Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 29 novembre 2019, n° 19/01722

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. d salle 1, 29 nov. 2019, n° 19/01722
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 19/01722
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lille, 26 juin 2019, N° F17/00828
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

29 Novembre 2019

2006/19

N° RG 19/01722 -

N°Portalis DBVT-V-B7D-SQJL

VS/AC

RO

JOUR FIXE

Jugement rendu par le

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

27 Juin 2019

(RG F17/00828 – section 3)

GROSSE :

aux avocats

le

29/11/19

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANTE :

Madame I E K X

[…]

[…]

Représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI et assisté de Me C DENEUVILLE avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/19/008323 du 06/08/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉS :

M. A Z

[…]

[…]

Madame C Y

[…]

[…]

SAS AIS 2 dont le nom commercial est ACADOMIA

[…]

[…]

Représenté par Maître Patricia POUILLART, avocat au barreau de LILLE et assistée de Maître FAIRON, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l’audience publique du 03 Octobre 2019

Tenue par E F

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : K COCKENPOT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

E F

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

G H

: CONSEILLER

L M-N : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2019,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par E F, Président et par Charlotte GERNEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Statuant sur assignation à jour fixe.

Le 8 janvier 2015, Madame X a signé avec la société AIS 2 SAS, dont le nom commercial est Acadomia (dite société AIS 2 SAS ), un contrat de 'mandat enseignant'.

Elle a dispensé des cours à la fille de Madame C Y et de Monsieur A Z, particuliers employeurs, à partir du mois du 1er février 2016 jusqu’en août 2016.

Considérant qu’elle n’avait pas été remplie de ses droits et souhaitant faire requalifier le contrat de 'mandat enseignant’ en un contrat de travail à durée indéterminée et obtenir la résiliation judiciaire de celui-ci aux torts de la société AIS 2 SAS et à titre subsidiaire voir constater le caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement, Madame X a saisi le 19 septembre 2017 le Conseil de Prud’hommes de Lille.

Par jugement du 27 juin 2019, cette juridiction :

— a rejeté par application de l’article R.1453-5 du code du travail l’exception d’incompétence d’attribution formée in limine litis par la Société AIS 2 SAS dont le nom commercial est Acadomia ;

— s’est déclarée incompétente pour statuer sur le litige et les demandes présentées par Madame I X à l’encontre de la Société AIS 2 SAS dont le nom commercial est Acadomia ;

— s’est déclarée incompétente pour avoir à juger sur le litige et les demandes 'in solidum’ formulées par Madame X I à l’encontre de la Société AIS 2 SAS dont le nom commercial est Acadomia, Madame Y C et Monsieur Z A ;

— a laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais et dépens.

Le 26 juillet 2019, Madame X a interjeté appel par voie électronique des dispositions du jugement entrepris et le même jour a saisi le Premier Président de la Cour d’Appel d’une requête afin d’être autorisée à faire assigner à jour fixe les intimés par application des dispositions de l’article 85 du Code de Procédure Civile déposant le même jour ses conclusions d’appelante.

Par ordonnance du 1er août 2019, elle a été autorisée à faire assigner Monsieur A Z, Madame C Y, la SASU AIS 2 dont le nom commercial est Acadomia devant la chambre sociale pour l’audience du 5 septembre 2019, ce qu’elle a fait les 22 et 23 août 2019, ces dernières constituant avocat le 23 août 2019.

Le 5 septembre 2019, l’affaire a été contradictoirement renvoyée au 3 octobre 2019.

Aux termes de ses conclusions d’appelante récapitulatives transmises par voie électronique au greffe de la Cour le 2 octobre 2019 et auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Madame I X a demandé à la Cour de :

— déclarer recevable et bien fondé son appel ;

— d’infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Lille le 27 juin 2019 en ce qu’il s’est déclaré incompétent tant à l’égard de la Société AIS 2 SAS Acadomia que de Monsieur A Z et de Madame C Y pour statuer sur le litige ;

— dire que Madame X exerçait ses prestations d’enseignement pour le compte de la Société AIS 2 SAS Acadomia dans des conditions la plaçant dans un lien de subordination à l’égard de cette société ;

— dire que le Conseil de Prud’hommes de Lille est bien compétent pour connaître de la relation de travail existant à l’égard de la Société AIS 2 SAS ou à tout le moins subsidiairement à l’égard de

Monsieur A Z et Madame C Y et le cas échéant des parents et de la Société AIS 2 SAS en tant que co-employeurs de Madame I X ;

— renvoyer en conséquence l’affaire devant le Conseil de Prud’hommes de Lille pour connaître des demandes de Madame I X ;

— condamner les intimés in solidum aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

En substance, Madame X a soutenu qu’usant de tous les artifices pour recourir à des prestataires sous diverses qualifications juridiques afin d’éviter d’apparaître comme leur véritable employeur, la société Acadomia, dont une filiale, Formacad avait déjà été condamnée pour travail dissimulé, avait décidé de recourir au contrat de 'mandat enseignant ' via la société AIS 2 SAS afin d’éviter le salariat.

Or, le contrat de mandat qu’elle avait signé était en réalité un contrat de travail à durée indéterminée ainsi que l’examen des différentes clauses du document (clause de protection du portefeuille clients assimilable à une clause de concurrence illicite et clause de confidentialité) le mettaient en évidence, Madame X ne tirant aucun bénéfice de ce mandat, la représentation par le mandataire portant en l’espèce non sur des actes juridiques mais sur des actes matériels (l’établissement des bulletins de salaire) outre le caractère irrévocable dudit mandat.

La Société AIS 2 SAS qui intervenait dès la phase de recrutement par le biais d’offres d’emploi sélectionnant les dossiers de candidatures des futurs enseignants Acadomia et également durant l’exécution de la relation de travail en fixant le nombre d’heures de cours, l’enseignant n’ayant aucune liberté dans le contenu de l’enseignement et dans le suivi de ses élèves étant contraint de réaliser un bilan dès le 1er cours et de l’adresser à la société AIS 2 puis un bilan trimestriel, de renseigner un cahier de suivi, qui établissait la rémunération mensuelle après prélèvement d’un pourcentage ce qui démontrait que celle-ci n’était pas calculée par les parents pourtant censés être ses employeurs le versement du salaire étant en outre subordonné au strict respect préalable des directives, procédures ou délais imposés par la société Acadomia, laquelle s’immisçant dans la relation de travail était ainsi le véritable employeur de Mme X.

Suivant conclusions en réponse récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 2 octobre 2019, la Société AIS 2 SAS dont le nom commercial est Acadomia, Madame Y et Monsieur A Z ont demandé à la Cour :

A titre principal : contre la Société AIS 2 SAS :

A titre liminaire :

— infirmer le jugement rendu le 27 juin 2019 en ce qu’il a rejeté la demande de mise hors de cause de la Société AIS 2,

Statuant à nouveau :

— se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de Lille ;

En conséquence :

— mettre hors de cause la société AIS 2,

— débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes ;

A titre principal :

— confirmer le jugement rendu le 27 juin 2019 en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes présentées par Madame X à l’encontre de la société AIS 2 en l’absence de contrat de travail ;

— débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire :

Renvoyer l’affaire devant le Conseil de Prud’hommes à défaut, limiter les condamnations au paiement des sommes suivantes :

* indemnité de licenciement : 1 mois de salaire,

* indemnité de requalification : 1 mois de salaire,

* préavis : 1 mois de salaire,

* indemnité de congés payés sur préavis,

* dommages-intérêts : un mois de salaire

Débouter Madame X de ses demandes.

A titre subsidiaire : contre la société et les Consorts Z Y in solidum:

A titre principal :

— confirmer le jugement rendu le 27 juin 2019 en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes in solidum présentées par Madame X à l’encontre de la société AIS 2 SAS, Madame Y et Monsieur Z ;

En conséquence :

— débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

— déclarer irrecevables les demandes de Madame X à l’encontre des seuls consorts Y et Z ces demandes étant nouvelles en cause d’appel ;

En conséquence :

— débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire :

— renvoyer l’affaire devant le Conseil de Prud’hommes à défaut limiter les condamnations au paiement des sommes suivantes :

* indemnité de préavis : un mois de salaire,

* indemnité de congés payés sur préavis : 10%

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : un mois de salaire en l’absence de

préjudice ;

— débouter Madame X du surplus de ses demandes ;

A titre reconventionnel :

— condamner Madame X à verser la somme de 2.400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société AIS 2 SAS a indiqué qu’elle exerçait l’activité de soutien scolaire à domicile et a fait valoir que dans ce cadre, elle établissait tout à fait régulièrement deux mandats l’un au profit de l’enseignante et le second au profit des particuliers employeurs en application des dispositions des articles L.7231-1 du code du travail et D.7231-1 applicables aux activités de service à la personne.

Si elle proposait à leur demande des enseignants aux parents désireux de donner des cours de soutien scolaire à leurs enfants qui la mandataient en ce sens s’ils le souhaitaient pour établir les bulletins de salaire, l’enseignant était parfaitement libre de refuser les propositions de cours, de même s’agissant d’une activité de placement d’enseignant à domicile, la société AIS 2 n’intervenait ni dans le choix des horaires de cours, ni sur la nature de l’enseignement.

Madame X n’établissait nullement l’existence d’un lien de subordination caractérisant la relation de travail, puisqu’elle ne recevait aucune consigne de la Société AIS 2 pour appliquer une méthode d’enseignement spécifique, qu’il n’y avait ni contrôle sur la qualité de la prestation, ni sanction, que le paiement du salaire était automatique en fonction des heures réalisées et ne dépendait pas du respect de conditions préalables.

La société AIS 2 SAS, mandatée par les parents pour leur présenter un enseignant, réclamait effectivement le bulletin n°2 du casier judiciaire de l’enseignant et précisait que le recours aux outils pédagogiques 'Acadomia’ n’était pas obligatoire, le cahier de suivi évoqué par Madame X étant remis à la famille.

A titre subsidiaire, elle a précisé qu’à supposé établi l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée, il ne s’agissait pas d’un contrat à temps complet mais à temps partiel, que celui-ci n’était d’ailleurs pas rompu jusqu’en avril 2018 et qu’aucun manquement à ses obligations ne justifiait la demande de résiliation judiciaire formée par Madame X.

En l’absence de contrat de travail liant Mme X à la société AIS 2 SAS, la situation de co-emploi n’était pas caractérisée, l’enseignante ne pouvant ainsi solliciter une condamnation in solidum de la société et des particuliers employeurs.

Enfin, la demande que Madame X formait uniquement dans le dispositif à l’encontre des seuls parents était irrecevable en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile s’agissant d’une demande nouvelle formée en cause d’appel.

Sur ce :

Sur l’exception d’incompétence :

La Société AIS 2 SAS soutient que le Conseil de Prud’hommes de Lille aurait dû statuer sur l’exception d’incompétence formulée in limine litis qui devait conduire à sa mise hors de cause et qui avait fait l’objet d’un échange contradictoire entre les parties.

Cependant, au visa des dispositions de l’article R 1453-5 du code du travail prévoyant expressément que : 'lorsque les parties sont assistées d’un avocat elles sont tenues de formuler expressément leurs prétentions dans leurs conclusions…..le bureau de jugement ou la formation de référé ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif , la juridiction prud’homale a constaté que cette demande ne figurait pas dans le dispositif des conclusions déposées devant elle par la société AIS 2 SAS et que cette dernière ne justifiait pas d’un échange contradictoire sur ce point.

En cause d’appel, la Société AIS 2 SAS ne produit pas ses écritures de première instance et verse aux débats un mail 'officiel’ daté du 13 mars 2019 (pièce n°21) adressé à l’avocate de la partie adverse l’informant de son intention de tirer toutes conséquences de l’incompétence de la juridiction prud’homale soulevée in limine litis pour statuer sur la relation existant entre elles en vertu de l’article L.1411-1 du code du travail et de solliciter sa mise hors de cause.

Si un mail a bien été adressé par Maître Fairon, avocate de la société AIS 2 SAS à Maître Deneuville, avocate de Madame X son caractère contradictoire n’est pas établi en l’absence de justificatif d’un avis de réception et en tout état de cause, cette demande ne figurant pas dans le dispositif des conclusions de la société AIS 2 SAS, le conseil de Prud’hommes de Lille n’était pas saisi de cette dernière et n’avait pas à y répondre en sorte que les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté celle-ci est infirmé.

Sur la demande de Madame X formée à l’encontre de Madame C Y et de Monsieur A Z :

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En l’espèce, alors que Madame X n’a saisi la juridiction prud’homale d’aucune demande dirigée à l’encontre des seuls A Z et C Y sollicitant la condamnation à titre principal de la société AIS 2 SAS et à titre subsidiaire la condamnation in solidum de la société AIS 2 SAS, de Madame Y et de Monsieur Z, elle demande pour la première fois en cause d’appel de dire que le Conseil de Prud’hommes de Lille est bien compétent pour connaître de la relation de travail existant à l’égard de la société AIS 2 SAS, ou à tout le moins subsidiairement à l’égard de Monsieur Z et de Madame Z et le cas échéant à l’égard des parents et de la société AIS2 SAS en tant que co-employeurs de Madame X.

Indépendamment du fait que Madame X ne développe aucun moyen relatif à cette demande dans ses écritures, il convient en application de l’article 564 du code de procédure civile de constater que s’agissant d’une demande nouvelle, elle est irrecevable en cause d’appel.

Sur la nature du contrat signé entre Madame X et la Société AIS 2 SAS :

Il résulte de l’article L.7231-1 du Code du travail que les associations dont les activités concernent exclusivement les services rendus aux personnes physiques à leur domicile et dont l’objectif est le placement de travailleurs auprès de personnes physiques employeurs, ainsi que, pour le compte de ces dernières l’accomplissement des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales liées à l’emploi de ces travailleurs, remplissent en principe le rôle de mandataire, les personnes physiques étant les seuls employeurs des travailleurs.

En l’absence de définition légale, la jurisprudence considère qu’il y a contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération ce dont il résulte la nécessité de caractériser trois éléments :

— une prestation de travail ;

— une rémunération contrepartie de celle-ci ;

— un lien de subordination juridique, critère décisif , qui est l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En application des dispositions de l’article 1353 du code civil c’est à celui qui se prétend salarié de prouver le lien de subordination.

Contrairement aux allégations de Madame X, en application des dispositions légales ci-dessus rappelées, le soutien scolaire à domicile étant l’une des activités visées au 5° de l’article D.7231-1 du code du travail, la société AIS 2 SAS qui est déclarée au titre des services à la personne par arrêté préfectoral en date du 13 mars 2006 sous le n° SAP 483 820 080 (pièce n°7 de l’employeur) a parfaitement la possibilité d’exercer son activité en mode mandataire caractérisé par l’existence d’une relation tripartite :le particulier et l’enseignant étant lié par un contrat de travail, chacun d’eux étant lié par un mandat à la société AIS 2 SAS.

Aux termes du premier mandat, la société est chargée par le particulier employeur de réaliser pour son compte et en son nom l’ensemble des démarches administratives et de paiement liées à l’emploi d’un salarié à domicile, le second mandat conclu entre l’enseignant et la société missionnant celle-ci pour centraliser les salaires dus.

En l’espèce, Madame X a signé le 8 janvier 2015 un document intitulé mandat 'enseignant’ prévoyant en :

— son article 3 que l’enseignant est le salarié des parents d’élèves qui font appel à Acadomia, que l’enseignant mandate irrévocablement Acadomia pour assurer la centralisation des salaires ainsi que des indemnités de transports et des indemnités pédagogiques qui lui sont dus par les élèves présentés par celle-ci. Par ailleurs, les parents mandatent Acadomia pour régler pour leur compte les salaires ainsi que les indemnités de transport et les indemnités pédagogiques et remettre les fiche de paye aux enseignant ;

— son article 4 : le présent mandat ne créé aucun lien de subordination entre les parties. L’enseignant recevra exclusivement les directives concernant son travail directement de la part du particulier qui sera son employeur notamment en ce qui concerne les horaires, les programmes et les méthodes de cours qu’il sera amené à dispenser aux élèves qu’il aura choisis. L’enseignant assume l’entière responsabilité de ses activités sur le plan pédagogique.

La société AIS 2SAS produit aux débats le mandat signé de Madame C Y (pièce n°15) le 20 janvier 2016 qui mentionne en exergue qu’elle est 'l’employeur de son enseignant et qu’à ce titre, elle peut bénéficier d’une réduction d’impôt de 50%' et qu’elle doit appliquer la convention collective du particulier employeur et les dispositions du code du travail.

Les bulletins de salaire de février 2016 à juillet 2016 (pièces n°1 à 10 de l’appelante) mentionnent en qualité de particuliers employeurs Madame Y C demeurant à LILLE et Monsieur Z A demeurant à Marcq en Baroeul et si les deux attestations Pôle Emploi (pièces n°12 et 13) sont signées d’AIS 2 SAS, elles sont bien établies pour le compte des deux employeurs.

La rémunération de Madame X est effectivement réalisée à partir de la remise à la société AIS 2 SAS d’e-coupons (pièce n° 20 de la salariée) détaillant la rémunération nette horaire ainsi qu’il suit :

— primaire : 10,5 € à 12 € nets de l’heure,

— secondaire : 11,25 € à 16 € nets /heure

— supérieur : 19€ à 25,50 € nets/heure

Au vu de ces pièces, il ne peut être reproché à la société AIS 2SAS ni d’avoir procéder au recrutement de Madame X afin de la présenter à Monsieur Z et Mme Y ni d’établir les bulletins de salaire et les documents de fin de contrat en fonction des renseignements communiqués par les parents et par l’enseignante par le biais de la remise des e-coupons correspondant au nombre d’heures réalisées puisqu’elle a été mandatée à cette fin tant par les parents d’élèves que par l’enseignante.

Contrairement aux affirmations de Madame X, celle-ci qui terminait ses études de droit et souhaitait faire du soutien scolaire à domicile, avait un intérêt manifeste et évident à bénéficier du fichier clients de la Société AIS 2 SAS qui facilitait sa recherche de cours de soutien scolaire et il ne peut se déduire des articles 7 et 9 dudit mandat concernant la protection du portefeuille clients et la clause de confidentialité qu’elle a signées en connaissance de cause que ce faisant elle s’engageait dans une relation de travail avec cette société mais uniquement que cette dernière s’opposait à ce qu’elle fasse usage de ce fichier clients hors mandat.

Par ailleurs, l’examen des pièces produites établit que la société AIS 2 SAS n’ a pas imposé à Madame X ses horaires de cours, que si elle lui a adressé un tableau (pièce n°16 de l’intimée), il s’agit d’une synthèse établie en fonction des disponibilités de l’enseignante (pièce n°2 de l’intimée) et de celles des parents d’élèves récapitulant les heures de cours prévus.

En outre, elle est demeurée parfaitement libre d’accepter ou de refuser des élèves (pièces n°13 à 14b) et a donné des cours de soutien scolaire à d’autres élèves via la société AIS 2 SAS jusqu’au mois de mars 2018 (pièces n° 17 et 18 de l’intimée).

S’il lui a bien été remis un guide d’accueil (pièce n°16 à 16/10 de la salariée), sa lecture ne met en évidence aucune contrainte pédagogique à l’égard de l’enseignante s’agissant d’un rappel de règles élémentaires notamment de politesse et de ponctualité, aucune sanction n’étant édictée dans l’hypothèse d’un irrespect de celles-ci.

S’il est exact qu’il a été demandé à Madame X par la société AIS 2 SAS un bilan de premier cours (pièce n°22) lors de chaque première rencontre avec ses élèves, elle n’établit pas que le but était pour la société d’opérer un contrôle à son égard ou de lui interdire de recourir à ses propres outils pédagogiques alors qu’il résulte des pièces qu’elle verse aux débats que ce bilan était destiné à évaluer'la durée de la période d’accompagnement (de l’enseignant auprès de l’enfant) nécessaire pour générer les résultats attendus '(pièce n°22) quant au bilan trimestriel qui fait également partie des documents proposés par la société AIS 2, Madame X n’établit ni son caractère contraignant, ni les conséquences à son encontre d’un éventuel défaut d’élaboration.

Enfin, le cahier de suivi est un document destiné à être remis aux parents afin de leur permettre de suivre les progrès de leur enfant.

Ainsi, Madame X n’établit pas avoir été contrainte de recourir à la documentation remise par la société AIS2 SAS dont le contenu n’était d’ailleurs pas pédagogique et avoir été ainsi privée de la liberté d’élaborer le contenu des enseignements qu’elle dispensait à des élèves qu’elle choisissait. Elle a organisé son travail en fonction de ses propres contraintes et de celles des parents d’élèves et ne rapporte pas la preuve d’une immixtion de la société AIS 2 SAS dans la relation de travail la liant aux parents d’élèves.

Ce faisant, ainsi que l’a exactement relevé la juridiction prud’homale, elle n’établit pas l’existence d’un lien de subordination avec la société AIS 2 SAS en sorte que le contrat la liant à cette entreprise étant bien un mandat et non un contrat de travail, il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant constaté l’incompétence d’attribution du Conseil des Prud’hommes de Lille

pour statuer tant sur les demandes de Madame X à l’encontre de la Société AIS 2 SAS que sur celles dirigées in solidum contre cette même société, Madame Y et Monsieur Z.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les dispositions du jugement entrepris ayant laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens sont confirmées.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la société AIS 2 SAS sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame X qui succombe en cause d’appel supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement :

Déclare irrecevable car nouvelle en cause d’appel la demande de Madame X formée à l’encontre de Madame C Y et de Monsieur A Z.

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception de celle ayant refusé de prononcer la mise hors de cause de la AIS 2 SAS qui est infirmée ;

Statuant à nouveau :

Constate que le Conseil de Prud’hommes de Lille n’était pas saisi par la société AIS 2 SAS de l’exception d’incompétence d’attribution ;

Y ajoutant :

Déboute la société AIS 2 SAS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Madame X aux entiers dépens.

Le greffier Le Président

C.GERNEZ V.F

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