Cour d'appel de Colmar, 13 mars 2014, n° 12/04559

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 13 mars 2014, n° 12/04559
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 12/04559
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale, 20 août 2012

Sur les parties

Texte intégral

XXX

MINUTE N° 2014/332

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

— avocats

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB

ARRET DU 13 Mars 2014

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB 12/04559

Décision déférée à la Cour : 21 Août 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du HAUT-X

APPELANTE :

Madame A E veuve Y, non comparante

XXX

XXX

Représentée par Maître F ROUSSEL, avocat au barreau de COLMAR, postulant,

et Maître Alexandre TABAK, avocat au barreau de MULHOUSE, plaidant,

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENT :

SA MFP C, prise en la personne de son PDG, non comparant

XXX

XXX

Représentée par Maître Philippe WITTNER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU HAUT-X, prise en la personne de son Directeur, non comparant

XXX

XXX

Représentée par Madame Céline SCHOCH, munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme WOLF, Conseiller faisant fonction de président,

Mme FERMAUT, Conseiller

M. ROBIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme AZOULAY, Greffier

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par Anne-Marie WOLF, Conseiller faisant fonction de président

— signé par Anne-Marie WOLF, Conseiller faisant fonction de président et Doris GEORGE, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

Feu F Y fut embauché le 3 janvier 2000 en qualité de chef d’équipe d’emballage par la société MFP C qui exploite une entreprise de boulangerie et pâtisserie industrielles.

Le 19 novembre 2007, F Y refusa de souscrire le contrat de travail que lui proposait la société MFP C pour être employé comme technicien conducteur de ligne.

Le même jour, il débuta un arrêt de travail médicalement prescrit que le 18 février 2008, il déclara résulter d’un accident de travail. Le 20 mars 2008, après enquête, la CPAM de Mulhouse reconnut le caractère professionnel de l’arrêt comme résultant d’un accident de travail.

Le 19 mars 2008, F Y reprit le travail après avis favorable du médecin du travail, sous réserve du respect des préconisations que ce dernier émettait.

Le 1er avril 2008, F Y observa un nouvel arrêt de travail que la CPAM de Mulhouse considéra comme résultant d’une rechute de l’accident de travail.

Le 2 avril 2008, F Y déposa plainte contre son employeur pour harcèlement moral.

Le 24 juin 2008, F Y saisit la juridiction prud’homale en paiement d’arriérés de salaire et en indemnisation d’un harcèlement moral. Ses prétentions, après avoir été partiellement accueillies par jugement du conseil de prud’hommes de Mulhouse en date du 7 mars 2011, furent toutes écartées par arrêt de la Cour de céans, en date du 18 septembre 2012.

Le 10 mai 2009, la CPAM de Mulhouse déclara la consolidation de l’état de F Y consécutivement à l’accident de travail. La date de consolidation fut maintenue par le Dr Z, désigné par protocole comme expert à la suite de la contestation élevée par l’assuré. F Y poursuivit néanmoins l’arrêt de travail suivant le régime des maladies non professionnelles.

Le 12 juin 2009, F Y engagea la procédure en reconnaissance d’une faute inexcusable de son employeur à l’origine de l’accident de travail.

Le 23 juillet 2009, F Y décéda des suites d’un geste suicidaire commis le 12 juillet à son domicile.

Le 3 novembre 2009, sur demande de la veuve A E, la CPAM de Mulhouse accepta de prendre en charge les conséquences du décès au titre du régime d’assurance des risques professionnels.

D’une part, la société MFP C contesta la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident déclaré et du décès. Sa réclamation ayant été rejetée par décision de la Commission de Recours Amiable de la CPAM de Mulhouse en date du 16 décembre 2009, elle introduisit un recours contentieux devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Haut-X le 24 février 2010.

D’autre part, Mme A E veuve Y saisit le même tribunal le 7 mai 2010 en reconnaissance, suite à l’échec de la procédure de conciliation, d’une faute inexcusable de l’employeur à l’origine du décès de son époux.

Par jugement du 21 août 2012, après jonction des deux procédures, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Haut-X :

— maintint la décision de la Commission de Recours Amiable en retenant que l’enquête diligentée avait mis en évidence un lien entre la dépression de l’assuré et ses conditions de travail et que les pièces médicales mettaient le décès en rapport avec cet accident de travail du 19 novembre 2007 ;

— dit que la société MFP C n’avait pas commis de faute inexcusable.

Le 12 septembre 2012, Mme A E veuve Y interjeta régulièrement appel de ce jugement.

A l’audience, Mme A E fait oralement développer ses conclusions d’appel parvenues le 20 décembre 2012. Elle soutient pour l’essentiel :

— sur l’accident du 19 novembre 2009, qu’il doit bénéficier de la présomption d’imputabilité au travail ; que pour le reste, il y a lieu de se référer à l’argumentation de la CPAM ;

— sur le geste suicidaire, qu’il y a lieu d’étendre le bénéfice de la présomption d’imputabilité ;

— sur la faute inexcusable, que sa preuve résulte du geste suicidaire de l’assuré, du harcèlement moral dont il a été victime, et des pièces médicales produites.

Mme A E demande à la Cour :

— de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a maintenu la décision de la Commission de Recours Amiable ;

— de l’infirmer pour le surplus ;

— de dire que la société MFP C a commis une faute inexcusable et la condamner à payer la somme de 150000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que 4000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile .

La société MFP C fait oralement reprendre ses conclusions parvenues le 15 mai 2013 en réplique et au soutien d’un appel incident en faisant essentiellement valoir :

— que son salarié ne lui a jamais déclaré d’accident de travail ;

— qu’à la date du 19 novembre 2007, le contrat de travail était suspendu et que le salarié assuré ne se trouvait pas en rapport de subordination à l’égard de son employeur ;

— que l’employeur n’a jamais été destinataire d’éléments circonstanciés sur les faits du 19 novembre 2007 ;

— que rien n’atteste de la réalité d’un fait accidentel à la date du 19 novembre 2007 ;

— que la consolidation étant acquise le 10 mai 2009, le décès ne pouvait être imputé à l’accident de travail, d’autant que le contrat de travail était suspendu depuis plusieurs mois ;

— que par l’effet de l’arrêt du 18 septembre 2012, la partie appelante ne peut plus se prévaloir d’un harcèlement moral à l’appui de sa demande de reconnaissance d’une faute inexcusable ;

— que l’employeur a respecté ses obligations en établissant des plans de travail conformes aux préconisations du médecin du travail.

La société MFP C demande à la Cour :

— d’annuler la décision du 20 mars 2008 reconnaissant un accident de travail en date du 19 novembre 2007 ;

— d’annuler la décision du 3 novembre 2009 en ce qu’elle a pris en charge le décès au titre du régime sur les risques professionnels ;

— de débouter Mme A E de sa demande de reconnaissance d’une faute inexcusable et de ses autres prétentions ;

— de condamner Mme A E à payer 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La CPAM du Haut-X, venant aux droits de la CPAM de Mulhouse, fait oralement soutenir ses conclusions parvenues le 10 juin 2013 en demandant à la Cour :

— à titre principal :

. de déclarer irrecevables les demandes de la société MFP C en l’absence d’appel incident formé conformément aux dispositions des articles 909 et 910 du code de procédure civile et en l’absence de notification de conclusions conformément aux dispositions des articles 550 et 909 du code de procédure civile ; subsidiairement de prendre acte que la CPAM du Haut-X se réserve de conclure ultérieurement sur le fond ;

. de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a validé les décisions de la Commission de Recours Amiable ayant reconnu le caractère professionnel de l’accident du 19 novembre 2007 et du décès de la victime ;

— à titre subsidiaire :

. de donner acte à la Caisse qu’elle s’en rapporte quant à la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur ;

. en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, de condamner la société MFP C à rembourser à la Caisse le montant des préjudices personnels indemnisés.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

SUR QUOI, LA COUR :

1. En la forme :

1.1. sur le principe du contradictoire :

En application des articles 14 et 15 du code de procédure civile, si la juridiction doit veiller au respect de la contradiction, il appartient à chaque partie de faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elle fonde ses prétentions, les éléments de preuve qu’elle produit et les moyens de droit qu’elle invoque.

En l’espèce, la CPAM du Haut-X prétend se réserver de conclure ultérieurement sur le fond du litige. Mais dès lors qu’elle a été régulièrement appelée et qu’à l’audience où elle était effectivement représentée, elle a encore été mise en mesure de soutenir oralement tous les moyens de fait et de droit dont elle était susceptible de se prévaloir, le principe de la contradiction a été respectée et il s’impose de statuer sans retarder l’issue du litige.

1.2. sur la recevabilité des appels :

Selon l’article R.142-48 du code de sécurité sociale, l’appel du jugement d’un Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale est formé, instruit et jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire.

Cette procédure orale, sans représentation obligatoire devant la Cour d’appel, est fixée par les dispositions des articles 931 à 949 du code de procédure civile. Elle ne peut être confondue avec la procédure avec représentation obligatoire que régissent les articles 900 à 930-1 du même code.

Il s’ensuit que doivent être écartés les moyens de contestation de la recevabilité de l’appel incident de la société MFP C, et des prétentions subséquentes de cet employeur, que la CPAM du Haut-X tire du délai pour former appel incident dans la procédure avec représentation obligatoire en se référant aux articles 909 et 910 du dit code, lesquels ne sont pas applicables au présent litige.

En application de l’article 550 du code de procédure civile, l’appel incident peut être formé en tout état de cause même si celui qui l’interjette est forclos pour agir à titre principal sauf, dans ce dernier cas, si l’appel principal n’est pas lui-même recevable.

Dès lors que l’appel principal a été régulièrement interjeté par Mme A E et qu’il est donc recevable, l’appel incident formé par la société MFP C est lui aussi recevable en application de l’article 500 du code de procédure civile et, par l’effet de l’article 562 du dit code, il a dévolu à la Cour la connaissance des chefs de jugement que cette société intimée critique expressément ou implicitement.

2. Au fond :

2.1 sur la contestation des prises en charge au titre du régime sur les risques professionnels :

2.1.1. sur la portée de la contestation :

Sur appel incident, la société MFP C demande l’annulation des décisions par lesquelles la CPAM de Mulhouse, aux droits de laquelle vient la CPAM du Haut-X, a pris en charge au régime sur les risques professionnels les conséquences de ce qu’elle a considéré constituer un accident de travail à la date du 19 novembre 2007, d’une rechute d’accident de travail à la date du 1er avril 2008, du geste suicidaire du 12 juillet 2009 et du décès de F Y survenu le 23 juillet 2009.

Les décisions de la CPAM sont néanmoins définitivement acquises dans les relations de la Caisse avec son défunt assuré, aujourd’hui ses ayants droit.

La contestation élevée par la société MFP C ne peut tendre qu’à l’inopposabilité à cet employeur intimé des décisions de l’organisme de sécurité sociale.

2.1.2. sur la reconnaissance d’un accident de travail à la date du 19 novembre 2009 :

En application des dispositions de l’article L.411-1 du code de sécurité sociale, dont l’appelante A E tente de se prévaloir, bénéficie d’une présomption d’imputabilité au travail tout fait accidentel survenu au temps ou sur le lieu du travail.

L’appelante ne rapporte cependant la matérialité d’aucun événement accidentel survenu au temps ou sur le lieu du travail salarié exercé par son défunt époux. Elle ne peut donc bénéficier de la présomption d’imputabilité.

Néanmoins, un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l’employeur, constitue un accident de travail dès lors que le salarié établit qu’il est survenu par le fait du travail.

Or l’appelante, qui vient aux droits du salarié décédé, se réfère à une série d’éléments, à savoir :

— la circonstance que le 19 novembre 2007, F Y a refusé de souscrire le contrat de travail que lui proposait la société MFP C pour l’employer comme technicien conducteur de ligne et qui impliquait la perte de ses fonctions de chef d’équipe d’emballage ;

— le document déclaratif que F Y a lui-même ultérieurement rédigé à l’adresse de la CPAM de Mulhouse, en indiquant qu’au matin du 19 novembre 2007, il se sentait dévalorisé, qu’il craignait la réaction de ses responsables, qu’il ne pouvait pas parler, qu’il tremblait et qu’il ne pouvait se rendre sur le lieu de son travail ;

— la plainte que F Y a déposée à la gendarmerie de Lutterbach le 2 avril 2008 en déclarant, devant un agent de police judiciaire, que le 19 novembre 2007, il avait été profondément affecté par la décision de sa hiérarchie de revoir son contrat de travail en le déclassant de niveau et d’échelon, et qu’il avait été atteint d’une dépression sévère ;

— le certificat établi par le Dr H K, médecin psychiatre, qui a confirmé que F Y avait été atteint d’un état dépressif caractérisé qu’il mettait notamment en lien avec un déclassement ;

— le rapport établi par M. L M, enquêteur commis par la CPAM de Mulhouse, selon lequel la pathologie de F Y trouvait son origine dans un conflit avec l’employeur.

L’ensemble de ces éléments, circonstanciés et concordants, forme la preuve que, d’une part, F Y a été brutalement atteint d’un syndrome dépressif le rendant incapable de se rendre à son travail le 19 novembre 2007 et que, d’autre part, le syndrome trouve au moins l’une de ses causes dans la proposition que l’employeur avait présentée d’un nouveau contrat emportant la perte des fonctions et que le salarié a refusée.

Il est donc établi que F Y a été victime, le 19 novembre 2007, d’une lésion psychique accidentelle dégradant son état de santé, brutalement survenue par le fait du travail, même si son employeur a fait valoir qu’il n’en a pas été immédiatement averti, qu’aucun contentieux ne l’opposait encore au salarié, et que la proposition d’un nouveau contrat de travail n’avait pas de caractère fautif.

La CPAM de Mulhouse était donc fondée, comme l’ont considéré les premiers juges, à prendre en charge les conséquences de cet accident de travail au régime sur les risques professionnels.

2.1.3. sur la reconnaissance de la rechute du 1er avril 2008 :

Toute les parties admettent que la dégradation de l’état de santé de F Y, médicalement constatée le 1er avril 2008 et imposant un nouvel arrêt de travail à compter de cette date, était en lien avec le syndrome apparu le 19 novembre 2007.

Dès lors que le syndrome du 19 novembre 2007 était constitutif d’un accident de travail, la CPAM de Mulhouse était tenue d’admettre que la dégradation consécutive du 1er avril 2008 était une rechute et d’en prendre en charge les conséquences au régime sur les risques professionnels.

2.1.4. sur la prise en charge du geste suicidaire et du décès :

Comme le fait observer la société intimée MFP C, le geste suicidaire du 12 juillet et le décès du 23 juillet 2009 sont intervenus alors que l’état de F Y, consécutivement à la rechute d’accident de travail du 1er avril 2008, avait été déclaré consolidé depuis le 10 mai 2009 et que l’assuré observait un arrêt de travail pour maladie non professionnelle.

Mais la déclaration de consolidation et la suspension du contrat de travail pour un autre motif ne font pas obstacle à la preuve que l’appelante reste recevable à apporter du lien qu’elle soutient exister avec l’accident de travail du 19 novembre 2007.

L’appelante, qui ne peut certes pas se limiter à invoquer le bénéfice de la présomption d’imputabilité dès lors que le suicide n’a été commis ni au temps ni sur le lieu du travail, produit aux débats :

— un certificat médical établi par le Dr H I selon lequel la dégradation de l’état de santé de l’assuré, ayant abouti à son décès, était en rapport avec l’accident de travail du 19 novembre 2007 ;

— un certificat du Dr P Q, psychiatre, qui a rapporté avoir examiné F Y en mai 2009 et avoir alors constaté 'la réactivation d’un vécu d’injustice, de l’anxiété et des aspects dépressifs', et qui a conclu que le geste suicidaire du 12 juillet 2009 confirmait l’absence de consolidation de l’état du patient et sa relation avec l’accident de travail initial.

Il en résulte la preuve du rapport de causalité existant entre l’accident de travail du 19 novembre 2007 et le geste suicidaire du 12 juillet 2009, consécutivement le décès du 23 juillet 2009.

La CPAM de Mulhouse était donc fondée, comme l’ont considéré les premiers juges, à prendre en charge les conséquences du geste suicidaire et du décès au titre du régime sur les risques professionnels.

2.2. sur la demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur :

En application de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, la victime d’un accident de travail ou ses ayants droit peuvent prétendre à une indemnisation complémentaire lorsque cet accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur.

La faute inexcusable de l’employeur, comme le fait valoir l’appelante avec pertinence et contrairement à ce que soutient la CPAM du Haut-X, ne suppose pas une gravité exceptionnelle. Elle est caractérisée par tout manquement de l’employeur à ses obligations, en relation causale avec l’accident, lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

La preuve de la faute inexcusable incombe cependant à la partie demanderesse, en l’espèce l’appelante A E.

Or, en premier lieu, l’appelante affirme que la société MFP C a soumis son époux à un harcèlement moral.

Mais, comme le rappelle la société intimée, cette assertion a déjà été présentée au soutien d’une demande indemnitaire dans l’instance prud’homale introduite par F Y et reprise par sa veuve. Par arrêt du 18 septembre 2012, la Cour a écarté l’allégation de harcèlement moral en considérant que les griefs articulés par Mme A E ne faisaient pas même présumer l’existence d’un tel harcèlement.

En deuxième lieu, l’appelante se réfère au rapport d’enquête de M. L M commis par la CPAM de Mulhouse. Cet enquêteur a conclu en ces termes : 'l’attitude de l’employeur a été légère par rapport aux conséquences d’une telle situation ; il a manqué de prévention'.

Mais l’enquêteur n’a aucunement caractérisé la légèreté et le manque de prévention qu’il a ainsi imputés à la société MFP C. Son rapport ne précise ni à quelle obligation l’employeur a pu manquer, ni de quel danger il avait ou aurait dû avoir conscience, ni quelles sont les mesures de préservation qui ont pu être omises.

En troisième et dernier lieu, l’appelante invoque l’ensemble des pièces médicales décrivant le syndrome dépressif qui a conduit au geste suicidaire de son conjoint.

Mais si les certificats délivrés par les Drs K, I et Q attestent du lien ayant existé entre le travail et la dégradation de l’état de santé de Chirstophe Y, comme il est dit ci-dessus, les pièces produites n’établissent ni manquement de l’employeur à ses obligations, ni conscience qu’il avait ou aurait dû avoir du danger, ni absence de mesure de préservation.

Seule une lettre du Dr N O, en date du 2 avril 2008, évoque un manque de respect des préconisations que le médecin du travail avait émises quant à la régularité des horaires, la préférence pour le travail en soirée et le strict respect du repos hebdomadaire du salarié. Mais dans son arrêt du 18 septembre 2012, la Cour de céans a constaté que cette lettre avait été rédigée au vu de plans de travail qui avaient été préparés avant les préconisations émises par le médecin du travail et que les relevés hebdomadaires des horaires effectivement accomplis par le salarié ne faisaient pas apparaître de manquement de l’employeur.

Il en résulte que faute pour l’appelante de satisfaire à son obligation probatoire, aucune faute inexcusable ne peut être retenue à charge de la société intimée. Mme A E doit donc être déboutée de sa prétention à une indemnisation complémentaire, comme l’ont dit les premiers juges.

3. Sur les frais irrépétibles :

Il est équitable qu’en application de l’article 700 du code de procédure civile, chaque partie conserve la charge des ses frais irrépétibles.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare recevables l’appel principal et l’appel incident ;

Confirme le jugement entrepris ;

Dit n’y avoir lieu à contribution aux frais irrépétibles de parties ;

Dispense l’appelante du paiement du droit prévu à l’article R 144-10 du

Code de la Sécurité Sociale,

Et le présent arrêt a été signé par Anne-Marie WOLF, Conseiller faisant fonction de Président, et Doris GEORGE, faisant fonction de Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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