Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 15 avril 2021, n° 18/04332

  • Caisse d'épargne·
  • Prévoyance·
  • Déchéance du terme·
  • Prêt·
  • Crédit·
  • Nullité du contrat·
  • Solde·
  • Intérêt·
  • Contrats·
  • Montant

Chronologie de l’affaire

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Jérôme Lasserre Capdeville · L'ESSENTIEL Droit bancaire · 1er juin 2021
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 8 sect. 1, 15 avr. 2021, n° 18/04332
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 18/04332
Décision précédente : Tribunal d'instance de Cambrai, 30 mai 2018, N° 11-17-0451
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 15/04/2021

N° de MINUTE : 21/474

N° RG 18/04332 – N° Portalis DBVT-V-B7C-RXVS

Jugement (N° 11-17-0451) rendu le 31 mai 2018

par le tribunal d’instance de Cambrai

APPELANTE

Sa Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Normandie agissant par son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

Madame Y X

née le […] à […]

[…]

Représentée par Me Marine Ramette, avocat au barreau de Cambrai

DÉBATS à l’audience publique du 18 novembre 2020 tenue par Dominique Duperrier magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Mme Dominique Duperrier, président de chambre

Mme Hélène Billières, conseiller

Mme Pauline Mimiague, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021 après prorogation du délibéré du 21 janvier 2021 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Duperrier, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 29/10/2020

Suivant offre préalable acceptée le 25 juillet 2013, la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie a consenti à Mme Y X un regroupement de crédits d’un montant de 35 500 euros, remboursable en 97 échéances mensuelles, au taux d’intérêts de 8,03 % l’an.

Des échéances étant demeurées impayées, la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie a, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er juin 2017, mis en demeure Mme X de lui payer sous huit jours, la somme de 2 163,04 euros, puis par lettre en date du 21 jun 2017, a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure Mme X de lui payer la somme de 23 957,52 euros.

Par acte d’huissier délivré le 15 juillet 2017, la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie a assigné Mme X à comparaître devant le tribunal d’instance de Cambrai afin de la voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, condamner à lui payer les sommes de 23 957,52 euros avec intérêts au taux de 8,03 % sur le capital restant dû de 21 413,92 euros à compter du 1er juin 2017, et de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement contradictoire rendu le 31 mai 2018, le tribunal d’instance a :

— déclaré non acquise la déchéance du terme du contrat de prêt,

— prononcé la nullité du contrat,

— condamné Mme X à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie la somme de 14 122,34 euros correspondant au solde des sommes lui restant dues,

— condamné la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie à payer à Mme X la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— ordonné la compensation des sommes dues et dit que la somme restant due par Mme X portera intérêts au taux légal à compter de la décision,

— dit que les paiements effectués par Mme X s’imputeront par priorité sur le capital,

— autorise Mme X à se libérer de sa dette en 23 versements mensuels égaux, la dernière échéance étant représentative du solde restant dû,

— condamné la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie à payer à Mme X la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— condamné la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie aux dépens.

Suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 25 juillet 2018, la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie a relevé appel de l’ensemble des chefs du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 octobre 2020, la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie demande à la cour de :

— réformer le jugement en toutes ses dispositions,

— débouter Mme X de l’intégralité de ses prétentions,

— constater qu’elle justifie avoir envoyé à Mme X une lettre de mise en demeure datée du 1er juin réceptionnée le 07 juin 2017, la mettant en demeure de régler sous huitaine les échéances impayées à défaut de poursuites, puis une seconde valant également déchéance du terme par lettre recommandée datée du 21 juin réceptionnée le 24 juin 2015,

— à défaut, dire et juger que la délivrance de l’assignation en paiement à Mme X par exploit d’huissier vaut mise en demeure, la déchéance du terme étant alors acquise à la date de la délivrance de l’exploit,

— en conséquence, dire la déchéance du terme acquise,

— à défaut, prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de Mme X à ses obligations contractuelles,

— dire et juger que la nullité du contrat de prêt de regroupement de crédits objet de la présente instance n’est nullement encourue,

— condamner Mme X à lui payer la somme de 23 957,52 euros se décomposant comme suit :

— capital restant dû : 21 413,92 euros

— mensualités échues et impayées : 2 543,60 euros

— intérêts au taux de 8,03 % l’an

courus et à courir à compter du 01/06/2017

jusqu’à parfait règlement : mémoire

à titre subsidiaire, si la nullité du contrat était confirmée :

— condamner Mme X à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie la somme de 14 122,34 euros correspondant au solde des sommes lui restant dues,

en tout état de cause :

— constater dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute ni aucun manquement à ses obligations dans l’octroi du prêt personnel de regroupement de crédits litigieux,

— constater dire et juger que la preuve d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la prétendue faute de la caisse d’épargne et le préjudice invoqué non justifié de Mme X n’est nullement rapportée par cette dernière,

— débouter Mme X de sa demande en paiement de dommages et intérêts à ce titre,

— condamner Mme X au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Deffrennes,

en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écriture notifiées par voie électronique le 27 octobre 2020, Mme X demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

— déclaré non acquise à la date de l’assignation la déchéance du terme du contrat de prêt au profit de la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie,

— prononcé la nullité du contrat de regroupement de crédit conclu le 25 juillet 2013,

— retenu la responsabilité délictuelle de la la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie,

— dit que les paiements effectués par elle s’imputeront par priorité sur le capital,

— l’a autorisée à se libérer par 23 versements mensuels égaux, la dernière échéance étant représentative du solde dû,

— condamné la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance,

— réformer le jugement déféré en ce qu’il a :

— fixer le montant des dommages et intérêts à la somme de 6 000 euros,

statuant à nouveau :

à titre principal :

— condamner la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice,

— confirmer les délais de paiement accordés par le premier juge,

— dire toutefois que la première mensualité devra intervenir 20 jours après la notification de l’arrêt,

à titre subsidiaire, si la nullité n’était pas prononcée :

— constater le manquement de la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie aux articles L 312-16 et L312-17 (anciens L 311-9 et L311-10 du code de la consommation),

— prononcer la déchéance de la totalité des intérêts,

— dire que le montant des échéances échues et impayées sera recalculé soustraction faite des intérêts,

— condamner la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie à imputer le montant des intérêts effectivement perçus, productifs d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, sur le montant des échéances échues et impayées hors intérêt, et sur le montant du capital restant dû, et ce sans possibilité pour la banque de se prévaloir d’une quelconque indemnité pour remboursement anticipé,

— constater la mise en jeu de sa responsabilité tant contractuelle que précontractuelle de la banque,

— en conséquence, condamner la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice subi,

— ordonner la compensation des sommes dues et dire que la somme restant due par elle portera intérêts au taux légal à compter de la décision,

— l’autoriser, en vertu des anciens articles 1244-1 et 1244-2 du code civil et de l’article L 314-20 du code de la consommation à se libérer en 23 versements mensuels égaux, la dernière étant représentative du solde dû,

— dire que les paiements effectués par Mme X s’imputeront par priorité sur le capital,

— dire que la première échéance devra intervenir 20 jours après la notification du présent jugement (sic) et qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à son terme le solde deviendra exigible 15 jours après mise en demeure adressée par courrier recommandée avec accusé de réception et restée infructueuse,

en tout état de cause :

— débouter la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie de l’intégralité de ses moyens, fins et prétentions,

— condamner la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie aux entiers dépens, y compris ceux d’appel.

L’ordonnance de clôture, initialement fixée au 29 octobre 2020, a été rendue le jour de l’audience avant les plaidoiries pour permettre à Me Deffrennes de répliquer aux conclusions adverses notifiées le 27 octobre 2020.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.

Motifs de la décision

Les articles du code de la consommation cités dans le présent arrêt sont ceux en vigueur à la date de souscription du prêt.

Sur la validité du contrat :

Le premier juge a prononcé la nullité du contrat de crédit à raison de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 311-14 du code de la consommation.

La Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie ne conteste pas avoir versé les fonds le 30 juillet 2017 alors que le contrat a été signé et accepté le 25 juillet 2013, soit en deça du délai de sept jours prévu et soutient que le texte visé ne prévoit aucune sanction.

En application de l’article L. 311-14 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.

Il en résulte que c’est à bon droit que le premier juge a, compte tenu des règles de computation des délais calculés en jours, considéré que le déblocage des fonds le 30 juillet 2013 était intervenu en deçà du délai imposé par cette disposition étant ajouté par la cour que le contrat est nul en application de l’article 6 du code civil, qui sanctionne par la nullité le non-respect des règles d’ordre public dont relève la disposition précitée.

Le jugement est confirmé sur ce point ainsi que sur le montant restant dû à la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie à hauteur de 14 122,34 euros au titre de ce prêt.

Sur la demande de dommages et intérêts :

C’est à l’issue d’une étude attentive et exhaustive des moyens et pièces produites aux débats, et d’une application exacte des règles de droit, par motifs exempts d’insuffisance auxquels il convient de se reporter et que la cour adopte, que le premier juge a constaté notamment qu’en accordant à Mme X, qui possédait plusieurs comptes en ses livres et remboursait notamment un prêt immobilier,

la banque a permis au taux d’endettement de passer de 45 % à 40 %, encore au-delà du taux d’endettement généralement admis à un tiers des revenus dont dispose l’emprunteur d’une part et d’autre part, d’abaisser le montant total des échéances ; toutefois, la durée des remboursements a été allongée de deux années avec un taux de 8,03 % supérieur au taux le plus élevé des crédits regroupés (7,470 %), de sorte que pour un crédit de 35 500 euros, remboursable en 97 échéances mensuelles (au lieu de 73 échéances maximum pour le prêt le plus long), au taux d’intérêts nominal de 8,03 % l’an le coût réel s’établit de l’opération s’établit à 46 151,96 euros, étant observé au surplus que l’ensemble des prêts regroupés a été souscrits auprès de la société Caisse d’Epargne.

Cette opération de regroupement de crédits a par conséquent aggravée la situation financière de l’emprunteuse.

La banque a ainsi manqué à son devoir de loyauté et de mise en garde puisqu’en réalité, le regroupement de crédits accordé à Mme X a eu pour unique fonction de prolonger artificiellement la situation précaire de cette dernière et de retarder la survenue d’un défaut de paiement, inéluctable en raison du taux d’endettement constaté par la banque, l’opération étant manifestement au désavantage de l’emprunteuse puisque plus onéreuse.

Mme X demande à la cour d’élever cette indemnité à hauteur de 15 000 euros.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a condamné la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie à payer à Mme X la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice résultant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde laquelle somme est de nature à compenser son préjudice financier tel qu’il ressort des pièces produites aux débats.

Sur la demande de délais de paiement

En application de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.Il appartient au débiteur qui sollicite un tel délai d’apporter des éléments de preuve concernant sa situation financière, à savoir notamment ses revenus et ses charges prévisibles, éléments permettant de penser raisonnablement qu’il est en capacité de régler l’intégralité de sa dette dans le délai proposé. Il convient également de tenir compte du montant et de l’ancienneté de la dette et des efforts déjà accomplis pour l’honorer.

L’intimée justifie percevoir l’allocation de retour à l’emploi d’un montant mensuel de 1 652 euros ainsi que les allocations familiales d’un montant mensuel de 131,55 euros, et précise dans ses conclusions percevoir une pension alimentaire pour un enfant de 200 euros par mois, ainsi que 24

euros de droits de gendarmerie. Elle justifie de charges courantes mensuelles à hauteur de 1 106 euros, dont un loyer de 781,60 euros ainsi qu’un versement mensuel de 200 euros en règlement d’une dette restant due après la saisie immobilière de son habitation principale.

Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux délais de paiement accordés à Mme X.

Le premier juge a omis de fixer le montant des échéances de remboursement ; il convient de les fixer à 100 euros par mois, la dernière portant le solde restant dû.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

La Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie, partie perdante en cause d’appel, est condamnée aux dépens d’appel et à payer à Mme X, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile. Il n’y a pas lieu à distraction des dépens au profit de Me Deffrennes, avocat.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Fixe à 100 euros par mois, le montant des 23 échéances de remboursement, la vingt-quatrième comportant le solde de la somme restant due ;

Condamne la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie à payer à Mme Y X la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la Caisse d’épargne et de prévoyance de Normandie aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

G. Przedlacki D. Duperrier

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 15 avril 2021, n° 18/04332