Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 24 juin 2021, n° 19/00898

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 2 e ch. civ., 24 juin 2021, n° 19/00898
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 19/00898
Décision précédente : Tribunal de commerce de Dijon, 1er mai 2019, N° 2017005246
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MW/IC

S.A.R.L. VLD DISTRIBUTION

S.A.R.L. DELPHIN FRANCE

C/

A X

S.A.R.L. EAIR G

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2e chambre civile

ARRÊT DU 24 JUIN 2021

N° RG 19/00898 – N° Portalis DBVF-V-B7D-FIST

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 02 mai 2019,

rendue par le tribunal de commerce de Dijon

RG : 2017005246

APPELANTES :

SARL VLD DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit en cette qualité au siège social sis :

[…]

[…]

SARL DELPHIN FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit en cette qualité au siège social sis :

[…]

21560 ARC-SUR-TILLE

représentées par Me Marie CHAGUE-GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 50

assistée de Me Antoine DULIEU, membre de la SELARL BAILLET DULIEU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur A X

né le […] à […]

domicilié :

[…]

21560 ARC-SUR-TILLE

représenté par Me Marie CHAGUE-GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 50

assistée de Me Antoine DULIEU, membre de la SELARL BAILLET DULIEU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

SARL EAIR G représentée par son Gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis :

[…]

[…]

Autre qualité : Appelante dans 19/[…]

représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127

assisté de Me Gilles GRAMMONT, membre de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 avril 2021 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 24 Juin 2021,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SARL Delphin France, dont le gérant est M. A X, est importateur exclusif sur

l’ensemble du territoire français des produits de la marque Delphin, dont notamment des purificateurs d’F. Ces produits sont distribués et vendus aux consommateurs selon le système de la vente directe à domicile.

La société Delphin France a conclu avec la SARL EAir G un contrat de concession, aux termes duquel celle-ci s’est engagée à vendre les produits Delphin, en renonçant à la commercialisation de tous produits concurrents de ceux de la société Delphin France. Pour exercer son activité, la société EAir G employait des vendeurs ayant le statut de vendeur à domicile indépendant (VDI).

La société Delphin France a conclu le même type de contrat avec la SARL VLD Distribution, dirigée par M. A X, par ailleurs gérant de la société Deplhin France.

Faisant valoir que la société Delphin France et la société VLD Distribution avaient commis des actes de concurrence déloyale en dénigrant la société EAir G auprès de ses collaborateurs et de sa clientèle, en détournant sa clientèle et en débauchant massivement ses vendeurs au profit de la société VLD Distribution, la société EAir G a, par exploit du 7 août 2015, fait assigner les sociétés Delphin France et VLD Distribution devant le juge des référés du tribunal de commerce de Dijon aux fins de voir ordonner une expertise in futurum.

Par ordonnance du 7 octobre 2015, le juge des référés a fait droit à la demande et a désigné un expert aux fins de déterminer si la société VLD Distribution entretenait des relations contractuelles avec d’anciens vendeurs de la société EAir G, de déterminer et chiffrer le nombre de produits Delphin vendus par chacun de ces vendeurs ou ayant fait l’objet d’une prise de commande pour le compte de la société VLD Distribution au cours de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015, et de fournir tous éléments permettant d’apprécier le préjudice financier subi par la société EAir G du fait de l’entrée des ses vendeurs au service de la société VLD Distribution.

L’expert a déposé le rapport de ses opérations le 19 décembre 2016.

Se prévalant des conclusions de l’expertise judiciaire, la société EAir G a, par exploit du 3 août 2017, fait assigner la société VLD Distribution, M. A X et la société Delphin France devant le tribunal de commerce de Dijon aux fins de condamnation in solidum, sur le fondement des articles 1240 du code civil et L 223-22 du code de commerce, à lui payer les sommes de :

—  219 979,36 €, subsidiairement 130 014 €, en réparation de la perte de marge brute causée par le débauchage massif ;

—  46 721,28 € en réparation de la perte de marge brute causée par le détournement de clientèle ;

—  40 000 € en réparation du préjudice d’image ;

—  60 000 € en réparation du trouble commercial ;

—  20 000 € en réparation du préjudice moral.

La demanderesse a exposé au soutien de ses prétentions :

— que, les 21 et 25 novembre 2013, M. X avait adressé des courriers électroniques à l’ensemble des collaborateurs de la société EAir G les informant que cette société souhaitait changer de produit et s’était rapprochée du fabricant d’un matériel concurrent de moindre qualité, et invitant les VDI travaillant pour EAirt G à rester dans le réseau Delphin ; qu’il s’agissait à l’évidence de propos dénigrants tenus par M. X, sous couvert de la société Delphin

France, dans l’intérêt de la société VLD distribution ;

— que, sous prétexte d’une enquête qualité, la société Delphin France s’était adressée aux clients de la société EAir G, en leur indiquant que celle-ci n’existait plus, et que leur interlocuteur serait désormais la société Delphin France ; qu’il s’agissait là-encore de propos dénigrants ayant pour objet de capter la clientèle de la société EAir G au profit de la société VLD Distribution ;

— qu’à la suite des diverses incitations dont ils avaient fait l’objet, les principaux vendeurs de la société EAir G avaient quitté celle-ci pour rejoindre la société VLD Distribution ; que tel était en particulier le cas de M. C Y, qui représentait à lui seul 20,90 % des ventes réalisées en 2013, et qui disposait d’une équipe de 8 conseillers ayant réalisé 10 % des ventes 2013, ainsi que de Mme D Z, qui représentait 7,7 % des ventes 2013 ; que le départ de vendeurs représentant une partie importante de son chiffre d’affaires mettait la société EAir G dans une situation délicate, en la privant de sa force de vente et en la contraignant à recruter et former de nouveaux collaborateurs afin de pouvoir poursuivre son activité ; que M. X savait pertinemment qu’en agissant de la sorte il désorganisait l’entreprise en pillant sa principale richesse ; qu’il s’agissait donc d’actes de concurrence déloyale engageant la responsabilité de M. X, de la société Delphin France et de la société VLD Distribution ;

— qu’en débauchant les vendeurs, les défendeurs étaient parvenus à récupérer la clientèle qui leur était liée ; qu’ils avaient de même capté une partie de la clientèle en l’informant directement que la société EAir G n’existerait plus ;

— que les contrats conclus entre EAir G et ses vendeurs comportaient un délai de préavis pour quitter l’entreprise et une clause de non-concurrence ; que tant M. Y que Mme Z étaient entrés au service de la société VLD Distribution sans respect du préavis et alors qu’ils étaient tenus par la clause de non-concurrence, ce que M. X et ses sociétés ne pouvaient ignorer, dès lors que les contrats de VDI signés par les diverses sociétés étaient rédigés dans des termes identiques ; que les défendeurs s’étaient donc rendus complices de la violation de la clause de non-concurrence par ses anciens vendeurs ;

— qu’il était résulté de ces agissements un manque à gagner équivalent à la marge brute que la société EAir G aurait réalisée si ses collaborateurs n’avaient pas été débauchés, et qui devait être évalué sur une période de référence correspondant à la durée nécessaire au recrutement, à la formation, et à la structuration d’une nouvelle équipe commerciale performante, soit une période de 2 ans, subsidiairement de 18 mois telle que prise en compte dans le cadre des opérations d’expertise ; que les vendeurs débauchés auraient vendus, du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015, au moins 164 appareils 'Big Power', et très probablement davantage, s’agissant d’un produit nettement plus attractif que le produit Delphin ; que le préjudice pouvait être calculé sur la base de 113 machines par an, soit 226 sur deux ans, alors que la marge brute s’élevait à 973,36 € par appareil selon ses propres indications, subsidiairement à 792,76 € selon les calculs de l’expert ; que le préjudice de perte de marge devait ainsi être fixé à titre principal à 219 979,36 € (226 x 973,36 €), et à titre subsidiaire à 130 014 € ;

— que, dans la vente directe, le client était vecteur de nouvelles ventes, et constituait un prescripteur important de l’entreprise, de sorte que les manoeuvres déloyales auprès de sa clientèle avaient nécessairement fait perdre à la société EAir G des ventes qui pouvaient être évaluées à 2 appareils par mois, soit, sur deux ans, un préjudice de 46 721,28 € ( 2 x 24 mois x 973,36 €) ;

— que son image commerciale avait été ternie ; que les actes de concurrence déloyale engendraient toujours un trouble commercial, et qu’en la matière la faute faisait présumer le préjudice ; qu’il existait en outre un préjudice moral ;

— que, s’agissant de la responsabilité personnelle de M. X, elle était engagée en raison de sa participation active et personnelle aux faits de dénigrement et de débauchage.

La société VLD Distribution, la société Delphin France et M. X ont sollicité à titre principal le sursis à statuer dans l’attente de la réalisation du complément d’expertise dont le juge des référés avait été saisi, subsidiairement ont réclamé que le tribunal ordonne un complément d’expertise, plus subsidiairement ont conclu au rejet de l’ensembles des demandes formées à leur encontre. Ils ont fait valoir à l’appui de leur position :

— que la société VLD Distribution avait saisi le juge des référés d’une demande de complément d’expertise, au motif que l’expert avait appliqué une méthode incomplète, voire partiale, en ne s’appuyant pas sur l’ensemble des chiffres de vente de la société EAir G ; que c’était à tort que le juge des référés n’avait pas pris cette demande en considération au motif qu’elle lui aurait été présentée après le dépôt du rapport d’expertise, alors que tel n’était pas le cas ; qu’il devait dans ces conditions être sursis à statuer jusqu’à ce que la demande de complément d’expertise soit tranchée ;

— que, subsidiairement, le tribunal devait lui-même ordonner le complément d’expertise, nécessaire pour lui permettre d’apprécier utilement le prétendu préjudice invoqué par la demanderesse ;

— que les courriers électroniques des 21 et 25 novembre 2013 ne constituaient pas un acte de concurrence déloyale, car seul le dénigrement public était constitutif d’un tel acte, alors qu’en l’occurrence les courriels n’avaient été diffusés qu’aux seuls membres du réseau Delphin, et qu’ils constituaient une défense légitime face à la société EAir G, qui était entrée secrètement en négociation avec une société concurrente ;

— qu’il n’était produit aucune pièce justifiant qu’il ait été indiqué à la clientèle de la société EAir G que celle-ci n’existerait plus ;

— que les deux courriels adressés à M. Y et Mme Z ne contenaient aucun propos dénigrant et ne faisaient que diffuser une information avérée, à savoir le rapprochement en cours entre EAir G et un autre fabricant ; que c’était en toute liberté que les intéressés avaient décidé de rester dans le réseau Delphin, alors que les 8 autres conseillers employés par la demanderesse n’avaient quant à eux pas rejoint la société VLD Distribution ;

— qu’en décidant de sortir du réseau Delphin, la société EAir G était la seule responsable de sa perte de clientèle ;

— que Mme Z n’était plus liée à la société EAir G lorsqu’elle était entrée au service de la société VLD Distribution, dès lors qu’elle n’avait réalisé aucune vente depuis 4 mois ; que la clause de non-concurrence figurant aux contrats de M. Y et de Mme Z leur interdisait de vendre des produits concurrençant les produits Delphin ; que les intéressés n’ayant vendu que des produits Delphin, ils n’avaient donc commis aucun manquement à l’obligation de non-concurrence ;

— que M. X n’avait à titre personnel commis aucune faute incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales, son but étant de protéger le réseau de distribution Delphin ;

— que les préjudices allégués n’étaient pas établis, que rien ne justifiait que la perte de marge soit calculée sur 24 ou 18 mois, et que les opérations d’expertise avaient été menées, non pas sur la base des chiffres totaux de EAir G, mais sur celle des chiffres très partiels d’un seul de ses vendeurs.

Par jugement du 2 mai 2019, le tribunal de commerce a écarté les demandes relatives au complément

d’expertise, en considérant que l’expertise judiciaire permettait de fournir les éléments nécessaires à la solution du litige. S’agissant du dénigrement de la société EAir G auprès de ses propres collaborateurs, le tribunal a retenu qu’il ressortait de la lecture des courriels que leurs propos étaient indiscutablement de nature à jeter le discrédit ainsi qu’à dénigrer la société, et qu’il n’était pas inenvisageable que ces courriels aient poussé plusieurs VDI à quitter la société pour rejoindre la société VLD Distribution. Il a ajouté que M. X, par ses nombreux mails, avait certainement semé le doute aussi bien chez les VDI de la société EAir G que chez les clients finaux, permettant d’atteindre l’essentiel du public concerné. Exposant que la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constituait un dénigrement, peu important qu’elle soit exacte, il a estimé que M. X ne pouvait ignorer qu’en agissant comme il l’avait fait, les VDI de la demanderesse perdraient leur motivation, et se dirigeraient vers la société VLD Distribution, et qu’il en résulterait une désorganisation de la société EAir G, tant par le détournement massif de vendeurs que par le détournement de la clientèle existante et future. Il a encore relevé que les vendeurs débauchés représentaient près de 40% du chiffre d’affaires de la demanderesse,

qu’ils figuraient dans les classements des meilleurs vendeurs de produits Delphin, et qu’en diffusant des courriels aux collaborateurs de la société EAir G tout en les incitant à faire suivre le message auprès d’autres personnes, le dénigrement était devenu public. Le tribunal a donc considéré que M. X et la société Delphin France avaient commis des actes de concurrence déloyale en dénigrant la société EAir G auprès de ses collaborateurs, au profit de la société VLD Distribution. S’agissant de l’obligation de non-concurrence, le tribunal, après avoir indiqué que M. X et ses sociétés ne pouvaient ignorer la situation des vendeurs de la demanderesse, ni le contenu de leurs contrats, qu’il s’agisse de la clause de non-concurrence ou du délai de préavis pour quitter l’entreprise, a relevé que si la société VLD distribution soutenait que Mme Z n’était plus tenue par le contrat au regard de l’absence de vente pendant 4 mois, elle n’en rapportait cependant pas la preuve, et que M. Y avait résilié son contrat sans respecter la durée de préavis. Il a retenu qu’en débauchant les intéressés dans ces conditions, et en les employant alors qu’ils étaient tenus par une clause de non-concurrence, la société VLD Distribution, M. X et la société Delphin France avaient commis des actes de concurrence déloyale et détourné la clientèle de la demanderesse.

S’agissant des responsabilités encourues, le tribunal a rappelé que la responsabilité personnelle d’un dirigeant à l’égard des tiers ne pouvait être retenue que s’il avait commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement, et a relevé que M. X avait agi pour le compte de ses sociétés dans l’exercice de son mandat de gestion, de sorte que sa responsabilité personnelle ne pouvait être engagée. Il a chiffré la perte de marge brute causée par le débauchage massif à la somme de 130 014 €. Il a par ailleurs a considéré qu’il n’était pas inenvisageable que la perte des meilleurs vendeurs ait occasionné l’absence de nouveaux recrutements, et par conséquent de nouvelles ventes, et a alloué en réparation de la perte de marge du fait du détournement de clientèle une somme de 28 539,36 € correspondant à la perte de 2 ventes par mois pendant 18 mois, rapportée à la marge par appareil de 792,76 € telle que retenue par l’expert. Il a enfin retenu qu’il n’était pas contestable que les agissements des défendeurs avaient causé à la société EAir G un préjudice d’image, un préjudice commercial et un préjudice moral. Le tribunal a en conséquence :

— dit que la société Delphin France et la société VLD Distribution ont commis des actes de concurrence déloyale en dénigrant la société EAir G auprès de ses collaborateurs, au profit de la société VLD Distribution ;

— dit que la société Delphin France et la société VLD Distribution ont commis des actes de concurrences déloyales en participant à la violation de l’obligation de non-concurrence de M. Y et Mme Z envers la société EAir G ;

— dit que la société Delphin France et la société VLD Distribution ont commis des actes de

concurrences déloyales en débauchant les principaux collaborateurs de la société EAir G et en détournant la clientèle de cette dernière ;

— condamné in solidum, la société Delphin France, et la société VLD Distribution à payer à la société EAir G la somme de 130 014 € en réparation de la perte de marge brute causée par le débauchage massif ;

— condamné in solidum, la société Delphin France et la société VLD Distribution à payer à la société EAir G la somme de 28 539,36 € au titre de la marge perdue causée par le détournement de clientèle ;

— condamné in solidum, la société Delphin France et la société VLD Distribution à payer à la société EAir G :

* la somme de 5 000 € au titre du préjudice d’image ;

* la somme de 10 000 € en réparation du trouble commercial ;

* la somme de 3 000 € au titre du préjudice moral ;

— condamné in solidum, la société Delphin France et la société VLD Distribution à payer à la société EAir G la somme de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné in solidum, la société Delphin France et la société VLD Distribution en tous les dépens de 1'instance, y compris les frais d’expertise ;

— dit avoir lieu à exécution provisoire ;

— dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en a déboutées ;

— les dépens visés à l’article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 121,55 €.

La société VLD Distribution et la société Delphin France ont relevé appel de cette décision le 5 juin 2019 à l’encontre de la société EAir G.

La société EAir G en a relevé appel le 14 juin 2019 à l’encontre de M. X.

Les procédures ont été jointes.

Par ordonnance du 5 novembre 2019, le premier président de la cour d’appel de Dijon a autorisé la SARL VLD Distribution et la SARL Delphin France à consigner auprès de la Caisse des dépôts et consignations la somme représentant le montant des condamnations en principal, intérêts et frais dans le délai d’un mois suivant la signification de la décision en garantie d’exécution de la décision rendue in solidum à leur encontre au profit de la SARL EAir G par le jugement déféré, et a dit que la consignation ordonnée entraînait la suspension de l’exécution provisoire, laquelle reprendrait ses effets à défaut de consignation dans le délai fixé.

Par ordonnance du 8 septembre 2020 rendue sur requête en interprétation déposée par les sociétés VLD Distribution et Delphin France, le premier président de la cour d’appel de Dijon a dit que l’ordonnance du 5 février (lire novembre) 2019 doit être interprétée en ce que la SARL VLD Distribution et la SARL Delphin France sont autorisées à consigner auprès de la Caisse des dépôts et consignations la somme représentant le montant des condamnations en principal, intérêts et frais,

dans le délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance de référé en garantie d’exécution de la décision rendue à leur encontre au profit de EAir G par le jugement déféré, déduction devant être faite des sommes perçues ou à percevoir effectivement ensuite de la procédure de saisie attribution diligentée le 16 juillet 2019 entre les mains de la CRCAM de Bourgogne Franche Comté.

Par conclusions notifiées le 19 mars 2021, la société VLD Distribution, la société Delphin France et M. X demandent à la cour :

— de dire et juger les sociétés Delphin France et VLD Distribution recevables et bien fondées en leur appel ;

Y faisant droit,

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu la saisine en date du 15 décembre 2016 du juge chargé du contrôle des expertises,

Vu les articles 378 et suivants du code de procédure civile,

— de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que M. X n’a pas engagé sa responsabilité personnelle ;

— de l’infirmer pour le surplus ;

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

— de dire qu’aucun acte de concurrence déloyale n’a été commis par Delphin France, VLD Distribution et/ou M. A X au détriment de la société EAir G ;

En conséquence :

— de débouter la société EAir G de l’ensemble de ses demandes ;

— d’ordonner la restitution par EAir G des sommes saisies en exécution du jugement déféré ;

— d’autoriser la déconsignation à son profit des fonds consignés par Delphin France auprès de la CDC ;

A titre subsidiaire, et avant dire droit sur la fixation du préjudice invoqué par EAir G :

— d’ordonner le sursis à statuer dans la présente instance jusqu’à ce que la difficulté soumise au juge chargé du contrôle des expertises par saisine de VLD Distribution en date du 15 décembre 2016 soit tranchée ;

A titre infiniment subsidiaire, et avant dire droit sur la fixation du préjudice invoqué par EAir G :

— d’ordonner avant dire droit un complément d’expertise tendant à ce que l’expert désigné se fasse remettre par la société EAir G, pour chacun de ses vendeurs, les chiffres de vente d’appareils Delphin et Big Power pour la période courant du 1er juillet 2012 au 30 juin 2015 ;

Et ce aux fins de donner à la cour tous les éléments lui permettant d’apprécier le prétendu préjudice subi par EAir G du fait de l’entrée de M. Y et de Mme Z au service de VLD Distribution ;

En tout état de cause :

— de dire que la société EAir G ne justifie pas de ses demandes de préjudice ;

— de débouter la société EAir G de son appel incident ;

— de condamner la société EAir G à régler à chacun de Delphin France, VLD Distribution et M. A X une somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 22 mars 2021, la société EAir G demande à la cour :

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu l’article L 223-22 du code de commerce,

— de confirmer le jugement du 2 mai 2019 en ce qu’il a :

* dit que la société Delphin France et la société VLD Distribution ont commis des actes de concurrence déloyale en dénigrant la société EAir G auprès de ses collaborateurs, au profit de la société VLD Distribution ;

* dit que la société Delphin France et la société VLD Distribution ont commis des actes de concurrence déloyale en participant à la violation de l’obligation de non-concurrence de M. Y et Mme Z envers la société EAir G ;

* dit que la société Delphin France et la société VLD Distribution ont commis des actes de concurrence déloyale en débauchant les principaux collaborateurs de la société EAir G et en détournant la clientèle de cette dernière ;

* dit que la société EAir G a subi un manque à gagner lié au débauchage ainsi qu’au détournement de clientèle, un préjudice d’image, un trouble commercial et un préjudice moral ;

* condamné in solidum, la société Delphin France et la société VLD Distribution à payer à la société EAir G la somme de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamné in solidum, la société Delphin France et la société VLD Distribution en tous les dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise ;

* débouté M. A X, la société elphin France et la société VLD Distribution de leurs demandes ;

— de réformer ledit jugement en ce qu’il a :

* débouté la société EAir G de sa demande de condamnation in solidum de M. A X ;

* limité le montant des condamnations à des sommes inférieures à celles sollicitées par la société EAir G ;

Et, statuant de nouveau :

— de dire que M. A (sic) a engagé sa responsabilité personnelle en ayant activement et personnellement participé aux actes de concurrence déloyale et à tout le moins fautifs ;

— de condamner in solidum M. X, la société Delphin France et la société VLD Distribution à payer à la société EAir G :

* la somme de 219 979,36 € (et subsidiairement 130 014 €) en réparation de la perte de marge brute causée par le débauchage massif et à tout le moins fautif ;

* la somme de 46 721,28 € en réparation de la perte de marge brute causée par le détournement de clientèle ;

* la somme de 40 000 € en réparation du préjudice d’image ;

* la somme de 60 000 € en réparation du trouble commercial ;

* la somme de 20 000 € en réparation du préjudice moral ;

Y ajoutant :

— de condamner in solidum M. X, la société Delphin France et la société VLD Distribution à verser à la société EAir G la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel ;

— de les condamner in solidum aux entiers dépens d’appel.

La clôture de la procédure a été prononcée le 30 mars 2021.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Pour solliciter l’infirmation du jugement déféré, et obtenir le rejet de l’ensemble des demandes formées à leur encontre, la société VLD Distribution, la société Delphin France et M. X font valoir qu’aucun d’eux n’avait commis d’actes de concurrence déloyale envers la société EAir G.

Cette dernière leur reproche en premier lieu de l’avoir dénigrée auprès de ses collaborateurs, et se prévaut à cet égard d’un courrier électronique en date du 21 novembre 2013, dont la teneur a été reprise in extenso dans un courrier du 22 novembre 2013, ainsi que d’un courrier électronique du 25 novembre 2013.

Il sera constaté à titre liminaire que ces correspondances sont toutes adressées aux seuls membres du réseau de distribution Delphin France, de sorte que, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, elles ne peuvent être qualifiées de publiques. Si certes, comme le relève la société EAir, le mail du 25 novembre 2013 invite in fine ses destinataires à en assurer la diffusion, force est cependant de constater qu’il ne s’agit en aucun cas d’un appel à une diffusion publique, puisqu’il est exclusivement sollicité des destinataires qu’ils transmettent le message à 'l’ensemble des collaborateurs du réseau de Delphin France notamment ceux dont nous n’avons pas l’adresse mail.'

Le mail du 21 novembre 2013, sur lequel le concessionnaire base son argumentation, est libellé de la

manière suivante :

'Chers collaborateurs et collaboratrices de Delphin France,

Par souci de transparence envers chacun d’entre vous, nous tenions à vous informer des faits suivants. Nous avons appris il y a queleques jours que certaines de nos concessions avaient des contacts très avancés avec la société Librex qui fabrique le Ritello. Le but affiché est de changer de produit et de vendre le Ritello prochainement.

Lors de la réunion des concessions de ce jour, cette information a été validée par les concessionnaires concernés : H2optima, Cps, EAir G, […], Opportuniti.

Nous sommes terriblement attristés par ce revirement, et sommes désolés que vous soyez pris en otage de cette situation que nous n’avons pas voulue et que Delphin France subit de plein fouet. Cependant, les valeurs humaines qui sont les nôtres et qui nous ont toujours animées: intégrité, honnêteté, partage, transparence, respect d’autrui,… restent les mêmes, et c’est au regard de ces valeurs que nous souhaitons préserver chacun d’entre vous.

Aussi, afin que vous ne soyez pas pénalisés, Delphin France continuera à fournir les purificateurs Delphin aux concessionnaires dissidents jusqu’à leur départ effectif.

Par ailleurs, si vous vous reconnaissez dans les valeurs de Delphin France, que vous souhaitez poursuivre l’aventure auprès de nous et, ainsi continuer dans un état d’esprit de convivialité où l’Homme est au coeur de nos préoccupations, à distribuer un produit de qualité allemande qui a fait ses preuves, nous serions heureux de vous garder à nos côtés.

Nous nous tenons à votre entière disposition pour échanger en toute transparence sur le sujet.

Au plaisir de vous entendre et nous retrouver ensemble lors du prochain meeting qui aura lieu le samedi 7 décembre à Dijon pour les personnes désireuses de continuer l’activité avec nous.'

Ce mail, et les deux correspondances suivantes, constituent la réaction de la société Delphin France aux agissements de 5 de ses 8 concessionnaires, ayant consisté à nouer des contacts avec le fabricant d’un appareil de purification de l’F directement concurrent de celui importé par la société Delphin France, en vue de sa distribution. La réalité de ces contacts n’est pas contestée, et est en tout état de cause confirmée par l’échange de mails intervenu entre le gérant de la société H2O’ptima et deux représentants de la société Librex au sujet des modalités pratiques de la mise en oeuvre de leur collaboration, ainsi que par deux attestations relatant le déroulement de la réunion des concessionnaires du 21 novembre 2013, au cours de laquelle la question avait été abordée par M. X, et dont il ressort que les responsables des 5 concessions mises en cause avaient reconnu l’existence de ces contacts.

Or, la prise de contacts avec un concurrent direct en vue de la commercialisation de son produit constitue une violation manifeste de la 'clause de non-concurrence pendant le contrat' stipulée au contrat de concession liant la société Deplhin France à la société EAir, et qui dispose que 'pendant toute la durée du contrat, pour quelque cause que ce soit, et sauf inexécution par l’importateur de ses obligations, le concessionnaire s’interdit d’exploiter ou de participer d’une quelconque manière, directement ou par personne interposée, à l’exploitation, la gestion, l’administration, le contrôle d’une entreprise ayant une activité identique ou similaire au réseau Delphin sur le territoire où le concessionnaire, ses sous-concessionnaires, distributeurs… etc… auront commercialisé les produits Delphin.'

Il importe peu à cet égard, comme le soutient la société EAir, que ces contacts avec la société Librex n’aient finalement pas débouché sur une collaboration effective, alors qu’ils étaient toujours

en cours à la période litigieuse de novembre 2013, et qu’au demeurant il n’est pas fourni la moindre explication sur les causes de l’échec des négociations, pas plus d’ailleurs que sur les conditions dans lesquelles le concessionnaire a été rapidement amené à commercialiser un autre produit concurrent, fabriqué par une société tierce.

Certes, le fait pour une société d’avoir été victime d’un acte de déloyauté de la part d’un partenaire commercial ne l’autorise pas à y répliquer au moyen de mesures elles-mêmes déloyales, tels des actes de dénigrement.

Toutefois, la cour ne trouve dans le courrier électronique du 21 novembre 2013 aucun propos dénigrant à l’égard de la société EAir. En effet, l’énoncé des faits avérés qui sont reprochés à celle-ci est fait dans des termes qui doivent être qualifiés de mesurés, dès lors qu’ils ne comportent strictement aucun caractère injurieux ou imputation diffamatoire. C’est vainement qu’au prix d’une interprétation des propos réellement tenus la société concessionnaire soutient qu’elle aurait été qualifiée de 'traître', alors que seul le terme de 'concessionnaire dissident', dépourvu de connotation malveillante, est employé, et alors par ailleurs que le seul fait pour la société Delphin France de rappeler les valeurs qu’elle affirme l’animer ne peut s’analyser en l’imputation au concessionnaire d’une absence totale de valeurs.

Les correspondances suivantes, qui reprennent la même thématique, ne comportent pas plus de propos dénigrants à l’égard de la société EAir.

L’argument tiré d’un dénigrement du concessionnaire auprès de ses collaborateurs ne peut donc être retenu, contrairement à ce qu’ont considéré les premiers juges.

Il sera ensuite relevé que si la société EAir fait grief à M. X ainsi qu’à ses sociétés de l’avoir dénigrée directement auprès de ses clients sous couvert d’une enquête de satisfaction, il n’est cependant fourni strictement aucun élément concret de nature à appuyer cette allégation.

La société EAir G reproche d’autre part à la société VLD Distribution de s’être rendue complice de la violation par Mme Z et M. Y de l’obligation de non-concurrence dont ils étaient tenus à son égard. Elle fait en effet valoir que ces deux vendeurs étaient entrés au service de la société VLD Distribution sans respecter le délai de préavis d’un mois contractuellement imposé pour mettre fin à leurs obligations envers la société EAir G, de sorte que, pendant la durée du préavis, ils avaient enfreint l’obligation de non-concurrence, ce que la société VLD Distribution ne pouvait ignorer comme ayant une parfaite connaissance de la teneur des contrats liant les vendeurs au concessionnaire.

La clause litigieuse est libellée dans les termes suivants : 'le conseiller est libre d’exercer toute autre activité pour son compte ou piur le compte d’un tiers, sous réserve de ne pas concurrencer directement les produits ou services dont la vente lui a été confiée par la société ou de compromettre par son activité la notoriété de la société, ses produits ou services.'

Il est constant que la société EAir a confié à M. Y et Mme Z la vente du purificateur d’F Delphin. Or, en entrant au service de la société VLD Distribution, les intéressés poursuivaient la vente de ce même appareil, qui, par définition, ne concurrence pas celui dont la vente leur avait été confiée par la société EAir.

Dans ces conditions, et sans qu’il y ait lieu d’examiner si les conditions dans lesquelles Mme Z a cessé sa collaboration avec la société EAir G impliquaient ou non le respect d’un préavis, l’argument tiré d’une participation de la société VLD Distribution à une violation par les deux anciens conseillers de leur obligation de non-concurrence ne peut prospérer. Sur ce point également, l’analyse des premiers juges sera réformée.

Enfin, la société EAir G fait grief à M. X et à ses sociétés d’avoir procédé au débauchage massif de ses vendeurs, ce qui avait conduit à sa désorganisation, et au détournement de la clientèle liée à ces vendeurs, ainsi qu’à la clientèle induite par la clientèle directement détournée.

Pour être fautif, le débauchage implique l’emploi de manoeuvres déloyales spécifiquement destinées à l’obtenir.

En l’espèce, la société EAir G s’appuie sur les propos tenus par la société Delphin France dans le mail du 21 novembre 2013, dont la teneur a été rappelée ci-dessus, en indiquant que ces propos avaient pour objet d’inquiéter les vendeurs sur leur avenir en raison des choix opérés par leur concessionnaire, et en les invitant à rester dans le réseau Delphin pour assurer leur rémunération et leur carrière.

Il sera relevé à la lecture de ce mail qu’à aucun moment il n’est délivré aux vendeurs une quelconque injonction ou une incitation spécifique à quitter leur société concessionnaire, seul leur étant indiqué que le réseau Delphin serait heureux de les conserver à son service si tel était leur souhait. Il doit être observé que ni ce mail, ni les correspondances suivantes, n’offrent aux intéressés de contrepartie ou d’avantages matériels particuliers au cas où ils choisiraient de quitter la société concessionnaire, seule l’opportunité de poursuivre leur activité au service de la commercialisation du produit qu’ils connaissaient bien étant mise en avant. Dans le mail du 25 novembre 2013, il est au contraire insisté sur la totale liberté de choix qui leur est laissée, puisqu’il y est indiqué que 'chacun d’entre vous va donc devoir choisir, ce choix sera sans doute difficile pour certains, mais faites-le en votre âme et conscience et selon les valeurs qui vous animent. Dans tous les cas, nous respecterons votre décision.'

Il n’est ainsi pas rapporté la preuve de l’existence, de la part de M. X et de ses sociétés, de manoeuvres spécifiques destinées à débaucher massivement les vendeurs de la société EAir.

Certes, il est constant que certains de ceux-ci l’ont effectivement quittée pour rejoindre la société VLD Distribution. Toutefois, ces départs ne démontrent pas par eux-mêmes l’existence nécessaire de manoeuvres en ce sens, puisqu’ils peuvent parfaitement s’expliquer par la spécificité du mode de fonctionnement des sociétés constituant le réseau Delphin France.

Il doit en effet être rappelé que les conseillers, qui ont le statut de vendeur à domicile indépendant, ne sont pas les salariés des sociétés concessionnaires, mais leurs mandataires. Ces conseillers sont, à l’origine, des acquéreurs séduits par le produit proposé par la société Delphin France, qui, moyennant la perception d’une rémunération d’appoint constituée par des commissions sur les ventes, ont choisi d’en faire la promotion auprès de leur propre entourage, avec l’éventuelle perspective, en cas de succès, de donner une orientation professionnelle à leur activité en devenant à leur tour concessionnaires de la marque.

Il en résulte que les conseillers sont attachés au premier chef au produit dont ils assurent la promotion et la vente, plus qu’à la personne du concessionnaire dont ils sont les mandataires. Il est donc parfaitement logique qu’en cas d’orientation de ce concessionnaire vers un produit d’une autre marque, qu’ils ne connaissent pas pour n’en avoir pas été acquéreurs à titre personnel, les conseillers choisissent de se tourner vers un autre distributeur du réseau Delphin France, afin de pouvoir poursuivre leur activité habituelle et, le cas échéant, réaliser le projet professionnel proposé par celui-ci.

C’est au demeurant ce que confirment les attestations des conseillers versées aux débats par M. X et ses sociétés.

Il n’est ainsi nullement établi que le départ des vendeurs pour la société VLD Distribution soit la conséquence de manoeuvres de débauchage orchestrées par M. X, plutôt que le seul résultat du

changement d’orientation amorcé par le concessionnaire. Il ne peut donc en être tiré aucun argument quant à un acte de concurrence déloyale, pas plus que dans la défection de la clientèle attachée à ces vendeurs, qui n’est que l’effet du départ non fautif de ceux-ci.

Dès lors en définitive que la société EAir ne caractérise aucun des actes de concurrence déloyale et fautive dont elle fait grief à M. X ainsi qu’à ses sociétés, elle ne pourra qu’être déboutée de l’ensemble des demandes qu’elle a formées à l’encontre de ceux-ci.

Le jugement querellé devra être confirmé en ce qu’en dépit de motifs non appropriés au regard de ce qui précède, il a bien écarté la responsabilité personnelle de M. X, mais il sera en revanche infirmé en ce qu’il a consacré la responsabilité des sociétés VLD Distribution et Delphin France.

La décision entreprise sera encore infirmée s’agissant des frais irrépétibles et des dépens.

La société EAir sera condamnée, outre aux entiers dépens de première instance et d’appel, à payer à M. X, à la société VLD Distribution et à la société Delphin France la somme de 1 500 € chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

S’agissant du remboursement par la société EAir G des sommes perçues dans le cadre de l’exécution du jugement de première instance et du déblocage des sommes consignées en exécution de l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Dijon, il sera rappelé que le présent arrêt constitue en lui-même un titre suffisant.

Par ces motifs

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 2 mai 2019 par le tribunal de commerce de Dijon en ce qu’il a rejeté les demandes formées par la société EAir G à l’encontre de M. A X ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau, et ajoutant :

Rejette les demandes formées par la société EAir G à l’encontre de la société VLD Distribution et de la société Delphin France ;

Condamne la société EAir G à payer à M. A X, à la société VLD Distribution et à la société Delphin France la somme de 1 500 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société EAir G aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Rappelle que le présent arrêt constitue un titre suffisant pour obtenir le remboursement des sommes réglées en exécution du jugement infirmé ainsi que le déblocage des sommes consignées en application de l’ordonnance rendue le 5 novembre 2019 par le premier président de la cour d’appel de Dijon.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 24 juin 2021, n° 19/00898