Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 30 octobre 2014, n° 14/00001

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 2 sect. 2, 30 oct. 2014, n° 14/00001
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 14/00001
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lille, 4 décembre 2013
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 30/10/2014

***

N° de MINUTE : 14/

N° RG : 14/00001

Jugement (N° )

rendu le 05 Décembre 2013

par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE

REF : SB/KH

APPELANTES

SA ZIEGLER FRANCE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciilés

en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Bruno PERRACHON, avocat au barreau de LILLE

SA ZIEGLER MAROC société de droit marocain prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1] / MAROC

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE

SA ALBINGIA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Philippe LEONARD, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS à l’audience publique du 09 Septembre 2014 tenue par Stéphanie BARBOT magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pascale FONTAINE, Président de chambre

Stéphanie BARBOT, Conseiller

Pascale METTEAU, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2014 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Pascale FONTAINE, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 août 2014

***

Au cours de l’année 2011, la société française MIB-HYDRO a vendu deux presses hydrauliques à la société marocaine TREROC et a confié à la société ZIEGLER l’organisation du transport de ces machines au départ de France et à destination du Maroc.

Les deux presses, conditionnées à l’intérieur de caisses, ont été fixées sur deux conteneurs, dont le N° CRTU7611444.

La société ZIEGLER FRANCE a confié le transport maritime dudit conteneur à la compagnie MAERSK LINE qui a émis le connaissement N° 553769402 lors de la mise à bord de la marchandise, le 21 mai 2011.

Le 23 mai 2011, ce conteneur a été déchargé au port de [Localité 5] sous la supervision de la société ZIEGLER MAROC laquelle a confié le transport de la marchandise au destinataire final à un transporteur local. Durant ce transport terrestre, le conteneur s’est renversé sur la chaussée, endommageant la presse hydraulique.

Sur la base d’une expertise amiable ayant chiffré le coût des réparations à 174 867,52 euros, la compagnie d’assurance de la société MIB HYDRO, la société ALBINGIA, a indemnisé son assurée, suivant quittance subrogative du 11 avril 2012.

LA PROCEDURE :

Par acte du 23 mai 2012, la société ALBINGIA, agissant en tant que subrogée dans les droits de son assuré, a fait assigner la société ZIEGLER FRANCE afin de la voir condamner à lui verser la somme de 174 867,52 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

Suivant acte du 12 juin 2012, la société ZIEGLER FRANCE a appelé en garantie la société ZIEGLER MAROC.

Aux termes d’un jugement rendu le 5 décembre 2013, le tribunal de commerce de LILLE METROPOLE a :

* dit recevable mais mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société ZIEGLER MAROC et s’est déclaré compétent pour juger de la demande en garantie formée par ZIEGLER FRANCE à l’encontre de ZIEGLER MAROC,

* dit la société ALBINGIA recevable et fondée en ses demandes,

* condamné la société ZIEGLER FRANCE à payer à la société ALBINGIA la somme de 174 867,52 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation, ainsi que la capitalisation des intérêts,

* débouté la société ZIEGLER FRANCE de sa demande principale,

* condamné la société ZIEGLER FRANCE à payer à la société ALBINGIA la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société ZIEGLER MAROC à relever et garantir la société ZIEGLER FRANCE des condamnations en principal, dommages et intérêts, et frais et dépens mises à la charge de ZIEGLER FRANCE par le jugement,

* débouté la société ZIEGLER MAROC de toutes ses demandes,

* ordonné l’exécution provisoire du jugement,

* condamné la société ZIEGLER FRANCE aux dépens.

Les sociétés ZIEGLER MAROC et ZIEGLER FRANCE ont relevé appel de cette décision par déclarations distinctes enregistrées le 3 janvier 2014.

Ces deux procédures ont été jointes selon ordonnance du 1er avril 2014.

LES PRETENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses écritures signifiées le 14 mai 2014, la société ZIEGLER MAROC, appelante principale, demande à la cour de :

réformer le jugement entrepris,

Vu l’incoterm DAP [Localité 5],

Vu que le sinistre est survenu après débarquement des marchandises au port de [Localité 5] lors d’une phase de post-acheminement sur le territoire marocain,

Vu qu’elle, ZIEGLER MAROC, est une société de droit marocain,

se déclarer territorialement incompétent au profit des juridictions marocaines et particulièrement le tribunal de Casablanca,

dire mal fondée l’action dirigée à son encontre par la société ZIEGLER France,

en conséquence, débouter la société ZIEGLER FRANCE de ses entières demandes formées à son endroit,

la mettre purement et simplement « hors de cause »,

condamner la société ZIEGLER FRANCE, « ou qui mieux le devra », au paiement d’une indemnité procédurale de 2 000 euros,

condamner la société ZIEGLER FRANCE aux entiers dépens.

A titre liminaire, elle se livre à un exposé des faits, et soutient en particulier que conformément aux dispositions de l’incoterm DAP [Localité 5], sa mission s’est terminée dès l’instant que la marchandise a été chargée sur l’ensemble routier devant livrer la marchandise à son destinataire marocain.

Sur le fond, et en premier lieu, elle indique qu’au moment du sinistre, elle était mandatée par la société destinataire TREROC, et non par ZIEGLER FRANCE ; que les premiers juges ont donc dénaturé les faits et devaient se déclarer territorialement incompétents à son égard ; qu’elle est une société de droit marocain assurée auprès d’une compagnie marocaine ; que, transitaire de la société ZIEGLER France, elle devait superviser les opérations de déchargement et opérer la tradition des documents maritimes afin d’assurer l’acheminement terrestre de la marchandise auprès du destinataire ; qu’en tant que transitaire, sa mission cesse au moment où la marchandise est débarquée et installée sur l’ensemble routier du transporteur terrestre, tel que cela ressort de l’application de l’incoterm DAP [Localité 5] qui fixe le transfert des risques au port de [Localité 5] ; que toutefois, le destinataire TREROC lui a confié, dans le cadre d’une mission complémentaire, l’organisation de la livraison finale entre le port et ses locaux ; que la livraison a donc été assurée par une société qu’elle-même a affrétée et sous la responsabilité de laquelle le dommage est survenu (en cours de transport) ; que la réalité de cette mission ressort du recours intenté par elle, ZIEGLER MAROC, contre son assureur CNIA et la société TREROC qui l’a assignée en juillet 2012 devant le tribunal de première instance de Casablanca.

La société ZIEGLER MAROC en déduit qu’elle était contractuellement en lien avec la société ZIEGLER FRANCE uniquement en sa qualité de transitaire jusqu’au débarquement des marchandises, puis en lien contractuel avec le destinataire TREROC et le transporteur pour les opérations de post-acheminement entre le port et le lieu de destination prévu ; que l’article 14 sur lequel la société ZIEGLER FRANCE fonde son appel en garantie lui est inapplicable dès lors que, d’une part, elle n’a pas contracté d’obligation en France mais au Maroc, et que, d’autre part, elle n’avait plus aucun lien de droit avec société ZIEGLER FRANCE au moment où le dommage s’est produit.

En second lieu, la société ZIEGLER MAROC soutient que la société ZIEGLER FRANCE est mal fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement des articles L132-5 et L132-6 du code de commerce propres à l’activité du commissionnaire de transport de droit français ; qu’en effet, seul le droit marocain peut être appliqué pour statuer sur sa responsabilité, dès lors qu’au moment du dommage, elle était chargée par le destinataire d’assurer le post-acheminement des marchandises sur le territoire marocain et qu’elle est une société de droit marocain.

***

Selon ses dernières conclusions signifiées le 3 juin 2014, la société ZIEGLER France, seconde appelante principale, demande à voir :

* réformer le jugement entrepris,

* dire qu’elle n’est pas responsable du fait de la société ZIEGLER MAROC au moment de la survenance du sinistre,

* en conséquence, la « mettre hors de cause » et déclarer sans objet son appel en garantie à l’encontre de la société ZIEGLER MAROC,

* A titre subsidiaire : confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société ZIEGLER MAROC à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts, et frais et dépens,

* En toute hypothèse :

— condamner la société ALBINGIA ou la société ZIEGLER MAROC à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— condamner « la même » en tous les dépens de l’instance.

A l’appui de sa demande principale, la société ZIEGLER FRANCE rappelle la mission de transport qui lui a été confiée, et fait notamment valoir :

— qu’elle n’avait que la responsabilité d’organiser le transport depuis les établissements du vendeur, MIB HYDRO, jusqu’au port de [Localité 5] ; que d’ailleurs, l’incoterm de la vente de la société MIB HYDRO était « DAP [Localité 5] » (cf la commande, la facture et la liste de colisage) ; que selon cet incoterm, le vendeur a livré à partir du moment où la marchandise est remise sur le moyen de transport d’approche au lieu de destination convenu et le vendeur assume les risques liés à l’acheminement des marchandises jusqu’au lieu de destination ; qu’il en résulte que le vendeur avait livré à partir du moment où la marchandise était posée sur la semi-remorque présentée au port de [Localité 5] et qui devait ensuite se rendre aux locaux du destinataire TREROC ; que c’est donc la société TREROC ou son transitaire qui s’est adressé à la société ZIEGLER MAROC pour le transport final, celle-ci étant mentionnée comme destinataire sur le connaissement émis par la compagnie maritime ; qu’elle, ZIEGLER France, n’avait plus la responsabilité de la machine au moment du dommage ;

— que s’il est exact que contrat de vente et contrat de transport sont juridiquement indépendants et qu’un incoterm (relatif au contrat de vente) ne peut pas être opposé par un transporteur, toutefois, rien n’interdit, dans le cadre du contrat de transport, que soit utilisé un incoterm pour définir la mission confiée au transporteur ou au commissionnaire de transport ; que tel est le cas en l’espèce ; que dès lors que MIB HYDRO, lui a confié à elle, ZIEGLER FRANCE, l’organisation du transport à destination de [Localité 5] selon l’incoterm DAP [Localité 5], cela signifie qu’elle n’avait pas à se préoccuper du transport final nécessaire entre le port de [Localité 5] et les locaux du destinataire ; que l’incoterm DAP utilisé pour préciser la mission de commissionnaire de transport, prévoit bien que le vendeur a dûment livré dès que la marchandise est mise à disposition de l’acheteur sur le moyen de transport d’approche prêt pour le déchargement au lieu de destination convenu ; que le simple fait qu’un véhicule a été présenté pour prise en charge du conteneur au port, démontre que c’est à cet instant-là que la mission du commissionnaire de transport a pris fin ;

— que c’est à tort que le tribunal s’est fondé sur le fait que la confirmation de commande faisait apparaître l’adresse du destinataire à [Localité 5] pour en déduire que le commissionnaire avait accepté la mission de livrer jusqu’aux entrepôts du destinataire, cette indication étant normale mais distincte du point de savoir la mission qui a été confiée au commissionnaire.

Ensuite, la société ZIEGLER FRANCE relève que la société ZIEGLER MAROC n’a jamais contesté être intervenue pour le compte de la société TREROC.

Par ailleurs, elle conteste avoir admis sa responsabilité dans l’ensemble du transport dans son courriel du 24 mai 2011, sachant qu’à cette date, nul ne connaissait les circonstances du sinistre ; que d’ailleurs, selon un courriel du 23 mai 2011 antérieur au sinistre, elle avait nettement distingué entre la livraison sur le camion et le déchargement du camion chez le destinataire ; que si elle s’est ensuite impliquée dans l’affaire, c’est afin de trouver une solution satisfaisante pour son client, l’entité responsable du transport terrestre au Maroc étant une société du groupe ZIEGLER ; que toutefois, il ne saurait être fait un amalgame au plan juridique entre elle et la société ZIEGLER MAROC dont elle n’est pas responsable au présent cas.

A l’appui de sa demande subsidiaire de garantie, la société ZIEGLER FRANCE fait valoir que :

— d’abord, le tribunal français est territorialement compétent ; qu’en effet, si l’on admet qu’elle a missionné la société ZIEGLER MAROC pour le transport terrestre entre le port de [Localité 5] et les établissements du destinataire, alors la société ZIEGLER MAROC a contracté une obligation avec un français ; qu’ainsi, en vertu de l’article 14 du code civil, l’appel en garantie peut être formé devant le tribunal français saisi de la demande de l’assureur ALBINGIA ;

— ensuite, si l’on considère que l’opération a été acceptée et réalisée sur le territoire marocain, doivent s’appliquer au recours formé contre la société ZIEGLER MAROC les articles 458, 460 et 462 du code de commerce marocain relatifs au contrat de transport et s’appliquant au commissionnaire qui, en droit marocain, ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique ; que la société ZIEGLER MAROC ne pouvant contester avoir missionné le voiturier qui a renversé la marchandise, elle est responsable sur le fondement l’article 462 du code de commerce marocain.

***

Par dernières conclusions signifiées le 22 mai 2014, la compagnie ALBINGIA, intimée, invite la cour à :

Vu les articles L.132-4 et suivants du code de commerce,

dire la société ZIEGLER FRANCE mal fondée en son appel,

confirmer le jugement attaqué,

condamner la société ZIEGLER FRANCE à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle rappelle qu’en application de l’article 1165 du code civil, le contrat de vente et le contrat de transport ou de commission de transport sont autonomes et distincts ; qu’en conséquence, les stipulations d’un contrat de vente ne peuvent profiter au transporteur, ni lui être opposées ; qu’en l’occurrence, la responsabilité de la société ZIEGLER FRANCE est recherchée en qualité de commissionnaire de transport, tiers au contrat de vente liant les sociétés MIB HYDRO et TREROC ; que cette société ne peut donc se prévaloir des stipulations du contrat de vente pour s’exonérer de sa responsabilité.

Elle ajoute que même à supposer que la société ZIEGLER puisse fonder ses prétentions sur les stipulations du contrat de vente, sa responsabilité se trouve engagée ; qu’en effet, au vu de la commande du transport litigieux, la venderesse, MIB-HYDRO, n’a nullement précisé que l’intervention de la société ZIEGLER FRANCE s’achèverait au moment où la marchandise serait posée sur camion au port de [Localité 5], le lieu de destination figurant sur cette pièce étant au contraire l’adresse du destinataire, TREROC ; qu’il s’ensuit que l’intervention de la société ZIEGLER FRANCE, commissionnaire de transport, s’achevait à la livraison auprès du destinataire – ce qu’elle a par ailleurs très clairement confirmé par courriel du 24 mai 2011 ; qu’au surplus, le connaissement FIATA établi par la société ZIEGLER FRANCE dissocie bien le port de déchargement et le lieu de livraison ; que le sinistre étant survenu à l’occasion d’une opération de transport non achevée et organisée par la société ZIEGLER FRANCE, la responsabilité de cette dernière se trouve engagée sur le fondement des articles L.132-4 et suivants du code de commerce.

***

A l’audience de plaidoiries du 9 septembre 2014, la cour a relevé d’office l’applicabilité de l’article 333 du code de procédure civile concernant sa compétence pour statuer sur l’action en garantie intentée par ZIEGLER FRANCE à l’endroit de ZIEGLER MAROC.

Dans le respect de l’article 16 du code de procédure civile, elle a donc invité ces deux parties à lui faire connaître leurs observations sur ce point par note en délibéré, suivant les articles 445 et 442 du code de procédure civile.

Suivant note en délibéré signifiée par voie électronique le 15 septembre 2014 à l’ensemble des parties, la société ZIEGLER FRANCE fait observer que la société ZIEGLER MAROC n’oppose pas de clause attributive de compétence ; qu’ainsi, trois fondements juridiques peuvent justifier la compétence de la cour : l’article 14 du code civil, l’article 333 du code de procédure civile ou l’article 42 alinéa 3 du même code ; que si la société ZIEGLER MAROC a discuté l’article 14, elle ne l’a pas fait de l’article 333 pourtant visé dans le dispositif de l’appel en garantie ; que le juge a la faculté de substituer à un fondement juridique celui qui lui paraît le plus adapté, en application de l’article 12 du code de procédure civile.

Aux termes de sa note en délibéré du 16 septembre 2014, signifiée par voie électronique le 17 septembre 2014 à l’ensemble des parties, la société ZIEGLER MAROC soutient que l’article 333 du code de procédure civile n’est pas applicable dans l’ordre international.

SUR CE,

Attendu qu’au vu des conclusions respectives des parties, la cour est saisie de critiques portant à la fois sur l’action principale initiée par la compagnie d’assurance ALBINGIA à l’encontre de la société ZIEGLER FRANCE, et sur l’action en garantie intentée par cette dernière à l’endroit de la société ZIEGLER MAROC ;

1°/ Sur l’action principale formée par l’assureur à l’encontre de la société ZIEGLER FRANCE

Attendu qu’à titre liminaire, il convient de relever qu’aucune des parties ne conteste la disposition par laquelle les premiers juges ont dit que la société ALBINGIA était recevable en ses demandes ' étant rappelé que cette dernière est subrogée dans les droits de son assuré, la venderesse société MIB HYDRO, qu’elle a indemnisée au titre du sinistre en cause ;

Attendu que l’action de la société ALBINGIA est fondée sur les textes suivants du code de commerce :

Article L 132-4 : le commissionnaire de transport est garant de l’arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, hors les cas de la force majeure légalement constatée.

Articles L 132-5 : il est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s’il n’y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure.

Article L 132-6 : il est garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises.

Attendu qu’en l’occurrence, il n’est point discuté entre la société ALBINGIA et la société ZIEGLER FRANCE que le sinistre est survenu à l’occasion de l’acheminement terrestre de la marchandise vers son destinataire final, la société TREROC, après son débarquement d’un navire au port de [Localité 5] ; que la question soumise à la cour consiste à apprécier si, au moment de ce sinistre, la marchandise se trouvait encore sous la responsabilité de la société ZIEGLER FRANCE ;

Attendu que la seule cocontractante de la société MIB-HYDRO était la société ZIEGLER FRANCE ; qu’il ressort de ses écritures que cette dernière reconnaît avoir contracté en qualité de commissionnaire de transport ;

Attendu que la jurisprudence définit la commission de transport comme la convention par laquelle le commissionnaire de transport s’engage, envers le commettant, à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d’un lieu à un autre ; elle se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d’organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout ;

Que le commissionnaire de transport, tenu d’une obligation de résultat, ne peut, sous réserve d’une stipulation contraire, s’exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui que par la preuve d’une cause étrangère ;

Attendu qu’en l’occurrence, l’assureur et la société ZIEGLER FRANCE se querellent sur le moment auquel devait prendre fin la mission de la seconde, celle-ci soutenant, en se prévalant de l’incoterm DAP [Localité 5] conclu entre le vendeur et l’acheteur, que sa mission s’achevait au port de [Localité 5] après installation de la marchandise sur camion, tandis que la société ALBINGIA affirme que la mission du commissionnaire prenait fin lors de la livraison de la marchandise dans les locaux de l’acheteur, TREROC ;

Attendu que l’appellation « INCOTERM » est une abréviation anglo-saxonne de l’expression « International Commercial Terms », signifiant « termes du commerce international », et traduite en français par « conditions internationales de vente » ;

Que les Incoterms – qui résultent d’une codification des modalités d’une transaction commerciale émanant de la Chambre de Commerce Internationale, chaque modalité étant codifiée par trois lettres et indissociable du lieu de livraison auquel elle s’applique ' ont pour finalité de fournir une série de règles internationales pour l’interprétation des termes commerciaux les plus couramment utilisés en commerce extérieur ; que ces termes définissent les obligations du vendeur et de l’acheteur lors d’une transaction commerciale, le plus souvent internationale, et concernent essentiellement les obligations des parties à un contrat de vente : la livraison de la marchandise vendue, la répartition des frais et des risques liés à cette marchandise, la charge des formalités d’export et d’import ;

Que selon l’Incoterm dénommé « DAP » (Delivered At Place, traduit en français par « Rendu au lieu de destination convenu »), le vendeur prend en charge le transport des marchandises jusqu’au point de livraison convenu, et il assume donc les coûts et les risques jusqu’à ce point ; que les marchandises sont mises à disposition de l’acheteur à destination sur le moyen de transport, sans être déchargées ; que l’acheteur organise le déchargement, effectue les formalités d’importation et acquitte les droits et taxes dus en raison de l’importation ;

Mais attendu qu’il résulte du principe de la relativité des conventions, issu de l’article 1165 du code civil, que contrat de vente et contrat de transport constituent deux conventions indépendantes l’une de l’autre ; qu’il s’ensuit qu’en principe, le transporteur ne peut se voir opposer les clauses du contrat de vente, auquel il est étranger, et, à l’inverse, qu’il ne peut se prévaloir desdites clauses et se retrancher derrière elles pour se soustraire aux obligations lui incombent ; qu’en d’autres termes, le contrat de vente ne peut ni profiter, ni nuire au voiturier, qui n’a à connaître et ne doit tenir compte que des stipulations du contrat de transport ;

Attendu qu’en l’espèce, la venderesse, MIB-HYDRO, et société ZIEGLER FRANCE n’ont pas signé de contrat écrit concernant la prestation de transport litigieux ;

Que cependant, est versé aux débats le courriel du 6 avril 2014 par lequel MIB-HYDRO a confirmé à la société ZIEGLER FRANCE son accord pour le transport de deux presses hydrauliques à destination de [Localité 5] pour un montant définitif de 27 300 euros « selon détails de votre offre du 5/04/2011 et selon notre colisage et conditions de transports » (cf pièce n°1 de ZIEGLER FRANCE) ;

Que curieusement, la société ZIEGLER FRANCE ne communique par son offre ainsi visée du 5 avril 2011 ;

Que quoi qu’il en soit, après avoir précisé les éléments concernant la marchandise à transporter (désignation, poids, valeur'), le lieu de son chargement ([Localité 4], en France), et la date de livraison (« au plus tôt », sic), ce courriel comporte les mentions suivantes :

DESTINATION :

TREROC

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

MAROC

INCOTERMS: DAP [Localité 5]

CALAGE ET ELINGAGE AUX SOINS DE FOURNEL EMBALLAGES SOUS SA RESPONSABILITE AU CHARGEMENT (').

EMPOTAGE ET DEPOTAGE DES CAISSES DE BOIS ET DES CONTAINERS AU PORT DE DEPART ET D’ARRIVEE SOUS VOTRE RESPONSABILITE.

Que ce courriel indiquant expressément une adresse de livraison correspondant à celle de l’acheteur ' située à 15 km du port de [Localité 5] selon les indications de la société ZIEGLER FRANCE (page 5 de ses conclusions) ' la cour estime qu’il s’en déduit que la volonté de la société MIB-HYDRO était incontestablement que son commissionnaire, ZIEGLER France, fît livrer la marchandise directement aux locaux de l’acheteur, la seule indication « Incoterms DAP [Localité 5] » ne pouvant s’analyser comme signifiant qu’elle aurait entendu intégrer au contrat de transport les termes de cet Incoterm en prévoyant au contraire que la mission de ZIEGLER FRANCE s’achèverait au port de [Localité 5] ;

Que la mention relative au dépotage de la marchandise au port d’arrivée ne constitue qu’une précision quant à la charge des risques liés à cette opération spécifique, et ne saurait, eu égard à sa rédaction, s’interpréter comme signifiant que la mission de la société ZIEGLER FRANCE devait s’arrêter à ce stade ;

Que de surcroît, la cour ne peut que souligner que n’est corroborée par aucune des pièces versées aux débats la thèse de la société ZIEGLER FRANCE suivant laquelle sa mission s’achèverait au port de [Localité 5], qu’elle n’avait pas à se préoccuper du transport final, et que c’est ZIEGLER MAROC qui, à la demande du destinataire TREROC, aurait affrété un voiturier chargé de l’acheminement final (cf pages 4 § 7, 5 § 3, et 6 § 9) ;

Qu’en effet, pour l’appréciation du contenu du contrat signé entre la société MIB-HYDRO, expéditeur, et la société ZIEGLER FRANCE, commissionnaire, il n’importe que la société ZIEGLER MAROC figure sur le connaissement émis par le transporteur maritime MAERSK LINE en qualité de « consignee » [en français : « consignataire », celui à qui est destinée la marchandise ' cf pièce n° 5 de société ZIEGLER France], dès lors que le connaissement, qui n’émane pas de société MIB-HYDRO, est à la fois extérieur et postérieur à la conclusion du contrat de commission de transport ; que ce document vaut récépissé par lequel le transporteur maritime reconnaît avoir réceptionné la marchandise à expédier, et atteste uniquement du contrat de transport maritime ;

Attendu qu’en considération de ces seuls éléments, la cour estime que la volonté des parties était que la société ZIEGLER FRANCE effectuât la livraison des presses hydrauliques jusqu’aux locaux du destinataire final TREROC ;

Que la société ZIEGLER FRANCE était donc, en sa qualité de commissionnaire, responsable de la marchandise lors du sinistre, survenu avant achèvement de sa mission ; que cette société étant tenue d’indemniser l’expéditeur des dommages résultant de ce sinistre, c’est à juste titre que les 1ers juges l’ont condamnée à indemniser l’assureur de l’expéditeur, la société ALBINGIA, subrogée dans les droits de son assuré ;

Que le jugement entrepris mérite donc confirmation en sa disposition condamnant la société ZIEGLER FRANCE à payer à la société ALBINGIA la somme, non contestée, de 174 867,52 euros qui correspond à l’indemnisation versée à son assuré ;

2°/ Sur l’action en garantie intentée par la société ZIEGLER FRANCE à l’encontre de la société ZIEGLER MAROC

— Sur l’exception d’incompétence soulevée par ZIEGLER MAROC

Attendu que l’article 14 du code civil, seul invoqué dans ses conclusions d’appel par la société ZIEGLER FRANCE, apparaît inapplicable en la cause, dès lors que ce texte vise l’hypothèse dans laquelle un étranger a contracté en France des obligations avec un Français, et que la société ZIEGLER FRANCE n’établit pas que le contrat qui la lierait à société ZIEGLER MAROC aurait précisément été conclu sur le territoire français ;

Attendu cependant qu’il résulte de l’article 333 du code de procédure civile, dont l’applicabilité a été relevé d’office par la cour dans le respect du principe de la contradiction, que : « Le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence. » ;

Qu’il s’ensuit que, dès lors qu’ils sont compétents pour statuer sur une demande originaire, les tribunaux français, le sont également, et indépendamment de tout autre rattachement, pour juger le recours en garantie incidente formé par le défendeur au principal contre son garant, alors même qu’une action en garantie principale aurait échappé à leur connaissance ;

Que dans le cas des litiges internationaux, les dispositions de l’article 333 du code de procédure civile ne peuvent être écartées qu’en présence d’une clause attributive ou d’une clause compromissoire, dont l’existence n’est ni invoquée ni démontrée au présent cas d’espèce par société ZIEGLER MAROC ;

Que par conséquent, doivent être confirmées les dispositions par lesquelles les premiers juges ont déclaré recevable mais mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par société ZIEGLER MAROC, et se sont déclarés compétents pour connaître de la demande en garantie formée à son encontre par la société ZIEGLER FRANCE ;

— Sur la loi applicable à l’action en garantie :

Attendu qu’aux termes de ses écritures, société ZIEGLER MAROC revendique l’application de la loi marocaine, ce que la société ZIEGLER FRANCE admet expressément dans ses propres conclusions ; qu’il échet donc de faire application de la loi marocaine dans les rapports entre les parties ;

— Sur le bien-fondé de l’action en garantie :

Attendu qu’en cas d’action en garantie dite «  simple », telle que celle présentement examinée, le demandeur en garantie est lui-même tenu personnellement à l’égard du demandeur originaire et partie principale, selon l’article 334 code de procédure civile ; qu’ainsi, le rapport procédural né de l’appel en garantie ne se substitue pas au rapport originaire, mais s’y ajoute ; qu’il s’ensuit que chacune des parties doit conclure personnellement dans le rapport procédural qui la concerne ;

Attendu qu’il s’infère des conclusions de la société ZIEGLER France que celle-ci fonde son action en garantie sur un contrat qui la lierait à la société ZIEGLER MAROC ; qu’en effet, elle indique successivement que « si l’on admet (') [qu’elle] a bien missionné la société ZIEGLER MAROC pour le transport terrestre depuis le port de [Localité 5] jusqu’aux établissements TREROC ('), force est alors de constater que la société ZIEGLER MAROC a contracté une obligation avec un français (ZIEGLER France) » (page 8 §6), et que les articles 458, 460 et 462 du code de commerce marocain « gouvernent le contrat de transport mais s’appliquent au commissionnaire qui, en droit marocain, ne fait pas encore l’objet d’une réglementation spécifique » (page 8 §11) ;

Qu’en conséquence, il appartient à la société ZIEGLER FRANCE, demanderesse à l’action en garantie, d’établir l’existence du contrat qui la lierait à société ZIEGLER MAROC au moment du sinistre ;

Or, attendu qu’outre le fait que, dans ses écritures relatives à l’action principale, la société ZIEGLER FRANCE nie l’existence d’un tel contrat ' selon elle, ZIEGLER MAROC serait intervenue « pour le compte du destinataire TREROC » lors des opérations de transport au cours desquelles s’est déroulé le sinistre (cf page 6 § 9) ' en tout état de cause, la société ZIEGLER MAROC dément, dans le cadre de la présente action en garantie, l’existence d’un tel contrat ; qu’en effet, elle conclut à l’existence de deux contrats successifs dans le temps :

un premier conclu avec société ZIEGLER FRANCE mais uniquement en tant que transitaire – elle aurait reçu le mandat d’assurer le passage de la marchandise d’un moyen de transport à un autre ', ce contrat s’étant, selon elle, achevé lorsque les marchandises ont été débarquées du navire,

et un second régularisé directement avec le destinataire, TREROC, et selon lequel elle devait organiser les opérations de post-acheminement des marchandises jusqu’aux locaux du destinataire – opérations sous-traitées auprès d’un transporteur local et au cours desquelles a eu lieu le sinistre litigieux ;

Que la société ZIEGLER FRANCE ne produit aucune pièce de nature à contrecarrer les assertions de son appelé en garantie et démontrer qu’au moment du sinistre, un contrat l’eût liée à la société ZIEGLER MAROC ; qu’elle ne peut dès lors qu’être déboutée de sa demande de garantie intentée à l’endroit de cette dernière ;

Que le jugement entrepris sera donc infirmé en ses dispositions condamnant la société ZIEGLER MAROC à relever et garantir la société ZIEGLER FRANCE des condamnations mises à sa charge, et la déboutant de toutes ses demandes ;

3°/ Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Attendu que la société ZIEGLER FRANCE succombant tant au titre de l’action principale qu’au titre de son action en garantie, elle sera condamnée à supporter les dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société ALBINGIA une indemnité procédurale complémentaire de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’elle devra également à la société ZIEGLER MAROC, vainement appelée en garantie, une indemnité de 2 000 euros sur ce même fondement ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

— CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :

condamné la société ZIEGLER MAROC à relever et garantir la société ZIEGLER FRANCE des condamnations mises à sa charge au titre des condamnations en principal, dommages et intérêts, frais et dépens,

débouté la société ZIEGLER MAROC de toutes ses demandes ;

Et statuant de nouveau, par voie de réformation de ces chefs,

— DEBOUTE la société ZIEGLER FRANCE de son action en garantie formée à l’encontre de la société ZIEGLER MAROC ;

Y ajoutant,

— CONDAMNE la société ZIEGLER FRANCE à payer à la société ALBINGIA une indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre de la procédure d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— CONDAMNE la société ZIEGLER FRANCE à payer à la société ZIEGLER MAROC une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et ce tant au titre de la procédure d’appel qu’au titre de la 1ère instance ;

— CONDAMNE la société ZIEGLER FRANCE aux entiers dépens d’appel, et AUTORISE Maître [X] [I] et Maître [D] à recouvrer directement ceux des dépens dont elles ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M. M. HAINAUTP. FONTAINE

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Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 30 octobre 2014, n° 14/00001