Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 28 janvier 2019, n° 18/00621

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 3 a, 28 janv. 2019, n° 18/00621
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 18/00621
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Hagueneau, JEX, 24 janvier 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

IF/BE

MINUTE N° 19/085

Copie exécutoire à :

—  Me Guillaume HARTER

—  Me Laurence FRICK

Le 28 février 2019

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 28 Janvier 2019

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 18/00621 – N° Portalis DBVW-V-B7C-GVVQ

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 janvier 2018 par le juge de l’exécution de HAGUENAU

APPELANTE

SARL OKAZI

[…]

[…]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR

Avocat plaidant : Me Laurent PAVONILI, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMES :

- Monsieur B C

[…]

[…]

—  SAS DANAGAEST

[…]

[…]

Représentés par Me Laurence FRICK, avocat au barreau de COLMAR

Avocat plaidant : Me B PEGUET, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 octobre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

Mme ARNOLD, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme DONATH, faisant fonction

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Annie MARTINO, présidente et Mme Nathalie NEFF, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte notarié du 2 septembre 2016, la Sarl Okazi a acquis auprès de la Sas Danagaest un fonds de commerce de « restauration, petite restauration, salon de thé, bar, sur place et à emporter », exploité sous l’enseigne le Bar à Pâtes, 3 cours de la Décapole à Haguenau, pour le prix de 175 000 €.

Par courriel du 4 septembre 2016, la Sarl Okazi a dénoncé le dysfonctionnement ou non fonctionnement de plusieurs appareils nécessaires à l’exploitation du fonds (machine à glace italienne, congélateur etc.).

Par courrier recommandé avec avis de réception du 25 octobre 2016, la Sarl Okazi a notifié également à la Sas Danagaest la liste des équipements hors d’usage et a fait constater les désordres allégués par huissier de justice le 2 décembre 2016.

Le 25 janvier 2017, la Sarl Okazi a sollicité dédommagement pour les travaux qu’elle soutient avoir dû engager en urgence et pour des pertes d’exploitation subies, à hauteur d’une somme provisionnelle de 49 000,11 euros.

Par ordonnance sur requête du 27 mars 2017, le juge de l’exécution délégué du tribunal d’instance de Haguenau a autorisé la Sarl Okazi à pratiquer des saisies conservatoires sur les comptes bancaires de la Sas Danagaest et de M. D C, es qualité de président de cette société, à hauteur de 210 000 €, correspondant à 175 000 € au titre de la restitution du prix de vente et à 35 000 € de dommages-intérêts.

Une première saisie conservatoire a été effectuée sur le compte tenu au nom de la Sas Danagaest auprès de la Caisse de Crédit Mutuel Haguenau Grand Rue le 6 avril 2017, permettant le blocage d’une somme de 28 233,96 euros.

Une deuxième saisie conservatoire a été pratiquée sur le compte bancaire de M. D C auprès de la caisse d’épargne d’Alsace le 5 mai 2017, permettant le blocage d’une somme de 18 467,70 euros.

Parallèlement, le 21 avril 2017, la Sarl Okazi a saisi le juge des référés civils du tribunal de grande instance de Strasbourg d’une procédure tendant à l’obtention d’un titre exécutoire.

La Sas Danagaest et M. D C ont saisi le juge de l’exécution délégué de Haguenau d’une demande tendant à voir ordonner la mainlevée des saisies conservatoires ainsi que la condamnation de la Sarl Okazi à leur payer respectivement les sommes de 2000 et de 3500 € à titre de dommages-intérêts.

La Sarl Okazi, déboutée de sa demande par ordonnance du juge des référés du 5 septembre 2017 en raison de l’existence de contestations sérieuses, a saisi le juge du fond par assignation du 6 octobre 2017.

Par jugement du 25 janvier 2018, le juge de l’exécution délégué de Haguenau a constaté la caducité de l’autorisation du 27 mars 2017 et a ordonné la mainlevée des saisies conservatoires, retenant que le délai d’un mois imparti par les articles L 511-4 et R 511-7 du code des procédures civiles d’exécution pour l’obtention d’un titre exécutoire n’avait pas été respecté.

La Sarl Okazi a interjeté appel de cette décision le 8 février 2018.

Par écritures en date du 9 octobre 2018, au visa des articles L 511-1, R 511-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, 1116 et 1382 du code civil dans leur ancienne rédaction, ainsi que les articles 1626 et suivants, 1641 et suivants, elle demande la cour de :

— dire et juger son appel recevable et bien-fondé,

— dire et juger que le juge de l’exécution de Haguenau a payé tribut à l’erreur en estimant, dans son jugement du 25 janvier 2018, que le point de départ du délai d’un mois de l’article R 511-7 du code des procédures civiles d’exécution était l’ordonnance du 27 mars 2017 autorisant les mesures conservatoires, alors que ce délai n’a commencé à courir que le 6 avril 2017, date de la première saisie conservatoire,

— dire et juger que le juge de l’exécution délégué de Haguenau a payé tribut à l’erreur en estimant, dans son jugement du 25 janvier 2018, que la procédure aux fins d’obtention d’un titre exécutoire prévue à l’article R 511-7 du code des procédures civiles d’exécution avait été engagée le 5 mai 2017, alors que l’assignation en référé a été signifiée au débiteur le 21 avril 2017,

— dire et juger qu’aucune caducité des mesures conservatoires ne peut être encourue de ce fait, la Sarl Okazi ayant respecté le délai d’un mois de l’article R 511-7 du code des procédures civiles d’exécution,

En conséquence,

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

— dire et juger que la créance de la Sarl Okazi est fondée en son principe et qu’il existe des circonstances menaçant son recouvrement, tant à l’égard de la Sas Danagaest que de M. D C,

— ordonner le maintien des saisies conservatoires autorisées par ordonnance du 27 mars 2017 du juge de l’exécution de Haguenau et pratiquées le 6 avril 2017 sur le compte bancaire de la Sas Danagaest auprès de la Caisse de Crédit Mutuel Haguenau Grand Rue pour une somme de 28 233,96 euros et le 5 mai 2017 sur le compte bancaire de M. D C auprès de la Caisse d’Epargne d’Alsace pour une somme de 18 467,70 euros,

— condamner in solidum la Sas Danagaest et M. D C à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de la procédure, en ce compris les frais des mesures conservatoires pratiquées.

Elle fait valoir que le point de départ à prendre en compte pour le calcul du délai d’un mois prévu au code des procédures civiles d’exécution est le jour où les saisies ont été pratiquées et non celui où elles ont été autorisées ; que le premier juge a commis également une erreur en retenant que l’assignation en vue d’obtenir un titre exécutoire avait été introduite le 5 mai 2017 alors que l’assignation en référé a été signifiée aux débiteurs le 21 avril 2017.

Elle maintient qu’elle dispose d’une créance fondée en son principe envers les intimés et relève que l’ordonnance de référé-provision ayant rejeté sa demande n’a pas autorité de la chose jugée au principal ; que les exigences relatives à la créance, posées par le code des procédures civiles d’exécution pour l’admissibilité des mesures conservatoires, sont moindres que celles prévues par le code de procédure civile en matière de référé-provision ; que les mesures conservatoires qui ont été ordonnées à son profit reposent sur un faisceau de preuves concordantes ; que le rejet de la demande en référé ne peut constituer un motif de caducité des saisies conservatoires, dans la mesure où la procédure est validée même si le juge des référés considère que la demande excède ses pouvoirs, si le saisissant obtient par la suite du juge du fond un titre exécutoire ; que l’ordonnance de rejet n’a pas pour effet de faire courir un nouveau délai d’un mois, qui ne concerne que celui dans lequel la procédure doit être introduite et non celui dans lequel un titre exécutoire doit être obtenu ; qu’elle n’a fait preuve d’aucune inertie en signifiant aux intimés une assignation au fond dès le 6 octobre 2017.

Elle soutient que la créance à l’égard de la Sas Danagaest est fondée en son principe en raison des man’uvres dolosives dont la venderesse s’est rendue coupable en lui taisant les nombreux désordres et troubles de jouissance affectant le fond et rendant son exploitation impossible, relevant qu’outre les désordres affectant les appareils nécessaires à l’exploitation, aucun système d’extraction n’a jamais été installé, que le local est affecté de fuites et de problèmes d’humidité depuis fin 2011, début 2012, que la climatisation est mal posée et sous dimensionnée, qu’il n’a jamais été fait état d’une franchise lors de la signature de l’acte de vente, ce qui a occasionné pour elle des frais de dépose d’enseigne, de transformation de la décoration et de changement de matériel alors qu’ils auraient dû l’être par le franchisé ; que les multiples désordres et dysfonctionnements affectant le fond constituent des vices cachés rédhibitoires, dont la venderesse est tenue ; que sa créance envers la Sas Danagaest est chiffrée provisoirement à 251 284,04 € se détaillant 175 000 € au titre du remboursement du prix de cession du fonds de commerce et en 76 284,04 € au titre des frais de remise en état.

Elle argue de circonstances menaçant le recouvrement de cette créance dans la mesure où les associés de la Sas Danagaest ont décidé de procéder à sa dissolution et à sa mise en liquidation amiable le 31 octobre 2016 ; que la société n’a plus d’activité à ce jour et que les derniers comptes disponibles relatifs à l’exercice clos le 30 septembre 2014 font état d’une situation financière déficitaire et de capitaux propres négatifs en raison de dettes s’élevant à 245 888 €.

Elle fait valoir que M. D C était, à l’époque de la négociation de la vente et de la signature de l’acte de cession, le président de la Sas Danagaest ; qu’il en est le liquidateur amiable depuis le 31 octobre 2016 ; qu’en cette qualité, il engageait sa responsabilité personnelle à l’égard des tiers à raison de toute faute intentionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales ; qu’en sa qualité, il connaissait parfaitement les désordres affectant depuis des années les divers équipements du fonds cédé, de même que l’existence de la franchise que son frère avait co-fondée ; qu’il a sciemment passé ces problèmes sous silence et a engagé sa responsabilité in solidum aux côtés de la Sas Danagaest ; qu’il existe à son encontre des menaces pour le recouvrement de cette créance dans la mesure où il ne tire aucun revenu de l’exploitation de la Sas Danagaest et que ses

sources de revenus actuels sont inconnues.

Par écritures du 19 mars 2018, la Sas Danagaest et M. D C ont conclu à l’irrecevabilité de l’appel, en tout cas à son mal fondé et demandent à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris dans la limite de l’appel incident et en tant que de besoin par substitution de motifs,

— débouter la Sarl Okazi de l’intégralité de ses fins et conclusions,

Sur appel incident :

— déclarer l’appel incident recevable,

— le déclarer bien fondé,

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts de la Sas Danagaest et de M. D C,

Statuant à nouveau dans cette limite,

— condamner la Sarl Okazi à payer à la Sas Danagaest une somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts,

— condamner la Sarl Okazi à payer à M. D C une somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts,

— confirmer pour le surplus,

En tout état de cause,

— condamner la Sarl Okazi aux entiers frais et dépens,

— condamner la Sarl Okazi à payer à la Sas Danagaest et à M. D C une indemnité de 2500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils ne contestent pas qu’il existe une erreur dans la chronologie de la procédure telle que rappelée dans le jugement déféré ; que cependant, la condition posée à l’article R 511-7 du code du procédure civile d’exécution n’a pas été remplie dans la mesure où la procédure qui avait été engagée en référé par la Sarl Okazi en vue d’obtenir un titre exécutoire a été définitivement rejetée et n’aboutira pas, en l’absence d’appel ; que la caducité des mesures conservatoires est ainsi encourue ; que la Sarl Okazi ne peut arguer de la procédure introduite au fond, l’assignation du 6 octobre 2017, tendant à la nullité de la cession du fonds de commerce pour dol, n’étant pas de même nature que l’instance de référé qui tendait à l’allocation d’une provision ; que la possibilité d’agir au fond en obtention d’un titre exécutoire plus d’un mois après l’exécution des mesures conservatoires ne repose sur aucun fondement légal ; qu’en tout état de cause, l’assignation au fond est intervenue plus d’un mois après l’ordonnance de référé qui a rejeté les prétentions de la Sarl Okazi.

Ils soutiennent qu’ils sont fondés à obtenir la mainlevée des saisies, la Sarl Okazi ne pouvant prétendre disposer d’une créance fondée en son principe, alors que sa demande en référé-provision a été rejetée ; que l’autorisation de pratiquer des mesures conservatoires a été obtenue de façon déloyale ; que les matériels qui équipaient le restaurant étaient en état de marche et que les dysfonctionnements allégués n’ont jamais pu être établis de façon contradictoire ; que les constatations de l’huissier, qui n’est pas un technicien, ne peuvent suffire à établir que la Sas Danagaest et son dirigeant auraient cherché à dissimuler le mauvais état des matériels d’exploitation ; que les désordres allégués du fonds, relatifs à une fuite et à des problèmes de climatisation, sont entièrement contestés et que le local a été doté dès l’origine d’une gaine d’extraction conforme aux normes relatives à l’activité de restauration.

Ils font valoir que s’ils ont négligé de modifier l’enseigne du restaurant au registre du commerce et des sociétés, raison pour laquelle la cession porte sur un fonds de commerce à l’enseigne « Le Bar à Pâtes », la Sarl Okazi était parfaitement informée de la situation relative à un changement d’enseigne intervenu en janvier 2015, avant la mise en vente du fonds, de sorte qu’elle ne peut prétendre avoir été trompée à ce titre ; qu’en l’absence de dol, les conditions nécessaires à l’obtention d’une mesure conservatoire n’apparaissent pas réunies, étant relevé que la Sarl Okazi a fait preuve d’une témérité fautive qui leur a causé un préjudice en les privant de la libre disposition de leurs avoirs pour des raisons fallacieuses.

Par ordonnance du 17 octobre 2018, les conclusions de la Sarl Okazi, notifiées le 7 juin 2018, ont été déclaré irrecevable, mais seulement en ce qu’elles répondent à l’appel incident formé par la partie intimée, de sorte qu’elles restent recevables sur l’appel principal.

MOTIFS

Vu l’ordonnance de fixation de l’affaire du 2 mars 2018 ;

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu les écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Sur la caducité de l’autorisation de pratiquer des mesures conservatoires :

En vertu des dispositions de l’article L 511-4 du code des procédures civiles d’exécution, à peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier engage ou poursuit, dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d’Etat, une procédure permettant d’obtenir un titre exécutoire s’il n’en possède pas.

L’article R 511-7 du même code dispose que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.

En l’espèce, la Sarl Okazi a fait signifier à la Sas Danagaest et à M. D C une assignation devant le juge des référés civils du tribunal de grande instance de Strasbourg le 21 avril 2017, dénoncée le 25 avril 2017 à la Caisse de Crédit Mutuel Haguenau Grand Rue.

Contrairement à ce que retenu par le premier juge, il convient de constater que la procédure en vue de l’obtention d’un titre exécutoire a été introduite dans les délais précités.

L’assignation en référé provision formée dans le mois de la saisie conservatoire répond aux exigences du code des procédures civiles d’exécution, et ce même si la requête en référé a été rejetée en raison de l’existence de contestations sérieuses.

Le rejet de la demande de référé n’a pas pour effet de faire courir un nouveau délai pour l’introduction d’une instance au fond. Ce n’est que dans le cas du rejet d’une demande d’injonction de payer que l’article R 511-7 fixe un nouveau délai d’un mois pour l’introduction d’une instance au fond et non après rejet d’un référé-provision. Il sera au surplus relevé que la Sarl Okazi a agi avec célérité en assignant les intimés au fond dès le 6 octobre 2017, alors que l’ordonnance de référé a été rendue le 5 septembre 2017.

Par ailleurs, les intimés ne sont pas fondés à soutenir l’irrégularité de la procédure au motif que les deux procédures n’ont pas le même objet, l’assignation en référé tendant à l’obtention d’une provision et la procédure au fond tendant à la nullité de la cession du fonds de commerce, dans la mesure où la Sarl Okazi a, tant au travers de la première que de la deuxième procédure, manifesté sa volonté d’obtenir la conversion de la mesure dans le délai requis par la loi, ainsi que l’exigent les dispositions précitées.

Aucune caducité n’étant dès lors encourue, il convient d’infirmer le jugement déféré et d’examiner si les conditions de fond posées pour la validité des saisies conservatoires sont remplies.

Sur le bien-fondé des saisies :

L’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

L’article R 512-1 du même code précise qu’il incombe au créancier de prouver que les deux conditions cumulatives sont remplies.

Le juge auquel est déférée une mesure conservatoire, se place dans la même position que le juge qui a autorisé la mesure : il examine au jour où il statue, d’une part l’apparence du principe de créance – et non la certitude, la liquidité, l’exigibilité ou le montant de la créance – et évalue d’autre part la menace qui pèse sur le recouvrement.

Pour démontrer l’existence d’une créance fondée en son principe, la Sarl Okazi argue de man’uvres dolosives des intimés, qui lui aurait caché les nombreux désordres et troubles de jouissance affectant le fond et rendant son exploitation impossible en état.

Elle se prévaut d’un procès-verbal de constat dressé le 2 décembre 2016 par Maître X, huissier de justice à Haguenau, qui indique que le groupe de refroidissements des climatiseurs n’est pas installé dans les règles de l’art, à savoir que l’eau de condensation n’est pas évacuée ; que le parquet du sol est en train de se dégrader ; que l’adoucisseur d’eau général Adesio ne fonctionne pas ; qu’il est branché mais qu’aucun voyant ne s’allume ; que la machine à glace italienne de marque Debref ne fonctionne pas ; que le premier cuiseur à pâtes, de marque Pasta Chef, ne fonctionne pas, car il déborde et fait sauter les plombs ; que le bloc de conservation de pâtes du milieu ne fonctionne pas correctement ; que du givre est visible sur les parois et que la température est de 10,4° au lieu de 5,4° ; que le buffet réfrigéré à 3 portes à l’entrée ne fonctionne pas correctement, la température affichant 14° au lieu des 3° réglementaires ; que la hotte en inox ne fonctionne pas, la vapeur étant rejetée dans la cuisine où il règne une forte chaleur ; que les trois vitrines réfrigérées du bar affichent des températures anormales, à savoir 9° pour l’une au lieu de 3° et 4° pour l’autre au lieu de 3° ; que la vitrine boissons réfrigérée présente une fuite au niveau du bac de rétention d’eau de condensation, ce qui fait que l’eau s’écoule sur le parquet flottant qui gondole et s’ébrèche, dégageant une odeur nauséabonde.

Elle verse par ailleurs aux débats des attestations de ses employés, Mme Y et Mme Z, qui

affirme qu’un certain nombre d’appareils était déjà hors service ou

présentaient un dysfonctionnement avant la reprise du fonds de commerce par la société Okazi.

Les intimés ne contestent pas que l’adoucisseur d’eau général ne fonctionne pas, expliquant qu’il n’a jamais été mis en route et est à l’état neuf et admettent que la machine à glace ne fonctionne de même pas, ce dont la Sarl Okazi a été informée lors de l’inventaire, dans la mesure où cette machine exigeait selon eux un entretien quotidien disproportionné à sa rentabilité.

Ils critiquent en revanche les autres dysfonctionnements allégués.

Il sera relevé que la simple production d’un constat d’huissier ne permet pas de faire la part entre un dysfonctionnement qui préexisterait à la vente et une panne ou un endommagement liés à une mauvaise utilisation ou un mauvais entretien du matériel.

Ainsi, les attestations des employés versés aux débats par la Sarl Okazi sont contredites par des attestations de Mme A, ancienne employée et M. F C, père de D C, qui affirment qu’avant le 1er juillet 2016, date à laquelle ils ont quitté la Sas Danagaest, les éléments réfrigérés présents dans le restaurant fonctionnaient bien et étaient

entretenus par M. F G chaque semaine ; que la climatisation et la hotte fonctionnaient et qu’il n’y avait pas d’odeur nauséabonde dans le restaurant.

Concernant le mauvais fonctionnement de la climatisation, les intimés sont fondés à relever que le devis de la société Froid Gilbert versé aux débats par la Sarl Okazi mentionne en position 1 le remplacement de l’écoulement existant avec du PVC de 32 mm de diamètre, ce qui sous-entend qu’un écoulement était bien prévu et existait antérieurement, permettant ainsi à l’eau de ne pas s’écouler directement sur le sol.

Par ailleurs, le courrier de l’entreprise INCE du 19 juin 2017, affirmant avoir constaté lors d’une intervention du 19 juin 2017 que l’installation de climatisation était affectée de nombreuses malfaçons, était sous dimensionné et très dangereuse pour le personnel et les clients et avait dû être consignée pour éviter tout accident, ne peut, par son caractère non contradictoire et en ce qu’elle est adossée à un devis émis par cette même société, visant au remplacement de la climatisation pour un montant total de 28 632 €, faire preuve objective de dysfonctionnement antérieurs à la vente et qui auraient été dissimulés à la Sarl Okazi.

Il convient cet égard de relever que la Sas Danagaest et M. D C avaient proposé à la Sarl Okazi de venir sur place pour examiner conjointement les difficultés alléguées ; qu’un tel constat contradictoire n’a pu être effectué du fait de la Sarl Okazi, dont les associés ont refusé un rendez-vous, arguant d’un manque de temps ; que par ailleurs, les échanges courriels entre l’agence immobilière mandatée par la Sarl Okazi en vue de l’achat du fonds de commerce et la Sas Danagaest montrent que les parties se sont trouvées en pourparlers à propos de cette transaction pendant plusieurs mois ; que la Sarl Okazi n’a pu envisager l’achat du fonds de commerce qu’après en avoir visité les locaux à plusieurs reprises ; qu’elle aurait ainsi pu à cette occasion faire elle-même la constatation de l’absence de fonctionnement de la climatisation au cours de l’été 2016 ayant précédé la signature de l’acte authentique de vente, ainsi que l’affirment les différents clients dont elle produit les attestations et qui se plaignent d’une chaleur insupportable dans le restaurant.

En l’état des pièces versées au dossier, le grief tiré de l’absence de systèmes d’extraction n’est pas démontré, alors que les plans versés aux débats par les intimés montrent l’existence de gaines prévues lors de la construction du local à usage de restauration pour cet effet.

Il en résulte que même si certains éléments du fonds sont

affectés de dysfonctionnement, il

n’est nullement démontré qu’ils constituent des vices rédhibitoires et que l’exploitation normale du commerce était compromise, dans la mesure où ils pouvaient faire l’objet de réparations d’un coût modéré et non d’une remplacement ; que la preuve n’est de même pas rapportée d’un principe de créance correspondant au remboursement du prix de vente du fonds de commerce, en l’absence de démonstration de man’uvres dolosives des intimés.

Il sera en effet constater que la Sarl Okazi n’est pas fondée à se plaindre de ce qu’elle n’aurait pas été informée d’un changement d’enseigne du fonds de commerce, qui bénéficiait antérieurement d’une franchise sous l’enseigne Le Bar à Pâtes, qui a été abandonné en 2015 sans qu’il ait été procédé à un changement des codes couleurs et des éléments d’identification propre à cette franchise et qu’elle aurait dû à ce titre exposer des frais supplémentaires.

En effet, si la cession de fonds de commerce porte effectivement sur la vente d’un fonds connu sous l’enseigne Le Bar à Pâtes, les éléments du dossier montrent qu’au moment de sa vente, il était à l’enseigne de Pasta Bar ; que l’acte de vente ne porte nullement reprise d’une franchise ; que surtout, il ressort du document intitulé « Présentation du projet », dressé par les associés de la Sarl Okazi, qu’ils avaient parfaite connaissance de ce que le bar n’était plus sous la franchise Bar à Pâtes ; qu’ils avaient en tout état de cause prévu de modifier le nom commercial du fonds ainsi que les codes couleurs et présentations, dans la mesure où le document qu’ils ont établi détaille longuement les étapes de choix du nom du restaurant Zest’O Restau ; qu’ils y indiquent par ailleurs qu’ils espèrent développer la clientèle et le chiffre d’affaires par rapport au Bar à Pâtes-Pasta Bar, puisqu’ils partent d’un établissement mono-produit à un établissement proposant une

large offre « bien-être » en plus de celle de

pâtes faites maison ; qu’ainsi, la situation juridique réelle du fonds ne leur a pas été dissimulée et était connue d’eux.

Il doit être tiré de ces éléments que la Sarl Okazi ne rapporte pas la preuve d’une créance fondée en son principe correspondant au montant du prix de cession du fonds de commerce augmenté de dommages et intérêts.

Les conditions d’obtention des saisies conservatoires n’étant pas réunies, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il en a ordonné la mainlevée.

Sur l’appel incident :

Bien que l’appelante succombe en ses prétentions, il n’est pas démontré qu’elle a agi de façon fautive ou téméraire, de sorte que les intimés ne sont pas fondés à se prévaloir à son encontre d’un préjudice.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté leur demande en dommages et intérêts.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Partie perdante, la Sarl Okazi sera condamnée aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera en revanche fait droit la demande des intimés à ce titre, à hauteur d’une somme de 1500 € à chacun d’eux.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, après débats publics,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a constaté la caducité de l’autorisation du 27 mars 2017 de pratiquer des mesures conservatoires à l’encontre de la Sas Danagaest et de M. D C,

Statuant à nouveau sur ce point,

DECLARE la procédure de saisie conservatoire régulière en la forme,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE la Sarl Okazi à payer à la Sas Danagaest et à M. D C la somme de 1500 € (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la Sarl Okazi de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sarl Okazi aux dépens de l’instance d’appel.

La Greffière, La Présidente de chambre,

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Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 28 janvier 2019, n° 18/00621