Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 12 janvier 2017, n° 15/02183

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 2 a, 12 janv. 2017, n° 15/02183
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 15/02183
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 1er février 2015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ER

MINUTE N° 22/2017

Copies exécutoires à

Maître SENGELEN-CHIODETTI

Maître MAKOWSKI

Le 12 janvier 2017

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 12 janvier 2017 Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 15/02183

Décision déférée à la Cour : jugement du 02 février 2015 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANT et demandeur :

Monsieur A Y

XXX

06270 VILLENEUVE-LOUBET

représenté par Maître SENGELEN-CHIODETTI, avocat à COLMAR

plaidant : Maître EHRESMANN, avocat à STRASBOURG

INTIMÉS :

— défendeurs :

1 – Monsieur E F

Es qualités de liquidateur de la Société E F EURL

XXX

XXX

2 – La Compagnie d’Assurances HDI GLOBAL SE, venant aux droits de la Société GERLING ALLGEMEINE VERSICHERUNGS AG

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège XXX

XXX

XXX

représentés par Maître MAKOWSKI, avocat à COLMAR

plaidant : Maître KLEIN-DESSERRE, avocat à METZ

— parties intervenantes :

3 – La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de

STRASBOURG

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège XXX

XXX

assignée à personne morale le 22 juin 2015

n’ayant pas constitué avocat

XXX

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège XXX

XXX

assignée à personne morale le 15 juin 2015

n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Bernard POLLET, Président

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller

Monsieur Emmanuel ROBIN, Conseiller

qui en ont délibéré. Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Valérie ALVARO

ARRÊT Réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Caroline DERIOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 23 juin 1993, M. A Y, qui était alors âgé de vingt-quatre ans, a participé en qualité de figurant bénévole à un concert de musique rock d’une durée de six heures environ, organisé par l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée F au stade de la Meinau à Strasbourg.

À la suite de ce spectacle, M. A Y s’est plaint de troubles auditifs et, par jugement du 21 mars 2005, le tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la société Gerling allgemeine Versicherungs à réparer l’entier préjudice subi. Ce même jugement a alloué à M. A Y une provision de 5 000 euros et a ordonné une expertise médicale ; les experts désignés dans les spécialités psychiatrie et oto-rhino-laryngologie ont établi leur rapport respectivement les 21 novembre 2005 et 18 janvier 2006. Par jugement du 26 octobre 2009, une nouvelle expertise psychiatrique a été ordonnée et une provision complémentaire de 18 675 euros a été allouée à M. A Y ; le nouvel expert a établi son rapport le 22 mars 2010.

Suivant jugement en date du 2 février 2015, le tribunal de grande instance de Strasbourg a :

1) condamné la société Gerling allgemeine Versicherungs à payer à M. A Y la somme complémentaire globale de 80 740 euros, outre intérêts, et une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

2) condamné la société Gerling allgemeine Versicherungs à payer à la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin la somme de 4 702,81 euros, outre intérêts, une indemnité de 1 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et une indemnité de 910,23 euros par application de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

3) déclaré le jugement opposable à la Mutuelle générale de l’éducation nationale,

4) partagé les dépens par moitié entre la société Gerling allgemeine Versicherungs et M. A Y,

5) assorti sa décision de l’exécution provisoire.

Le tribunal a fixé comme suit l’indemnisation du préjudice de M. A Y : 2 000 euros au titre des dépenses de santé demeurées à sa charge, correspondant à l’achat d’un masqueur d’acouphènes, 1 500 euros au titre des frais de déplacement, 30 000 euros au titre de la perte de gains actuelle, 15 000 euros au titre de la perte d’une chance de gains futurs dans le cadre d’une carrière de musicien, outre 10 000 euros au titre de l’incidence professionnelle des séquelles, 17 575 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 10 000 euros au titre des souffrances endurées, 13 340 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et 5 000 euros au titre du préjudice d’agrément.

Le 20 avril 2015, M. A Y interjeté appel de cette décision.

*

Par conclusions du 11 octobre 2016, M. A Y demande à la cour de déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondée, la limitation de garantie invoquée par l’intimée en cause d’appel. Il sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qui concerne l’évaluation de son préjudice, la fixation de l’indemnisation qui lui est due aux X de 58 516,20 euros pour les préjudices patrimoniaux temporaires, 594 147,94 euros pour les préjudices patrimoniaux permanents, 132 000 euros pour les préjudices extra-patrimoniaux temporaires, et 160 000 euros pour les préjudices extra-patrimoniaux permanents, et la condamnation de la société Gerling allgemeine Versicherungs, désormais dénommée HDI Global SE, à lui payer la somme complémentaire de 920 989,14 euros, outre intérêts, ainsi que deux indemnités de 8 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. A Y soutient que les experts ont sous évalué son déficit fonctionnel résultant des séquelles physiques en retenant seulement les conséquences des acouphènes dont il souffre, et non celles de l’hyperacousie. Il ajoute que le 8 juin 2012, il a subi un nouveau traumatisme sonore qui a aggravé ses troubles, physiques et psychiques, lorsqu’une étagère en verre de la pharmacie où il se trouvait s’est brisée au sol. Les conséquences physiques et psychiques de l’événement initial auraient continué de s’aggraver et seraient notamment à l’origine d’une incapacité à travailler à temps plein.

M. A Y sollicite, au titre des dépenses de santé actuelles, la somme de 1 256,20 euros pour l’achat d’un masqueur d’acouphènes en juillet 1995 et 660 euros au titre du renouvellement des piles et des bouchons anti-bruit jusqu’au 22 juillet 2000. Il ajoute qu’il s’est déplacé à de nombreuses reprises pour des rendez-vous médicaux et sollicite la somme de 6 600 euros en évaluant à cinquante kilomètres par mois les distances parcourues durant vingt-deux ans.

En ce qui concerne la perte de gains actuels, M. A Y invoque la durée de la période avant la consolidation des séquelles et soutient que, s’il était étudiant à l’époque des faits, les dommages subis ont cependant retardé son insertion professionnelle. De surcroît, il aurait été contraint d’abandonner les études musicales qu’il avait commencées. Il sollicite en conséquence la somme de 50 000 euros en réparation de ce préjudice.

M. A Y sollicite la somme de 8 380 euros au titre des dépenses de santé futures en invoquant l’achat d’un générateur de bruit blanc le 8 octobre 2012, son renouvellement ultérieur et l’achat de piles et de bouchons anti-bruit. Il réclame également la somme de 7 951,20 euros au titre des frais de déplacement permanents pour les soins qui lui sont nécessaires.

En ce qui concerne la perte de gains professionnels futurs, M. A Y fait valoir qu’il a été empêché de commencer une carrière de musicien professionnel ou de professeur de musique, qu’il a cependant réussi un concours administratif de secrétaire scolaire et universitaire en 2006 et qu’il a ainsi accédé à un emploi à temps plein lui procurant une rémunération mensuelle de 1 346 euros. Néanmoins, ne pouvant supporter le bruit, il serait devenu dépressif et aurait été contraint d’accepter un emploi à mi-temps. Il serait désormais hors d’état de reprendre un travail à plein temps. Dès lors, l’indemnisation de sa perte de gains ne saurait être inférieure à 477 816,74 euros. Il y aurait lieu d’allouer également une somme de 100 000 euros au titre de l’incidence professionnelle.

Au titre du déficit fonctionnel temporaire, M. A Y invoque l’existence de multiples difficultés quotidiennes résultant de l’hyperacousie dont il est atteint et réclame à ce titre la somme de 62 000 euros pour la période antérieure à la consolidation et celle de 72 000 euros pour la période écoulée depuis l’aggravation du 8 juin 2012 et jusqu’au 4 avril 2013. Les souffrances endurées justifieraient quant à elles l’octroi de deux indemnités de 30 000 euros chacune, la première au titre des conséquences de l’événement initial et l’autre au titre de celles de l’aggravation survenue en 2012.

En tenant compte également de cette aggravation, M. A Y sollicite la somme de 80 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent, et réclame la même somme en réparation de son préjudice d’agrément.

En ce qui concerne la contestation par la société HDI Global SE de sa garantie, M. A Y soutient qu’il s’agit d’une prétention nouvelle et invoque l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 21 mars 2005. Subsidiairement, il conteste le bien fondé de la contestation et ajoute qu’en tout état de cause, l’assureur a engagé sa propre responsabilité en attendant plus de dix ans avant de l’opposer.

*

Par conclusions du 10 octobre 2016, la société HDI Global SE, anciennement dénommée Gerling allgemeine Versicherungs, et M. E F, liquidateur de l’EURL F, sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne l’évaluation du préjudice. Ils demandent en outre à la cour de dire que la garantie due par la société HDI Global SE sera limitée à 50 % des montants réclamés. Ils sollicitent une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société HDI Global SE et M. E F soutiennent que M. A Y reproche à tort aux experts judiciaires d’avoir sous-évalué le retentissement sur sa vie personnelle de l’hyperacousie et des acouphènes qui sont la conséquence des faits dont il demande réparation. Par ailleurs, il n’y aurait pas lieu de prendre en compte d’éventuelles séquelles d’un nouveau traumatisme qui serait survenu le 8 juin 2012.

Il conviendrait en conséquence de retenir l’existence d’un déficit fonctionnel temporaire de 10 % jusqu’à la consolidation dont la date a été fixée au 22 juillet 2000, un déficit fonctionnel permanent de 7 %, dont 3 % attribuables aux troubles auditifs et 4 % aux troubles psychiques.

M. A Y ne rapporterait pas la preuve des dépenses de santé qui seraient demeurées à sa charge, ni des frais de déplacement qu’il aurait exposés. En l’absence de tout revenu à la date des faits, aucune perte de gains professionnels actuels ne serait démontrée ; la carrière future alléguée par l’intéressé serait purement hypothétique. Par ailleurs, rien ne démontrerait que l’accident a entraîné une interruption de ses études.

En ce qui concerne la demande au titre des dépenses de santé futures, la société HDI Global SE et M. E F font valoir que celle-ci est nouvelle en cause d’appel et qu’il s’agit d’une prescription postérieure au traumatisme du mois de juin 2012. La demande au titre des frais de déplacement futurs serait également nouvelle et dépourvue de tout fondement.

La perte des gains professionnels futurs aurait été correctement appréciée par le tribunal et M. A Y ne justifierait pas de circonstances permettant de revaloriser la somme allouée à ce titre. Il en serait de même de l’incidence professionnelle. La société HDI Global SE et M. E F contestent le montant de la somme réclamée au titre du déficit fonctionnel temporaire en indiquant que M. A Y n’a subi ni hospitalisation ni immobilisation, et qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte les conséquences de l’événement survenu en juin 2012. Les souffrances endurées auraient été correctement appréciées par le tribunal, de même que l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d’agrément.

Par ailleurs, la société HDI Global SE et M. E F font valoir que l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée F avait souscrit deux polices d’assurance de responsabilité civile, l’autre assureur étant la société ICS Assurances, en liquidation judiciaire depuis le 30 septembre 1999. En l’absence de solidarité entre les deux assureurs, la société HDI Global SE ne pourrait être condamnée au-delà de 50 % du risque.

*

La Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin, à laquelle l’acte d’appel a été signifié le 22 juin 2015 et les conclusions de M. A Y le 29 juillet 2015, n’a pas constitué avocat. Néanmoins, par lettre reçue au greffe le 2 février 2016, la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin indique que les prestations servies à M. A Y s’élèvent aux montants suivants :

1) 1 383,01 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques pour la période du 28 juin 1993 au 13 mars 2009, correspondant à des consultations spécialisées et à des examens médicaux chez différents oto-rhino-laryngologistes et à des consultations psychiatriques,

2) 3 318,80 euros, au titre des dépenses de santé futures,

sans que ces montants ne reflètent l’exhaustivité des prestations qui ont pu être servies.

La Mutuelle générale de l’éducation nationale, à laquelle l’acte d’appel a été signifié le 15 juin 2015 et les conclusions de M. A Y le 29 juillet 2015, n’a pas constitué avocat.

Compte tenu des modalités de signification des actes susvisés à la CPAM du Bas-Rhin et à la MGEN, l’arrêt sera réputé contradictoire.

L’instruction de l’affaire a été clôturée par ordonnance en date du 17 octobre 2016.

MOTIFS

Sur l’autorité de chose jugée

Attendu que, selon l’article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche ;

Attendu que, par jugement du 21 mars 2005, le tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la société Gerling allgemeine Versicherungs à réparer l’entier préjudice subi ; qu’aucun appel n’a été interjeté contre cette disposition du jugement qui a tranché une partie du principal ;

Attendu que la demande de la société HDI Global SE, anciennement dénommée Gerling allgemeine Versicherungs, tendant à voir limiter son obligation d’indemniser M. A Y à concurrence de 50 % du préjudice, se heurte donc à l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 21 mars 2005 ; Attendu que, conformément à l’article 122 du code de procédure civile, le moyen tiré de la chose jugée constitue une fin de non-recevoir ; que la demande de la société HDI Global SE doit en conséquence être déclarée irrecevable ;

Sur la recevabilité des demandes nouvelles

Attendu que, selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ; que, toutefois, conformément à l’article 566 du même code, les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément ; que, par ailleurs, aucune disposition n’interdit d’élever le montant de sa demande initiale ;

Attendu en l’espèce que M. A Y a agi devant le tribunal de grande instance de Strasbourg afin d’obtenir l’indemnisation de son entier préjudice ; que, si certains chefs de sa demande sont nouveaux en cause d’appel, ils constituent cependant l’accessoire ou le complément des chefs initiaux et ont pour seul effet d’accroître le montant de la demande d’indemnisation ;

Attendu que la société HDI Global SE est dès lors mal fondée à soutenir que la cour a été saisie de demandes nouvelles en cause d’appel ;

Sur le recours de la caisse primaire d’assurance maladie

Attendu que le jugement entrepris n’est pas critiqué en ce qu’il a condamné la société Gerling allgemeine Versicherungs, aujourd’hui devenue la société HDI Global SE, à payer à la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin :

1) la somme de 4 702,81 euros, assortie d’intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2010 sur la somme de 1 383,01 euros et du 11 décembre 2013 sur la somme de 3 319,80 euros,

2) la somme de 1 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

3) la somme de 910,23 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que ces dispositions du jugement doivent donc être confirmées ;

Attendu par ailleurs que la lettre adressée à la cour par la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin ne mentionne pas d’autres dépenses de santé que celles prises en compte par les premiers juges, et dont il sera tenu compte comme il est dit ci-après ;

Sur les constatations médicales

Attendu que, selon le rapport d’expertise établi le 18 janvier 2006 par le docteur G H, M. A Y a été victime d’un traumatisme sonore le 23 juin 1993, et son état est consolidé depuis le 22 juillet 2000 ; que les lésions en relation directe et certaine avec les faits ont été évaluées par l’expert comme suit :

1) Incapacité temporaire totale : 0, 2) Incapacité permanente partielle : 3 %,

3) Prise en charge d’atténuateurs de bruit,

4) Souffrances endurées : 2/7,

5) Il existe un préjudice d’agrément lié à la pratique et à l’écoute de la musique ;

Attendu que, selon le rapport établi le 21 novembre 2005 par le premier expert psychiatre, M. A Y ne présentait pas de séquelles psychiatriques de nature à justifier l’attribution d’une incapacité permanente partielle, mais le retentissement psychologique et les contraintes thérapeutiques ayant résulté des problèmes auditifs devaient être pris en compte dans l’évaluation des souffrances endurées ;

Attendu, néanmoins, que le rapport d’expertise psychiatrique établi le 22 mars 2010 par le docteur Marie-Jeanne Lay-Macagno porte une autre appréciation en relevant l’existence d’un état anxieux avec une difficulté relationnelle en relation directe et certaine avec l’accident, ayant justifié des consultations spécialisées ainsi que des prescriptions de médicaments, sans incidence sur la date de consolidation ; que les conséquences de cet état anxieux entraînant une inhibition dans les relations sociales et une pauvreté de la vie sexuelle ont été évaluées comme suit :

1) Incapacité temporaire partielle : 10 % jusqu’à la date de consolidation,

2) Incapacité permanente partielle liée au syndrome anxieux : 4 %,

3) Douleur morale justifiant de considérer l’intensité de la souffrance comme « moyenne »,

4) Pas d’incidence de l’état psychiatrique sur les activités professionnelles antérieures ;

Attendu, en ce qui concerne les souffrances endurées, que le rapport d’expertise psychiatrique conduit à relever celles-ci de 2/7 à « moyen », soit 4/7 ; qu’il s’agit uniquement des souffrances subies par M. A Y avant consolidation, celles résultant des conséquences de l’hypersensibilité auditive dont il souffre après consolidation étant indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ;

Attendu que la part physiologique de son incapacité permanente partielle, justifiant un taux de 3 %, prend en compte non seulement les acouphènes dont il se plaint et dont l’expert note qu’ils sont de moyenne sévérité, mais également l’hypersensibilité auditive, dont l’expert a relevé qu’elle était étiquetée importante, mais sans dégradation du seuil auditif vocal dans le bruit et avec une relative tolérance du seuil d’inconfort à des sons de forte intensité en tonale ; que la part psychique de cette incapacité permanente partielle, évaluée au taux de 4 %, prend en compte le retentissement de l’hyperacousie sur la vie sociale et relationnelle ;

Attendu que ces conclusions ne sont pas contestées par la société HDI Global SE et M. E F ;

Attendu que M. A Y, qui affirme que les taux retenus par les experts sont sans rapport avec la réalité de son préjudice, n’apporte pas d’éléments médicaux suffisants pour remettre en cause l’évaluation qui a été faite des séquelles du traumatisme sonore après un examen sérieux et complet ; qu’il était assisté lors des expertises médicale, et qu’il n’a pas soumis aux experts d’observations médicales particulières ;

Attendu que les rapports d’examen médicaux qu’il verse aux débats ont été établis de manière unilatérale plus de trois ans après les expertises judiciaires ; que, de surcroît, ces rapports ne se prononcent pas sur les conséquences du traumatisme sonore du 23 juin 1993, mais sur celles d’un nouvel événement traumatique qui, selon M. A Y, serait survenu le 8 juin 2012 ; que les séquelles ainsi décrites, même si elles ont pu aggraver l’état antérieur, ne sont donc pas la conséquence directe du traumatisme initial, et que M. A Y est en tout état de cause mal fondé à demander qu’elles soient indemnisées par l’organisateur du concert du 23 juin 1993 et son assureur ;

Attendu que les éléments médicaux fournis par les rapports d’expertise judiciaire permettent dès lors de liquider l’indemnisation du préjudice comme il est dit ci-dessous ;

Sur l’évaluation du préjudice

I) Préjudice patrimoniaux

A) Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

1) Dépenses de santé actuelles

Attendu que les dépenses de santé actuelles prises en charge par la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin s’élèvent à la somme de 1 383,01 euros ;

Attendu que M. A Y invoque des dépenses supplémentaires d’un montant de 1 916,20 euros correspondant à l’achat de masqueurs d’acouphènes, de piles nécessaires au fonctionnement de ces appareils et de bouchons anti-bruit ; que l’utilisation de tels accessoires était nécessaire à M. A Y, ainsi que cela résulte des rapports d’expertise ; que leur coût n’a pas été pris en charge par la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin ;

Attendu qu’il convient donc de faire droit à ce chef de demande ;

XXX

Attendu que M. A Y est fondé à demander réparation des frais de déplacement qu’il a exposés pour subir des soins ;

Attendu, cependant, que l’indemnisation de ce chef de préjudice ne peut se faire de manière forfaitaire ainsi que le réclame l’intéressé, qui évalue à cinquante kilomètres par mois les distances parcourues ;

Attendu qu’il n’y a donc pas lieu de lui allouer à ce titre davantage que la somme de 1 500 euros retenue par le tribunal, et que les intimés ne contestent pas ;

3) Perte de gains professionnels actuels

Attendu qu’à la date des faits, M. A Y n’exerçait aucune activité professionnelle ; qu’il ne justifie pas davantage de démarches entreprises en vue d’une insertion professionnelle ;

Attendu qu’il ne démontre pas avoir été sur le point d’embrasser une carrière musicale, que ce soit comme artiste-interprète ou comme professeur de musique ;

Attendu qu’il a bénéficié du revenu minimum d’insertion à compter de l’âge de vingt-cinq ans ; qu’il a également travaillé au titre d’un contrat emploi-solidarité ; qu’aucun élément ne permet d’affirmer que M. A Y, qui

ne disposait pas d’une qualification professionnelle particulière, a dû renoncer à occuper un emploi en raison des séquelles du traumatisme sonore dont il a été victime le 23 juin 1993 ;

Attendu que, dans ces circonstances, le préjudice subi n’excède pas la somme de 30 000 euros allouée par le tribunal au titre de la perte de gains professionnels antérieure à la consolidation ;

B) Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

XXX

Attendu que la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin a mis en compte une somme de 3 319,80 euros au titre des dépenses de santé futures ;

Attendu que M. A Y est fondé à solliciter la prise en charge du renouvellement des appareils auditifs dont la nécessité est démontrée par les expertises judiciaires, et des accessoires nécessaires à leur fonctionnement ; que ces dépenses ne sont pas prises en charge par la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin ;

Attendu, en outre, que, si le nouveau traumatisme subi par M. A Y en juin 2012 a justifié une nouvelle prescription, le renouvellement des appareils prescrits à l’origine aurait en tout état de cause été nécessaire ;

Attendu qu’il convient en conséquence d’allouer à M. A Y la somme de 8 380 euros qu’il réclame au titre des dépenses de santé futures, qui n’est manifestement pas exagérée au regard de l’âge de l’intéressé et des coûts qu’il devra supporter compte tenu de l’atteinte de son système auditif ;

2) Frais de déplacement permanents

Attendu que l’affirmation de M. A Y selon laquelle les soins rendus nécessaires par son état de santé lui imposent de parcourir 50 kilomètres chaque mois ne repose sur aucun élément de preuve, qu’il s’agisse de la périodicité des soins ou de la distance à parcourir entre son domicile et le lieu ou ces soins peuvent lui être dispensés ;

Attendu qu’il n’y a dès lors pas lieu de faire droit à ce chef de demande ;

3) Perte de gains professionnels futurs

Attendu qu’à la date des faits, M. Y, alors âgé de vingt-quatre ans, ne disposait ni d’un emploi stable, ni d’une qualification professionnelle déterminée ; que ni la circonstance qu’il avait obtenu un diplôme d’études universitaires générales en musicologie trois ans auparavant, ni le fait qu’il suivait un enseignement musical, ne permettent d’affirmer de manière certaine qu’il aurait exercé une profession dans le domaine de la musique ;

Attendu que les conséquences psychiques du traumatisme sonore dont M. A Y a été victime ont été sans incidence sur sa capacité à occuper une profession quelconque ;

Attendu que M. A Y n’a donc pas perdu un emploi, ni changé d’emploi, en raison des conséquences de ce traumatisme ;

Attendu qu’il n’y a dès lors pas lieu de lui allouer à ce titre davantage que la somme de 15 000 euros allouée en première instance et que les intimés ne contestent pas devoir ;

XXX

Attendu que les séquelles du traumatisme sonore, et notamment l’hyperacousie dont souffre M. A Y, ont pour effet de limiter les emplois que celui-ci est susceptible d’occuper et, de manière générale, rendent pénible toute activité professionnelle avec notamment des difficultés de concentration ;

Attendu que les recherches d’emploi et les possibilités d’évolution professionnelle sont également rendues difficiles en raison du syndrome anxieux dont souffre M. A Y, qui entraîne notamment une inhibition relationnelle ;

Attendu que le traumatisme sonore dont M. A Y a été victime a donc eu pour effet de limiter ses possibilités professionnelles ;

Attendu que ce poste de préjudice justifie l’octroi d’une indemnité de 100 000 euros ;

II) Préjudices extra-patrimoniaux

A) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1) Déficit fonctionnel temporaire

Attendu que M. A Y a subi un déficit fonctionnel temporaire de 10 % durant sept années ;

Attendu que le tribunal a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. A Y une indemnité d’un montant de 17 575 euros ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;

XXX

Attendu que les souffrances endurées par M. A Y jusqu’à la date de consolidation, soit durant sept années, et qualifiées de « moyennes » par les expertises judiciaires, ne justifient pas de lui allouer une indemnité d’un montant supérieur à 10 000 euros ;

Attendu que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;

B) Préjudices extra-patrimoniaux permanents

1) Déficit fonctionnel permanent

Attendu que le déficit fonctionnel permanent consécutif au traumatisme sonore dont M. A Y a été victime le 23 juin 1993 s’élève à un taux global de 7 % ;

Attendu qu’à la date des faits M. A Y était âgé de vingt-quatre ans ;

Attendu que le jugement a donc fixé à juste titre à 13 340 euros la somme due en réparation de ce chef de préjudice ;

2) Préjudice d’agrément

Attendu que l’atteinte auditive dont souffre M. A Y a nécessairement des répercussions sur la pratique et l’écoute de la musique, dont il est démontré qu’elles constituaient une activité de loisir de l’intéressé avant le traumatisme sonore dont il a été victime ;

Attendu cependant qu’aucun élément ne permet de connaître avec précision l’étendue de cette activité avant les faits ;

Attendu en outre que ni les expertises judiciaires ni les éléments produits par M. A Y ne permettent de démontrer qu’il est, du fait du traumatisme dont il a été victime, définitivement privé de tout plaisir musical, même si l’écoute de la musique ne peut intervenir qu’à un volume sonore modéré et sur une période limitée ;

Attendu que la somme allouée en réparation de ce chef de préjudice a donc été fixée à juste titre à 5 000 euros par le tribunal ;

Sur les dépens et autres frais de procédure

Attendu que société HDI Global SE, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile ;

Attendu que, selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée ;

Attendu que les premiers juges ont fait une application équitable de ces dispositions ; que les circonstances de l’espèce justifient de condamner société HDI Global SE à payer à M. A Y une indemnité de 2 500 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel ; qu’elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire,

DÉCLARE irrecevable la demande de la société HDI Global SE, venant aux droits de la société Gerling allgemeine Versicherungs, tendant à faire juger que sa garantie sera limitée à 50 % du préjudice subi ;

CONSTATE l’absence de demandes nouvelles en appel, au sens de l’article 564 du code de procédure civile, de la part de M. A Y ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Gerling allgemeine Versicherungs, aujourd’hui dénommée HDI Global SE à payer à la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin :

1) la somme de 4 702,81 € (quatre mille sept cent deux euros et quatre-vingt et un centimes), assortie d’intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2010 sur la somme de 1 383,01 € (mille trois cent quatre-vingt trois euros et un centime) et du 11 décembre 2013 sur la somme de 3 319,80 € (trois mille trois cent dix-neuf euros et quatre-vingt centimes),

2) la somme de 1 000 € (mille euros) par application de l’article 700 du code de procédure civile,

3) la somme de 910,23 € (neuf cent dix euros et vingt trois centimes) au titre de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

CONFIRME également le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société HDI Global SE à payer à M. A Y une indemnité de 5 000 € (cinq mille euros) par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Et, statuant à nouveau,

LIQUIDE comme suit l’indemnisation du préjudice corporel subi par M. A Y :

Évaluations X revenant à M. X revenant à A Y la C.P.A.M. I-Préjudices patrimoniaux A- Préjudices temporaires 1) Dépenses de santé 3 299,21 euros 1 916,20 euros 1 383,01 euros actuelles XXX 1 500,00 euros 1 500,00 euros 3) Perte de gains actuelle 30 000,00 30 000,00 euros euros B- Préjudices permanents XXX 11 699,80 8 380,00 euros 3 319,80 euros euros 2) Pertes de gains future 15 000,00 15 000,00 euros euros 3) Incidence professionnelle 100 000,00 100 000,00 euros euros II- Préjudices extra-patrimoniaux A- Préjudices temporaires 1) Déficit fonctionnel 17 575,00 17 575,00 euros temporaire euros XXX 10 000,00 10 000,00 euros euros B- Préjudices permanents 1) Déficit fonctionnel 13 340,00 13 340,00 euros permanent euros 2) Préjudice d’agrément 5 000,00 euros 5 000,00 euros Z: 207 414,01 202 711,20 euros 4 702,81 euros euros Provisions à déduire 23 675,00 euros SOLDE: 179 036,20 euros

FIXE à la somme de 207 414,01 € (deux cent sept mille quatre cent quatorze euros et un centime) l’indemnisation du préjudice subi par M. A Y, soit un solde de 202 711,20 € (deux cent deux mille sept cent onze euros et vingt centimes) après déduction de la créance de la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin ; CONDAMNE en conséquence la société HDI Global SE à payer à M. A Y la somme complémentaire de 179 036,20 € (cent soixante dix-neuf mille trente six euros et vingt centimes), après déduction des provisions d’un montant Z de 23 675 € (vingt trois mille six cent soixante quinze euros) ;

CONDAMNE la société HDI Global SE aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. A Y une indemnité supplémentaire de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) par application de l’article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 12 janvier 2017, n° 15/02183