Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 4 octobre 2021, n° 20/00380

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 3 a, 4 oct. 2021, n° 20/00380
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 20/00380
Décision précédente : Tribunal d'instance de Thann, 15 décembre 2019
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

JLF/MDL

MINUTE N° 21/492

Copie exécutoire à :

—  Me Valérie SPIESER

—  Me Noémie BRUNNER

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 04 Octobre 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 20/00380 – N° Portalis DBVW-V-B7E-HIZB

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 décembre 2019 par le tribunal d’instance de thann

APPELANTE :

SELARL CLINIQUE VETERINAIRE DE LA CROISIERE, prise en la personne de son représentant légal,

[…]

[…]

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat au barreau de COLMAR

INTIME :

Monsieur C X

[…]

68800 VIEUX-THANN

Représenté par Me Noémie BRUNNER, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 juin 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

Monsieur FREY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 16 mai 2018, M. C X a consulté la clinique vétérinaire de la Croisière à Cernay, pour sa chienne « Nova » qui présentait des symptômes de diarrhées et de maigreur.

Le 22 juin 2018, le Dr E Z a pratiqué sur la chienne une ovariectomie par les flancs, laquelle chienne a ensuite repris du poids.

Le 30 août 2018, M. X a consulté la clinique vétérinaire de la Croisière en raison de diarrhées sanguinolentes présentées par l’animal.

Dans la nuit du 3 septembre 2018, M. X a consulté, en urgence, le Dr Y, vétérinaire à Guebwiller, pour Nova qui présentait un état léthargique et hyperthermique.

Le 10 septembre 2018, le Dr Y a réalisé une laparotomie exploratrice sur la chienne qui a ensuite été suivie régulièrement par ce vétérinaire.

La chienne est décédée le 18 février 2019 des suites d’une insuffisance rénale et M. X a soutenu que ce décès résultait des suites de l’opération réalisée par le Dr Z.

Par lettre du 19 décembre 2018, La Médicale, assureur de la clinique vétérinaire de la Croisière, a, s’appuyant sur les conclusions de son vétérinaire conseil, refusé d’engager la responsabilité du Dr Z.

Le Dr Z a, le 27 juillet 2019, déposé plainte à l’encontre de M. X pour diffamations et injures concernant la Clinique vétérinaire.

Par déclaration introductive d’instance déposée au greffe le

19 septembre 2019, M. X a saisi le tribunal d’instance de Thann d’une action dirigée contre la Clinique vétérinaire de la Croisière afin d’obtenir sa condamnation en raison « d’une faute professionnelle grave le 22 juin 2018, ayant entraîné la mort de Nova », à lui verser une somme comprise entre 6 000 et

7 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 16 décembre 2019, le tribunal d’instance de Thann a :

— condamné la clinique vétérinaire de la Croisière, outre aux entiers frais et dépens, à payer à M. X la somme de

1 000 euros en réparation du préjudice moral subi,

— rejeté la demande formée à l’encontre du demandeur par la clinique au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a relevé que le Dr Y avait constaté après laparotomie, une congestion importante du péritoine et une

masse inflammatoire au niveau du pédicule ovarien opéré, relevant en outre des lésions d’adhérences d’origine vraisemblablement chirurgicale entre le pédicule, l’épiploon et le pancréas et que l 'examen histologique réalisée par le laboratoire Idexx, dont le rapport a été soumis à la discussion des parties, a revelé l’existence d’un « granulome péritonéal focale ».

Il a souligné que le rapport du vétérinaire conseil, évoqué par la clinique, n’était pas versé aux débats et que l’analyse, réitérée à trois reprises, du Dr Y établissait la faute commise par la clinique lors de l’intervention du 22 juin 2018 alors qu’une telle opération n’aurait pas dû aboutir à un décès.

Par déclaration au greffe en date du 14 janvier 2020, la clinique vétérinaire de la Croisière a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 15 mars 2021, auxquelles il est expressément référé pour l’exposé de l’intégralité de ses moyens et prétentions, la Selarl clinique vétérinaire de la Croisière entend voir infirmer le jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau de débouter M. X de l’intégralité de ses fins et conclusions et de le condamner, outre aux entiers dépens, à lui verser la somme de

1 000 euros au titre de l’article 1240 du code civil et à la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle précise que le Dr Z opère systématiquement par les flancs et grâce a cette technique, voit parfaitement ce qu’elle fait et n’opère pas à l’aveugle. Elle estime l’erreur impossible, alors qu’elle n’aurait pas pu prendre un autre organe dans sa ligature et soutient que si le pancréas avait été ligaturé, les conséquences auraient été graves et immédiates, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

Elle souligne que la diarrhée présentée par la chienne est intervenue plus de deux mois après l’opération alors qu’un changement d’alimentation avait été préconisé à M. X, sans qu’il n’en soit tenu compte. Elle entend faire valoir que tant sa faute que le lien de causalité avec le préjudice allégué par

M. X ne sont aucunement démontrés.

Elle relève que la chienne a été suivie par le Dr Y entre le 3 septembre et la date de son décès. Elle conteste que le rapport non contradictoire du Dr Y, en date du

10 septembre 2018 puisse être retenu alors que ses constatations sont imprécises, empreintes de suppositions, qu’aucune photographie n’étaye ses arguments et qu’aucun examen complémentaire n’a été réalisée notamment une autopsie.

Dans ses dernières conclusions en date du 15 mars 2021, auxquelles il est expressément référé pour l’exposé de l’intégralité de ses moyens et prétentions, M. X entend voir confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a limité son

indemnisation à la somme de 1 000 euros. Il demande à la cour, statuant à nouveau, en tant que de besoin et avant dire droit d’ordonner une expertise sur dossier afin de déterminer les causes du décès de sa chienne.

En tout état de cause, il réclame la condamnation de la

Selarl clinique vétérinaire de la Croisière à lui verser une indemnité de 6 000 euros, de débouter cette dernière de l’intégralité de ses demandes et de la condamner outre aux dépens d’appel, à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que les rapports établis par le Dr Y révèlent la faute chirurgicale ayant entrainé le décès de sa chienne. Il souligne que ces éléments ont été soumis à la libre discussion des parties et affirme qu’ils sont corroborés par les résultats de l’analyse du laboratoire Idexx.

Il relève que les observations du Dr A, vétérinaire conseil de l’assureur de l’appelant qui conclut à l’absence de preuve irréfragable d’un geste inapproprié, n’ont pas été produits dans le cadre de la procédure de première instance et met en cause leur partialité.

Il maintient que l’importance de ses préjudices résulte tant des nombreux frais médicaux engagés que de sa souffrance morale.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance du 16 mars 2021.

MOTIFS

Conformément aux articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d’alléguer et de prouver les faits nécessaires au succès de leurs prétentions. L’article 1353 du code civil fait peser la charge de la preuve d’une obligation sur celui qui s’en prévaut. Réciproquement celui qui se prétend libéré de cette obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de cette obligation.

Sur la responsabilité de la clinique de la Croisière

Il est de règle qu’un contrat tacite se forme entre un vétérinaire, pour les soins qu’il prodigue, et le propriétaire d’un animal, le professionnel supportant une obligation de moyens et le créancier de l’obligation celle de rapporter la preuve des manquements fautifs allégués.

L’article 1231-1 du code civil expose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit

à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

S’il ne saurait être discuté que M. X qui a supporté tant les soins que l’accompagnement de sa chienne, malade, a subi un préjudice tant financier que moral, il lui appartient de rapporter la preuve d’un lien de causalité entre ledit préjudice et une faute qu’aurait commise l’appelante.

Or en l’espèce il est établi qu’aucune conséquence immédiate de l’opération pratiquée par le Dr Z le 22 juin 2018 n’a été observée, l’état de santé de l’animal qui avait repris du poids, s’améliorant même durant quelques semaines, jusqu’à voir réapparaitre les symptômes de diarrhées qui y préexistaient.

A compter du 3 septembre 2018, l’animal a été soigné par un autre vétérinaire, le Dr Y, qui constate lui-même que le décès est intervenu plus de huit mois après l’opération en discussion en suite toutefois d’une insuffisance rénale.

Pour mettre en cause la responsabilité de l’appelante, M. X s’appuie exclusivement sur les rapports du Dr Y, lequel affirme avoir découvert lors d’une laparotomie des lésions qu’il impute au geste chirurgical du Dr Z qui aurait malencontreusement notamment ligaturé une partie du pancréas et le péritoine avec le pédicule de l’ovaire qui a été opéré.

Le Dr Y, qui n’a produit aucune photographie relative à ces constatations, alors même que Mme B, son ancienne assistante atteste qu’il photographie toujours les « choses suspectes lors de ses interventions chirugicales », explique avoir pourtant procédé alors à un débridement chirurgical afin de remédier auxdites lésions d’adhérence.

L’examen histologique pratiqué par le laboratoire IDEXX des cellules pancréatiques prélevées a conclu à la normalité du pancréas incriminé, avec absence de cellules inflammatoires et de cellules avec critère de malignité évidente sur la section examinée.

La preuve d’une lésion pancréatique, a fortiori provoquée par le geste chirurgical du Dr Z, n’est ainsi pas rapportée.

Le même laboratoire a, sur examen du tissus adipeux péritonéal relevé une petite lésion d’aspect ganulomateuse formée par des « macrophages épithélioïdes mêlés à de très rares granulocytes neutrophiles » et conclu à l’existence d’un granulome péritonéal focale que le Dr Y a estimé « d’origine chirugicale ».

Face à l’imprécision du tableau clinique décrit par le

Dr Y, le médecin conseil de l’assurance de l’appelante

a relevé lui aussi l’absence de toute photographie des lésions qu’auraient présenté la chienne mais également de l’indication de quel pédicule ovarien il s’agit. Il souligne qu’il n’est décrit, partant démontré, l’existence d’aucune suture malencontreuse entre les termes anatomiques évoqués, précisant à l’instar du

Dr Z, qu’une éventuelle adhérence avec le pancréas aurait généré des vomissements qui n’ont jamais été signalés.

Il ressort de ces énonciations qu’aucune faute dans les gestes chirurgicaux pratiqués par le Dr Z, laquelle ne saurait ressortir des seules déclarations non étayées du Dr Y, n’est établie et qu’ainsi, aucun lien de causalité entre l’opération pratiquée le 22 juin 2018 et le décès de l’animal n’est démontré.

Dans la mesure où aucune constatation objective contradictoire n’a été faite ni aucune photographie de l’animal, qui était soigné exclusivement par le Dr Y depuis le 3 septembre 2018, une expertise sur pièces n’apparait pas en mesure de déterminer les causes exactes de la mort de la chienne ni la responsabilité recherchée, il n’y a pas lieu d’ordonner l’expertise sollicitée par M. X qui aurait été mieux inspiré d’en solliciter l’instauration

sur requête ou en référés.

Le jugement entrepris doit, en conséquence, être infirmé et

M. X débouté de ses demandes indemnitaires.

Sur la demande indemnitaire présentée par la clinique de la Croisière

Aux termes des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il ne saurait être reproché à M. X d’avoir recherché les causes de la mort de son animal de compagnie, ce d’autant qu’outre sa souffrance morale, il a assumé le coût de multiples interventions vétérinaires pour tenter de le sauver.

L’appelante ne justifie pour sa part par aucune pièce d’un préjudice, le seul fait qu’elle ait déposé plainte pour injure et diffamation ne permet pas en l’absence d’éléments de fait à ce titre, de faire droit à sa demande.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement déféré s’agissant des dépens seront infirmées.

Partie perdante à hauteur d’appel, M. X sera condamné aux dépens de première instance et d’appel conformément aux

dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et débouté de sa demande au titre de l’article 700 du même code.

En revanche, il sera fait droit à la demande de la clinique vétérinaire de la Croisière au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement du tribunal d’instance de Thann du

16 décembre 2019,

Statuant à nouveau :

REJETTE la demande d’expertise présentée par M. C X,

REJETTE la demande indemnitaire formée par M. C X à l’encontre de la clinique vétérinaire de la Croisière,

REJETTE la demande indemnitaire formée par la clinique vétérinaire de la Croisière à l’encontre de M. C X,

REJETTE la demande de M. C X en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. C X à verser à la clinique vétérinaire de la Croisière une

somme de 1000 euros (mille euros) par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. C X aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

La Greffière La Présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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