Cour d'appel de Grenoble, 3 décembre 2013, n° 11/04135

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 3 déc. 2013, n° 11/04135
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 11/04135
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 4 septembre 2011, N° 10/1230

Sur les parties

Texte intégral

S.A

RG N° 11/04135

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MARDI 03 DECEMBRE 2013

Appel d’une décision (N° RG 10/1230)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 05 septembre 2011

suivant déclaration d’appel du 20 Septembre 2011

APPELANTE :

Madame M E

XXX

XXX

Comparante et assistée de Me Pierre JANOT, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/008573 du 22/11/2011 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEE :

Association AREPI-L’ETAPE, prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Comparante en la personne de Monsieur K A, directeur de l’association et assisté de Me David BALLY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Philippe ALLARD, Président,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller

Madame Stéphanie ALA, Vice Présidente placée,

DEBATS :

A l’audience publique du 22 Octobre 2013

Madame Stéphanie ALA, Vice Présidente placée, chargée du rapport, et Monsieur Philippe ALLARD, Président, assistés de Monsieur Hichem MAHBOUBI, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 03 Décembre 2013, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 03 Décembre 2013.

RG N°11/04135 S.A

EXPOSE DU LITIGE

L’association l’ETAPE a pour objet social l’accueil, l’hébergement et la réinsertion d’adultes en grande difficulté sociale.

Son activité est répartie en quatre services :

— le CHRS le Cotentin ou l’Etape (siège social) : centre d’hébergement et de réinsertion sociale ;

— la Halte pour la famille en CHRS ;

— la Halte Soin Santé : soins, hébergement temporaire et accompagnement social de personnes sans domicile fixe ;

— un atelier d’insertion à la vie active.

La convention collective applicable est celle des établissements privés d’hospitalisation de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.

Madame M E a été embauchée du 22 juin 1993 au 27 juin 1994 par contrat emploi solidarité en qualité d’employée de bureau.

Elle a été embauchée par l’Etape par contrat à durée déterminée du 30 juin 1997, en qualité d’aide comptable, catégorie C groupe 6A, échelon 5, coefficient 334. Il a été suivi d’un second contrat à durée déterminée signé le 1er août 1997.

A partir du 1er octobre 1997, elle a été embauchée en contrat à durée indéterminée en qualité d’aide comptable, à temps partiel à hauteur de 88 heures par mois et avec le même positionnement.

Par avenant du 7 novembre 1997, elle a été embauchée en qualité d’aide comptable afin de compléter son mi-temps aux fonctions de commis administratif coefficient 334.

Un nouvel avenant a été signé le 19 février 2001 par lequel elle a de nouveau été affectée au poste de commis administratif. Son temps de travail a été ainsi réparti :

—  104 heures en qualité d’aide comptable à l’Etape ;

—  46,34 heures par mois en qualité de commis administratif à l’Etape ;

Par la suite, son temps de travail a été réparti ainsi : 105,33 heures pour les fonctions d’aide comptable, 46,34 heures pour celles de commis administratif le tout correspondant à un temps plein.

Le 15 décembre 2003, Madame E a été désignée déléguée syndicale par la CGT. Elle est devenue déléguée syndicale à compter du 11 février 2004.

Elle a été élue déléguée du personnel le 24 avril 2005. Son mandat a pris fin le 13 octobre 2011.

Par avenant du 27 novembre 2006, les fonctions et horaires de Madame E ont été ainsi définis :

— au sein de l’établissement LA HALTE mardi, mercredi et vendredi matin soit 19 heures par semaine : secrétariat, plannings, saisie de données, tenue de caisse, décaissement, accueil et accueil téléphonique ;

— au sein de l’établissement l’Etape lundi et jeudi 16 heures par semaine : aide comptable.

Madame E a été en arrêt maladie en 2010, elle a repris à temps partiel thérapeutique à compter du mois de novembre 2011.

Au jour de l’audience, elle est en arrêt maladie.

Le 23 juillet 2010, Madame E a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble afin de demander des dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale.

Elle a introduit une nouvelle instance prud’homale le 5 octobre 2010 afin d’être classée au coefficient 439 de la convention collective et obtenir des rappels de salaire et dommages et intérêts.

Par jugement du 5 septembre 2011, le conseil de prud’hommes de Grenoble a :

— ordonné la jonction des instances ;

— débouté Madame E de l’intégralité de ses demandes ;

— laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception des 7 et 8 septembre 2011. Madame E a relevé appel par déclaration au greffe du 20 septembre 2011.

Le 29 mai 2012, l’association AREPI et l’association l’ETAPE ont signé un traité de fusion- absorption pour devenir d’association AREPI-ETAPE.

L’association ainsi créée vient aux droits de l’association l’ETAPE.

Madame E, appelante, conclut à la réformation du jugement entrepris.

Elle demande :

— qu’il soit considéré elle est victime de discrimination syndicale ;

— qu’elle soit être positionnée au coefficient 439 de la convention collective, ou à défaut au coefficient 392 de la convention collective à compter de la présente décision ;

— qu’il soit considéré elle est victime de harcèlement moral ;

— que l’association AREPI-L’ETAPE soit condamnée à lui verser les sommes de :

—  100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

—  100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

—  2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ainsi qu’à supporter la charge des entiers dépens.

L’association AREPI-L’ETAPE, intimée, conclut à la confirmation de la décision entreprise et au rejet de l’ensemble des prétentions de Madame E.

Reconventionnellement, elle réclame sa condamnation à lui verser les sommes de :

—  5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

—  5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

ainsi qu’à supporter la charge des entiers dépens.

DISCUSSION

Attendu que, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux écritures déposées et soutenues à l’audience ;

— Sur la discrimination

Attendu que dans le corps de ses conclusions Madame E fait état de discrimination syndicale ;

que pour autant elle ne vise pas les dispositions spécifiques de l’article L. 2141-5 du code du travail mais celles plus générales de l’article L. 1132-1 du même code ;

que par ailleurs elle a exercé cumulativement des mandats de déléguée du personnel et de déléguée syndicale ;

qu’en conséquence, et en application de l’article 12 du code de procédure civile, il convient de considérer qu’elle ne limite pas ses revendications à la discrimination syndicale dont elle aurait été l’objet ;

Attendu que l’article L. 1132-1 du code du travail dispose: 'aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap’ ;

que son champ d’application est plus étendu que les dispositions se rapportant à la discrimination syndicale ;

que contrairement à ce que soutient l’association AREPI-L’ETAPE, Madame E n’a pas à rapporter la preuve d’une activité militante particulière au sein de son syndicat ;

Attendu qu’en application des dispositions de l’article L. 1134-1 du même code, il incombe au salarié, qui se prétend victime de discrimination de rapporter la preuve des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et, ceci fait, à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Attendu que Madame E évoque plusieurs éléments qui, selon elle, seraient la marque d’une discrimination à raison de ses mandats ;

qu’il convient de les examiner ;

— Sur la classification conventionnelle de Madame E

Attendu que Madame E soutient qu’elle est victime de discrimination et d’inégalité de traitement en ce que sa carrière n’a pas connu la même évolution que celle de ses collègues placées dans une situation identique ;

qu’elle rappelle être classée au coefficient 349 alors que ses collègues bénéficient de coefficients plus élevés et affirme que cette disparité est imputable à une discrimination due à l’exercice de ses mandats ;

qu’à titre principal, elle demande à être classée au coefficient 439 en qualité de secrétaire de direction compte tenu du fait qu’elle est titulaire d’un DAEU, qu’elle possède une expérience du secteur et que les fonctions qu’elles exerce lui permettent de prétendre à ce poste ;

qu’elle précise qu’en 2007, cette classification lui avait été proposée par la direction de l’association mais que ce projet n’a pu aller jusqu’au son terme en raison de ses positions syndicales et relève que c’est finalement Madame H qui occupe ces fonctions depuis 2011 ;

qu’à titre subsidiaire, elle demande à être classée à l’échelon 392 correspondant à un poste de technicien administratif exécutant des travaux administratifs d’une certain complexité ;

qu’elle précise avoir demandé cette classification qui a été reconnue à Madame F et Madame H ;

qu’elle ajoute qu’elle a remplacé Madame F laquelle bénéficiait de ce coefficient et que Madame H stagiaire avait été formée par elle ;

qu’en outre cette qualification lui avait été proposée par la direction ;

Attendu que l’association conteste toute discrimination de ce chef ;

qu’elle estime que Madame E occupe actuellement un poste qui correspond à son niveau de formation ainsi qu’à ses attributions ;

qu’un traitement inégalitaire peut être justifié lorsqu’il repose sur des éléments objectifs et qu’en l’espèce les salariées citées par Madame E ont des diplômes de niveau supérieur et accomplissent des tâches plus complexes, ce qui explique la différence entre sa situation et la leur ;

Attendu que le poste de secrétaire de direction, coefficient 439, implique d’assurer des tâches complexes liées au secrétariat ;

que peuvent y prétendre les salariés titulaires d’un bac + 2 ou titulaires d’un baccalauréat et bénéficiant d’une expérience professionnelle dans un emploi de secrétariat et justifiant d’une bonne connaissance du secteur sanitaire, social et médico-social ;

Attendu qu’il convient à titre liminaire de relever que Mesdames TISSOT et Y, bien qu’employées au coefficient 439, ne sont pas secrétaires de direction mais comptables ;

que leur situation est étrangère à la solution du litige ;

que pour le reste, il convient de rappeler que Madame E a été embauchée le 1er octobre 1997 en qualité d’aide comptable, catégorie C groupe 6A, échelon 5, coefficient 334 ;

qu’à ce titre, il lui incombait d’effectuer la saisie des journaux, de s’occuper des documents administratifs (attestations de salaire, ASSEDIC, J), de la TVA, des charges sociales et du classement ;

que son temps partiel a été complété le 7 novembre 1997 par un emploi de commis administratif avec le même positionnement ;

qu’à ce titre, elle a été en charge du secrétariat du centre d’hébergement et de l’association (frappe et envoi de courrier), de la réception du courrier des résidents (classement et renvoi éventuel) , du standard téléphonique et de l’accueil des personnes, de la gestion des dossiers d’entrée et d’envoi à la DDASS, de la gestions des dossiers CES, des appartements transitoires ;

qu’à une date qui n’est pas précisée par les parties, elle est passée, pour ces mêmes fonctions au coefficient 349 avec la qualification d’employé administratif et qualifié ;

Attendu qu’à la fin de l’année 2006 – début de l’année 2007, Madame E a été détachée temporairement à la Halte ;

qu’elle a alors, suivant attestation rédigée par le responsable, Monsieur X, mis en place le secrétariat, assuré le secrétariat du directeur et de l’ensemble du personnel, géré les participations, tenu la caisse, géré les plannings, assuré l’accueil secrétariat et téléphonique, assuré la gestion de factures en lien avec la comptabilité ;

que la direction lui a alors, suivant les dires de Monsieur X, proposé un poste d’assistante de direction ;

que des discussions ont bien eu lieu à cette époque entre les parties, Madame E sollicitant un emploi au coefficient 439, la direction de l’association lui proposant un poste de secrétaire au sein du CHRS La Halte au coefficient 392 ;

que finalement, les discussions n’ayant pas abouti, Madame E est restée au coefficient 349 ;

Attendu que, compte tenu de ces éléments, l’association ne peut valablement soutenir que Madame E, jouissant d’une ancienneté de plus de douze ans et par ailleurs titulaire d’un DAEU – homologué, comme le baccalauréat, au niveau IV de la nomenclature interministérielle des niveaux de formation – n’avait ni l’expérience, ni les compétences pour bénéficier d’un coefficient autre que celui de 349 ;

Attendu cependant, que les tâches confiées à Madame E ne peuvent être qualifiées de tâches complexes liées au secrétariat ;

qu’en outre, l’expérience – trop brève – acquise au sein du CHRS ou dans des emplois occupés hors du secteur sanitaire et social ne peuvent lui permettre de prétendre à un poste de secrétaire de direction au coefficient 439 ;

que les prétentions formées à ce titre sont rejetées ;

que reste en débat la question d’une classification au poste de secrétaire coefficient 392 ;

Attendu qu’il convient de rappeler que, par courrier du 9 novembre 2007, le bureau de l’association a proposé à Madame E d’occuper un poste de secrétaire au coefficient 392 à plein temps au sein de la Halte ;

qu’à défaut, il lui était proposé de retrouver ses anciennes fonctions au coefficient 349 le coefficient 392 n’étant attribué qu’à la condition que le poste proposé soit accepté ;

qu’il n’est pas contesté que, dans le même temps, l’association a recruté Madame H en qualité de secrétaire au coefficient 392 à l’Etape ;

que cette salariée, titulaire d’un baccalauréat, ne jouissant d’aucune expérience dans le milieu médico-social n’avait aucune ancienneté dans la société ;

que Mesdames E et F qui à l’époque se trouvaient toutes deux au coefficient 349 alors qu’elles avaient toutes deux le niveau IV de la nomenclature interministérielle des niveaux de formation et pouvaient se prévaloir d’une ancienneté de 11 ans pour la première et 14 ans pour la seconde ne se sont pas vu proposer cet emploi, la proposition restant cantonnée pour Madame E à un poste au sein de la Halte ;

que cette situation a été évoquée lors d’un entretien qui s’est déroulé le 23 novembre 2007, retranscrit par Monsieur Z (délégué du personnel) et Monsieur X (adjoint de direction à la Halte), duquel il ressort que Madame G, Présidente, a répondu aux interrogations de Madame E de la manière suivante ' Mademoiselle E en tant que déléguée du personnel votre poste à l’Etape en tant que secrétaire pose le problème de la confidentialité en ce qui concerne l’accès aux courriers confidentiels et aux fiches de paie, et à l’avenir on changera votre fiche de fonction pour que vous n’ayez plus accès ni aux courriers confidentiels, ni aux fiches de paie’ ;

que cette position en soit permet non de supposer mais d’établir une discrimination en raison des mandats exercés ;

qu’il convient en outre de relever qu’en raison du refus de Madame E d’occuper le poste à la Halte, elle est retournée dans son ancien emploi à l’Etape et qu’à ce moment là, l’employeur lui a, par courrier du 3 décembre 2007, retiré, comme il l’avait précédemment annoncé, son accès aux informations concernant le personnel (éléments de paie et courriers adressés aux salariés) vidant ainsi son poste d’aide comptable d’une grande partie de sa substance ;

que cette mesure justifiée par les mandats exercés par Madame E, comme cela ressort clairement des propos tenus le 23 novembre 2007 par Madame G, est également discriminatoire ;

qu’il convient cependant de poursuivre, en relevant qu’à une date indéterminée, Madame F a fini par bénéficier du coefficient 392 attaché à un poste de secrétaire tandis qu’en 2010, Madame E n’avait toujours pas vu sa classification professionnelle évoluer malgré ses demandes l’employeur lui répliquant de manière erronée que son seul diplôme était l’ESEU alors qu’elle bénéficiait du DAEU ;

que cette situation n’a pas manqué d’attirer l’attention de Madame I, contrôleur du travail qui, dans un courrier du 20 mai 2010 adressé à l’association, a évoqué la situation de Madame E en lui demandant de procéder aux régularisations de salaires qui s’imposaient concernant notamment le coefficient qui lui était alloué et ajoutait que la situation de la salariée l’amenait à considérer qu’une double discrimination syndicale et en raison du mandat de délégué du personnel pouvait être relevée ;

que pour autant rien n’a été entrepris ;

Attendu que l’ensemble de ces éléments permet de considérer que Madame E peut valablement prétendre au regard de ses qualifications et de son expérience à la qualification de secrétaire coefficient 392 ;

qu’il convient de faire droit à sa demande de classification à compter de la présente décision et de relever que Madame E produit suffisamment d’éléments laissant supposer qu’elle a été victime de discrimination tant en raison de son mandat de déléguée du personnel qu’en raison de son mandat de déléguée syndicale ;

que l’association ne rapporte pas la preuve que les refus d’octroyer à Madame E le statut auquel elle pouvait légitimement prétendre étaient justifiés par des objectifs étrangers à toute discrimination dans la mesure où deux salariées de qualification et d’expérience similaire voire de moindre expérience ont obtenu plus rapidement des qualifications plus élevées sans que leur profil ou leurs fonctions – initiales en ce qui concerne Madame H – ne différent notablement des fonctions confiées à Madame E ;

que par ailleurs, il est très clairement apparu qu’une partie des fonctions de Madame E lui avait été retirée en raison de l’exercice d’un mandat de délégué du personnel ;

qu’en conséquence, il convient de retenir ce premier fait de discrimination ;

— Sur les entraves et pressions liées à l’exercice des mandats de Madame E

Attendu qu’il convient en premier lieu de relever que l’association l’Etape répond sur des faits probablement évoqués en première instance mais qui ne sont plus développés par Madame E au soutien de ses prétentions ;

qu’en conséquence, le périmètre d’appréciation des faits sera limité aux événements développés par Madame E pour étayer sa demande ;

Attendu que cette dernière soutient avoir été victime, dans l’exercice de ses mandats, d’entraves et de pressions ;

qu’il convient de relever, comme le fait l’association, que les griefs formulés par Madame E se rapportent tantôt à sa qualité de salariée, tantôt à l’exercice de ses mandats ;

que cependant, les mesures discriminatoires visées par l’article L. 1132-1 du code du travail s’entendent de mesures prises dans le cadre des rapports employeur-salarié en considération des mandats exercés ;

qu’en revanche, concernant les difficultés rencontrées dans l’exercice des mandats, leur appréciation relève plutôt du délit d’entrave en ce qu’il convient d’apprécier, de manière plus générale et non limitée au seul salarié titulaire des mandats, les atteintes portées au fonctionnement des institutions représentatives du personnel ou syndicales ;

qu’en conséquence, il convient d’exclure de la discussion, comme n’entrant pas dans le champ d’appréciation de la discrimination les griefs tenant au refus d’organiser des réunions de délégués du personnel, la contestation du droit d’alerte exercé par Madame E en sa qualité de déléguée du personnel avec la réaction de l’employeur concernant la société DELTA, le prétendu détournement de règles en matière d’élections des délégués du personnel, la prétendue volonté d’isoler Madame E dans son action syndicale ;

qu’il convient de relever que le retrait avéré de certaines attributions de Madame E en raison de ses mandats, aboutissant à vider ses fonctions d’aide-comptable d’une grande partie de leur substance, participe tant de la discrimination que du harcèlement ;

que demeure en débat la question du non-paiement des heures de délégation ;

Attendu que par courrier du 23 décembre 2008, l’association l’Etape a refusé à Madame E le paiement de ses heures de délégation dans des termes dénués d’ambiguïté : ' Vous avez pris l’habitude d’arrondir vos fins de mois en effectuant des 'inspections’ des services la nuit ou le week-end.

Ces heures ne vous seront pas payées pour le motif suivant :

— Vous n’utilisez pas vos heures de délégation légales pour cette activité alors que vous effectuez vos visites lorsque les heures sont payées en heures majorées.

Au delà du fait que cette pratique est choquante pour les autres salariés de l’association sur le plan déontologique, ceux-ci n’apprécient pas vos visites qui ne sont utiles que pour vos intérêts';

que l’association maintient sa position en affirmant que les heures de délégation étaient utilisées par Madame E pour rendre visite à sa belle soeur ;

Attendu que le 29 janvier 2009, les services de l’inspection du travail se sont émus de cette situation auprès de l’association ;

que la situation n’était toujours pas réglée lors du second rapport établi le 20 mai 2010 ;

qu’il convient de rappeler que les heures de délégation utilisées dans la limite des contingents sont de plein droit considérées comme du temps de travail effectif et payées à l’échéance normale ;

qu’elles bénéficient d’une présomption d’utilisation conforme aux mandats détenus et qu’en cas de contestation par l’employeur, il lui appartient de saisir la juridiction compétente ;

que dans ces conditions, et sans qu’il soit aujourd’hui nécessaire d’entrer dans le fond du débat sur l’utilisation de ces heures de délégation, il convient de considérer que l’association, en cas de désaccord sur l’emploi de des heures de délégation, ne devait pas refuser de les payer mais avait l’obligation de verser les sommes correspondant aux heures de délégation puis de saisir la juridiction compétente d’une demande de contestation, ce qu’elle n’a pas fait ;

qu’en s’opposant dans de telles conditions au paiement des heures de délégation, elle a adopté à l’égard de Madame E un comportement discriminatoire ;

Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces développements que Madame E est bien fondée à invoquer un comportement discriminatoire à son égard ;

qu’en considération des mandats qu’elle exerçait elle n’a pas eu la classification d’emploi à laquelle elle pouvait prétendre, que par ailleurs une partie de ses missions lui a été retirée, qu’enfin elle n’a pas obtenu le paiement de ses heures de délégation ;

que dans ces conditions, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame E de sa demande de requalification et de dommages et intérêts pour discrimination et de lui allouer, compte tenu de la nature, de l’ampleur, de la durée des mesures discriminatoire, des dommages et intérêts d’un montant de 10 000 euros ;

— Sur le harcèlement moral

Attendu que l’article L. 1152-1 du code du travail dispose : 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’ ;

que l’article L. 1152-4 du même Code précise que le salarié qui se prétend victime de harcèlement, établit les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, à charge pour l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que Madame E estime qu’elle a été victime de dénigrement, reproches et avertissement injustifiés, que son employeur a tenté de la licencier et qu’elle a rencontré des difficultés dans le paiement de ses primes et indemnités journalières ;

qu’elle estime que l’accumulation de ces événements a eu pour effet de dégrader son état de santé ;

que l’association conteste l’ensemble des griefs soulevés par Madame E et conteste toute idée de harcèlement moral ;

— Sur les faits de harcèlement

— Sur le dénigrement, les reproches et les avertissements

Attendu que les parties commentent divers faits qui se sont déroulés entre l’année 2004 et l’année 2011 ;

que leur argumentation est étayée par des courriers ainsi que des témoignages ;

qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’une mésentente patente existe entre Madame E et Monsieur A, directeur, et qu’ils communiquent avec grande difficulté ;

que les témoignages produits permettent d’établir que les salariés et membres de l’association sont eux même divisés entre Madame E et Monsieur A ;

qu’il apparaît que l’agressivité reprochée à Madame E dans ses propos et ses attitudes est également palpable chez Monsieur A de sorte que cet élément apparaît également réparti sans que l’origine de la détérioration progressive de leurs rapports ne soit précisément imputable à l’un ou à l’autre ;

qu’en tout état de cause, il ressort des courriers en réponse adressés à Madame E que Monsieur A n’a de cesse de lui reprocher son incompétence professionnelle sans que celle-ci ne ressorte de faits précis, aucun élément objectif permettant d’apprécier les compétences professionnelles de Madame E (entretien d’évaluation…) n’étant produit ;

qu’il en est de même du grief lancinant d’exercer ses mandats à des fins personnelles cette affirmation n’étant étayée par aucun élément de preuve objectif ;

— Sur le projet de licenciement

Attendu qu’en 2008, l’association a souhaité licencier Madame E en raison des perturbations créées par ses absences ;

qu’étant une salariée protégée, l’autorisation de l’administration du travail a été sollicitée ;

que cette autorisation a été refusée le 16 septembre 2008 par Monsieur D, inspecteur du travail, en raison de l’absence de preuve de perturbation – l’association ayant traité plus favorablement des arrêts plus longs – mais également ' de la possibilité d’une prise en compte de l’action revendicatrice de Mademoiselle E dans ce projet’ ;

que cette décision, n’a jamais été remise en cause par l’association, permet de s’interroger sur les motivations réelles qui sous-tendaient l’éviction de cette dernière ;

— Sur le versement des salaires et des indemnités journalières

Attendu qu’il ressort des pièces versées par Madame E qu’alors qu’elle percevait une prime décentralisée depuis 1997, elle ne l’a pas reçue en 2004 et en 2009 ;

que l’association réplique pour les seuls faits de 2009 et indique que l’erreur qui a affecté une autre salariée, a fait l’objet d’une régularisation ;

Attendu qu’en ce qui concerne la prime de l’année 2004 les échanges épistolaires entre les parties sont suffisamment clairs pour permettre de considérer que la prime a sciemment été retirée à Madame E ;

qu’en effet, lorsque celle-ci, en arrêt maladie s’est étonnée de la situation, l’employeur a répliqué, dans un courrier du 13 septembre 2004 : ' j’ai le regret de vous informer que nous ne donnons pas de suite favorable à votre demande de versement de la prime décentralisée 2004, supprimée en raison de votre absence de trois mois.

Votre absence a eu lieu dans une période conflictuelle avec la direction. De ce fait, il semble qu’il y ait une inhérence entre ce conflit et votre absence’ ;

qu’une telle attitude établit que le refus d’attribution de la primé était motivé par une suspicion sur l’état de santé réel de la salariée ;

Attendu qu’une nouvelle fois, en 2009, Madame E n’a pas perçu la prime décentralisée au mois de décembre ;

que la situation a été régularisée en janvier après qu’elle se fut manifestée ;

que l’association qui invoque une erreur comptable et le fait que la situation a touché une autre salariée ne verse aucun élément de preuve pour étayer ses dires ;

que, compte tenu du précédent de l’année 2004, il convient également de considérer que l’erreur n’en était pas une et que c’est sciemment que la prime 2009 n’a pas été versée à Madame E ;

Attendu que Madame E reconnaît qu’elle a bénéficié d’un trop perçu au titre de ses indemnités journalières et reconnaît qu’il s’agissait d’une erreur ;

qu’elle estime cependant que la légèreté avec laquelle son dossier a été traité laisse présumer l’existence d’un harcèlement ;

que cependant, en l’état des seuls courriers versés aucun élément ne permet de parvenir à la même conclusion ;

qu’en conséquence, ce grief ne sera pas retenu ;

Attendu qu’il ressort de l’ensemble de ces développements que Madame E a fait l’objet de reproches non établis tant sur sa pratique professionnelle que sur l’exercice de ses mandats, que l’association a tenté de s’en séparer en partie en raison de son activité militante, que par ailleurs elle a, a deux reprises été privée de primes auxquelles elle pouvait prétendre, que ces éléments permettent de présumer l’existence d’un harcèlement sans que l’employeur ne rapporte la preuve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

— Les conséquences des faits sur l’état de santé de Madame E

Attendu que Madame E verse aux débats de nombreuses pièces médicales qui établissent que, depuis l’année 2004, elle a été en arrêt de travail à de multiples reprises en raison d’un état anxio-dépressif sévère lié à ses conditions de travail ;

qu’en plus de son médecin généraliste, elle a rencontré le Dr C, psychiatre, lequel a constaté le 11 juin 2008 qu’elle présentait le tableau psychopathologique suivant :

— symptomatologie dépressive de type sensitif avec au premier plan vécu d’humiliation, d’injustice et de dévalorisation ;

— baisse d’élan vital avec pertes d’envies, altération thymique et troubles du sommeil;

— manifestations fonctionnelles somatiques par mécanisme de conversion ;

— tendance à l’isolement avec conduites d’évitement ;

— troubles de conduites alimentaires ;

que cet état a été constaté le 2 août 2010 par le Dr B, médecin conseil de la caisse primaire d’assurance maladie qui relevait au passage un véritable attachement de Madame E à son travail avec une volonté d’être reconnue ;

que cette analyse a également été confirmée par le Dr O P, psychiatre, le 17 avril 2011 ;

que, dans un certificat du 23 mars 2012, son médecin généralise a précisé que l’état de Madame E avait conduit a une prise de poids de 40 kg en quatre ans ;

qu’il apparaît que, de l’avis de divers médecins que l’état de santé de Madame E est altéré depuis l’année 2004 avec des manifestations plus importantes depuis les années 2007-2008 et que l’état de dépression sévère dans lequel elle se trouve est directement imputable à ses conditions de travail ;

qu’il est établi qu’elle est victime de harcèlement moral ;

que la décision entreprise sera infirmée en ce qu’elle a considéré le contraire ;

Attendu qu’en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts, compte tenu du fait que les premières manifestations de l’état de santé de Madame E remontent à l’année 2004 que son état de santé a continué à se dégrader au fil du temps et persiste, il convient de lui allouer la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

— Sur la demande de l’association

Attendu qu’il ressort des éléments précédemment développés que Madame E est bien fondée à soutenir qu’elle est victime de harcèlement et de discrimination ;

qu’en conséquence, il convient de débouter l’association de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— Sur les demandes accessoires

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame E les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer ;

qu’en conséquence, il lui sera alloué la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

qu’enfin, l’association, succombant à l’instance supportera la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

— INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 5 septembre 2011 ;

— Statuant à nouveau :

— DÉBOUTE Madame M E de sa demande de positionnement au coefficient 439 de la convention collective ;

— CONDAMNE l’association AREPI-ETAPE à positionner Madame M E au coefficient 392 de la convention collective à compter de la présente décision ;

— CONDAMNE l’association AREPI-ETAPE à verser à Madame M E les sommes de :

—  10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;

—  12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

— DÉBOUTE l’association AREPI-ETAPE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— CONDAMNE l’association AREPI-ETAPE à verser à Madame M E la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— CONDAMNE l’association AREPI-ETAPE à supporter la charge des entiers dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur ALLARD, président, et par Madame KALAI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Grenoble, 3 décembre 2013, n° 11/04135