Cour d'appel de Douai, 25 juillet 2011, n° 10/00132

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 25 juill. 2011, n° 10/00132
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 10/00132
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lille, 26 février 2009

Sur les parties

Texte intégral

ARRET DU

25 Juillet 2011

N° 8/11

RG 10/00132

SV/AG

JUGEMENT DU

Tribunal de Grande Instance de LILLE

EN DATE DU

27 Février 2009

APPELANT :

CONSEIL GENERAL DEPARTEMENT DU NORD

Direction Générale des Affaires Financières et Juridiques, de l’Evaluation et de l’informatique

XXX

51 Q G. Delory

XXX

Représenté par Mme HOCHART, Adjointe au Responsable du Service assurances, commande publique et domaine départemental régulièrement mandaté

INTIMES :

M. G H B et son épouse Mme B

9 Q R S

XXX

Comparants en personne assistés de Me E A (avocat au barreau de LILLE)

EN PRESENCE DE : Mr D

faisant fonction de Commissaire du Gouvernement par délégation de Monsieur le Directeur des Services Fiscaux du Nord

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

S. VEJUX, Conseiller, Président suppléant, en exécution de l’ordonnance de Madame le Premier Président en date du 15 Décembre 2010, en remplacement de Mme BASSET, Président titulaire empêché, en exécution de l’ordonnance de Madame le Premier Président en date du 15 Décembre 2010

C. ANDRE, conseiller, appelé à compléter la chambre en exécution de l’ordonnance de Madame le Premier Président en date du 15 Décembre 2010 en remplacement des juges de l’expropriation titulaires et suppléants.

Mme X, juge de l’expropriation titulaire du département du Pas de Calais.

GREFFIER lors des débats : Annick GATNER

DEBATS : à l’audience publique du 16 Mai 2011

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé pour plus ample délibéré du 27 juin 2011 au 25 juillet 2011

ARRET : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Juillet 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Sophie VEJUX, Président, et par Annick GATNER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur et Madame G-H B sont propriétaires d’une parcelle cadastrée section XXX d’une contenance de 954 m2 au 9 Q R S à XXX. Leur immeuble d’habitation d’une emprise au sol de 118 m2- est implanté sur ce terrain qui fait l’objet d’une réserve n°4 pour une surface de 805 m2, aux fins de réalisation d’un aménagement routier de sécurité au carrefour de la RD 549 et de la Q R S, inscrite au PLU de la commune .

Informés dès janvier 2007 d’un projet de modification de ce carrefour, les propriétaires ont mis en demeure la commune puis le Conseil Général par courrier des 17 mars 2007 et 5 avril 2007 d’acquérir leur bien.

Le 20 novembre 2007, la commune a informé le département du Nord qu’il était désormais désigné comme bénéficiaire des emplacements réservés n° 4 et n°5 à la suite de la modification de son plan local d’urbanisme.

En réponse, par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 février 2008, le département du Nord a informé les époux B qu’il reprenait en qualité de nouveau bénéficiaire le délai d’instruction de la mise en demeure d’acquérir du 5 avril 2007 et leur a fait connaître son intention d’acquérir une partie de la parcelle concernée -soit 342 m2- au prix de 84.486 €, conformément à un avis domanial du 6 mars 2007, comprenant une indemnité principale de 10 260 euros sur la base de 30 euros le m² pour 342 m², une indemnité de remploi de 2 226 euros sur la base de 25 % sur 8000 et 10 % au -delà et une indemnité pour dépréciation du bâti de 72 000 euros soit 25 % de la valeur vénale estimée à 285 000 euros .

Sur saisine du Conseil Général du département du Nord, le juge de l’expropriation du département du Nord a, par jugement du 27 février 2009, rejeté les demandes tendant à voir prononcer la nullité de la procédure et a rejeté la demande tendant à voir prononcer le transfert de propriété d’une surface de 343 m² à prendre sur la parcelle cadastrée section XXX, a rejeté les autres demandes et a condamné le conseil général au paiement de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée adressée le 15 janvier 2010 et reçue le 18 janvier 2010, le Directeur des études et des affaires juridiques par intérim, par délégation du Président du Conseil Général du Nord a interjeté appel du jugement du 27 février 2009, sans produire ladite délégation .

L’affaire a été enregistrée au greffe de la chambre spéciale des expropriations sous le numéro 10/00132.

Par lettre recommandée adressée le 19 janvier 2010 et reçue le 22 janvier 2010, le Directeur des études et des affaires juridiques par intérim, par délégation du Président du Conseil Général du Nord a interjeté appel du jugement du 27 février 2009, en produisant ladite délégation .

L’affaire a été enregistrée au greffe de la chambre spéciale des expropriations sous le numéro 10/00187.

Par lettre recommandée adressée le 22 février 2010 et reçue le 23 février 2010,Monsieur et Madame G-H B ont interjeté appel du jugement du 27 février 2009.

L’affaire a été enregistrée au greffe de la chambre spéciale des expropriations sous le numéro 10/00451.

Dans l’affaire n° 132/10, le Département du Nord représenté par le Président du Conseil Général a joint à sa déclaration d’appel reçue le 18 janvier 2010 son mémoire d’appel ainsi que les 8 pièces y annexées au secrétariat-greffe de la Chambre spéciale des Expropriations de la cour d’appel de C, mémoire notifié par le secrétariat greffe à Maître E A, conseil des époux B et au commissaire du Gouvernement par lettres recommandées avec accusé de réception du 20 janvier 2010 et 21 janvier 2010.

*******************

Dans l’affaire n° 187/10, le Département du Nord représenté par le Président du Conseil Général a joint à sa déclaration d’appel reçue le 22 janvier 2010 son mémoire d’appel ainsi que les 8 pièces y annexées au secrétariat-greffe de la Chambre spéciale des Expropriations de la cour d’appel de C, mémoire notifié par le secrétariat greffe à Maître E A, conseil des époux B et au commissaire du Gouvernement par lettres recommandées avec accusé de réception du 1er févier 2010.

Aux termes du mémoire d’appel rédigé en des termes identiques dans les deux dossiers n° 132/10 et 187/10, le Département du Nord demande l’annulation du jugement, le rejet de la demande des époux B d’emprise totale de la parcelle et le prononcé du transfert de propriété ainsi que la fixation du prix de l’immeuble.

Il conteste le fait que le premier juge ait considéré avoir été valablement saisi non pas le 5 juillet 2008, date de l’acte de saisine par une personne ne bénéficiant pas de l’autorisation d’y procéder, mais le 22 septembre 2008, date de la régularisation de la procédure et en avoir tiré comme conséquence, l’application des dispositions de l’article L.230-4 du code de l’urbanisme .

Il soutient que :

— par arrêté du 21 mars 2008, Madame Z, directrice adjointe des affaires immobilières avait reçu une délégation de signature et qu’elle avait la capacité de signer ' tous les actes incombant à l’expropriant en vertu des dispositions législatives et réglementaires ',

— s’il est vrai que l’action a été intentée par le Président du Conseil Général alors qu’il n’y avait pas été autorisé, l’irrégularité de fond relative aux actes de procédures est susceptible d’être régularisée par application des dispositions de l’article 121 du code de procédure civile ;

— au jour où le juge a statué, le Président du Conseil Général avait été autorisée à agir en justice par délibération du conseil général .

Il expose que le premier juge a, à tort, rejeté la demande du département de ' transfert d’une surface de 343 m² à prendre sur la parcelle cadastrée section XXX, au motif qu’aucun texte ne permettrait un transfert partiel dans le cadre des procédures spécifiques aux emplacements réservés et au droit de délaissement'.

Le Département du Nord expose, en effet, que le fait pour le destinataire d’un emplacement réservé de n’utiliser qu’une partie de cet emplacement est sans conséquence dés lors que la destination de la réserve répond aux exigences des articles L.123-1.8 ° et R.123-11 du code de l’urbanisme.

Il s’est opposé enfin à la demande d’emprise totale des époux B, arguant que ceux-ci peuvent utiliser dans des conditions normales la partie du terrain non classée en ' emplacement réservé '.

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Dans les affaires n° 132/10 et 187/10, les époux B ont adressé par lettre recommandée expédiée le 11 février 2010 reçue le 12 février 2010 leur mémoire en réponse ainsi que les 5 pièces y annexées au secrétariat-greffe de la Chambre spéciale des Expropriations de la Cour d’Appel de C, mémoire notifié par le secrétariat greffe au conseil du Département du Nord et au commissaire du Gouvernement par lettres recommandées avec accusé de réception du15 février 2010 et 16 février 2010.

Ils concluent, à titre principal, à l’irrecevabilité de l’appel, au motif que l’acte d’appel n’était pas accompagné d’une copie du jugement contesté.

A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a constaté, sans toutefois tirer la conséquence dans son dispositif de l’inopposabilité de la réserve ,' qu’à l’expiration du délai d’un an et trois mois , soit le 5 juillet 2008, le juge de l’expropriation n’était pas valablement saisi ',

— dire en conséquence, complétant ainsi le jugement dont appel, que la réserve grevant la parcelle cadastrée section XXX n’est plus opposable aux époux B,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande tendant à voir prononcer le transfert partiel de propriété de l’emplacement réservé à concurrence d’une surface de 343 m² à prendre sur la parcelle cadastrée section XXX,

— en tout état de cause, condamner le Conseil Général du Nord à verser à Monsieur et Madame B la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que c’est à juste titre que le premier juge a considéré qu’à l’expiration du délai d’un an et trois mois visé par les articles L123-17 et suivants du code de l’urbanisme, le juge de l’expropriation n’était pas valablement saisi .

Ils ajoutent qu’aucune disposition du code de l’urbanisme n’autorise la collectivité titulaire du droit de préemption, saisie d’une mise en demeure d’acquérir, laquelle porte nécessairement sur la totalité de la surface réservée de ne solliciter que l’acquisition partielle d’un emplacement réservé.

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Dans les affaires n° 132/10 et 187/10, le commissaire du Gouvernement a adressé par lettre recommandée expédiée le 24 février 2010 reçue le 25 février 2010 ses conclusions au secrétariat-greffe de la Chambre spéciale des Expropriations de la cour d’appel de C, mémoire notifié par le secrétariat greffe au conseil du Département du Nord et à Maître A, par lettres recommandées avec accusé de réception du 3 mars 2010.

Il conclut que l’article 121 du code de procédure civile doit s’appliquer et restituer à la saisine son caractère de validité. Sur le fond, il expose qu’il appartiendra au juge d’apprécier la pertinence juridique de substituer une surface moindre à la réserve établie par le Plan local d’urbanisme et que si cette pertinence n’est pas reconnue, la question de l’emprise totale devra être examinée.

Il soutient que le département du Nord ne peut soutenir que les plans d’urbanisme ne peuvent indiquer que la destination des emplacements réservés, lorsque la superficie exacte, soit 805 m² est connue de tous .

Compte-tenu de l’imprécision des surfaces à prélever, le commissaire du Gouvernement estime qu’il n’est pas pertinent d’accéder à la demande d’emprise totale des époux B .

Dans l’affaire n°10/451 les époux B ont adressé par lettre recommandée expédiée le 2 mars 2010 reçue le 3 mars 2010 leur mémoire d’appel ainsi que les 8 pièces y annexées au secrétariat-greffe de la Chambre spéciale des Expropriations de la Cour d’Appel de C, mémoire notifié par le secrétariat greffe au conseil du Département du Nord et au commissaire du Gouvernement par lettres recommandées avec accusé de réception du 8 mars 2010.

Ils concluent à ce qu’il plaise à la chambre spéciale des expropriations :

— A titre principal :

— infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité de la procédure de première instance,

— constatant la nullité de ladite procédure, dire et juger que la réserve grevant la parcelle cadastrée section XXX sise à XXX n’est plus opposable aux époux B,

— A titre subsidiaire :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de réquisition d’emprise totale,

— constater que les conditions d’application de celle-ci sont bien réunies et par conséquent fixer le montant revenant aux époux B à titre d’indemnité de dépossession , remploi compris, à la somme de 178 300 euros et au titre de la réquisition d’emprise totale à la somme de 302 800 euros, soit un montant total de 481 000 euros;

— En tout état de cause ;

Condamner le Conseil Général du Nord à verser à Monsieur et Madame B la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils indiquent que le juge de l’expropriation aurait dû tirer les conséquences de l’irrégularité de sa saisine et dire inopposable aux époux B la réserve grevant la parcelle XXX.

Ils soutiennent, au visa des articles L.123-17 et L.230-1 du code de l’urbanisme que le juge de l’expropriation aurait dû faire droit à leur demande d’emprise totale et ce d’autant que la superficie à prendre en compte est celle de la réserve, soit 805 m² et non celle à laquelle le Département prétend limiter son emprise, soit 342 m² portée le jour de l’audience à 398 m².

Arguant du fait que leur maison est située en fond de parcelle et des possibilités de construction de la parcelle non bâtie, ils demandent que la partie emprise et plus généralement l’intégralité de la parcelle non bâtie, après réquisition d’emprise totale soit évaluée non comme jardin d’agrément, mais comme terrain à bâtir, à une valeur de 200 euros le m2.

Quant à la maison d’habitation, ils produisent des termes de référence dont ils prétendent qu’ils justifient une indemnisation sur la base de 2100 euros le m².

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Le Département du Nord a adressé par lettre recommandée expédiée le 19 mars 2010 reçue le 22 mars 2010 ses conclusions et les 12 pièces annexées, au secrétariat-greffe de la Chambre spéciale des Expropriations de la Cour d’Appel de C, mémoire notifié par le secrétariat greffe le 23 mars 2010 à Maître A et le 24 mars 2010 au commissaire du Gouvernement , par lettres recommandées avec accusé de réception.

Il maintient ses demandes initiales en précisant :

— que la déclaration d’appel a respecté les exigences posées par l’article 933 du code de procédure civile,

— que les mémoires produits tant en première instance qu’en appel ont été signés par des personnes habilitées en vertu d’arrêtés de délégation de signature;

— que si le président du conseil général n’avait pas été habilité à représenter le département en justice au moment de la saisine du juge de l’expropriation, l’irrégularité de fond a été couverte avant que le juge ne statue, par l’effet de la délibération du 12 septembre 2008, et qu’en tout état de cause, par application des dispositions de l’article L.3221-10 du code général des collectivités territoriales, il y a lieu de considérer que le Président du Conseil Général peut , sans autorisation préalable du Conseil Général, faire tout acte conservatoire ou interruptif de déchéance, sous la réserve de la production ultérieure d’une délibération régularisant son acte,

— que la collectivité bénéficiaire d’un emplacement réservé peut n’en acquérir qu’une partie dés lors qu’elle respecte le projet précis défini ayant justifié la réserve,

— qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’interdit au Département d’acquérir une seule partie de l’emplacement réservé ;

— que la collectivité publique bénéficiaire pourra une fois le projet réalisé, procéder à la levée de la réserve sur les emplacements concernés,

— que la demande d’emprise totale doit être rejetée, les conditions d’application de l’article L.13-10 du code de l’expropriation n’étant pas réunies;

— que l’emplacement réservé doit être évalué comme jardin d’agrément et non comme terrain à bâtir.

Au terme de son mémoire, le Département du Nord offre 30 euros le m² pour une qualification en jardin d’agrément et, dans l’hypothèse où le terrain devait être considéré comme terrain à bâtir, un prix de 101 euros le m² ;

A l’issue de l’audience du 21 juin 2010, les affaires ont été mises en délibéré au 18 octobre 2010, puis prorogées au 8 novembre 2010.

Le Département du Nord a adressé le 16 juillet 2010 à la Chambre spéciale des expropriations, une note en délibéré accompagnée de 4 pièces ( documents graphiques) dans laquelle il prétend que la propriété de Monsieur et de Madame B ne serait affectée par la réserve n° 4 qu’à concurrence d’une superficie de 583 mètres compte tenu du fait que la réserve n° 4 inclurait une parcelle référencée A 1020 d’une superficie de 222 m² appartenant à la commune de CAPELLE-EN-PEVELLE .

Les époux B ont en réponse, adressé le 22 juillet 2010, une note dans laquelle ils ont estimés que la consultation des documents produits ( tardivement ) révélait l’inexactitude des assertions du Département du Nord, faisant ainsi état que:

— sur le document n° 3, la parcelle propriété de la commune de CAPPELLE-EN-PEVELLE , cadastrée A 1020, présente une localisation et une configuration, radicalement différente de la parcelle colorée en jaune sur le document 4,

— la propriété de Monsieur et de Madame B d’une superficie de 954 m² est bien affectée par la réserve n° 4 pour une surface de 805 m².

Par arrêt du 15 novembre 2010, la cour d’appel de C a ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 10/132,10/187, et 10/451 et la réouverture des débats à l’audience du 17 janvier 2011 afin que les notes et pièces produites en délibéré par le Département du Nord et les époux B soient communiquées à toutes les parties par le greffe et notamment au Commissaire du Gouvernement .Elle a invité les parties à conclure à la suite de la communication desdites notes en délibéré et pièces.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe le 30 décembre 2010, le Département du Nord a précisé que la parcelle Y de 222 m² faisait partie de l’emplacement réservé n° 4 ; que des travaux d’élargissement de la Q R S , réalisés depuis de nombreuses années ont utilisé la totalité de cette emprise sans avoir été pris en compte dans les mises à jour successives du plan d’occupation des sols et même dernièrement du Plan local d’urbanisme de CAPELLE-EN-PEVELLE . Elle ajoute que la parcelle Y de 222 m² qui appartient à la commune de Capelle est à retirer de la réserve N° 4 dont le département du Nord est bénéficiaire et que l’emplacement réservé qui grève la propriété des époux B est bien aujourd’hui de 583 m² .

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 30 décembre 2010 et reçue le 31 décembre 2010,les époux B ont relevé que la parcelle Y, propriété de la commune est d’ores et déjà située dans l’emprise de la route existante. Ils maintiennent que le fait que la propriété des époux B d’une superficie de 954 m² soit affectée de l’emplacement réservé n° 4 pour l’élargissement du carrefour R S à concurrence de 805 m² est établi .

Dans un mémoire additionnel reçu au greffe le 13 janvier 2011, les époux B font valoir que:

— la parcelle A1220 est d’ores et déjà incluse dans l’assiette de la chaussée

départementale dite ' Q R S';

— à défaut de mise en oeuvre des procédure de révision ou de modification du plan local d’urbansime , ses dispositions restent pleinement exécutoires et notamment la superficie de la réserve n° 4 arrêtée à 805 m² et non 583 m²

Par arrêt du 28 mars 2011, la chambre spéciale des expropriations a, avant dire-droit, ordonné la réouverture des débats à l’audience du 16 mai 2011 afin de recueillir les informations des parties relativement aux moyens soulevés d’office par la cour relativement à la régularité de la procédure et de la saisine du juge de l’expropriation au regard des dispositions des articles L230-1, L230-3 et L.230-4 du code de l’urbanisme .

Le département du Nord a fait valoir que seule la collectivité bénéficiaire de l’emplacement réservé peut se prononcer sur l’acquisition du bien concerné par un emplacement réservé car cette décision aura des effets financiers sur son budjet.

MOTIFS

I Sur la recevabilité de l’appel interjeté par le Département du Nord:

Attendu que le Département du Nord a interjeté appel de la décision rendue le 27 février 2009 par le juge de l’expropriation du Nord en procédant à l’envoi par lettres recommandées avec accusé de réception de deux déclarations d’appel formées par le directeur des études et des affaires juridiques par intérim, agissant par délégation du Président du Conseil Général ;

que la première déclaration d’appel a été adressée le 15 janvier 2010 et reçue le 18 janvier 2010 par pli recommandé sans que l’auteur de l’appel ne joigne ladite délégation ; que le directeur des études et des affaires juridiques par intérim, agissant par délégation du Président du Conseil Général a, donc, régularisé une seconde déclaration d’appel par lettre recommandée avec accusé de réception, expédiée le 19 janvier 2010 et réceptionnée le 22 janvier 2010 en joignant à cet envoi la délégation de signature consentie le 24 décembre 2009 par le Président du Conseil Général du Nord au Directeur adjoint des études et affaires juridiques, directeur par intérim ;

Attendu que contrairement à ce qu’allèguent les époux B, les prescriptions de l’article R.13-47 du code de l’expropriation ont été respectées par l’appelant, lequel a, en outre, joint à son appel copie du jugement critiqué de sorte que la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel sera rejetée;

II Sur la régularité de la saisine du juge de l’expropriation :

Attendu que le département du Nord critique le jugement déféré en ce qu’il a considéré que ' si à la date du 5 juillet 2008 -date de la saisine de la Juridiction de l’expropriation- Madame H-N Z avait bien une délégation de signature lui donnant qualité pour signer des courriers et des actes incombant à l’expropriant, le Président du Conseil Général n’avait pas été autorisé par une délibération spécifique à intenter une action judiciaire dans le cadre du litige l’opposant aux époux B ; En effet, la délibération de la Commission permanente du Conseil Général l’autorisant à 'intenter une action en justice’ dans l’affaire 'département du Nord c/ M et Mme B’ n’est intervenue que le 22 septembre 2008.Il ne peut donc qu’être constaté qu’à l’expiration du délai d’un an et trois mois -soit le 5 juillet 2008- visé par les articles L 123-17 et suivants du code de l’urbanisme, le juge de l’expropriation n’était pas valablement saisi. La régularisation de la procédure contentieuse par l’autorisation donnée le 22 septembre 2008 -si elle permet de régulariser et poursuivre la procédure- ne saurait rétroactivement rendre valable à la date du 5 juillet 2008 l’acte de saisine signé par une personne ne bénéficiant pas de l’autorisation d’y procéder.'

Attendu que l’article L 3221-10 du code général des collectivités territoriales dispose que 'le président du conseil général peut faire tous les actes conservatoires et interruptifs de déchéance (…) ; que le président du conseil général intente les actions au nom du département en vertu de la décision du conseil général et il peut, sur l’avis conforme de la commission permanente, défendre toute action intentée contre le département’ ;

Attendu que l’article 121 du code de procédure civile prévoit que dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si la cause a disparu au moment ou le juge statue;

Attendu qu’il n’est pas contesté que lorsque le Président du Conseil Général a saisi le juge de l’expropriation le 5 juillet 2008, il était valablement représenté par Madame H-N Z, bénéficiaire d’une délégation de signature mais agissait sans qu’une décision du conseil général ne l’ait autorisé à le faire ;

Attendu cependant que son action fondée sur le premier alinéa de l’article L 3221-10 du code général des collectivités territoriales visait à interrompre la déchéance prévue à l’article L.230-4 du code de l’urbanisme, lequel précise que dans le cas des terrains réservés en application de l’article L.123-17, les limitations au droit de construire et la réserve ne sont plus opposables si le juge de l’expropriation n’a pas été saisi trois mois après l’expiration du délai d’un an mentionné à l’article L.230-3 ;

qu’ainsi, le président du Conseil Général a pu sans l’autorisation préalable du Conseil Général accomplir un acte de procédure interruptif de déchéance ;

que la délibération de la Commission permanente du Conseil Général autorisant le président du Conseil Général à 'intenter une action en justice’ dans l’affaire 'département du Nord c/ M et Mme B’ est intervenue le 22 septembre 2008, avant que le juge de l’expropriation ne statue ; qu’il en résulte que la décision du Conseil Général a eu pour effet de régulariser l’acte de saisine du Juge de l’expropriation ;

Attendu que les époux B se prévalent à l’encontre du Département du Nord d’un droit de délaissement, qui est la faculté donnée au propriétaire d’un bien grevé d’une servitude ou touché par un projet d’aménagement et d’urbanisme qui annonce une probable dépossession à terme, de requérir l’acquisition anticipée du bien par la collectivité ou la personne publique ;

Attendu que l’article L.123-17 du code de l’urbanisme prévoit que 'Le propriétaire d’un terrain bâti ou non bâti réservé par un plan local d’urbanisme pour un ouvrage public, une voie publique, une installation d’intérêt général ou un espace vert peut, dès que ce plan est opposable aux tiers, et même si une décision de sursis à statuer qui lui a été opposée est en cours de validité, exiger de la collectivité ou du service public au bénéfice duquel le terrain a été réservé qu’il soit procédé à son acquisition dans les conditions et délais mentionnés aux articles L. 230-1 et suivants.

Lorsque l’une des servitudes mentionnées à l’article L.123-2 est instituée, les propriétaires des terrains concernés peuvent mettre en demeure la commune de procéder à l’acquisition de leur terrain , dans les conditions et délais prévus aux articles L.230-1 et suivants ' ;

Attendu que l’article L.230-1 du code de l’urbanisme dispose que : ' Les droits de délaissement prévus par les articles L. 111-11, L. 123-2, L. 123-17 et L. 311-2 s’exercent dans les conditions prévues par le présent titre.

La mise en demeure de procéder à l’acquisition d’un terrain bâti ou non est adressée par le propriétaire à la mairie de la commune où se situe le bien. Elle mentionne les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes.

Les autres intéressés sont mis en demeure de faire valoir leurs droits par publicité collective à l’initiative de la collectivité ou du service public qui fait l’objet de la mise en demeure. Ils sont tenus de se faire connaître à ces derniers, dans le délai de deux mois, à défaut de quoi ils perdent tout droit à indemnité. '

Attendu que l’article L230-3 du code de l’urbanisme édicte en outre que :'

La collectivité ou le service public qui fait l’objet de la mise en demeure doit se prononcer dans le délai d’un an à compter de la réception en mairie de la demande du propriétaire.

En cas d’accord amiable, le prix d’acquisition doit être payé au plus tard deux ans à compter de la réception en mairie de cette demande.

A défaut d’accord amiable à l’expiration du délai d’un an mentionné au premier alinéa, le juge de l’expropriation, saisi soit par le propriétaire, soit par la collectivité ou le service public qui a fait l’objet de la mise en demeure, prononce le transfert de propriété et fixe le prix de l’immeuble. Ce prix, y compris l’indemnité de réemploi, est fixé et payé comme en matière d’expropriation, sans qu’il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié le droit de délaissement.

La date de référence prévue à l’article L. 13-15 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public le plan local d’urbanisme ou l’approuvant, le révisant ou le modifiant et délimitant la zone dans laquelle est situé le terrain. En l’absence de plan d’occupation des sols rendu public ou de plan local d’urbanisme, la date de référence est, pour le cas mentionné à l’article L. 111-9, celle d’un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, pour les cas mentionnés à l’article L. 111-10, celle de la publication de l’acte ayant pris le projet en considération et, pour les cas mentionnés à l’article L. 311-2, un an avant la création de la zone d’aménagement concerté.

(…)

Le propriétaire peut requérir l’emprise totale de son terrain dans les cas prévus aux articles L.13-10 et L.13-11 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique '

Attendu qu’il sera observé que pour justifier des caractéristiques de la réserve n° 4, le département du Nord vise le plan local d’urbanisme de la commune de XXX, approuvé à une date qu’il indique dans ses écritures être celle du 25 mai 2007 ; qu’il n’apparaît pas qu’à cette date, le Département du Nord apparaissait comme bénéficiaire de la réserve n° 4 ;

Attendu qu’il résulte en effet de l’examen du seul document d’urbanisme produit aux débats le 13 juillet 2010 à la demande de la cour d’appel et déterminant les emplacements réservés sur ladite commune, que la propriété de Monsieur et de Madame B, sise 9 Q R S, cadastrée section XXX d’une contenance de 954 m² a fait l’objet d’un emplacement réservé n° 4 d’une superficie de 805 m² pour la réalisation future de l’aménagement de sécurité au carrefour de la RD 549 et de la Q R S; que sur ce document, seule la commune figure comme bénéficiaire de la réserve ;

Attendu que le département indique avoir été avisé par la Commune de Cappelle en Pévèle , par courrier avec accusé de réception du 20 novembre 2007, qu’il était désormais désigné bénéficiaire de l’emplacement réservé n°4 ;

Que le département du Nord ne justifie pas de la date de modification du plan d’occupation des sols relatif à l’emplacement réservé et plus précisément au bénéficiaire de la réserve ;

Attendu que si le département du Nord soutient être le bénéficiaire de la réserve n° 4, force est de constater que les documents d’urbanisme produits par les parties ne le démontrent pas et n’établissent pas l’opposabilité du changement de bénéficiaire de la réserve, laquelle ne peut intervenir qu’après modification du plan d’occupation des sols ;

Attendu que le département du Nord a d’ailleurs admis dans son mémoire du 27 décembre 2010 en réponse à l’arrêt de réouverture des débats du 15 novembre 2010 que les différentes révisions du plan d’occupation des sols, puis du plan local d’urbanisme n’avaient pas tenu compte des ' modifications’ concernant la réserve n° 4 notamment relativement à sa surface ;

Attendu que le Département du Nord n’établit pas qu’à la date de la saisine du juge de l’expropriation, il figurait sur le plan local d’urbanisme ou plan d’occupation des sols comme bénéficiaire de la réserve n° 4 ;

Attendu que la servitude instaurée au cas d’espèce par le plan local d’urbanisme correspond à celle prévue à l’article L.123-2 c) et consistant à 'indiquer la localisation et les caractéristiques des voies et ouvrages publics, ainsi que les installations d’intérêt général et les espaces verts à créer ou à modifier , en délimitant les terrains qui peuvent être concernés par ces équipements ';

qu’il s’agit, par conséquent, d’une servitude destinée à permettre l’identification préalable de terrains destinés à constituer de futures emprises publiques ;

Attendu que s’agissant de la réserve n°4, sa superficie a été précisée dans le plan local d’urbanisme, qui mentionne celle de 805 m²; que la servitude instituée par le plan local d’urbanisme n’ayant pas été modifiée à l’occasion d’une modification ou d’une révision du document d’urbanisme, elle existe pour la surface de 805 m²;

Attendu que par courrier du 5 avril 2007, Monsieur et Madame B ont mis en demeure la commune de CAPELLE EN PEVELE d’acquérir leur propriété cadastrée section XXX au prix de 444 380 euros, en sollicitant l’emprise totale de leur propriété, s’estimant en droit de solliciter l’acquisition tant de la partie de terrain inscrite en plan local d’urbanisme en emplacement réservé que le surplus de la parcelle ;

que par courrier daté du 14 février 2008, le département du Nord a proposé aux propriétaires de n’acquérir que 342 m² de la servitude initialement fixée à 805 m², au prix de 30 euros le m², soit pour un montant de 10 260 euros au titre de l’indemnité principale et de 2226 euros au titre de l’indemnité de remploi ;

Attendu qu’à défaut d’accord amiable, le département du Nord a saisi le juge de l’expropriation du département du Nord , le 5 juillet 2008, dans le délai d’un an et trois mois fixé à l’article L.230-4 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique de sorte que la réserve demeure opposable ;

Attendu que cependant l’article L.230-3 du code de l’urbanisme auquel renvoient l’article L230-1 et L132-2 du code de l’urbanisme dispose que la collectivité ou le service public qui fait l’objet de la mise en demeure doit se prononcer dans le délai d’un an à compter de la réception en mairie de la demande du propriétaire.

En cas d’accord amiable, le prix d’acquisition doit être payé au plus tard deux ans à compter de la réception en mairie de cette demande.

A défaut d’accord amiable à l’expiration du délai d’un an mentionné au premier alinéa, le juge de l’expropriation, saisi soit par le propriétaire, soit par la collectivité ou le service public qui a fait l’objet de la mise en demeure, prononce le transfert de propriété et fixe le prix de l’immeuble. Ce prix, y compris l’indemnité de réemploi, est fixé et payé comme en matière d’expropriation, sans qu’il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié le droit de délaissement. '

Attendu qu’en l’espèce et s’agissant d’une servitude visée à l’article L.123-2 du code de l’urbanisme, la mise en demeure d’acquérir a été adressée à la commune de Pevelle, laquelle devait se prononcer sur l’acquisition du terrain concerné et non le Département du Nord ;

qu’en outre, contrairement aux dispositions du code de l’urbanisme précitées, le juge de l’expropriation n’a pas été saisi par la collectivité ou le service public qui a avait fait l’objet de la mise en demeure d’acquérir, c’est-à dire, la commune de Pevelle, mais par le Département du Nord ;

Attendu qu’il convient , par conséquent, par infirmation du jugement de déclarer irrecevable la saisine du juge de l’expropriation par le département du Nord, aux motifs qu’il ne justifie pas de sa qualité de bénéficiaire de la réserve n° 4 instituée par le plan local d’urbanisme de la commune de Capelle en Pévèle et également par application des dispositions des articles L.230-3 et L.230-4 du code de l’urbanisme ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les autres demandes, à défaut de saisine régulière du juge de l’expropriation du département du Nord ;

Attendu que le jugement sera confirmé relativement à ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Attendu qu’il ne paraît pas inéquitable de faire supporter en cause d’appel aux époux B les frais non taxables de la procédure ;

qu’il convient, par conséquent, de condamner le Département du Nord à leur verser la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que le département du Nord supportera la charge des dépens d’appel .

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement

Vu les arrêts de la Chambre Spéciale des Expropriations du 15 novembre 2010 et 28 mars 2011 ;

Rejette la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel ;

Infirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne les dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Déclare irrecevable la saisine du juge de l’expropriation par le département du Nord ;

Condamne le département du Nord aux dépens et à payer à Monsieur et Madame G-H B la somme de 800 euros (huit cents euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

XXX.

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Cour d'appel de Douai, 25 juillet 2011, n° 10/00132