Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 20 décembre 2018, n° 17/04174

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 1 sect. 1, 20 déc. 2018, n° 17/04174
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 17/04174
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Cambrai, 21 juin 2017, N° 17/00576
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

[…]

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 20/12/2018

***

N° de MINUTE :

N° RG 17/04174 – N° Portalis DBVT-V-B7B-Q2OW

Jugement (N° 17/00576)

rendu le 22 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Cambrai

APPELANTE

SCI Y

prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

représentée par Me Sandrine Bleux, avocat au barreau de Cambrai

assistée de Me Diane Protat, membre de l’A.A.R.P.I, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

Communauté de communes du Caudrésis et du Catésis

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège […]

[…]

représentée par Me Jean-Noël Lecompte, membre de la SCP Lecompte & Ledieu, avocat au barreau de Cambrai, substitué à l’audience par Me Olivier Lecompte, avocat

DÉBATS à l’audience publique du 22 octobre 2018 tenue par G-Laure Aldigé magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : A B

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

G-H I, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

G-Laure Aldigé, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2018 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par G-H I, président et A B, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 octobre 2018

***

Par acte authentique instrumenté par Me X le 1er février 2012, la Communauté de communes du Caudrésis et du Catésis (la Communauté de communes) a donné à bail, à compter du 1er janvier 2011 et à échéance au 31 décembre 2012, à la société Menuiserie industrielle du Cambrésis (la société MIC), un bâtiment d’une superficie d’environ 2 500 m², sis 20, rue de l’industrie à Beauvois en Cambrésis, indiqué comme étant cadastré U n° 3250, d’une contenance de 44 ares et 13 centiares, moyennant un loyer mensuel de 2 500 euros. Par acte authentique en date du 3 décembre 2013, ce bail dérogatoire a été renouvelé 31 décembre 2014.

En octobre 2014, la société MIC s’est rapprochée de la Communauté de communes aux fins de négocier un rachat des lieux loués, négociations qui ont été poursuivies par la SCI Y.

Le 17 mars 2015, le cabinet Caron-Briffaut de géomètres-experts, a dressé un plan d’arpentage de division cadastrale.

Par acte authentique en date du 2 novembre 2015 instrumenté par Me X, la société civile immobilière Y a acquis de la Communauté de communes un ensemble immobilier à usage d’industrie d’une contenance totale de 75 a et 48 centiares cadastré U n° 3284, U n° 3287, U n° 3288 volume 2 et désigné comme étant situé 20 rue de l’industrie à Beauvois en Cambrésis.

Le 13 juillet 2016, la société MIC, preneuse, a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Douai.

La SCI Y, par l’intermédiaire de son conseil, a adressé le 26 octobre 2016 à la Communauté de communes une mise en demeure de lui communiquer la copie des avis d’imposition de la taxe foncière afférents à l’immeuble pour les années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015. Aux termes de ce courrier, elle indiquait qu’elle pensait au moment de l’acquisition que le montant de la taxe foncière appelée par la bailleresse correspondait à celui appelé par les services fiscaux et que cette taxe avait augmenté de façon exponentielle, passant d’environ 4 000 euros à 27 000 euros. Elle ajoutait que si elle avait connu le montant réel de la taxe du bâtiment elle n’aurait pas réalisé l’acquisition.

Autorisée par ordonnance en date du 14 mars 2017, la SCI Y a fait assigner la Communauté de communes à jour fixe par acte en date du 28 mars 2017 aux fins de voir le tribunal prononcer :

• l’annulation pour dol de la vente du 2 novembre 2015 conclue entre elle et la Communauté de communes ;

• la condamnation de la défenderesse à lui restituer le prix de vente de 180 000 euros avec intérêts de droit ;

• la publication de la décision au service charge de la publicité foncière avec au besoin autorisation de compléter le jugement à intervenir des mentions obligatoires selon décrets n° 55-22 du 4 janvier 1955 et 55-1350 du 14 octobre 1955 ;

• la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme de 51 968,34 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des dépens avec distraction au profit de Me Bleux.

Par jugement en date du 22 juin 2017, le tribunal de grande instance de Cambrai a :

• débouté la société civile immobilière Y de l’ensemble de ses demandes ;

• condamné la société civile immobilière Y aux dépens, distraits au profit de la SCP Lecompte et Ledieu, avocats.

La SCI Y a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 18 octobre 2018, l’appelante sollicite l’infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau de :

• juger que la Communauté de communes a commis un dol à son préjudice en omettant volontairement de lui donner connaissance du montant de la taxe foncière afférente à la parcelle U 2939 devenue U 3284 sur laquelle se situait en réalité l’ensemble industriel dont elle faisait l’acquisition et qui était déterminant pour son consentement : et juger que la vente immobilière intervenue le 2 novembre 2015 est nulle avec toutes ses conséquences de droit;

• condamner la Communauté de communes à lui restituer la somme de 180 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la signature de l’acte soit le 2 novembre 2015, et capitalisés années par années dans les termes de l’article 1154 ancien du code civil ;

• ordonner la publication de l’arrêt à intervenir au service chargé de la publicité foncière de la situation de l’immeuble (Cambrai) ;

• autoriser le rédacteur de la copie destinée à recevoir la mention de publicité foncière à compléter ledit arrêt des mentions rendues obligatoires par les dispositions des décrets numéros 55-22 du 4 janvier 1955 et 55-1350 du 14 octobre 1955 ;

• juger que ce dol engage la responsabilité civile délictuelle la Communauté de communes sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil ;

• condamner la Communauté de communes à lui verser la somme de 68 882,34 euros à titre d’indemnisation de son préjudice qui se divise comme suit :

27 722 euros représentant le remboursement de la taxe foncière qu’elle a été contrainte d’acquitter pour l’année 2016 ;

16 914 euros représentant le remboursement de la taxe foncière qu’elle a été contrainte d’acquitter pour l’année 2017 ;

14 246, 34 euros représentant les frais d’établissement de l’acte de vente dressé par Me X et acquitté par la SCI Y ;

10 000 euros représentant son manque à gagner suite à l’immobilisation du prix de la vente depuis le mois de novembre 2015 ;

A titre subsidiaire:

• juger que la SCI Y et la Communauté de communes ont commis une erreur dans l’appréciation du montant de la taxe foncière afférent à la parcelle U 2939, devenue U 3284, objet de la vente immobilière en date du 2 novembre 2015, que cette erreur est telle que sans elle la société n’aurait pas contracté et que la vente immobilière intervenue le 2 novembre

• 2015 est nulle dans toutes ses conséquences ; condamner la Communauté de communes à lui restituer la somme de 180 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la signature de l’acte soit le 2 novembre 2015, et capitalisés années par années dans les termes de l’article 1154 ancien du code civil ;

• ordonner la publication de l’arrêt à intervenir au service chargé de la publicité foncière de la situation de l’immeuble (Cambrai) ;

• autoriser le rédacteur de la copie destinée à recevoir la mention de publicité foncière à compléter ledit arrêt des mentions rendues obligatoires par les dispositions des décrets numéros 55-22 du 4 janvier 1955 et 55-1350 du 14 octobre 1955 ;

En tout état de cause :

• condamner la Communauté de communes à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Sandrine Bleux.

Dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 1er octobre 2018, l’intimée sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions, et demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter l’appelante de toutes ses demandes et, à titre reconventionnel, de la condamner au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP d’avocats Lecompte Ledieu.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.

Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué que l’appelante soutient en substance que la Communauté de communes qui connaissait le montant de la taxe foncière afférent au terrain vendu ne pouvait légitimement ignorer l’existence de l’erreur dans la désignation cadastrale dans le bail commercial, lui a intentionnellement caché ces informations pourtant déterminantes de son consentement, commettant ainsi une réticence dolosive justifiant l’annulation de la vente, et l’indemnisation des préjudices qu’elle a subis en conséquence de ce dol.

Quant à l’intimée, elle soutient essentiellement n’avoir jamais eu l’intention de tromper sa cocontractante, mais avoir été victime d’une succession d’erreurs.

À l’audience, la cour a ordonné la production du courriel adressé par M. Y à Mme Z dont seule la réponse était produite, et a autorisé une note en délibéré des parties sur la production de cette pièce. Cette pièce a été produite le 25 octobre par l’appelante. Par note en délibéré du 29 octobre, la Communauté de communes indique que la communication de l’intégralité de la pièce n° 6 par la SCI Y ne permet en rien d’établir les man’uvres dolosives dont la charge de la preuve incombe à l’appelante.

MOTIVATION

A titre liminaire, il y a lieu de préciser qu’il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l’obligation.

Sur la demande d’annulation de la vente pour dol

Selon les dispositions de l’article 1109 du code civil, il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol. L’article 1116 du même code dispose : 'Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre

partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.'

Ainsi, le dol, qui se définit comme une faute intentionnelle ayant pour but et pour effet de provoquer chez le cocontractant une erreur déterminante de son consentement, ne saurait se déduire du seul manquement d’un vendeur à son obligation d’information. Dès lors, l’acquéreur qui invoque une réticence dolosive doit établir, d’une part, que le manquement à l’obligation d’information du vendeur procède de l’intention de tromper, d’autre part, que ce manquement a effectivement provoqué une erreur déterminante de son consentement. Lorsque la réticence dolosive est établie, elle rend toujours excusable l’erreur provoquée.

Sur ce

En l’espèce, il est constant que le bail commercial consenti par la Communauté de communes à la société MIC comportait une erreur dans la désignation cadastrale, celui-ci désignant le bien loué comme étant situé sur la parcelle U n° 3250 alors qu’il était en réalité situé sur la parcelle U n° 2039. Par ailleurs, il est également acquis aux débats que la SCI Y, société civile immobilière familiale dont l’un des associés était également le gérant de la société preneuse, a toujours entendu acquérir les murs du bâtiment que louait la société MIC et non pas un autre terrain, ainsi qu’une parcelle adjacente au bâtiment en facilitant l’accès.

Le 17 mars 2015, le cabinet Caron-Briffaut de géomètre-expert, dressait un plan d’arpentage de division cadastrale aux termes duquel :

• la parcelle U n°3250 pour 44 ares et 13 centiares était divisée en 3 parcelles :

U n° 3286 pour 43 ares et 36 centiares ;

U n° 3287 pour 60 centiares ;

U n° 3288 pour 17 centiares ;

• la parcelle U n° 2039 pour 75 a et 04 centiares étaient divisés en 2 parcelles :

U n° 3284 pour 74 ares 71 centiares ;

U n° 3285 pour 33 centiares.

Aux termes de l’acte authentique de vente en date du 2 novembre 2015, la société civile Y a acquis de la Communauté de communes un ensemble immobilier à usage industrie d’une contenance totale de 75 a et 48 centiares cadastré U n° 3284, U n° 3287, U n° 3288 volume 2, lequel correspondait bien pour la majeure partie à la parcelle anciennement cadastrée U n° 2039 (pour 74 ares 71 centiares) outre quelques centiares d’autres terrains adjacents situés sur la parcelle anciennement cadastrée U n° 3250.

Aux termes du bail commercial, il a été convenu que le preneur rembourserait au bailleur l’ensemble des taxes et impôts afférents aux locaux loués et notamment la taxe foncière. En exécution de cette clause du bail, la bailleresse a répercuté le montant de la taxe foncière à hauteur de 3 961,90 euros pour l’année 2012, 4 190,48 euros pour l’année 2013, 4 255,95 euros pour l’année 2014, 3 597,63 euros pour la période du 1er janvier 2015 au 1er novembre 2015.

Par courriel en date du 21 janvier 2015 dont l’objet était intitulé 'compromis de vente', le gérant de la SCI Y demandait à Mme C Z, chargée du développement économique à la Communauté de communes: 'Pourriez vous me faire un récapitulatif exhaustif de toutes les taxes afférentes à l’intégralité du lot en question ' Taxes foncières, d’habitation etc.' Dès le lendemain, elle lui apportait la réponse suivante: 'Suite à mes recherches, je peux vous renseigner sur la taxe foncière 2013 qui était de 4 190,48 euros. Concernant la taxe 2014, je n’ai pas l’information mais si nécessaire je peux en faire la demande.'

Après l’acquisition du bien immobilier, la SCI Y a reçu pour l’année 2016 un avis d’impôt d’un montant de 27 722 euros pour l’année 2016. Par lettres en date des 15 et 22 septembre 2016, la Communauté de communes sollicitait auprès du Centre des Finances Publiques de Valenciennes pour le compte de la SCI Y le dégrèvement de la taxe foncière de cette dernière pour l’année 2016. Par lettre en date du 22 novembre 2016, la Direction Générale des Finances Publiques, rejetait cette demande de dégrèvement en indiquant notamment que l’impôt foncier était justement évalué au regard de la valeur locative du local acquis par la SCI Y lequel ne se situait pas, au vu des références cadastrales, au 20 rue de l’industrie mais au 9004.

L’analyse des baux commerciaux, de l’acte de vente, du plan d’arpentage de division cadastrale et du cadastre montre que l’adresse indiquée sur l’acte notarié de vente comme étant au numéro 20 rue de l’industrie à Beauvois en Cambrésis est erronée car l’ensemble immobilier acheté est en réalité situé au 9004 de la même rue. Cette erreur procède manifestement de l’erreur initiale dans la désignation cadastrale des lieux loués sur le bail commercial. Pour autant, la Communauté de communes, propriétaire des fonds situés tant sur l’ancienne parcelle U n° 3250 située au 20 rue de l’industrie que sur l’ancienne parcelle U n° 2039 situé au 9004 de la même rue, ne peut sans mauvaise foi, prétendre qu’elle ignorait le montant réel de la taxe foncière pour l’ensemble de ces terrains. En effet, en cause d’appel sont produits les avis d’imposition de taxe foncière acquittée par la Communauté de communes pour les années 2010 à 2015 dont il ressort que la propriétaire des lieux s’était acquittée d’un impôt foncier évoluant entre 18 553 euros et 33 489 euros. Par ailleurs, les avis d’imposition des années 2012 à 2015 distinguent bien le montant de la taxe foncière dû au titre de l’immeuble situé 20 rue de l’industrie de celui dû pour la taxe foncière de l’immeuble situé au 9004 de la même rue.

Ainsi, il est établi que la Communauté de communes a acquitté en 2012 la somme de 21 976 euros pour le terrain sis 9004, rue de l’industrie et celle de 6 656 pour le terrain sis au 20 rue de l’industrie; en 2013 la somme de 24 119 euros pour le premier terrain et celle de 7 040 pour le second; en 2014 respectivement les sommes de 7 150 euros et 24 537 euros ; et en 2015 respectivement les sommes de 24 843 euros et de 7 230 euros.

Force est de constater que la Communauté de communes n’a pas répercuté sur sa preneuse ni le montant exact de la taxe foncière pour l’immeuble situé au 20 rue de l’industrie (correspondant à la désignation erronée du bail commercial) mais un montant inférieur, ni le montant de la taxe foncière qui était vraiment due au regard de la réelle situation des lieux loués (soit au 9004 rue de l’industrie).

Alors même qu’après avoir répercuté seulement une partie de la taxe foncière à sa preneuse, il lui restait à sa charge une importante taxe foncière, elle n’apporte aucune explication pertinente sur la raison pour laquelle elle a laissé perdurer cette situation. Par ailleurs, il n’est pas anodin de relever qu’en dépit de la mise en demeure adressée dès le 26 octobre 2016 par l’acquéreur de lui communiquer la copie des avis d’imposition de la taxe foncière afférents à l’immeuble que lui avait adressés le centre des finances publiques pour les années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, elle n’a pas communiqué spontanément ces pièces, pourtant essentielles au débat, mais les a produites pour la première fois en cause d’appel suite à l’incident soulevé par l’appelante.

En tout état de cause, lorsque le futur acquéreur l’a interrogée sur le montant de la taxe foncière due pour 'l’intégralité du lot en question', elle se devait de lui apporter une information exacte au regard de la désignation cadastrale figurant dans l’acte de vente, et ce d’autant plus qu’il était a minima connu des parties que la contenance des lieux vendus ne correspondait pas exactement à la configuration des lieux loués mais était augmentée d’une parcelle de terrain adjacente. Ainsi, la Communauté de communes elle-même conclut que la division cadastrale avait été rendue nécessaire par le fait qu’elle était propriétaire des terrains voisins et que l’acquéreur souhaitait obtenir un accès direct de stockage en la rue de l’industrie et par conséquent acquérir des locaux avec une surface supérieure à celle louée précédemment. L’intimée estime que 'les terrains occupés n’étant pas d’une superficie équivalente, la SCI Y ne saurait raisonnablement soutenir qu’elle pouvait penser légitimement régler une taxe foncière équivalente'. Ce faisant, la Communauté de communes fait fi

du fait que l’acquéreur s’était justement inquiété de ce point auprès d’elle, et qu’elle l’avait faussement rassuré. Non seulement cela dénote une mauvaise foi certaine de sa part, mais prouve qu’indépendamment même de l’erreur dans la désignation cadastrale dont la Communauté de communes allègue avoir été également victime, elle ne pouvait légitimement se contenter dans sa réponse de reprendre le montant de la taxe foncière qu’elle répercutait au preneur, mais qu’elle se devait d’effectuer la diligence minimale de consulter ses avis d’imposition pour l’ensemble des parcelles.

Au surplus, alors qu’en sa double qualité de propriétaire des parcelles cadastrées n°3250 et U n° 2039, et d’établissement public de coopération intercommunale, elle ne pouvait légitimement ignorer la cartographie de la commune sur lequel était situé le terrain et en particulier ignorer que le terrain cadastré U n° 2039 était en réalité situé au 9004 rue de l’industrie, elle se devait d’attirer l’attention du futur acquéreur, d’une part sur le fait que les baux commerciaux été affectés d’une erreur dans la désignation cadastrale et dans l’adresse des lieux loués, et, d’autre part, sur le fait que la taxe foncière correspondant au terrain vendu était substantiellement supérieur (de plus de 70 %) au montant de la taxe foncière répercuté au preneur.

En délivrant au futur acquéreur une information fausse sur le montant de la taxe foncière due pour le fonds vendu alors qu’elle ne pouvait légitimement ignorer cette information qu’elle était la seule des deux parties à détenir, la Communauté de communes a nécessairement volontairement retenu une information dont elle ne pouvait ignorer le caractère déterminant pour le consentement de l’acquéreur. Ce faisant, elle a intentionnellement commis une réticence dolosive, et le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a estimé que la preuve de cette intention dolosive n’était pas apportée.

Le seul fait que postérieurement à la vente la Communauté de communes ait entrepris des diligences auprès des services fiscaux pour solliciter un dégrèvement au profit de la SCI Y ne suffit pas à écarter sa mauvaise foi au moment de la conclusion de la vente comme l’a retenu, à tort, le tribunal.

La réticence dolosive au moment de la conclusion de la vente, et en particulier au moment où la vendeuse était tenue d’informer l’acquéreur du montant de la taxe foncière, est suffisamment caractérisée sans qu’il n’y ait lieu de rechercher une intention dolosive antérieure. Dès lors, c’est de manière inopérante que le tribunal a considéré que 'une intention dolosive de la Communauté de communes, consistant à dissimuler le montant de la taxe foncière réellement due sur le terrain vendu impliquerait que celle-ci aurait, dès la conclusion du bail commercial en 2010, induit en erreur son cocontractant en lui réclamant une taxe foncière minorée dans l’espoir de provoquer l’achat ultérieur du terrain et qu’elle aurait pendant plusieurs années payé la différence à l’administration fiscale', et qu’il a écarté l’existence de man’uvres dolosives aux motifs que la Communauté de communes n’avait pas eu originellement la volonté d’aliéner le terrain litigieux mais seulement à compter d’octobre 2014 par suite des difficultés financières que subissait la société locataire et des arriérés de loyers de celle-ci.

Or, il est démontré que cette réticence a effectivement provoqué une erreur déterminante du consentement de la société Y qui n’aurait pas acquis ce bien immobilier si elle avait connu le montant élevé de l’impôt foncier, lequel remettait en question l’équilibre économique du projet d’acquisition. Ainsi l’appelante produit des attestations d’agents immobiliers desquelles il ressort que ce bâtiment industriel vétuste est invendable en raison du montant disproportionné de la taxe foncière au regard du montant des loyers commerciaux.

La réticence dolosive étant établie, elle rend excusable l’erreur provoquée. Dès lors, c’est à tort que le tribunal a reproché à la SCI Y de pas 's’être rendue compte elle-même de l’erreur de désignation du bien loué en 2010 alors que le bail désignait un bâtiment de 2 500 m² contre 4 519 m² en réalité, un terrain de 4 413 m2 contre 7 471 m² et un emplacement différent par rapport à l’assise réelle du terrain’ alors même qu’elle était assistée de son notaire. Cet élément est sans incidence dès lors que la cour retient l’existence d’une réticence dolosive.

En conséquence, le jugement déféré sera réformé en l’intégralité de ces dispositions. Statuant à nouveau, la vente sera annulée pour réticence dolosive.

La nullité emporte l’effacement rétroactif du contrat et les parties doivent être mises en l’état où elles se trouvaient avant cette exécution.

Dès lors, la Communauté de communes sera condamnée à rembourser à la SCI Y le prix de la vente, soit la somme de 180 000 euros, ainsi que celle de 14 246, 34 euros représentant les frais d’établissement de l’acte de vente dressé par Me X et acquittés par la SCI Y.

La Communauté de communes étant rétroactivement rétablie dans ses droits de propriétaire, elle est seule redevable des taxes foncières sur le terrain objet de la vente annulée. En conséquence, elle sera condamnée à rembourser à la SCI Y la somme de 44 636 euros au titre des taxes foncières qu’elle a acquittées pour les années 2016 et 2017.

En application de l’article 1153, alinéa 3, du code civil, les intérêts au taux légal de la somme dont le remboursement a été ordonné en conséquence de l’annulation du contrat en application duquel elle avait été versée ont pour point de départ le jour de la demande en justice équivalant à la sommation de payer. En conséquence, le montant de la condamnation sera augmenté des intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2017 et non pas à compter de la date du contrat de vente comme le sollicite l’appelante. En application de l’article 1154 ancien du code civil, la capitalisation des intérêts par année entière sera ordonnée.

La publication de la présente décision au service chargé de la publicité foncière de la situation de l’immeuble sera également ordonnée.

Sur les dommages et intérêts réclamés par l’appelante

La victime de man’uvres dolosives peut exercer, outre une action en annulation du contrat, une action en responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article 1382 du code civil pour obtenir de leur auteur réparation du dommage qu’elle a subi.

L’appelante ne justifie pas d’un manque à gagner, lequel ne saurait se déduire du seul fait qu’elle s’est acquittée du prix de vente.

Elle sera déboutée de sa demande de dommages intérêts formulés à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l’équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l’autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La Communauté de communes, partie perdante, sera condamnée au paiement des entiers dépens du premier degré et d’appel et à payer à SCI Y la somme de 7 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en l’ensemble de ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Dit que la Communauté de communes du Caudrésis et du Catésis a commis une réticence dolosive ayant vicié le consentement de la SCI Y à la vente conclue par acte authentique instrumenté par Me X le 2 novembre 2015 aux termes de laquelle la société civile immobilière Y a acquis de la Communauté de communes un ensemble immobilier à usage industrie d’une contenance totale de 75 a et 48 centiares cadastré U n° 3284, U n° 3287, U n° 3288 volume 2 ;

Constate que la désignation de l’adresse 20 rue de l’industrie à Beauvois en Cambrésis est erronée et que le bien vendu se situe au 9004 rue de l’industrie à Beauvois en Cambrésis ;

Annule la vente conclue par acte authentique instrumenté par Me X le 2 novembre 2015 entre la société civile immobilière Y ' société civile immobilière, au capital social de 152,40 euros, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro d’identification 401 484 902, dont le siège social est sis […], représentée par son gérant en exercice M. D Y domicilié en cette qualité au siège de la […] ' et la Communauté de communes du Caudrésis et du Catésis ' collectivité territoriale, personne morale de droit public, situé dans le département Nord, ayant son siège sis […] à Caudry (59540) et identifiée sous le numéro SIREN 200 030 633, représentée par son représentant légal M. E F domicilié en cette qualité au siège de la personne morale à savoir 30 rue de Ligny à Caudry’ afférente à un ensemble immobilier à usage industrie d’une contenance totale de 75 a et 48 centiares cadastré U n° 3284 pour une contenance de 74 ares 71 centiares ; U n° 3287 pour une contenance de 60 centiares et U n° 3288 volume 2 pour une contenance de 17 centiares et situé au 9004 rue de l’industrie à Beauvois en Cambrésis (59 157) ;

Ordonne la publication de la présente décision au service chargé de la publicité foncière du lieu de l’immeuble ;

Condamne la Communauté de communes du Caudrésis et du Catésis à payer à SCI Y les sommes suivantes :

• 180 000 euros en remboursement du prix de la vente ;

• 14 246, 34 euros en remboursement des frais d’établissement de l’acte de vente dressé par Me X ;

• 44 636 euros en remboursement des taxes foncières des années 2016 et 2017 ;

Dit que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2017 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts moratoires par année entière ;

Ordonne à la SCI Y de restituer l’immeuble à la Communauté de communes du Caudrésis et du Catésis ;

Déboute la SCI Y de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 10 000 euros ;

Condamne la Communauté de communes du Caudrésis et du Catésis à payer à la SCI Y la somme de 7 000 euros au titre de ses frais non compris dans les dépens du premier degré et d’appel ;

Condamne la Communauté de communes du Caudrésis et du Catésis au paiement des entiers dépens du premier degré et d’appel ;

Autorise Me Sandrine Bleux à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

Le greffier, Le président,

A B. G-H I.

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Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 20 décembre 2018, n° 17/04174