Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 27 mai 2021, n° 20/00648

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 27 mai 2021, n° 20/00648
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 20/00648
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Annecy, 19 mai 2020, N° F18/00253
Dispositif : Réouverture des débats

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 MAI 2021

N° RG 20/00648 – ADR/DA

N° Portalis DBVY-V-B7E-GOZP

E X

C/ G I Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 20 Mai 2020, RG F 18/00253

APPELANTE :

Madame E X

[…]

[…]

Représentée par Me Benjamin ERLICH de la SELAS FIDAL & ASSOCIES, avocat au barreau d’ANNECY

INTIMEE :

Madame G I Y

[…]

[…]

Représentée par Me Béatrice BONNET CHANEL, avocat au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Avril 2021 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Madame Anne DE REGO, Conseiller, qui s’est chargée du rapport,

Madame Françoise SIMOND, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Catherine MASSONNAT,

********

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES,

Mme G Y a été embauchée le 2 août 2007 par la pharmacie X en qualité de préparatrice. Cette pharmacie est la propriété de Mme X qui travaille comme pharmacienne au sein de cet établissement.

Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective de la pharmacie d’officine.

Le 14 avril 2016, Mme Y a déposé une déclaration d’accident du travail par l’intermédiaire de son médecin traitant, relative aux événements survenus le 23 mars 2016.

Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 24 mars 2016.

Le 6 décembre 2017, le médecin du travail l’a déclarée : 'Inapte (l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise). L’état de santé de la salariée dispense l’employeur de toute proposition de reclassement dans l’entreprise.'

Mme Y a été licenciée par Mme X, son employeur, pour inaptitude, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 22 décembre 2017.

Son employeur fait état de ce qu’elle ne s’est pas présentée à l’entretien préalable fixé au 19 décembre 2017.

Le 26 octobre 2018, Mme Y a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy.

La caisse d’assurance-maladie a notifié un refus de prise en charge de l’accident, mais par jugement du 20 novembre 2018 le tribunal des affaires de sécurité sociale a accordé à Mme Y la reconnaissance à titre professionnel, de l’accident du 23 mars 2016.

Ce jugement n’est pas définitif puisque Mme X a interjeté appel de cette décision.

Par lettre du 15 janvier 2019, Mme Y a saisi la caisse primaire d’assurance-maladie de la procédure de conciliation applicable en matière de reconnaissance de faute inexcusable par l’employeur. Le 13 juin 2019, un procès-verbal d’échec de conciliation a été dressé et le pôle social du tribunal de grande instance d’Annecy a été saisi le 18 juillet 2019.

Par jugement en date du 20 mai 2020, le conseil de prud’hommes a :

Ordonné la jonction du dossier RGF 19/217 au dossier RGF 18/253,

S’est déclaré compétent concernant la demande de dommages-intérêts pour 'pertes de gains et préjudice né de l’incidence professionnelle subie par la salariée du fait de la faute inexcusable' ;

Ordonné la non-application du barème Macron ;

Condamné Mme X à verser à Mme Y les sommes suivantes :

* 20'000 euros au titre du préjudice moral vécu pendant toute l’exécution du contrat de travail ;

* 20'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes,

Ordonné un sursis à statuer pour les autres demandes de Mme Y, dans l’attente des résultats définitifs des procédures lancées par devant les juridictions de sécurité sociale en reconnaissance de l’accident du travail et visant à reconnaître la faute inexcusable de l’employeur :

— réparation du préjudice lié à la perte d’emploi, de gains et à l’incidence professionnelle,

— doublement des indemnités de licenciement et de préavis en cas de reconnaissance définitive de l’accident du travail ;

Dit que l’instance se poursuivra à l’initiative de la partie la plus diligente,

Condamné Mme X à payer à Mme Y la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté Mme Y de sa demande d’exécution provisoire,

Condamné Mme X aux entiers dépens.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d’accusé de réception le 26 mai 2020.

Par déclaration reçue au greffe le 23 juin 2020 par RPVA, Mme H X a interjeté appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 septembre 2020 par RPVA auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens, Mme X demande à la cour de :

Réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau ;

Se déclarer incompétent au profit du pôle social du tribunal de grande instance d’Annecy concernant la demande de dommages-intérêts pour 'pertes de gains et le préjudice né de l’incidence professionnelle subie par la salariée du fait de la faute inexcusable’ ;

Débouter Mme Y de sa demande de dommages-intérêts pour 'licenciement nul ou sans cause réelle ni sérieuse’ ;

Débouter Mme Y de sa demande de sursis à statuer concernant le paiement de son indemnité de préavis et le doublement de son indemnité de licenciement ;

Condamner Mme Y à lui payer la somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Condamner reconventionnellement Mme Y à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

— les faits reprochés par la salariée ne peuvent faire l’objet d’une double indemnisation du préjudice (à la fois de la juridiction de sécurité sociale et devant le conseil de prud’hommes), ce qui rend irrecevable une partie des demandes de la salariée ;

— elle fait état du tempérament affirmé de la salariée et de ses difficultés d’adaptation, ainsi que d’un manque de solidarité envers ses collègues et du non respect des prérogatives liées à ses fonctions qui sont à l’origine de la dégradation progressive de l’ambiance de travail entre cette dernière et ses collègues ;

— concernant l’altercation du 23 mars 2016, Mme Y a commis une faute professionnelle (erreur de prescription concernant une cliente prise en charge par la salariée) qui a justifié selon elle ( Mme X) une intervention sous forme d’un recadrage ferme de la consigne qu’elle a rappelée à Mme Y ; elle n’a fait qu’exercer son pouvoir de direction, et le recadrage a eu lieu en l’absence de témoin ;

— il n’est pas question de harcèlement moral car la salariée ne justifie pas d’agissements répétés.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 décembre 2020 par RPVA auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens, Mme Y demande à la cour de :

Statuer ce que de droit quant à la recevabilité de l’appel interjeté par Mme X, et sur le fond, l’en débouter, en ce que ses demandes sont infondées et injustifiées ;

Et sans s’arrêter à toute conclusions contraires, si ce n’est pour les rejeter comme étant infondées et injustifiées,

Confirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamner Mme X, pharmacienne exerçant en son nom personnel au sein de l’établissement Pharmacie X, à lui verser, outre les sommes allouées en première instance, une indemnité de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel, l’indemnité allouée en première instance, à ce titre, devant être confirmée,

Condamner Mme X aux entiers dépens d’instance.

Elle fait valoir que :

— elle a été victime d’une agression verbale de la part de Mme X le 23 mars 2016 car elle s’était autorisée à délivrer un produit à une cliente sans contrôle préalable d’un pharmacien ; cette remarque faite devant la cliente a engendré une dépression à cause du comportement habituellement agressif et humiliant de Mme X à l’égard de ses salariés mais aussi de ses clients, ainsi que cela résulte de plusieurs témoignages, caractérisant ainsi une situation de harcèlement ;

— le tribunal des affaires de sécurité sociale a reconnu selon jugement du 20 novembre 2018 le caractère professionnel de l’accident du 23 mars 2016 et a :

* Accordé à Mme Y, la reconnaissance à titre professionnel de l’accident du 23 mars 2016 déclaré le 14 avril 2016 ;

* Condamné Mme X à verser à Mme Y la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Cette décision n’est cependant pas définitive puisqu’elle a fait l’objet d’un appel de la part de Mme X.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2021, fixant les plaidoiries à l’audience du 8 avril 2021, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré jusqu’au 27 mai 2021, date de son prononcé par disposition au greffe.

SUR QUOI,

Sur la compétence matérielle du conseil de prud’hommes, il est désormais constant que si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ainsi la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle indemnise d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et, d’autre part le déficit fonctionnel permanent.

En conséquence, la perte tant de l’emploi que des droits à la retraite, même consécutive à un licenciement pour inaptitude, est réparée par l’application des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale. Il s’en déduit que même sur le fondement des dispositions de l’article L.1226-15 du code du travail, le juge prud’homal ne peut indemniser la perte des droits à la retraite consécutive à un accident du travail, laquelle est réparée par la rente prévue au titre du livre IV.

L’indemnisation allouée par la juridiction prud’homale est donc circonscrite aux conséquences de la rupture abusive ou illicite du contrat de travail.

Par ailleurs la chambre sociale juge qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée. Dans une telle hypothèse, le licenciement, même si il est fondé sur une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail, trouve en réalité sa cause véritable dans le manquement de l’employeur.

Dès lors il y a lieu d’infirmer le jugement et de se déclarer incompétent pour statuer 'sur les pertes de gains et le préjudice né de l’incidenceprofessionnelle subie par la salariée du fait de la faute inexcusable.'

La cour reste cependant compétente pour statuer sur le préjudice relatif à la rupture de son contrat de travail qui réclame à ce titre la somme de 20 000 euros pour préjudice moral vécu pendant toute l’exécution de son contrat de travail, ainsi qu’une somme de 20'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme Y fait valoir que son salaire de base s’élève 1 932,79 euros, ce qui n’est pas contesté par l’employeur, et que les lois Macron ne sont pas applicables.

Elle a été licenciée pour inaptitude par lettre recommandée du 22 décembre 2017.

La salariée invoquant un harcèlement moral à l’origine de l’inaptitude, il convient de rechercher si ce dernier est établi.

L’article L.1152-1 du code du travail dispose que : 'Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

L’article L.1154-1 du même code dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce prévoit que :'Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de faits laissant supposer de l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné , en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.'

D’autre part, l’employeur, tenu en application de l’article L.4121-1 du code du travail d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité. Il ne peut dès lors laisser un salarié en état de souffrance au travail sans prendre toute mesure adaptée pour faire cesser cette situation s’il en a eu connaissance, sans pouvoir prétendre être exonéré de sa responsabilité en raison d’une absence de faute de sa part ou de celle de ses subordonnés.

En l’espèce Mme Y produit aux débats de très nombreuses attestations émanant tant de ses collègues que des clients de l’officine, qui affirment que :

— le 23 mars 2019 Mme Y qui avait été sollicitée par une cliente, a été rappelée à l’ordre par Mme X sur le strict respect de ses fonctions de préparatrice en pharmacie ;

— Mme Z, qui était pharmacienne adjointe de la pharmacie de 1991 à 2002, évoque des sautes d’humeur notoires de Mme X qui sont dirigées tant vers ses salariées que vers ses clients ; elle précise que Mme X est capable de s’acharner sur ses salariés, ce qui a justifié sa propre démission ;

— M. A, officier de police et client de la pharmacie affirme qu’elle parle mal à ses salariées et ce, devant la clientèle lorsqu’elle n’hurle pas et il évoque des réflexions déplacées à l’encontre des

clients, lui -même ayant été qualifié de 'toxicomane’ et il témoigne de la crainte des employées lorsqu’elle est présente ;

— M. B, qui est client de l’enseigne déclare que Mme X ne respecte pas ses salariées et il parle d’humiliation, de remontrances et d’acharnement à leur encontre de la part de la pharmacienne, alors que le service est irréprochable ;

— Mme C, cliente, qualifie la pharmacienne de 'totalement folle et hystérique’ criant sur ses salariées et leur parlant mal ;

— Mme D, cliente, précise que Mme X crie sur ses employées depuis l’arrière boutique en multipliant les remarques déplacées à l’encontre des clients ; (…)

Il résulte d’un courrier du 29 février 2016, adressé par Mme Y à Mme X, que la salariée s’adresse en ces terme à sa la pharmacienne : 'Votre comportement envers moi est devenu agressif. Ce changement d’attitude m’effraie, raison pour laquelle je n’ose plus vous solliciter. Vous me rabaissez et me dévalorisez. (…) Vos réaction imprévisibles et colériques sont un obstacle à mon efficacité au travail.'

Elle évoque également dans ce courrier des mesures de rétorsion et de discrimination dont elle a fait l’objet de la part de son employeur dans le cadre de l’organisation des planning.

Mme X lui a alors répondu par courrier du 6 mars 2016, qu’elle était à l’origine de nombreuses insuffisances professionnelles en évoquant un manque d’adaptation, de rigueur ou de minutie et a conclu au caractère non négociable du nouvel emploi du temps.

La salariée fait valoir que les relations sont devenues conflictuelles depuis l’entretien individuel de fin février 2015.

Il résulte de ces éléments que Mme Y a bien informé Mme X de la dégradation des conditions de son contrat de travail du fait de l’attitude de celle-ci à son égard.

Les clients et plusieurs salariées de la pharmacie confirment également le caractère hystérique et acharné de Mme X tant à l’égard de sa clientèle qu’à l’égard des salariées de l’officine.

Un tel comportement de la pharmacienne à l’égard tant des clients que des salariées, démontre la violence quotidienne qui règne dans la pharmacie, et caractérise au sein de l’officine une situation de harcèlement moral depuis plusieurs années, ainsi que le fait valoir Mme Y qui a subi ces faits de harcèlement moral, et qui explique que le 23 mars 2016, son employeur lui a déclaré dans l’arrière boutique qu’il 'fallait qu’elle arrête de servir les clients, qu’elle ne voulait plus la voir dans la pharmacie, sur un ton menaçant, rajoutant qu’elles ne pourraient plus travailler ensemble'. Elle précise encore que le lendemain elle était dans l’incapacité de revenir travailler.

Ainsi la salariée établit l’existence matérielle de faits précis et concordants portant sur la dégradation de ses conditions de travail depuis 2015, sur l’altération de son état de santé et sur les tentatives d’intimidation de son employeur. Ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer de l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

Mme X répond qu’elle n’a pas traitée différemment Mme Y de ses autres salariés, et conteste les accusations portées à son encontre.

Au regard pièces fournies, la matérialité d’éléments de fait précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral est bien démontrée par la salariée qui établit qu’elle a fait l’objet le 23 mars 2016 d’une altercation verbale de la part de Mme X qui reconnaît avoir recadré la salariée de façon ferme, suite à une faute professionnelle, reconnaissant toutefois que le reproche professionnel peut avoir été subi par la salariée comme étant gênant.

Les pressions réitérées de l’employeur sur Mme Y sont donc parfaitement établies et réelles au regard du nombre de personnes, salariées et clients qui ont attesté des difficultés relationnelles justifiées par la salariée depuis plusieurs années, ainsi que des problèmes de santé en résultant pour

cette dernière.

L’ensemble des éléments fournis laisse présumer de faits de harcèlement moral commis par son employeur à son encontre.

L’employeur ne démontre pas que ces attitudes sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, l’exercice du pouvoir disciplinaire ne justifiant pas les remarques humiliantes à l’égard de la salariée.

Il sera en conséquence alloué à Mme Y la somme de 12 000 euros au titre du harcèlement moral qu’elle a subi.

Les conditions de travail dégradantes et humiliantes subies par la salariée pendant de nombreux mois ont fragilisé l’état de santé de celle-ci, et entrainé l’inaptitude à tous postes dans l’entreprise.

L’inaptitude étant consécutive au harcèlement moral, le licenciement de Mme Y, est nul.

S’agissant d’un licenciement nul, Mme Y peut prétendre aux indemnités de rupture ainsi qu’à des dommages et intérêts pour licenciement nul.

L’innaptitude étant d’origine professionnelle, Mme Y peut prétendre aux indemnités fixées par l’article L.1226-14 du code du travail, il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente des résultats définitifs des procédures lancées par devant les juridictions sociales en reconnaissance de l’accident du travail et visant la faute inexcusable de l’employeur.

Il y a donc lieu d’ordonner la réouverture des débats et d’inviter Mme Y à chiffrer ses demandes au titre des indemnité de rupture et d’inviter l’employeur à faire valoir ses observations.

En application des dispositions de l’article L.1235-3-1 du code du travail, l’article L.1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, ou que sa ré-intégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1°) La violation d’une liberté fondamentale,

2°) Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L.1152-3 et L.1153-4 ; (…)

En l’espèce le barème Macron n’est donc pas applicable s’agissant de faits de harcèlement moral.

Il sera donc alloué à Mme Y la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, au vu de l’ancienneté, et du salaire mensuel brut de 1948. 45 euros.

La demande de dommages intérêts pour propos diffamatoires et insultants sera rejetée, le conseil de Mme G Y n’ayant repris que les faits et paroles cités par des témoins.

Mme E X sera condamnée à verser à Mme G Y la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement déféré excepté en ce qu’il a condamné Mme E X à payer à Mme G Y la somme de 2 000 euros ainsi que les dépens ;

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la jonction des dossiers RG F19/217 eu RG F18/253 ;

Statuant à nouveau,

Se déclare incompétent concernant la demande de dommages et intérêts pour perte de gains et préjudice né de l’incidence professionnelle subie par la salariée du fait de la faute inexcusable, seul le tribunal judiciaire d’Annecy (Pôle social) étant compétent pour statuer sur ces demandes ;

Dit que Mme G Y a été victime de harcèlement moral ;

Condamne Mme E X à payer à Mme G Y les sommes suivantes :

—  12 000 euros à titre du harcèlement moral,

—  16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer sur l’indemnité compensatrice et l’indemnité spéciale de licenciement ;

Ordonne la réouverture des débats exclusivement sur ces deux points,

Invite Mme Y à chiffrer ses demandes d’indemnité au titre de l’article L. 1226-14 du code du travail et invite Mme E X à faire part de ses observations ;

Déboute Mme E X de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l’article 41 de la loi du 29 juillet 1981 ;

Renvoie l’affaire à l’audience du 12 octobre 2021 à 08 h 45 ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile condamne Mme E X à verser à Mme G Y la somme de 2 000 euros ainsi qu’aux dépens d’appel de première instance et d’appel.

Ainsi prononcé publiquement le 27 Mai 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Catherine MASSONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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