Cour d'appel de Douai, Referes, 28 novembre 2022, n° 22/00116

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, réf., 28 nov. 2022, n° 22/00116
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 22/00116
Importance : Inédit
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Date de dernière mise à jour : 3 décembre 2022
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Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

C O U R D ' A P P E L D E D O U A I

RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 28 NOVEMBRE 2022

N° de Minute : 114/22

N° RG 22/00116 – N° Portalis DBVT-V-B7G-URSV

DEMANDERESSE :

S.A. CREDIT DU NORD

dont le siège social est [Adresse 3]

[Localité 6]

ayant pour avocat Me Caroline CHAMBAERT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEURS :

Monsieur [K] [U]

né le [Date naissance 1] 1977

demeurant [Adresse 4]

[Localité 5]

Madame [X] [Y] épouse [U]

née le [Date naissance 2] 1982

demeurant [Adresse 4]

[Localité 5]

ayant pour avocat Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de Douai et Me Justine CORDONNIER, avocat au barreau de Lille

PRÉSIDENTE : Hélène CHATEAU, prmeière présidente de Chambre désignée par ordonnance pour remplacer le Premier Président empêché

GREFFIER : Cathy LEFEBVRE à l’audience

Christian BERQUET au prononcé

DÉBATS : à l’audience publique du 31 octobre 2022

Les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le vingt huit novembre deux mille vingt deux, date indiquée à l’issue des débats, par Hélène CHATEAU, Présidente, ayant signé la minute avec Christian BERQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

116/22 – 2ème page

Suivant acte reçu par Maître [P] [M], notaire au sein de la SELARL Office notarial de la Madeleine, en date du 31 janvier 2020, la SA Crédit du Nord a consenti à M. [K] [U] et à Mme [X] [Y], ci-après les époux [U], un prêt immobilier d’une somme totale de 378 349 euros, après qu’ils aient accepté les trois offres de prêts Libertimmo émises le 17 décembre 2019 par le Crédit du Nord acceptées le 30 décembre 2019 par les époux [U], pour des montants respectifs de 214 428 euros, 70 000 euros et 93 921 euros.

Cet acte comporte en annexe, faisant partie intégrante de la minute, les conditions générales applicables aux prêts immobiliers, signées par les époux [U] qui prévoient en leur article 9.1 une clause selon laquelle le prêt en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendra de plein droit exigible par anticipation, quinze jours après réception d’une mise en demeure par lettre avec avis de réception restée sans effet dans l’un des cas suivants :

…. fourniture de renseignements substantiellement inexacts sur la situation de l’emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur.

Interrogé par un autre établissement bancaire quant à l’authenticité des relevés de compte de M. [U] dans les livres du Crédit du Nord produit à cet établissement bancaire par M. [U] dans le cadre d’une demande de financement, le Crédit du Nord indique avoir constaté que ces relevés de compte avaient été modifiés et falsifiés au regard de certaines écritures et a déposé plainte en usage de faux le 25 juin 2021 et avoir effectué des vérifications complémentaires relativement aux justificatifs produits en 2019 par les époux [U] à l’appui de leur demande de prêts.

Le 2 août 2021, la SA Crédit du Nord adressait une lettre avec avis de réception tant à M. [U] qu’à Mme [Y], les mettant en demeure d’apporter les explications nécessaires sur le fait qu’ils avaient remis de faux documents lors de leur demande de prêt à savoir :

— relevés de compte ouvert au nom de M. et Mme [U] dans les livres du Crédit agricole pour les mois de juin à août 2019,

— bulletin de salaire de Mme [U] du mois de juillet 2019,

— bulletin de salaire de M. [U] du mois d’août 2019.

M. [U] répondait le 12 août 2021 que :

— les documents fournis n’étaient pas des faux,

— la banque avait eu cinq mois pour les examiner, sans qu’elle ne décèle aucun problème,

— il était surpris de recevoir un tel courrier alors même que les échéances des prêts étaient réglées sans aucun retard,

— la SA Crédit du Nord avait violé le secret bancaire auprès du Crédit Mutuel,

— il souhaitait poursuivre le remboursement des mensualités du prêt par virements bancaires, puisqu’il ne possédait plus de compte auprès de leur établissement,

— il envisageait de rembourser par anticipation les prêts détenus dans leur établissement, la relation de confiance étant rompue du fait du manquement au secret professionnel, son bien étant mis en vente et la vente devant couvrir les sommes restant dues.

La SA Crédit du Nord a, par lettres avec avis de réception datées du 13 septembre 2021 prononcé la déchéance du terme et a mis en demeure M. [K] [U] et Mme [X] [U], de régler sans délai la somme de 353 784,74 euros, les informant qu’à défaut de règlement sous huit jours, elle procéderait au recouvrement des sommes par voie judiciaire.

Le 4 mars 2022 à 12h25mn48s, la SA Crédit du Nord faisait pratiquer une saisie attribution de l’ensemble des comptes ouverts au nom de Mme [X] [Y] épouse [U] auprès du Crédit Lyonnais, sur la base de l’acte notarié reçu par Maître [M] le 31 janvier 2020 pour avoir paiement de la somme de 356 065,87 euros et dénonçait cette saisie-attribution aux époux [U] le 9 mars 2022.

Par acte d’huissier du 28 mars 2022, les époux [U] ont fait assigner la SA Crédit du Nord devant le juge de l’exécution de Lille afin à titre principal de dire nulle et de nul effet la saisie attribution, d’en ordonner la mainlevée de cette saisie-attribution, à titre subsidiaire, d’en suspendre les effets dans l’attente de la décision du tribunal judiciaire de Lille saisi d’une instance en contestation de la mise en 'uvre de la clause de déchéance des prêts immobiliers et de surseoir à statuer dans l’attente de cette décision.

Par jugement en date du 12 septembre 2022, le juge de l’exécution de Lille a :

— écarté les moyens d’irrecevabilité soulevés par les parties,

— ordonné aux frais du créancier la mainlevée de la saisie attribution litigieuse,

116/22 – 3ème page

— rejeté la demande de dommages et intérêts formée par les époux [U],

— condamné la SA Crédit du Nord à payer aux époux [U] une somme de mille euros d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SA Crédit du Nord aux dépens.

La SA Crédit du Nord a par acte d’huissier du 10 octobre 2022, fait assigner en référé Mme [X] [Y] épouse [U] et M. [K] [U] devant le premier président de la cour d’appel de Douai afin au visa des articles R 121-22 et L 211-1 et suivant du code des procédures civiles d’exécution qu’il soit jugé qu’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour, et en conséquence prononcer le sursis à exécution de la décision du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lille du 12 septembre 2022 jusqu’à la décision de la cour d’appel de Douai et condamner les époux [U] à lui payer la somme de 1000 euros d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile en plus des dépens.

A l’audience du 31 octobre 2022 à laquelle l’affaire a été retenue,

La SA Crédit du Nord, représentée par son conseil a maintenu ses demandes au motif que :

— le jugement est nul pour avoir requalifié en demande de mainlevée, l’action engagée par les époux [U] qui avaient sollicité la nullité de la saisie-attribution, et ce sans même respecter les dispositions de l’article 16 du code de procédure civile, et le principe du contradictoire,

— le jugement devra être réformé en ce qu’il a commis une erreur d’appréciation de la preuve de la fraude, alors que le juge a omis de retenir qu’elle avait produit un écrit attestant du caractère falsifié des relevés de compte remis, en plus des anomalies sur les fiches de paie,

— le jugement devra être réformé en ce que la dette est exigible au regard de la régularité de la déchéance du terme, laquelle n’est pas contestée, le caractère fautif de l’exercice de cette faculté ne pouvant être sanctionné que par l’allocation de dommages et intérêts.

Les époux [U], représentés par leur conseil, demandent, au visa des articles L 111-2, L111-7 et L 121-2, 222-1 et R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution, 122 du code de procédure civile, de :

— débouter la SA Crédit du Nord de sa demande visant à constater l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée,

— débouter la SA Crédit du Nord de sa demande de sursis à exécution de la décision du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lille du 12 septembre 2022,

— condamner la SA Crédit du Nord à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l’article R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution,

— condamner la SA Crédit du Nord à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la demande de sursis à exécution

L’article R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution.

Cet article prévoit que : «'en cas d’appel, un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier président de la cour d’appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s’il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu’au jour du prononcé de l’ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n’a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.

Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.

L’auteur d’une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d’un montant maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.

La décision du premier président n’est pas susceptible de pourvoi.'»

En l’espèce, la SA Crédit du Nord aurait du justifier de ce qu’elle avait bien formé appel de la décision rendue le 12 septembre 2022 par le juge de l’exécution de Lille dans le litige qui l’oppose aux époux

116/22 – 4ème page

[U]. Or, à aucun moment dans son assignation du 10 octobre 2022, elle ne précise la date à laquelle elle a formé appel de cette décision et ne verse pas aux débats l’acte d’appel.

Toutefois, dans la mesure où les époux [U] indiquent dans leurs conclusions remises à l’audience que ce jugement a fait l’objet d’un appel, même si eux non plus n’en précisent la date et qu’ils ne versent pas aux débats cet acte d’appel, la présente juridiction considère qu’est remplie la première condition d’application de l’article R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution à savoir l’existence d’un acte d’appel par la SA Crédit du Nord à l’encontre de la décision rendue le 12 septembre 2022 par le juge de l’exécution de Lille dans le litige qui l’oppose aux époux [U].

Sur le bien fondé de la demande de sursis à exécution

Doit donc être considéré comme 'moyen sérieux d’annulation ou de réformation’ au sens de l’article précité, le moyen qui, en violation évidente et manifeste d’un principe fondamental de procédure, ou d’une règle de droit, serait inéluctablement et sans contestation sérieuse sur le fond, retenu par la cour d’appel comme moyen d’infirmation de la décision de première instance.

a. Sur la demande fondée sur la nullité du jugement

La SA Crédit du Nord fait grief au premier juge d’avoir requalifié l’action en nullité de la saisie attribution formée par les époux [U] en action en mainlevée, et ce sans même avoir soumis cette requalification au principe du contradictoire.

Sur ce,

Il est exact qu’après avoir considéré comme fondée la mainlevée de la saisie-attribution au motif que la SA Crédit du Nord ne justifiait pas d’une créance née de l’exigibilité anticipée de l’emprunt litigieux pour fonder la saisie attribution, le premier juge a ajouté que cette mainlevée étant assimilée à la demande de nullité de l’acte formée par les consorts [U] et qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur ses chefs surabondants.

La présente juridiction constate toutefois que :

les époux [U] avaient sollicité tant dans leur assignation que dans les conclusions prises devant le juge de l’exécution de dire et juger nulle et de nul effet la saisie attribution du 4 mars 2022 et d’en prononcer la mainlevée, en l’absence de titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

le juge de l’exécution de Lille a bien motivé sa décision sur l’absence de créance née de l’exigibilité anticipée de l’emprunt litigieux et a ordonné la mainlevée de la saisie attribution, laquelle était bien sollicitée.

Au vu de ces éléments, le moyen soulevé par la SA Crédit du Nord pour obtenir la nullité du jugement n’apparaît pas un moyen sérieux.

b. sur les moyens sérieux de réformation du jugement

La SA Crédit du Nord reproche au premier juge une erreur d’appréciation sur l’offre de preuve dans la mesure où il n’a pas tenu compte dans sa motivation de ce qu’elle justifiait de la falsification des relevés de compte du Crédit agricole.

Sur ce,

Il est exact que le premier juge ne liste pas au titre des pièces versées aux débats par la SA Crédit du Nord à l’appui de son allégation de fraude des époux [U], le courriel du Crédit agricole du 21 juillet 2021, alors même qu’il justifie qu’il l’avait versé aux débats, dès lors que cela correspondait à sa pièce n°6 visées en page 20 de ses conclusions sous l’appellation : «'liste des pièces communiquées'».

Toutefois, la juridiction note que ce courriel de Mme [A] [B] sécurité financière du Crédit agricole Nord de France du 21 juillet 2021 adressé à M. [S] [Z], CDN/ région Nord de France, objet : RDC CRCA.[U] [K] suspension fraude, rédigé ainsi «'je te confirme que les relevés ont été falsifiés : les soldes de départ et de fin de période ne sont pas les mêmes'» est trop sibyllin pour en conclure que le défaut de prise en compte de cet élément par le premier juge constituerait un moyen sérieux d’obtenir la réformation de la décision, pour erreur manifeste d’appréciation, alors même que la SA Crédit du Nord doit rapporter la preuve de renseignements nécessaires à sa prise de décision substantiellement inexacts sur la situation de l’emprunteur.

116/22 – 5ème page

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il ne sera pas fait droit à la demande d’arrêt d’exécution provisoire de la décision du juge de l’exécution de Lille du 12 septembre 2022

Sur les demandes accessoires

La SA Crédit du Nord partie perdante sera condamnée aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile et sera condamnée à payer mille euros d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile.

Il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts formée par les époux [U] sur le fondement de l’article R L’article R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution, dès lors que si la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision du juge de l’exécution de Lille du 12 septembre 2022 vient d’être jugée mal fondée, la preuve qu’elle était manifestement abusive n’est pas rapportée.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable mais mal fondée la demande formée par la SA Crédit du Nord en arrêt de l’exécution provisoire de la décision du juge de l’exécution de Lille du 12 septembre 2022,

Déboute les époux [U] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la SA Crédit du Nord aux dépens de la présente instance,

Condamne la SA Crédit du Nord à payer à M. [K] [U] et à Mme [X] [Y] la somme de mille euros d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

C. BERQUET H. CHÂTEAU

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