Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 20 décembre 2018, n° 17/05413

  • Congé·
  • Associations·
  • Bail commercial·
  • Validité·
  • Résiliation du bail·
  • Loyer·
  • Bailleur·
  • Demande·
  • Nullité·
  • Indemnité d 'occupation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 2 sect. 1, 20 déc. 2018, n° 17/05413
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 17/05413
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, 24 juillet 2017, N° 16/02695
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

[…]

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 20/12/2018

***

N° de MINUTE : 18/

N° RG : 17/05413 – N° Portalis DBVT-V-B7B-Q7G3

Jugement (N° 16/02695) rendu le 25 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Boulogne- sur-Mer

APPELANTE

SCI Loire prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

ayant son siège […]

[…]

représentée et assistée par Me Charles C, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

INTIMÉE

Association Aftral déclarée à la préfecture de police de Paris le 19 décembre 1975, enregistrée au RNA sous le n°W751040021, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualité audit siège

ayant son siège […]

[…]

représentée par Me Marion Duwat, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

assistée de Me F Sacchet, avocat au barreau d’Avignon, substituée à l’audience par Me Julia Martinez, avocat au barreau d’Avignon

DÉBATS à l’audience publique du 10 octobre 2018 tenue par Anne Molina magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :X Y

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

F-G H, président de chambre

Elisabeth Vercruysse, conseiller

Anne Molina, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2018 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par F-G H, président et D E, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 septembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 4 décembre 2001, la SCI Loire a consenti à l’association AFT-IFTIM Entreprise devenue AFT-IFTIM Formation Continue puis Aftral, un bail commercial pour un local, situé 170 quai de la Loire à Calais, à compter du 1er octobre 2001 et moyennant un loyer mensuel de 838,63 euros.

Par lettre recommandée, du 21 mars 2013, le preneur a notifié, à la bailleresse, la résiliation de ce bail, avec effet au 30 septembre 2013, projetant d’aller s’installer sur un autre site propriété de la SCI Carnot et, à défaut d’avoir pu réaliser cette nouvelle implantation, il s’est maintenu dans les lieux. M. Z A est à la fois gérant de la fédération maritime du port de Calais et de la SCI Carnot.

Par lettre recommandée, du 8 mars 2016, la bailleresse a mis en demeure le preneur d’avoir à lui restituer les locaux dans le délai d’un mois, à laquelle il lui a été opposé que le congé, délivré le 21 mars 2013, serait nul et que le bail se serait poursuivi par tacite reconduction.

Par acte d’huissier, du 20 septembre 2016, la SCI Loire a fait assigner l’association Aftral aux fins de voir constater la validité du congé ainsi que la résiliation du bail commercial et que soit ordonnée l’expulsion de l’association Aftral et qu’il soit mis à sa charge une indemnité d’occupation égale au montant des loyers et des charges.

Par jugement du 25 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a notamment :

— débouté l’association Aftral de sa demande de fin de non recevoir de voir déclarer l’action de la SCI Loire irrecevable,

— dit que la SCI Loire a renoncé au congé délivré par l’association Aftral le 21 mars 2013 concernant le bail commercial conclu le 04 décembre 2001,

— débouté la SCI Loire de l’ensemble de ses demandes,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamné la SCI Loire à verser à l’association Aftral la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la SCI Loire de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SCI Loire aux entiers dépens,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 30 août 2017, la SCI Loire a interjeté appel de l’ensemble des dispositions de cette décision.

PRÉTENTIONS

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 6 septembre 2018, la SCI Loire demande a la cour d’appel au visa de l’article L.145-9 du code de commerce et de l’article 2224 du code civil, de :

— la juger bien fondée en son appel,

— confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté l’association Aftral de sa demande de fin de non recevoir,

— rectifier l’omission commise quant à la validité du congé délivré le 21 mars 2013 et dire que celui-ci est tout à fait valable,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la SCI Loire avait renoncé au bénéfice dudit congé,

En conséquence,

— constater la résiliation du bail commercial signé le 4 décembre 2001, et ce à compter du 30 septembre 2013,

— condamner l’association Aftral à lui payer une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges, et ce à compter du 30 septembre 2013 et jusqu’à libération effective des lieux,

— annuler le congé délivré le 20 septembre 2017,

— condamner l’association Aftral à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner l’association Aftral aux entiers frais et dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP B C, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La SCI Loire soutient que :

— le congé donné, par l’association Aftral, l’a été par lettre recommandée avec avis de réception alors que l’article L. 145-9 du code de commerce, applicable au moment de sa délivrance, prévoit une notification par acte extrajudiciaire mais que seul le destinataire peut se prévaloir de la nullité susceptible d’en résulter,

— qu’aucune disposition n’oblige le bailleur à valider le congé donné par son locataire,

— faute de décision définitive sur la validité du premier congé, le locataire ne pouvait en délivrer un second,

— elle n’a jamais renoncé au bénéfice du congé mais en a réclamé son exécution avant même d’être informée de l’échec des négociations tierces.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17 septembre 2018, l’association Aftral demande à la cour d’appel au visa de l’article L. 145-9 du code de commerce, de :

A titre principal,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la SCI Loire n’avait pas renoncé au congé délivré par l’association Aftral le 21 mars 2013,

— statuant à nouveau sur ce point, juger que le congé délivré par l’association Aftral le 21 mars 2013 est nul comme ayant été délivré sans respect du formalisme impératif visé par l’article L. 145-9 du code de commerce,

— en conséquence débouter la Fédération Maritime du Port de l’entier de ses demandes, fins et conclusions tendant à voir valider le congé et constater la résiliation du bail du 4 décembre 2001,

A titre subsidiaire,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

o dit que la SCI Loire a renoncé au congé délivré par l’association Aftral le 21 mars 2013 concernant le bail commercial conclu le 4 décembre 2001,

o débouté la SCI Loire de l’ensemble de ses demandes,

o débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

o condamné la SCI Loire à verser à l’association Aftral la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

o débouté la SCI Loire de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

o condamné la SCI Loire aux entiers dépens.

En tout état de cause,

— débouter la SCI Loire de sa demande de rectification d’omission de statuer et de sa demande d’annulation du congé délivré par l’association concluante le 20 septembre 2017,

— débouter la SCI Loire de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SCI Loire à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens.

L’association Aftral fait valoir que :

— le congé délivré le 21 mars 2013 pour l’échéance du 30 septembre 2013 n’avait pas pu produire d’effet pour être nul faute d’avoir été délivrée dans les formes requises par les articles L. 145-4 et L. 145-9 du code de commerce, la modalité y étant prévue étant impérative,

— pour déterminer la validité du congé, il convient de s’assurer que la SCI Loire avait entendu accepter et valider le congé à la date de sa réception et non près de trois ans plus tard,

— la SCI Loire ne lui a jamais indiqué qu’elle entendait valider le congé malgré sa nullité évidente,

— le bail s’est poursuivi par tacite prorogation depuis cette date, ce que a société bailleresse avait manifestement accepté dès lors qu’elle a continué à appeler les loyers et charges courantes,

— le maintien dans les lieux du locataire au-delà de la date d’effet du congé qu’il a lui-même délivré vaut renonciation au bénéfice de ce congé,

— le bail du 4 décembre 2001 continue de régir les relations entre les parties et qu’elle ne saurait être considérée comme occupant sans droit ni titre.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2018.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur le congé délivré le 21 mars 2013 :

Selon l’article L. 145-9 alinéa 5 du code de commerce dans sa rédaction issu de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, 'Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné'.

Il est admis que cette forme du congé était une condition substantielle de validité de l’acte dont le non respect entraîne la nullité de l’acte même si le défaut de forme ne cause aucun grief au bailleur. Toutefois, cette nullité étant relative, elle ne peut être invoquée que par celui qu’elle protège c’est à dire le bailleur, celui-ci étant libre d’accepter expressément ou tacitement le congé irrégulier.

En l’espèce, il convient de relever que la SCI Loire n’a jamais relevé la nullité du congé qui lui avait été délivré. Le seul fait de continuer à appeler les loyers ne permet pas de caractériser une volonté non équivoque du bailleur de se prévaloir de la nullité du congé. Dès lors, la validité du congé n’ayant pas été contestée par le bailleur, celui-ci peut en solliciter l’exécution.

Par conséquent, l’association Aftral sera déboutée de sa demande tendant à juger que le congé qu’elle a délivré le 21 mars 2013 est nul.

La demande de la SCI Loire tendant à rectifier l’omission commise quant à la validité du congé délivré le 21 mars 2013 et dire que celui-ci est tout à fait valable est dès lors sans objet.

Sur la renonciation au bénéfice du congé :

Il est admis que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne se déduit pas de la seule inaction ou du silence de son titulaire.

En l’espèce, le seul fait que la SCI Loire n’ait, à la suite de la réception du congé du preneur, fait aucune diligence pour obtenir le départ de l’occupant des locaux ne caractérise pas son accord tacite au maintien en possession de l’association Aftral. En outre, il convient de relever que le preneur était en négociations avec la SCI Carnot pour la location de nouveaux locaux pour le regroupement de ses activités sur un seul site. Or, le gérant de la SCI Loire étant le même que celui de la SCI Carnot, le bailleur ne pouvait pas feindre de ne pas connaître ces négociations, lesquelles confirmaient la

volonté de départ de son preneur.

Par conséquent, en l’absence de renonciation expresse de la SCI Loire au congé qui lui avait été délivré, il convient d’infirmer le jugement déféré de ce chef et de constater la résiliation du bail commercial signé le 4 décembre 2001, et ce à compter du 30 septembre 2013.

Sur la demande de nullité du congé du 20 septembre 2017 :

La validité du premier congé délivré le 21 mars 2013 prive d’effet le nouveau congé délivré le 20 septembre 2017, sans qu’il y ait lieu de prononcer sa nullité.

Par conséquent, la SCI Loire sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la demande en paiement d’une indemnité d’occupation :

A titre liminaire, il convient de relever que si le contrat de bail prévoit une clause résolutoire à défaut de paiement à son échéance d’un seul terme du loyer, il n’y est pas mentionné d’indemnité d’occupation en cas de résiliation du bail et de maintien dans les lieux du locataire. Par ailleurs, les parties ne produisent aucune pièce permettant à la cour de connaître le montant mensuel des loyers et des charges.

Selon l’article 1382 du code civil devenu l’article 1240 après l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, 'Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

L’association Aftral verse un procès-verbal de constat d’huissier daté du 30 mars 2018, l’huissier précisant avoir été requis pour effectuer l’état de sortie d’un local situé au 170 Quai de la Loire à Calais. Le constat a été effectué en présence de M. Z A, gérant de la SCI Loire. Le constat établit que les locaux sont libres de toute occupation et mentionne le nombre de clés figurant au trousseau. La SCI Loire ne remettant pas en cause ce constat d’huissier, il convient de relever que les locaux litigieux ont été libérés le 30 mars 2018.

En l’espèce, le maintien indu dans les lieux par l’association Aftral après avoir fait délivré son congé a causé un préjudice au bailleur ouvrant droit à réparation par le paiement d’une indemnité d’occupation laquelle sera fixée mensuellement au montant du loyer et des charges à compter du 1er octobre 2013, le congé ayant fixé la résiliation du contrat de bail au 30 septembre 2013 et ce jusqu’au 30 mars 2018, date de libération des lieux.

Il convient de condamner l’association Aftral à payer à la SCI Loire l’indemnité ainsi déterminée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné la SCI Loire aux dépens et à payer à l’association Aftral la somme de 1 500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En considération de l’article 696 du code de procédure civile, l’association Aftral, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et de l’instance d’appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’association Aftral sera en outre condamnée à payer à la SCI Loire une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté l’association Aftral de sa demande de fin de non recevoir de voir déclarer l’action de la SCI Loire irrecevable ;

Statuant à nouveau,

Déboute l’association Aftral de sa demande tendant à juger que le congé qu’elle a délivré le 21 mars 2013 est nul ;

Déclare sans objet la demande de la SCI Loire tendant à rectifier l’omission commise quant à la validité du congé délivré le 21 mars 2013 et dire que celui-ci est tout à fait valable ;

Constate la résiliation du bail commercial signé le 4 décembre 2001 et ce à compter du 30 septembre 2013, du fait du congé délivré par l’association Aftral le 21 mars 2013 ;

Condamne l’association Aftral à payer à la fédération maritime du port de Calais une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges à compter du 1er octobre 2013 et jusqu’au 30 mars 2018, date de libération des lieux ;

Y ajoutant,

Déboute la SCI Loire de sa demande tendant à annuler le congé délivré le 20 septembre 2017 par l’association Aftral ;

Condamne l’association Aftral à payer à la SCI Loire une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’association Aftral aux dépens de première instance et d’appel, lesquels pourront être recouvrés par la SCP B C, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

D E F-G H

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 20 décembre 2018, n° 17/05413