Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 27 septembre 2019, n° 17/01458

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. d salle 1, 27 sept. 2019, n° 17/01458
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 17/01458
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lille, 19 janvier 2017, N° F15/01023
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

27 Septembre 2019

1548/19

N° RG 17/01458 -

N°Portalis DBVT-V-B7B-QW5Q

VS/AC

RO

Jugement rendu par le

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

20 Janvier 2017

(RG F 15/01023 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le

27/09/19

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. I X

[…]

[…]

Représentée par Maître Nathalie LEROY, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SA WORLDLINE

[…]

[…]

Représentée par Maître Christine METTETAL-DONDEYNE, avocat au barreau de DOUAI et assisté par Maître Me David LINGLART, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Chloé MONTESINOS

DÉBATS : à l’audience publique du 13 Juin 2019

Tenue par J K

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Maryse ZANDECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

J K

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

L M

: CONSEILLER

V W-AA : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2019,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par J K, Président et par Valérie COCKENPOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 juillet 2017, avec effet différé jusqu’au 13 mai 2019

Exposé du litige :

Monsieur I X a été embauché par la société ATOS ORIGIN SERVICES à compter du 1er juillet 2001 en qualité d’ingénieur système, statut cadre, position 2.2 coefficient 130 de la convention collective Syntec applicable au contrat de travail.

Monsieur X travaillait sur le site d’Euralille sur une base hebdomadaire de 37 heures et une durée annuelle maximum de 211 jours pour une rémunération annuelle de 300 000 francs.

Au dernier état de la relation de travail, il percevait une rémunération mensuelle brute de 3.903,71 euros.

Jusqu’en 2010, Monsieur X a participé à l’évolution et à la maintenance des outils internes au sein de l’équipe de système de maintenance et à la montée de versions du système et des logiciels (équipe système MVS).

A la suite d’une réorganisation interne, il a quitté l’équipe MVS et a rejoint en 2011 une première équipe chargée du codage de Plugin aphas dans l’environnement UNIX puis à compter du 2 avril

2012, il a été affecté à une nouvelle équipe chargée de la maintenance et de l’évolution du produit interne Acacias d’abord en détachement puis de façon pérenne à compter du 31 août 2012.

A la suite d’un rendez-vous fixé le 22 avril 2014 avec la responsable des ressources humaines, Monsieur X a été convié à un rendez-vous le 20 juin 2014 en présence de ses N+1, N+2 et N+3 et a été déstabilisé par la tournure de l’entretien dont il s’est plaint dans un courrier qu’il leur a adressé le 5 août 2014.

A la suite d’un nouvel entretien organisé avec son N+1 le 14 août 2014 un plan d’action a été décidé comportant des objectifs à réaliser avant le 16 septembre 2014 et le 21 novembre 2014.

Considérant que M. X ne s’était pas montré à la hauteur des tâches confiées à un salarié de son expérience, la société WORDLINE le convoquait à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 9 mars 2015.

Le 24 mars 2015, la salarié a été licencié en raison de son insuffisance professionnelle.

Contestant la légitimité de son licenciement, Monsieur I X a saisi le Conseil de Prud’hommes de LILLE le 24 juillet 2015 se plaignant d’avoir été victime d’une discrimination en raison de l’âge et demandant la condamnation de la Société WORDLINE à lui régler des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 20 janvier 2017, le Conseil de Prud’hommes de LILLE a dit que le licenciement de Monsieur X reposait sur une cause réelle et sérieuse, l’a débouté de ses demandes et l’a condamné à payer à la société WORDLINE une somme de 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur I X a régulièrement interjeté appel de toutes les dispositions du jugement par déclaration formée au greffe par voie électronique le 24 mai 2017.

Aux termes de ses conclusions d’appelant transmises par voie électronique le 26 juillet 2018 et auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Monsieur I X a demandé à la Cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et en conséquence de :

— dire que le licenciement est nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— condamner la Société WORDLINE au paiement de 66.360 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la société WORDLINE au paiement d’une somme de 49.844,52 euros pour préjudice distinct au titre de la discrimination eu égard à son âge,

— condamner la Société WORDLINE au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner que le paiement de la CSG et de la CRDS sur l’ensemble des condamnations soit à la charge de la société WORDLINE

— dire que les condamnations seront assorties du paiement des intérêts au taux légal à compter de l’introduction de la demande,

— ordonner la capitalisation des intérêts,

— ordonner le remboursement des allocations Assedic dans la limite de 6 mois,

— condamner la société WORDLINE aux entiers dépens.

Il a fait valoir en substance que la véritable raison de son licenciement ne résidait pas dans une insuffisance professionnelle de sa part dont les règles avaient été détournées lui conférant ainsi des objectifs irréalisables en un temps donné mais résultait de la volonté discriminatoire du groupe auquel appartenait la société WORDLINE de ne plus travailler avec un salarié âgé de près de 55 ans.

Par conclusions en réplique d’intimée transmises par voie électronique le 19 septembre 2018 et auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la Société WORDLINE a demandé à la Cour de :

A titre principal :

— confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire :

— Ramener les demandes de Monsieur X à de plus justes proportions ;

En tout état de cause :

— condamner Monsieur X à verser à la société WORDLINE une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée a fait valoir s’agissant de la discrimination en raison de l’âge alléguée par Monsieur X que ce dernier n’apportait pas d’éléments suffisants laissant présumer l’existence d’une telle discrimination, les pièces produites étant des articles extraits d’internet écrits par médiapart ou par des syndicats représentés dans des filiales du groupe ATOS, la société WORDLINE n’étant jamais citée.

Par ailleurs, le licenciement de M. X était réellement fondé sur l’insuffisance professionnelle de celui-ci lequel manquait de dynamisme, était demeuré en retard dans son travail et éprouvait des lacunes organisationnelles malgré le plan d’action dont il avait bénéficié durant plusieurs mois à compter du 14 août 2014, date à laquelle des objectifs précis et réalisables avaient été fixés avec ce dernier pour la fin de l’année 2014, ce plan d’action s’accompagnant d’entretiens réguliers avec son supérieur hiérarchique.

En application du calendrier de procédure établi au visa des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture à effet différé a été fixée au 13 mai 2019 et l’audience de plaidoiries au 13 juin 2019.

SUR CE :

Sur le licenciement :

Sur la discrimination en raison de l’âge du salarié :

L’article 1132-1 du code du travail dispose qu’ 'aucune personne ne peut être écartée d’une procédure ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lute contre les discriminations notamment en matière de rémunération au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de……'

En cas de litige, il appartient au salarié qui s’estime victime de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et l’article 1134-1 du code du travail prévoit qu’il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Monsieur I X verse aux débats :

— un article de presse de Médiapart daté du 8 août 2015 faisant état de ce qu''au sein d’ATOS, multinationale, des consignes sont envoyées aux managers pour leur demander d’empêcher la mutation des seniors (personnes âgées de plus de 55 ans), des syndicalistes et des handicapés'en publiant deux courriels datés pour le premier du 6 mars 2015 et pour le second du 3 avril 2015, le premier restreignant la mobilité interne de certains salariés notamment en raison de leur âge et le second expliquant notamment 'qu’il y a beaucoup de travailleurs seniors chez TS qui doit équilibrer sa’ pyramide' afin de répondre aux demandes de tous les clients ;

— un tract CFDT du groupe ATOS daté du 22 avril 2015 reprenant ces mêmes informations,

— l’extrait d’un blog de la section syndicale SUD ATOS en date du 1er octobre 2015 évoquant dans l’entité ATOS Infogérance 17 salariés de plus de 55 ans qui ont été sortis dans le cadre d’une rupture conventionnelle et les propos du cabinet d’expertise Sextant (PV du 5/03/2015) 'les salariés âgés de plus de 50 ans sont la principale cible des ruptures conventionnelles et des licenciements';

— un article de presse concernant une grève annoncée chez le gérant de l’informatique ATOS à Grenoble et Echirolles concernant un courrier de la direction n’acceptant plus les salariés n’ayant pas des résultats au-dessus des critères de performance publié le 2 juin 2015 et attribuant au manager les propos relatifs aux 'salariés de plus de 58 ans qui ne sont plus acceptés dans le groupe et dont il faut se débarrasser';

— un portrait d’un salarié travaillant chez ATOS daté du 6 juillet 2012 : Y, une espèce devenue persona non grata chez ATOS : un senior qui aurait craqué et serait parti en rupture conventionnelle après avoir fait des formations en e-learning, avoir du faire un rapport chaque semaine, avoir eu un entretien de fin de carrière et une seconde convocation agressive faisant état de ce que les clients préféraient les jeunes car ils étaient moins payés,

— un certificat médical établi le 17 mars 2016 par le Dr Z, médecin généraliste de M. X (pièce n°10) évoquant dans les premiers temps de sa prise en charge depuis le 9 juillet 2014 des symptômes cliniques d’un syndrome anxio-dépressif au décours (selon le salarié) d’une situation professionnelle difficile, puis une période de décompensation aigue et un tableau anxio-dépressif chronique ayant nécessité un arrêt de travail prolongé,

— l’organigramme simplifié (pièce n°18) du groupe ATOS SE qui détenait en 2016 70,1% du capital social de la société WORDLINE SA,

— l’extrait KBIS D’ATOS SE, D’ATOS INFOGERANCE et de WORDLINE (pièce n°19) dont le siège social est situé […],

— un document de référence 2015 (pièce n°20) de WORDLINE mentionnant au sein du paragraphe 4.2 que le groupe ATOS est l’actionnaire majoritaire du groupe et conserve le contrôle de Wordline en vertu de contrat de services comprenant notamment des fonctions support comme le management… l’audit interne, la comptabilité, les ressources humaines..;

— des arrêts de Cour d’Appel de PARIS (pièce n°21) du 30 avril 2014 et de Versailles (pièce n°22) du 27 janvier 2016 concernant des salariés des sociétés SAS ATOS INTÉGRATION et SAS ATOS CONSULTING ayant pour le premier, requalifié la mise à la retraite d’une salariée en licenciement nul en raison d’une discrimination liée à son âge et pour le second ayant dit le licenciement du salarié nul en raison d’une discrimination liée à son âge du fait de la volonté de l’employeur de 'junioriser’ les effectifs ce salarié ayant été convoqué à plusieurs reprises dans le but de lui faire signer une rupture conventionnelle du contrat ;

— l’annexe III (pièce n°23) du document de référence 2015 relatif à la répartition des nouveaux entrants et des départs par âge représentant pour les entrants 3,48% des nouveaux entrants et 12,75% des départs.

Bien que nombreuses, ces pièces, qui sont postérieures pour la plupart au licenciement du salarié en date du 24 mars 2015, par leur généralité ne laissent pas supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte à l’égard de Monsieur X dans la mesure où si elles évoquent des prises de position qui peuvent être considérées comme discriminatoires au sein des sociétés ATOS SE, ATOS INTÉGRATION ou ATOS CONSULTING, aucune ne concerne la société WORDLINE que de surcroît, les articles de presse et les tracts syndicaux qui évoquent une discrimination liée à l’âge ou à la qualité se réfèrent à des mutations internes de salariés au sein des entités du groupe et non à des licenciements, que les faits ayant donné lieu aux décisions des Cours d’Appel cités ne sont pas comparables aux faits de l’espèce, que la conservation par la société ATOS SE en 2015 du contrôle des contrats de service, dont les ressources humaines, ne permet pas, en l’absence de production de tout document l’étayant, de présupposer l’existence au sein de WORDLINE de directives semblables à celles publiées par Médiapart, qu’enfin le certificat médical produit par le salarié rapporte les propos de ce dernier évoquant une surcharge de travail et des critiques répétitives liées à un travail sur un nouveau logiciel sur lequel il n’était pas formé et nullement des propos ou attitudes de l’employeur visant à une éviction en lien avec son âge.

C’est ainsi à juste titre que la juridiction prud’homale n’a pas retenu le fait que Monsieur I X ait été victime de la part de la société Wordline d’une discrimination liée à son âge.

Sur l’insuffisance professionnelle :

L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible la continuation du contrat de travail.

L’insuffisance professionnelle n’est jamais fautive. Si l’appréciation de l’insuffisance professionnelle d’un salarié relève en principe du seul pouvoir de direction de l’employeur, elle ne le dispense pas d’invoquer des faits objectifs, précis et vérifiables.

Ces objectifs qui peuvent être fixés de façon contractuelle ou unilatéralement par l’employeur doivent être réalistes et compatibles avec le marché.

Les termes de la lettre de licenciement adressée par la société WORDLINE à Monsieur X le 24 mars 2015 sont les suivants :

' Suite à l’entretien du lundi 9 mars 2015 que vous avez eu avec Monsieur N G et Madame P A au cours duquel vous étiez assisté de Madame Q R, représentante du personnel, nous avons le regret de vous informer de notre décision de rompre votre contrat de travail pour insuffisance professionnelle.

Au titre de votre fonction d’Ingénieur Solutions depuis 2001 au sein de l’entreprise, vous participez depuis juillet 2013 au développement de l’outil Acacia, enjeu majeur pour notre entreprise.

L’expérience que vous avez acquise sur votre poste d’ingénieur Solutions depuis 2001 devrait vous permettre d’exercer vos fonctions avec un niveau élevé d’autonomie dans le respect des délais impartis en intégrant les priorités d’action définies par votre management et les échanges nécessaires avec l’ensemble des équipes intervenantes.

Or, au cours des derniers mois, vos responsables ont dû à plusieurs reprises vous alerter sur votre niveau de performance insuffisant.

Ainsi dans le courrier faisant suite à un entretien avec votre responsable relatif à la prime individuelle variable annuelle pour 2013 et que vous avez contresigné le 17 décembre 2013, votre responsable faisait état du constat suivant motivant le versement d’une prime de 0 € : 'il vous faut améliorer votre travail, votre efficacité est insatisfaisante, votre implication a été faible ceci dans un contexte normal’ 'travail insuffisant, implication trop faible, il faut absolument que tu t’organises pour tenir tes engagements. C’est d’autant plus dommage que tes capacités techniques sont présentes'.

Ce rappel à l’ordre n’avait visiblement que peu d’effet puisqu’en janvier 2014, des problèmes de délai de réalisation dans le référencement lié aux modules/ressources Acacia étaient de nouveau constatés et donnaient lieu à des échanges de mails (délai de réalisation d’une quinzaine de jours alors que la durée maximale nécessaire est 2 ou 3 jours).

Peu de temps après, lors de votre entretien annuel du 30 janvier 2014 au cours duquel était faite notamment une évaluation de l’atteinte de vos objectifs fixés pour l’année 2013, il vous était également reproché un mauvais respect des délais et des engagements. Vous étiez en conséquence positionné sur une évaluation à 1 (sur une notation allant jusqu’à 5) 'objectifs non atteints de manière significative'. Votre manager, U C apportait le commentaire suivant :' il faut absolument tenir les engagements que tu prends, il y a trop de décalage'. La qualité de vos reportings était également mise en cause au regard d’un manque de rigueur.

En conséquence, votre prestation de travail était évaluée à 1 'nettement en dessous des attentes pour le poste occupé’ accompagné du commentaire suivant 'travail très insuffisant alors que tu as les capacités'.

Ce constat était d’autant plus décevant que vous aviez suivi une formation de 5 jours à la Cegos 'Approfondir la connaissance de soi-même et des autres pour mieux travailler ensemble’ destinée à améliorer vos relations avec vos collègues pour faciliter l’atteinte de vos objectifs opérationnels et ce compte tenu d’un manque récurrent en terme d’échange avec vos collègues pour faire avancer les sujets qui vous étaient confiés.

La nécessité d’un retour effectif à un niveau de performance en adéquation avec vos qualifications et expérience professionnelle vous était encore signifiée par votre responsable des ressources humaines Mme P A, le 22 avril 2014.

Toutefois, votre insuffisance professionnelle devait de nouveau être constatée en cours d’année donnant lieu à un nouvel le 22 juin 2014 avec U Tricqueneau, votre responsable direct, S D, votre responsable N+2 et T E, votre responsable N+3.

Début août 2014, à l’issue de vos vacances, vous nous adressiez un email dans lequel vous vous étonniez de votre prestation de travail jugée insatisfaisante par vos responsables. En conséquence, il était décidé d’un nouvel entretien le 14 août 2014 afin de vous faire part à nouveau des insatisfactions de votre management et des attentes de celui-ci quant à votre prestation de travail dont le compte rendu détaillé vous était adressé le 20 août suivant. Il reprenait l’historique des échanges précédents et fixait des objectifs précis pour le reste de l’année 2014 s’inscrivant dans le plan d’action déjà initié entre votre management et vous pour vous permettre de retrouver un niveau de prestation suffisant en vous confiant des objectifs pour la fin d’année. Il indiquait également : 'nous sommes à ta disposition pour réfléchir à la mise en oeuvre des moyens nécessaires pour réussir ces objectifs mais nous attendons également de toi que tu prennes en charge ces sujets avec l’autonomie, la qualité et le reporting correspondant à ton niveau. Si des actions de support ou de formation te semblent nécessaires, n’hésite pas à venir en discuter avec nous. Nous attendons de toi une réelle prise en compte de nos remarques ainsi qu’un investissement prouvant que tu te sens concerné par les enjeux associés et une amélioration pérenne de cette prise de conscience'.

Ces objectifs fixés en fonction de votre calendrier et validés avec vous vous étaient encore confirmés par mail le 21 août 2014 et ont donné lieu à des points de suivi réguliers :

* mise en place des tests d’intégration automatisés pour les 6 plugins et composants Acacia (durée estimée de 15 jours et une échéance au 16 septembre 2014),

* recensement et le développement de 5 plugins (durée estimée 30 jours dealine le 21 novembre 2014)'.

Toutefois, à regret, votre prestation de travail ne s’améliorait pas.

Ainsi le 24 octobre 2014 et le 5 novembre, votre responsable, U C vous alertait à nouveau sur une avancée insatisfaisante des missions confiées (en particulier, une seule prise de contact avec les utilisateurs en un mois pour le recensement des 'uses cases’ , sans relance de votre part ou encore un travail sur un process de génération non conforme aux besoins sans validation avec votre manager). Il était fait le constat d’une prestation de travail correspondant à 6 jours sur une période de 15 jours de travail au sein de l’entreprise.

Votre management vous engageait de nouveau à ne plus vous disperser, à tenir compte des orientations données, notamment lors des 'daily meetings’ organisés le matin avec votre équipe et des points individuels faits avec votre manager. Il reportait également le 25 novembre dernier vos objectifs fixés initialement au 16 septembre et 21 novembre au 23 janvier 2015 et 6 février 2015 pour vous permettre une fois encore de redresser votre prestation de travail dans des conditions facilitées.

L’évaluation de votre prestation de travail fin 2014 demeurait donc largement insuffisante comme cela était encore relevé au moment de votre prime individuelle variable annuelle pour 2014 qui demeurait nulle : 'Le constat reste le même que lors de l’exercice Piva de l’an dernier, malgré le plan de suivi, la définition et le suivi d’objectifs détaillés qui n’ont malheureusement pas donné les résultats escomptés à ce jour. Travail insuffisant, implication trop faible, manque de communication efficace et de reporting, etc… malgré les relances et les points de suivi régulier que nous faisons. Ce suivi se poursuit mais il est clair que nous attendons maintenant des résultats à très brève échéance afin que tu renoues avec l’efficacité en phase avec ton expérience et joue ainsi le rôle attendu au sein de l’équipe. Il faut une prise de conscience rapide pour se remobiliser à très court terme'. Vous n’avez fait aucun commentaire sur cette lettre PIVA.

Au cours du mois de janvier 2015, vous n’étiez toujours pas en mesure de présenter la démonstration de la chaîne de livraison complète et le document explicatif associé la partie automatisation de l’objectif 'Définition du workflow de développement', sans être en mesure d’expliquer ce nouveau retard. Vous ne faisiez aucune proposition pour répondre à l’objectif et avancer sur vos missions en dépit des entretiens réguliers avec vos responsables. Lors d’un point en date du 3 février dernier, vous présentiez un 'plan de charge’ mais qui faisait la confusion entre vos propres objectifs et ceux confiés à l’ensemble de votre équipe.

Force est donc de constater aujourd’hui votre incapacité à répondre aux objectifs et aux délais qui vous sont fixés, à satisfaire au niveau de prestation attendu tant d’un point de vue technique qu’en terme de suivi et de reporting, à respecter les consignes établies par votre management dans les missions confiées et ce en dépit des nombreuses formations que nous vous avons fait suivre pour vous accompagner (24 jours de formation depuis 2010).

Cette situation portant fortement préjudice à la qualité des projets portés par l’entreprise et à votre équipe de travail, nous vous notifions en conséquence votre licenciement pour insuffisance professionnelle.'

La société WORDLINE verse au soutien de son argumentation :

— seize courriels envoyés par M. C U, supérieur hiérarchique direct de Monsieur I X (N+1) à ce dernier mais également à Mme A, responsable des ressources humaines, et parfois à S D (N+2) et T E (N+3) (pièces n° 6 à10 du 2/01/2014 au 18/04/2014 ainsi que n°13, 15, 17, 18, 19,) relatifs à des tâches à effectuer avant et après la fixation d’objectifs précis fixés le 20 août 2014;

— un mail de M. X adressé le 17 avril 2014 à Mme A lui confirmant sa disponibilité pour le rendez-vous fixé le 22 avril 2014, entretien RH prévu pour les personnes ayant eu une prime annuelle variable (PIVA) nulle,

— un mail de M. X du 5 août 2014 (pièce n°12) ayant pour objet 'mes réflexions de vacances' adressé à Messieurs C, D et E avec copie à Mme A rappelant son parcours dans l’entreprise, le fait qu’il avait subi deux changements de mission en 2012 pour rejoindre finalement l’équipe Acacia, qu’il avait perçu la prime spéciale liée à cette mission en décembre 2012, qu’il avait dû se plier à de nouvelles méthodes managériales discutables quant à l’autonomie et la responsabilité des cadres auxquelles elles étaient adressées, qu’il avait appris lors du rendez-vous du 22 avril 2014 que ses supérieurs le considéraient comme incompétent, qu’il n’avait pas été averti de l’ordre du jour de la réunion du 20 juin 2014 à laquelle il avait été invité par son N+1 dans le bureau de M. E où se trouvait également M. D, réunion qui l’avait déstabilisé et dont le sujet était son avenir au sein de l’entreprise, terminant en indiquant 'Depuis je vis très mal cette expérience et souhaite de l’aide de la part de la société dans laquelle j’oeuvre depuis plus de 13 ans pour pouvoir trouver une solution qui me permette de poursuivre une carrière épanouissante pour moi-même comme pour ma société';

— un mail de Mme A du 20 août adressé à M. X (pièce n°14) reprenant la synthèse de la réunion du 14 août 2014 et lui indiquant 'je t’ai reprécisé que je n’avais pas dit 'texto' lors de l’entretien du 22 avril que 'la société Atos ne peut se permettre de garder des gens non compétents’ mais le message était que si une personne n’atteignait pas les objectifs confiés et ne remplissait pas la mission qui lui était confiée en accord avec son contrat de travail, cela avait un impact sur le reste des équipes, que chacun avait ses propres missions et ses propres objectifs à atteindre, que chacun devait contribuer à la réussite globale en se sentant mobilisé. Que cela ne semblait pas être le cas pour toi compte tenu des alertes claires qui t’avaient été faites à diverses reprises ce qui nous avait amenés à nous poser la question de ton souhait de poursuivre la collaboration. Ces points étaient l’objet des entretiens du 22 avril et du 20 juin 2014" avant de poursuivre sur les objectifs opérationnels confiés pour les mois à venir ;

— un mail de M. X à M. C (pièce n°17) sur les points d’avancement,

— des mails de M. C à M. X (n°22 à 26) intitulés Point ou point de suivi entre le 19 décembre 2014 et le 29 janvier 2015 lui indiquant à cette dernière date que 'le manque d’investissement constaté n’est plus acceptable et l’absence de résultat est incompréhensible malgré les différentes relances, mises au point et proposition de support… Si tu ne partages pas ce constat et

souhaite amender celui-ci, je te laisse le soin de me poser un point’ ;

— un courriel daté du 2 février 2015 de M. G à M. X avec copie à Mme A et M. C indiquant à celui-ci qu’il souhaitait le voir le 3 février 2015 à 16h15,

— un tableau synthétique établi par la société WORDLINE (pièce n°28 1 et 2) récapitulant les entretiens et courriels concernant ou adressés à M. X depuis décembre 2010.

Monsieur X de son côté ne produit pas d’autres documents qu’une partie de ces mêmes courriels.

Il résulte de l’ensemble de ces pièces que Monsieur X contrairement à l’affirmation figurant dans la seconde phrase de la lettre de licenciement a participé au développement de l’outil Acacia au sein de la société WORDLINE non depuis juillet 2013 mais depuis le 2 avril 2012 en premier lieu dans le cadre d’un avenant de détachement jusqu’au 31 août 2012 puis de manière pérenne, qu’il a effectivement bénéficié de la prime spéciale correspondant à cette mission en décembre 2012, percevant 1000 € avec les commentaires suivants de M. H, prédécesseur de M. C ' I a pris un bon début dans le monde Linux avec son détachement dans les équipes de développement Acacia' 'Travail normal, esprit d’équipe conforme, efficacité à améliorer, implication correcte dans un contexte difficile' (pièce n°28/ 2 de l’employeur).

La Cour constate que la société WORDLINE tout en s’en prévalant dans la lettre de licenciement n’a cependant produit aucun des comptes-rendus des entretiens suivants qu’elle dit avoir réalisé avec M. X :

— l’entretien du mois de décembre 2013 concernant la PIVA 2013 qu’elle prétend avoir fait contresigner à M. X,

— l’entretien annuel d’évaluation du 30 janvier 2014, dont l’employeur a pourtant l’obligation de remettre une copie au salarié durant lequel une note de 1/5 aurait été donnée à M. X pour 'objectifs non atteints de manière significative' 'travail très insuffisant';

— l’entretien du 22 avril 2014 entre Mme A, responsable des ressources humaines et M. X toujours à propos de la PIVA 2013 durant lequel cette dernière admet à demi-mots dans son mail de recadrage du 20 août 2014 avoir indiqué au salarié que l’entreprise ne gardait pas les salariés incompétents ;

— l’entretien du 20 juin 2014 entre M. X, M. C dans le bureau de M. E où se trouvait également M. D réunion qui a fortement déstabilisé le salarié (cf son mail du 4 août 2014) qui prétend ne pas avoir été informé de l’ordre du jour sans que l’employeur ne rapporte la preuve contraire et dont le but, selon le courrier de Mme A du 20 août 2014 était effectivement d’interroger le salarié sur son avenir au sein de l’entreprise.

Force est ainsi de constater que si des objectifs ont bien été effectivement fixés à M. X, ils ne l’ont été qu’à compter du 14 août 2014 et de manière unilatérale par l’employeur qui a également défini les délais dans lesquels ceux-ci devraient être atteints et organisé un suivi par Monsieur C et qu’ils ne se sont pas inscrits dans la demande d’aide qu’avait formalisée le salarié dans son courriel du 5 août 2014, celui-ci n’ayant pas bénéficié en 2014 de la formation 'Gestion du temps pour les collaborateurs non manager’ qui aurait été nécessaire au vu des remarques de sa hiérarchie, la formation précédente réalisée en 2013 intitulée 'Approfondir la connaissance de soi-même et des autres pour mieux travailler ensemble ' n’apparaissant pas pertinente au regard des critiques de son N+1 portant sur l’organisation de son temps de travail alors que contrairement aux écrits de l’employeur c’est à ce dernier qu’incombait l’obligation d’aider le salarié à s’adapter aux modification de son poste de travail en lui proposant des formations adaptées et non l’inverse.

La société ne produisant aux débats, ni document permettant à la Cour de vérifier le caractère réaliste des objectifs fixés par son employeur à M. X à une période où ce dernier, considérablement déstabilisé par les réunions des mois d’avril et juin 2014 présentait selon son médecin traitant un tableau anxio-dépressif chronique ni pièce établissant ainsi que la société WORDLINE l’affirme en page 3 de la lettre de licenciement que 'cette situation a porté fortement préjudice à la qualité des projets portés par l’entreprise et à votre équipe' aucune précision n’ayant été donnée quant au nombre de personnes travaillant sur ce projet ni l’organisation retenue, la Cour estime par réformation partielle du jugement entrepris que l’insuffisance professionnelle de M. X n’est pas établie en sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l’âge de M. X au moment de son licenciement (54 ans), de son ancienneté dans l’entreprise presque 14 ans, de son salaire mensuel brut (3.903,71 euros), de ses perspectives limitées de retrouver un emploi, en toute hypothèse après une période de chômage, il convient de fixer à la somme de 54.000 euros le montant de dommages-intérêts dus par la Société WORDLINE à ce dernier.

S’agissant des dommages-intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’exonération de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) porte sur le minimum légal des salaires des six derniers mois fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail, peu important que l’indemnisation ait été allouée par le juge sur le fondement de cet article ou sur celui de l’article L.1235-5 du même code, dans leur rédaction alors applicable, antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

En conséquence, il convient de rejeter la demande de M. X, qui bénéficie déjà de l’exonération sus-visée sur les sommes correspondant à six mois de salaire, tendant à ce que soit mises à la charge de la société WORDLINE les sommes dues au titre de la CSG et de la CRDS au-delà de cette même exonération.

Sur les intérêts :

Il doit être rappelé que les intérêts au taux légal courent à compter du présent arrêt s’agissant des dommages et intérêts en sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur X de sa demande de capitalisation des intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

La société WORDLINE est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et au paiement à Monsieur X d’une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Statuant publiquement par arrêt contradictoire :

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant débouté Monsieur X de ses demandes de licenciement nul en raison d’une discrimination liée à son âge et de capitalisation des intérêts au taux légal qui sont confirmées,

Statuant à nouveau :

Dit le licenciement de Monsieur I X dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société WORDLINE à payer à Monsieur X une somme de Cinquante quatre mille (54.000) euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rejette la demande de M. X tendant à ce que soit mises à la charge de la société WORDLINE les sommes dues au titre de la CSG et de la CRDS sur les dommages-intérêts alloués.

Rappelle que les intérêts au taux légal courent à compter du présent arrêt s’agissant des dommages et intérêts.

Y ajoutant ;

Condamne la société WORDLINE à payer à Monsieur X une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société WORDLINE aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

V.COCKENPOT V.K

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Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 27 septembre 2019, n° 17/01458