Cour d'appel de Chambéry, 17 décembre 2015, n° 44/02001

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 17 déc. 2015, n° 44/02001
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 44/02001
Décision précédente : Tribunal d'instance d'Annecy, 17 mai 2015, N° 111500032

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2e Chambre

Arrêt du Jeudi 17 Décembre 2015

RG : 15/01459

XXX

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d’Instance d’ANNECY en date du 18 Mai 2015, RG 111500032

— Demanderesse au contredit -

XXX, XXX – XXX, ayant son siège social en France sis XXX pris en la personne de son représentant légal,

assistée de la SCP MERMET-BALTAZARD-LUCE & NOETINGER-BERLIOZ, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS substituant Me Fabrice PRADON, avocat au barreau de PARIS

— Défendeurs au contredit -

M. Z Y, demeurant XXX

Mme F Y, demeurant XXX

M. X Y, demeurant XXX

non comparants, représentés par Me PONSIN du cabinet ROUYER, avocat au barreau de PARIS

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 03 novembre 2015 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier, en présence de Monsieur Bastien BOUVIER, Assistant de Justice,

Et lors du délibéré, par :

— Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président

— Monsieur Franck MADINIER, Conseiller,

— Monsieur Gilles BALAY, Conseiller, qui a procédé au rapport,

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

FAITS ET PROCÉDURE

M. Z Y, Mme F Y, et M. X Y (les consorts Y) recherchent la responsabilité de la société Air Canada, et demandent l’indemnisation du préjudice qui est résulté pour eux du retard de 24 heures consécutif à l’annulation d’un vol entre Genève et Montréal le 29 juillet 2013.

Ils ont saisi le juge de proximité d’Annecy, par jugement du 18 mai 2015, statuant sur renvoi pour trancher une exception d’incompétence, le tribunal d’instance d’Annecy a confirmé la compétence de la juridiction de proximité initialement saisie, pour connaître du litige.

Le tribunal a considéré que le régime particulier d’indemnisation prévue par le règlement européen 261/2004 du 11 février 2004 coexiste avec les dispositions de la convention de Montréal, qu’il en résulte, par application de l’article 2 de ce règlement, que les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quel que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre, et que par combinaison des 11 et 12e considérants, la compétence de principe du domicile du défendeur est toujours disponible, même si d’autres fors sont autorisés ; qu’ainsi, la règle de compétence de l’article 5.1 du règlement qui offre un choix entre la juridiction du lieu d’arrivée ou du lieu de départ en matière de vol international aérien, ne serait qu’une compétence spéciale complétant la compétence générale du for du domicile du défendeur, de sorte qu’en l’espèce le domicile en France de la société Air Canada justifie la saisine d’une juridiction française qui peut être celui du domicile du consommateur au moment de la conclusion du contrat par application de l’article L 141-5 du code de la consommation.

La société Air Canada a formé un contredit par déclaration reçue au greffe du tribunal d’instance d’Annecy le 1er juin 2015.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu la déclaration motivée du contredit en date du 1er juin 2015 par laquelle la société Air Canada demande à la Cour d’infirmer le jugement du 18 mai 2015 et de renvoyer les défendeurs à mieux se pourvoir devant la Cour supérieure, district de Montréal, 1 rue Notre-Dame Est, Montréal (Québec) H2Y1B6 Canada, et à défaut devant le tribunal de première instance de Genève. Elle sollicite la condamnation des consorts Y à lui payer la somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Air Canada prétend que sa responsabilité éventuelle, en matière de retard, est exclusivement régie par la convention de Montréal du 28 mai 1999 et notamment son article 29 qui soumet à la convention toute action en dommages et intérêts, et son article 33 qui stipule que l’action en responsabilité doit être portée, au choix du demandeur, « soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation où du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal de destination ».

Elle ajoute que la règle de compétence directe prévue par la convention internationale a un caractère impératif, exclusive des autres règles de compétence interne, et qu’elle n’a pas son siège social à Paris, mais uniquement un établissement secondaire qui n’est pas intervenu dans la conclusion du contrat de transport, au départ de Genève à destination de Montréal.

Elle ajoute subsidiairement que s’il devait être fait application du règlement européen 261/2004, la règle de compétence obligerait le demandeur à saisir, au choix, le tribunal dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d’arrivée de l’avion, suivant la convention, ce qui exclurait la juridiction d’Annecy. Elle invoque l’arrêt de la CJCE du 9 juillet 2009 qui exclut le renvoi aux règles internes des Etats membres, et se fonde sur l’article 15 de la section 4 qui ecarte, pour les contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement, la règle permettant aux consommateurs de saisir le tribunal du lieu de son domicile, posée par l’article 16 de la même section.

Enfin, estimant qu’en tout état de cause l’article L 141-5 du code de la consommation n’est pas une disposition d’ordre public, la société Air Canada prétend qu’en application de l’article R322-2 du code de l’aviation civile, par renvoi à l’article R321-1 du même code, la Cour supérieure du district de Montréal est compétente puisque ce texte reproduit exactement la règle de compétence de la convention de Montréal précitée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’application du règlement 261/2004

Attendu que les consorts Y sont liés à la société Air Canada par un contrat de transport aérien entre Genève et Montréal pour un vol AC 831 du 29 juillet 2013 à 12 heures 10 qui a fait l’objet des réservations K7USHV et K8PAY5.

Attendu que le règlement s’applique, aux termes de son article 3 :

a) aux passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité ;

b) aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire.

Attendu qu’il appartiendra au juge compétent de dire si ce règlement est applicable à un vol opéré depuis l’aéroport suisse de Genève par la société Air Canada, en direction de Montréal ; qu’en l’espèce, la demande se fonde uniquement sur ce règlement de sorte que seule la question de compétence doit être tranchée par le présent arrêt.

Attendu que le règlement 261/2004 ne contient lui-même aucune règle de compétence juridictionnelle.

Sur le moyen d’incompétence tiré de l’application de la convention de Montréal

La convention de Montréal et le Règlement n° 261/2004 consacrent des droits d’indemnisation différents, en ce que cette convention a pour objet de définir les conditions dans lesquelles peuvent être engagées par les passagers les actions visant à obtenir des dommages-intérêts à titre de réparation individualisée, tandis que ce règlement prévoit des mesures réparatrices standardisées ; que l’action en indemnisation formée par les victimes sur le fondement du règlement n’est ainsi pas soumise aux règles de compétence prévues à l’art. 33 de la Convention.

Sur l’application du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000

Attendu que ce règlement concernant la compétence judiciaire en matière civile et commerciale, a vocation à s’appliquer à la société Air Canada dès lors qu’elle est domiciliée en France pour y être immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n° 775 757 222 00218 pour un établissement principal XXX auquel sont rattachés de nombreux salariés sous la responsabilité d’un directeur Air Canada France ayant pouvoir d’engager juridiquement la société.

Attendu que des dispositions générales sur la compétence résultent de l’article 2 qui stipule :

1. Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

2. Les personnes qui ne possèdent pas la nationalité de l’État membre dans lequel elles sont domiciliées y sont soumises aux règles de compétence applicables aux nationaux.

Attendu que des compétences spéciales résultent de l’article 5 qui stipule notamment :

Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre :

1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

— pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ;

— pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas.

Attendu que la règle interprétative qui résulte de l’arrêt de la cour de justice des communautés européennes du 9 juillet 2009 (Peter Rehder c/ Air Baltic Corporation), concernant l’article 5.1 ci-dessus, pour satisfaire aux objectifs de proximité et de prévisibilité de la convention, ne concerne que cette disposition et n’a pas pour effet de transformer la compétence spéciale en compétence exclusive, mais seulement de limiter le choix du demandeur, s’il invoque cette compétence spéciale pour solliciter une indemnisation forfaitaire en cas de retard d’un vol, entre le tribunal dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d’arrivée de l’avion, tels que ces lieux sont convenus dans le contrat de transport.

Attendu qu’en l’espèce, les consorts Y n’invoquent pas cette règle de compétence spéciale, de sorte qu’il convient de faire application de la règle générale posée par l’article 2 du règlement 44/2001, qui autorise les demandeurs domiciliés en France, sur la commune d’Annecy, pour l’action en indemnisation forfaitaire prévue par le règlement 261/2004, à saisir une juridiction française selon les règles de compétence applicables aux nationaux.

Attendu que les consorts Y n’ont pas saisi le tribunal du lieu du domicile du défendeur, mais celui de leur propre domicile, en invoquant les dispositions de l’article L 141-5 du code de la consommation.

Attendu que le règlement 44/2001 comporte des dispositions particulières relatives à la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs, à la section IV; que cependant, l’article 15.3 stipule expressément que cette section IV ne s’applique pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement.

Qu’en conséquence, il n’existe pas dans ce règlement, pour les vols seuls, de dispositions particulières applicables aux contrats conclus par les consommateurs, lesquels sont fondés à revendiquer l’application de la règle générale de l’article 2 du règlement, c’est-à-dire à la règle de compétence de droit interne français.

Attendu qu’en conséquence, les consorts Y étaient bien fondés à saisir la juridiction de proximité dans le ressort duquel se trouve leur domicile d’où il résulte que le jugement entrepris doit être confirmé, en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence territoriale opposée par la société Air Canada et dit que la juridiction de proximité d’Annecy est compétente pour connaître du litige.

Attendu qu’en équité, il convient d’indemniser les consorts Y de leurs frais irrépétibles, même s’ils ont eu recours à un avocat spécialisé avec lequel ils seraient liés par une convention d’honoraires prévoyant le payement d’une commission de résultat ; que cependant, il est exact que, s’agissant d’un contentieux de masse, et à défaut de produire une facture d’honoraires ou la convention d’honoraires, les consorts Y ne justifient pas du montant des frais irrépétibles qu’ils invoquent ; qu’en conséquence, il y a lieu de leur allouer de ce chef une indemnité de 1000 €.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l’article 86 du code de procédure civile,

Déclare recevable mais non fondé le contredit formé par la société Air Canada à l’encontre du jugement du tribunal d’instance d’Annecy le 18 mai 2015 ayant statué sur son exception d’incompétence,

Renvoie l’affaire à la juridiction de proximité d’Annecy,

Y ajoutant,

Condamne la société Air Canada à payer à M. Z Y, Mme F Y, et M. X Y la somme de 1000 € en indemnisation de leurs frais irrépétibles,

La condamne aux dépens de première instance et d’appel.

Ainsi prononcé publiquement le 17 décembre 2015 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.

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