Cour d'appel de Douai, 28 janvier 2016, n° 14/05603

  • Consorts·
  • Parcelle·
  • Servitude de passage·
  • Élargissement·
  • Carrière·
  • Défrichement·
  • Enclave·
  • Procédure judiciaire·
  • Droit d'exploitation·
  • Astreinte

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Douai, 28 janv. 2016, n° 14/05603
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 14/05603
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Douai, 17 juillet 2014, N° 08/00232

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 28/01/2016

***

N° MINUTE :

N° RG : 14/05603

Jugement (N° 08/00232)

rendu le 18 Juillet 2014

par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI

REF : MC/AMD

APPELANTS

Monsieur U, A, AK X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Madame I, A, AO, AP J veuve X

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Monsieur C X ès qualités d’ayant droit de Monsieur C AA X

né le XXX

XXX

XXX

Madame A X ès qualités d’ayant droit de Monsieur C AA X

née le XXX

XXX

XXX

Monsieur G X ès qualités d’ayant droit de Monsieur C AA X

né le XXX

XXX

XXX

Représentés et assistés de Maître David-Franck PAWLETTA, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

SAS WIENERBERGER

ayant son siège XXX

XXX

Représentée par Maître U FRANCHI, membre de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître I PETITDEMANGE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l’audience publique du 07 Décembre 2015 tenue par Myriam CHAPEAUX magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

C-Loup CARRIERE, Président de chambre

Christian PAUL-LOUBIERE, Président

Myriam CHAPEAUX, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 Janvier 2016 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par C-Loup CARRIERE, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 novembre 2015

*****

Faits & procédure

En 1946, la famille BAR a créé la S.A. Briqueterie et Carrieres Bar, aux droits de laquelle vient la S.A.S. Wienerberger depuis le 31 décembre 2007, afin d’exploiter une carrière d’argile et de sables ainsi qu’une briqueterie à Flines-Lez-Raches (Nord), l’exploitation se faisant sur des terres qu’elle a acquises, échangées ou louées à la famille X selon des conventions successives.

Plusieurs litiges de différentes nature donnant lieu à de nombreuses procédures opposent les parties.

Par actes des 6, 14 et 18 décembre 2007, la S.A. Briqueterie et Carrières Bar, aux droits de laquelle vient la S.A.S. Wienerberger, a assigné devant le tribunal les consorts X (U X, I J veuve X, C X et A X et G X ès qualités d’ayants-droit de leur père C-AA X, I X et E F ès qualités d’ayant droit de A-AD X) aux fins de voir reconnaître une servitude de passage sur la parcelle XXX et fixer son assiette.

Par jugement avant-dire-droit du 7 mai 2009, le tribunal de grande instance de Douai a désigné M. Z, expert judiciaire aux fins notamment de vérifier l’état d’enclave de la parcelle A 88 de la S.A.S. Wienerberger et d’évaluer le cas échéant l’indemnité due au propriétaire du fonds servant.

Le 1er février 2010, l’expert a déposé son rapport d’expertise concluant notamment à l’état d’enclave de la parcelle A 88, à son désenclavement par la traversée de la partie sud de la parcelle XXX afin de répondre au mieux aux contraintes administratives imposées par la DREAL à la S.A.S. Wienerberger et à la fixation d’une indemnité de 134,40 euros par an sur la base de l’indemnisation des occupations temporaires de terres agricoles hors prairies dans le département du Nord.

Par actes notariés du 24 novembre 2011 et du 26 mai 2012, I X et E F ont respectivement cédés à U X leurs parts dans l’indivision, et notamment leurs parts dans la parcelle indivise XXX, de sorte que l’indivision X est donc composée de U X, I J veuve X, C X, A X et G X.

Par jugement du 18 juillet 2014, le tribunal de grande instance de Douai a dit que le fonds cadastré section A 88 à Flines-Lez-Raches (Nord) appartenant à la S.A.S. Wienerberger bénéficie d’une servitude légale de passage au sud du fonds cadastré section XXX appartenant aux consorts X ; a dit que l’assiette de la servitude doit permettre le passage à pied ou de tout véhicule nécessaire à l’exploitation ou à la remise en état de la parcelle A 88, le passage étant empierré, d’une largeur de 10 mètres, avec un fossé, un drainage et une canalisation sous la voie, les frais d’aménagement étant à la charge du propriétaire du fonds dominant, actuellement la S.A.S. Wienerberger ; condamné in solidum les consorts X, à ne pas faire obstacle à l’exercice de la servitude de passage par la S.A.S. Wienerberger, ou à ses ayants-droit, ou à toute personne mandatée par ses soins, sous peine d’astreinte provisoire d’un montant de 3.000 € par jour d’infraction constatée passé le délai de 15 jours suivant la signification du jugement ; déclaré les consorts X irrecevables en leur demande indemnitaire au titre de la servitude de passage sur une assiette trentenaire de 5 mètres ; condamné la S.A.S. Wienerberger à payer aux consorts X la somme de 67,20 € par an à titre d’indemnité consécutive à l’élargissement de la servitude de passage de 5 mètres à 10 mètres ; condamné in solidum U X, I J, C X, A X et G X à payer à la S.A.S. Wienerberger la somme de 50.000 euros à titre de réparation pour procédures judiciaires dolosives et résistance abusive ; dit que la servitude de passage conventionnelle grevant les parcelles cadastrées section A 7443 et section A 6739 appartenant à la S.A.S. Wienerberger au profit des parcelles cadastrées section A 7441 et section XXX à Flines-Lez-Raches (Nord) appartenant aux consorts X bénéficiera d’une assiette élargie à 10 mètres de large pour l’exercice du droit de défrichage et/ou du droit d’exploitation de ces dernières par les consorts X, leurs ayants-droits ou mandataires ; fait défense à la S.A.S. Wienerberger de réduire sa piste à moins de 10 mètres si elle fait déjà l’objet d’une telle assiette et dit qu’à défaut pour la piste de bénéficier d’une telle largeur, il appartiendra aux consorts X, à leurs ayants-droit ou à toute personne mandatée par leurs soins, de procéder à leurs frais à l’aménagement de la servitude conventionnelle de passage élargie à 10 mètres ; condamne la S.A.S. Wienerberger à ne pas faire obstacle audit aménagement de la servitude de passage conventionnelle sous peine d’astreinte de 3000 € par jour d’infraction constatée passé le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision ; débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; condamné in solidum les consorts X à payer à la S.A.S. Wienerberger la somme de 8.500 euros au titre de ses frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; condamné in solidum les consorts X aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire avec distraction au profit de Maître Linquercq et à Maître Sadek, avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 5 septembre 2014, U X, I J, C X, A X et G X ont relevé appel total de la décision.

Par conclusions du 4 février 2015, la S.A.S. Wienerberger a formé un appel incident partiel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2015,

Moyens & prétentions

Par conclusions récapitulatives déposées le 29 octobre 2015, les consorts X demandent à la cour au visa des articles 682 et suivants, 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, d’infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Douai en date du 18 juillet 2014 en ce qu’il les a condamné in solidum à payer à la S.A.S. Wienerberger la somme de 50.000 euros à titre de réparation pour procédures judiciaires dolosives et résistance abusive et condamné in solidum les consorts X à payer à la S.A.S. Wienerberger la somme de 8.500 euros au titre de ses frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, de débouter la S.A.S. Wienerberger de ses demandes, de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Douai en date du 18 juillet 2014 pour le surplus, de débouter la S.A.S. Wienerberger de toutes ses demandes contraires et de condamner la S.A.S. Wienerberger à leur payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre les entiers frais et dépens d’appel, dont distraction à Me Pawletta, avocat aux offres de droits.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir que les éléments caractérisant leur résistance abusive dès 2006 et ayant conduit à leur condamnation à verser à la S.A.S. Wienerberger des dommages et intérêts n’ont été révélés qu’après dépôt du rapport d’expertise en 2010 et qu’ils n’ont fait qu’user des voies de droit qui leur étaient ouvertes, étant rappelé que le juge des référés puis la cour d’appel leur avait donné raison. Ils font en outre valoir que la demande de la S.A.S. Wienerberger est fondée sur l’article 1382 du code civil et non sur la responsabilité contractuelle. En outre, la S.A.S. Wienerberger n’a produit aucun justificatif de son préjudice. Ils demandent par ailleurs que l’analyse des premiers juges soit confirmée en ce qu’ils ont décidé de l’élargissement de la servitude de passage conventionnelle grevant les parcelles cadastrées section A 7443 et section A 6739 appartenant à la S.A.S. Wienerberger au profit des parcelles cadastrées section A 7441 et section XXX leur appartenant.

Par conclusions récapitulatives déposées le 9 novembre 2015, la S.A.S. Wienerberger demande à la cour de débouter les consorts X de toutes leurs demandes ; de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné la S.A.S. Wienerberger à payer aux consorts X la somme de 67,20 € par an à titre d’indemnité consécutive à l’élargissement de la servitude de passage de 5 mètres à 10 mètres, dit que la servitude de passage conventionnelle grevant les parcelles A 7443 et A 6739 de la S.A.S. Wienerberger au profit des parcelles A 7441 et XXX des consorts X bénéficiera d’une assiette élargie à 10 mètres de large pour l’exercice du droit de défrichage et/ou du droit d’exploitation de ces dernières par les consorts X, leurs ayants-droits ou mandataires, fait défense à la S.A.S. Wienerberger de réduire sa piste à moins de dix mètres si elle a déjà fait l’objet d’une telle assiette et dit qu’à défaut pour la piste de bénéficier d’une telle largeur, il appartiendra aux consorts X, à leurs ayants-droit ou à toute autre personne mandatée par leurs soins de procéder à leurs frais à l’aménagement de la servitude conventionnelle élargie à 10 mètres et condamné sous astreinte la société Wienerberger à ne pas faire obstacle audit aménagement. Elle demande en outre la condamnation des consorts X solidairement à lui payer la somme de 20.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société fait valoir qu’aucune indemnisation liée à l’élargissement de l’assiette de la servitude de passage ne pouvait être retenue, une telle indemnisation nécessitant la justification d’un préjudice dont les consorts X ne rapportent pas la preuve. Concernant les dommages et intérêts qui leur ont été alloués, ils soutiennent que les consorts X ont d’une part conclu le 6 avril 2006 avec la société DET une convention dans le seul but de remettre en cause la servitude de passage dont elle bénéficiait et d’autre part, instrumentalisé leur droit d’agir en justice à son détriment, l’empêchant pendant plusieurs années de terminer le remblaiement des terrains exploités et lui faisant prendre le risque de ne pas respecter la réglementation. Enfin, pour ce qui est de l’élargissement de la servitude conventionnelle, elle estime que celle-ci ne saurait être ordonnée, les consorts X ne pouvant pas justifier de l’évolution des conditions d’exploitation de leurs parcelles par référence aux droits d’exploitation des société DET puis STB matériaux, l’exploitation n’ayant pas été préalablement autorisée par le préfet et l’assiette existante leur permettant parfaitement de procéder aux travaux de défrichement.

Sur ce,

Sur l’indemnisation de l’élargissement de la servitude légale de passage au profit du fonds cadastré section A 88 pesant sur le fonds cadastré section XXX

L’article 682 du code civil dispose que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.

L’article 685 précise dans son deuxième alinéa que l’action en indemnité est prescriptible et que le passage, peut être continué, quoique l’action en indemnité ne soit plus recevable.

Pour contester la somme annuelle mise à sa charge d’un montant de 67,20 € à titre d’indemnité pour l’élargissement de la servitude de passage de 5 à 10 mètres, la société Wienerberger fait valoir que l’indemnité n’est due que si le propriétaire du fonds servant démontre un dommage spécifique, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Les consorts X demandent la confirmation du jugement.

Le principe posé par l’article 682 du code civil n’est aucunement celui de la gratuité de la servitude légale comme cela peut être le cas en matière de servitude d’utilité publique, mais celui d’une indemnité proportionnée au dommage causé.

L’expert pour évaluer l’indemnité due a retenu dans son rapport un calcul consistant à multiplier la surface de l’élargissement de la servitude par le montant de l’indemnisation des occupations temporaires des terres agricoles hors prairies dans le département du Nord.

L’indice utilisé et le calcul fait, également retenus par les premiers juges dans leur décision, qui ne tient aucun compte du service procuré au propriétaire du fonds enclavé ni ne l’évalue à la valeur vénale du terrain correspondant à l’élargissement de l’assiette du passage, apparaissent tout à fait pertinents pour la juste appréciation du dommage causé au fonds servant, qui consiste au passage d’engins de chantier.

La décision sera en conséquence confirmée.

Sur l’élargissement de la servitude de passage conventionnelle grevant les parcelles A 7443 et A 6739 de la S.A.S. Wienerberger au profit des parcelles A 7441 et XXX des consorts X

Le propriétaire d’un fonds enclavé et en droit de solliciter l’élargissement de l’assiette de passage ou son changement eu égard aux fluctuations des contingences de l’exploitation du fonds dominant.

La S.A.S. Wienerberger, qui ne conteste ni le caractère enclavé des fonds dominant ni l’existence de la servitude de passage conventionnelle perpétuelle et gratuite détenue selon actes notariés en date du 24 mai 1983 et du 19 février 1992 au profit des parcelles cadastrées section A 7441 et XXX par les consorts X sur les fonds lui appartenant cadastrés section A 6739 et A 7443, conteste en revanche l’élargissement de cette servitude à 10 mètres de large au lieu de 5 mètres. La société souligne que les consorts X ne justifient pas d’une évolution des contraintes d’exploitation permettant d’envisager la modification de l’assiette de la servitude en l’absence d’autorisation d’exploitation et les travaux de défrichement ne le nécessitant pas.

Il est constant que par acte notarié du 21 octobre 2005 et par actes sous-seing privés du 6 avril 2006, les consorts X ont concédé leurs droits d’exploitation sur les parcelles cadastrées A 7441 et XXX à la société D.E.T., laquelle a à son tour cédé son droit d’extraction de sables et d’argiles à la S.A.S. STB Matériaux selon protocole d’accord en date du 1er juin 2010.

La S.A.S. Wienerberger a également mis en avant les nouvelles normes devant être respectées pour les lieux de circulation des véhicules dans les exploitations à ciel ouvert en application du règlement général des industries extractives modifié en 2006.

Aucune autorisation préfectorale d’exploitation, préalable nécessaire à l’exercice des droits d’exploitation consentis par les consorts X, n’a été produite. Cependant, la S.A.S. STB Matériaux a d’ores et déjà obtenu le 22 janvier 2013 un arrêté portant autorisation de défrichement relatif notamment à la parcelle cadastrée XXX. Les consorts X produisent en outre la demande d’autorisation d’exploiter une carrière d’argile et de sable en date du 7 mars 2013, adressée au préfet du Nord par la SAS STB Matériaux, dans laquelle il est indiqué qu’un défrichement d’environ 93 ares par an en moyenne sur une durée de 15 ans sera nécessaire.

Les modalités d’exploitation industrielle des parcelles concernées ont ainsi évolué et l’élargissement de l’assiette de la servitude apparaît nécessaire compte tenu des engins utilisés pour les opérations de défrichement pour lesquelles l’autorisation a d’ores et déjà été obtenue et le sera également le cas échéant pour les futures opérations d’extraction.

Le jugement sera confirmé tant concernant le principe de l’élargissement de cette servitude qu’en ce qu’il a défendu à la S.A.S. Wienerberger de réduire sa piste à moins de 10 mètres si elle fait déjà l’objet d’une telle largeur, dit qu’en cas contraire, il appartiendrait aux consorts X ou à leurs ayant-droit ou toute personne mandatée par eux de procéder à leurs frais à l’aménagement de la servitude conventionnelle et interdit à la S.A.S. Wienerberger sous astreinte de 3.000 € par jour passé le délai de 15 jours suivant la signification de la décision de faire obstacle à cet aménagement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédures judiciaires dolosives et résistance abusive

En application des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, l’exercice d’une action en justice ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol. L’appréciation inexacte qu’une partie se fait de ses droits n’est pas constitutive en soi d’une faute ;

Plusieurs contentieux opposent les parties. Le contentieux concerné par la présente décision et portant sur la servitude de passage permettant le désenclavement de la parcelle A88 a donné lieu le 9 mai 2005 à une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Douai qui a ordonné sous astreinte le dépôt d’une clôture en limites des parcelles A 7443 et XXX empêchant le passage des engins de la S.A. Briqueterie et Carrières Bar (à laquelle a succédé la S.A.S. Wienerberger). Par ordonnance du 25 juillet 2006 du même juge des référés (RG n° 006/00103), confirmée et complétée par arrêt du 11 avril 2007 (RG n° 006/04895) de la cour d’appel de Douai, la juridiction des référés a ordonné sous astreinte à la S.A. Bar Frères [S.A. Briqueterie et carrières Bar] et à la SA Carrières d’Hainaut de cesser et faire cesser le passage de tout camion ou autre engin et véhicule sur la parcelle A 7742 à partir de l’accès à la voie publique et vers la parcelle la jouxtant à l’est appartenant à la S.A. Briqueterie et Carrières Bar pendant un délai de deux mois passé lequel il sera à nouveau statué à la requête de la partie la plus diligente et a condamné sous astreinte la S.A. Bar Frères [S.A. Briqueterie et Carrières Bar] à remettre dans son état initial le chemin traversant la parcelle cadastrée XXX d’Ouest en Est. Enfin, par ordonnance du 5 novembre 2007 (RG n007/00158) dans la cause opposant les mêmes parties, le juge des référés du tribunal de grande instance de Douai s’est déclaré incompétent pour liquider l’astreinte prononcée, au profit du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Douai, lequel, par jugement du 23 juin 2008, a notamment débouté la S.A.R.L. D.E.T. (locataire des consorts X) et les consorts X de leurs demandes tendant à voir liquider les deux astreintes provisoires prononcées par ordonnance du 25 juillet 2006 du juge des référés du tribunal de grande instance de Douai et à voir prononcer une astreinte définitive, et débouté la S.A.S. Wienerberger de sa demande de dommages et intérêts. Cette dernière décision a été rendue notamment aux motifs que la S.A.S. Wienerberger avait remis en état le chemin et qu’il n’était pas établi qu’elle continuait à l’emprunter.

Il ne peut être déduit de ces différentes procédures que les consorts X aient abusé de leur droit d’agir en justice, les éléments apportés par les parties devant la juridiction des référés ayant conduit celle-ci à retenir un trouble manifestement illicite. Qui plus est, une demande de dommages et intérêts sur le fondement des articles 32-1 et 1383 du code civil avait déjà été formulée par la S.A.S. Wienerberger devant le juge de l’exécution de Douai qui par sa décision du 23 juin 2008 ayant acquis l’autorité de la chose jugée, a débouté la société de sa demande au motif qu’elle n’avait pas établi l’existence d’une faute préjudiciable. Seule la mesure d’expertise ordonnée dans le cadre de la présente procédure initiée par la S.A.S. Wienerberger, a permis de déterminer, après évaluation des différentes hypothèses, la solution conforme aux prescriptions des articles 682 à 684 du code civil permettant de mettre fin à l’enclavement de la parcelle A 88.

Il apparaît que la S.A.S. Wienerberger, pour démontrer la mauvaise foi dolosive des consorts X, tire également argument de la chronologie des faits et de la concession faite à la société DET d’une partie de la parcelle XXX intégrant l’assiette de la servitude de passage qu’elle revendiquait, très peu de temps après constat par eux des travaux qu’elle avait effectués pour l’élargissement du chemin, et dans le seul but de justifier la procédure judiciaire engagée. Il ne peut cependant s’agir que d’une hypothèse, non étayée par des éléments probants.

En outre, la S.A.S. Wienerberger ne produit aucune pièce justificative du préjudice allégué. Or en application des dispositions de l’article 6 et 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

Dès lors, la S.A.S. Wienerberger ne rapporte pas la preuve de ce que l’action des consorts X aurait dégénéré en abus. Sa demande de dommages et intérêts pour procédures judiciaires dolosives et résistance abusive doit être rejetée. Le jugement sera infirmé sur ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme allouée à ce titre à la S.A.S. Wienerberger n’apparaissant pas excessive.

La S.A.S. Wienerberger, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ainsi qu’à payer aux consorts X la somme de 2.500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement déféré ((RG 08/00232) sauf en ce qu’il a condamné in solidum U X, I J veuve X, C X, A X et G X à payer à la S.A.S. Wienerberger la somme de 50.000 euros à titre de réparation pour procédures judiciaires dolosives et résistance abusive ;

Statuant à nouveau,

Déboute la S.A.S. Wienerberger de sa demande en dommages et intérêts pour procédures judiciaires dolosives et résistance abusive ;

Y ajoutant,

Condamne la S.A.S. Wienerberger aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à U X, I J veuve X, C X, A X et G X la somme de 2.500 € par application de l’article 700 du même code au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel ;

Rejette toute autre demande.

Le Greffier, Le Président,

Claudine POPEK. C-Loup CARRIERE.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, 28 janvier 2016, n° 14/05603