A l’instar de M. X, M. Y précise qu’il stationnait son véhicule, sérigraphié au nom de l’entreprise Confort Shop, devant le chantier.

Si la valeur probante de ces attestations établies par les préposés des sociétés appelantes est affaiblie par le lien qui les unit à leur employeur, les affirmations qu’elles contiennent sont cependant corroborées par d’autres éléments probants.

Est ainsi versé aux débats un échange de messages électroniques intervenu le 29 octobre 2015 entre la société D C et la SARL Le Petit-Corps qui confirme que le maître de l’ouvrage connaissait la présence du sous-traitant sur le chantier.

Il résulte en outre du message de Mme Z relatif à la réception de la maison de M. et Mme I que lors du rendez-vous de réception prévu le 18 novembre 2016 étaient présents à la fois M. A pour la société D C et un technicien de la société Le Petit-Corps chargée du lot électricité.

Par une attestation établie le 18 septembre 2017 et sans qu’il y ait lieu de suivre le détail des contestations non étayées de l’intimée relatives à l’absence de valeur probante de cette pièce, Mme B, ancienne dirigeante de l’entrepreneur principal ayant assuré le pilotage du chantier de construction, confirme que le promoteur, la SARL D C, par l’intermédiaire de ses deux dirigeants, M. A H et M. A G, avait parfaitement connaissance de l’existence et de l’identité des sous-traitants, notamment la société Le Petit-Corps et la société Confort Shop, avec lesquelles elles ont été en lien direct et constant.

Il résulte également de cette attestation que le maître de l’ouvrage a eu connaissance de la présence des sous-traitants dès le début du chantier dans la mesure où M. A H, dirigeant de la SARL D C, a fait réaliser par sa propre société, l’EURL A, les travaux de terrassement et de voierie et réseaux divers sur le chantier et a collaboré à ce titre avec les entreprises chargées de la plomberie et de l’électricité.

Dès lors que les ouvrages réalisés par la société A étaient nécessaires à la viabilisation du terrain et que les opérations concernées sont interdépendantes, c’est à juste titre que le tribunal de commerce a estimé que la SARL D C avait nécessairement connaissance de la présence sur le chantier des sous-traitants intervenant pour les lots électricité et plomberie dès le début des travaux.

Enfin, dans un message adressé au consuel le 27 octobre 2016, M. A, au nom de la SARL D C, indique avoir conclu un contrat de construction avec le constructeur Ecomaisons 'qui à son tour a fait faire l’installation électrique par la société Le Petit Corps' puis se plaint de l’absence de délivrance par la société Le Petit Corps des consuels de 4 des 5 maisons.

Il en résulte que les appelantes rapportent la preuve que le maître de l’ouvrage avait connaissance de la présence des sous-traitants sur le chantier de construction et ce, depuis le début des travaux, et qu’il n’a pas satisfait aux prescriptions de l’article 14-1 de la loi de 1975 alors qu’il lui appartenait de faire régulariser l’intervention des sous-traitants sur le chantier, d’interdire leur présence ou de prendre toute mesure coercitive à l’égard de l’entrepreneur principal telle que l’arrêt des paiements.

Faute pour le maître de l’ouvrage d’avoir rempli ses obligations et dès lors qu’il n’est pas contesté que des sommes restaient dues à l’entreprise principale à la date de la découverte de l’existence des sous-traitants, la SARL D C a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et doit en conséquence être condamnée à indemniser la SARL Le Petit-Corps et la SARL Confort Shop du préjudice subi.

Sur le préjudice subi

La faute du maître de l’ouvrage a causé aux sous-traitants un double préjudice.

D’une part, elle les a privés de sommes qu’ils auraient pu recouvrer au titre de l’action directe, action dont le résultat est par nature aléatoire puisqu’elle est limitée au montant des sommes restant dues par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal à la date de la mise en demeure.

D’autre part, cette faute a privé les sous-traitants des garanties de paiement auxquelles ils pouvaient prétendre au titre de la caution bancaire ou de la délégation de paiement, lesquelles leur auraient procuré la certitude d’être réglés des travaux réalisés.

Le préjudice subi par les sous-traitants ne saurait dès lors être indemnisé sur le fondement d’une simple perte de chance.

Dans la mesure où il appartient au maître de l’ouvrage de contraindre l’entrepreneur principal à respecter ses obligations en matière de sous-traitance, l’intimé ne saurait soutenir que les sous-traitants n’ont subi aucun préjudice au motif que la garantie bancaire mentionnée dans le contrat

de sous-traitance n’avait en réalité pas été souscrite par l’entrepreneur principal alors qu’il lui appartenait, en sa qualité de maître de l’ouvrage, de vérifier l’obtention effective de cette caution bancaire et de se faire communiquer l’identité de l’organisme de caution ainsi que les termes de cet engagement.

Est également inopérante la contestation portant sur les conditions d’exercice de l’action directe.

C’est en conséquence à tort que le tribunal de commerce a limité le montant de l’indemnisation des sous-traitants à la somme que le maître de l’ouvrage restait devoir à l’entrepreneur principal au jour de la mise en demeure alors que la réalité du préjudice résulte de ce que le sous-traitant a été privé de la garantie que la loi lui accorde pour le paiement des sommes qui lui sont dues.

La faute commise par la SARL D C a ainsi occasionné aux sociétés Le petit Corps et Confort Shop un préjudice direct et certain en les privant du règlement du solde de leur facture de travaux, dont le montant n’est au demeurant pas contesté, préjudice qui sera indemnisé à hauteur du solde impayé du prix des travaux réalisés.

Il convient en conséquence de réformer le jugement déféré à ce titre et de condamner la SARL D C à verser la somme de 8.662,50 euros à la SARL Le Petit Corps et la somme de 27.887 euros à la SARL Confort Shop, à titre de dommages et intérêts.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.

Partie perdante, la SARL D C devra supporter la charge des dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Il sera fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Marguerie qui en a fait la demande.

En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge des appelantes les frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Aussi le SARL D C sera-t-elle condamnée à leur verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Réforme le jugement rendu par le tribunal de commerce dans ses dispositions ayant condamné la SARL D C à verser la somme de 2.133,07 euros à la SARL Le Petit Corps et la somme de 6.866,93 euros à la SARL Confort Shop, outre les intérêts d’un montant égal à trois fois le taux d’intérêt légal en vigueur à compter du 17 novembre 2016 ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions réformées et y ajoutant

Condamne la SARL D C à verser à la SARL Le Petit Corps la somme de 8.662,50 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la SARL D C à verser à la SARL Confort Shop la somme de 27.887 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la SARL D C aux dépens d’appel ;

Dit qu’il sera fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Marguerie ;

Condamne la SARL D C à verser à la SARL Le Petit Corps et à la SARL Confort Shop, unies d’intérêt, la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute la SARL D C de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

N. LE GALL L. DELAHAYE

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