Cour d'appel de Grenoble, 1re chambre, 5 décembre 2023, n° 22/00723

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 1re ch., 5 déc. 2023, n° 22/00723
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 22/00723
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Valence, 5 janvier 2022, N° 20/00312
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 18 décembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

N° RG 22/00723 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LHZC

C2

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

Me Anne NOBILI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 05 DECEMBRE 2023

Appel d’une décision (N° RG 20/00312)

rendue par le Tribunal judiciaire de Valence

en date du 06 janvier 2022

suivant déclaration d’appel du 17 février 2022

APPELANTE :

Mme [O] [U]

née le 18 octobre 1943 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMES :

Mme [V] [J] épouse [K]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 11]

M. [P] [K]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 11]

représentés par Me Anne NOBILI, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 octobre 2023 Mme Blatry, conseiller chargé du rapport en présence de Mme Clerc, président de chambre, assistées de Madame Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Mme [O] [U] est propriétaire sur la commune de [Localité 11] (26) des parcelles cadastrées section AH n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6], cette dernière bénéficiant, selon acte de constitution du 22 février 1997, « en vue des travaux d’entretien » d’une servitude de passage grevant, notamment, la parcelle AH [Cadastre 7] appartenant aux époux [V] [J]/[P] [K].

Les époux [K] ont édifié sur leur parcelle AH [Cadastre 7] :

au nord sur l’assiette de la servitude conventionnelle: une unité de climatisation, une marquise, un échangeur thermique et un escalier en béton adossés à la façade de leur habitation,

à l’est et au sud: une terrasse couverte et fermée avec création d’un escalier.

Selon exploit d’huissier du 28 janvier 2020, Mme [U] a fait citer les époux [K], sur le fondement des articles L.480-4 du code de l’urbanisme, 1222 et 1240 du code civil, en démolition de divers ouvrages et, à défaut, en dommages-intérêts.

Par jugement du 6 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Valence a :

débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes,

rejeté la demande reconventionnelle en dommages-intérêts des époux [K],

condamné Mme [U] à payer aux époux [K] une indemnité de procédure de 1.500€ et aux entiers dépens de l’instance.

Suivant déclaration du 17 février 2022, Mme [U] a relevé appel de cette décision.

Au dernier état de ses écritures en date du 28 juillet 2023, Mme [U] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de :

1) à titre principal :

rétablir et laisser libre la servitude de passage,

ordonner la démolition des ouvrages et éléments d’équipement installés par les époux [K] en violation de la servitude de passage, à savoir: un bloc climatisation, une marquise, un échangeur thermique, un palier, un escalier en béton donnant accès à une pièce de vie vitrée par une porte et une fenêtre et ce, aux frais des époux [K] sous astreinte de 100€ par jour de retard à l’expiration d’un délai de 3 mois suivant la signification de la décision à intervenir,

2) subsidiairement, condamner les époux [K] à lui payer des dommages-intérêts de 5.000€,

3) en tout état de cause, débouter les époux [K] de l’ensemble de leurs prétentions, les condamner à lui payer une indemnité de procédure de 3.500€ et à supporter les entiers dépens de l’instance.

Elle fait valoir que :

le tribunal a méconnu les termes de l’acte constitutif de servitude et a interprété l’intention des parties,

la démolition est la sanction d’un droit réel transgressé,

elle bénéficie d’une servitude de passage entre les maisons situées au [Adresse 1] et [Adresse 2],

le litige porte sur l’assiette de celle-ci,

la finalité de la servitude de passage est fixée par l’acte constitutif qui vise les travaux d’entretien,

il n’est donc nullement question d’un simple accès,

les parcelles litigieuses sont issues de terres agricoles comportant des vignes et des arbres fruitiers,

le passage qui longe la maison [K] était suffisamment large pour que des véhicules y passent,

Mme [E] atteste que le passage était d’environ 2 mètres et permettait le passage de matériel type tracteur,

les époux [K] ont réduit l’assiette de la servitude et l’ont rendu plus malcommode,

le tribunal a commis une erreur d’appréciation en retenant un droit de passage ponctuel limité aux seuls piétons,

le tribunal a également mal interprété l’évaluation de la servitude et la volonté des parties de ne pas se verser de soulte,

elle possède un petit verger qui nécessite un entretien constant de taille, arrosage, ramassage, coupe, etc, avec nécessité d’entretien des murets,

il s’agit donc bien plus qu’un simple usage piéton ponctuel,

l’entretien d’un verger nécessite du matériel adéquat, à savoir motoculteurs, tracteur et mini-pelle, ce qui suppose de disposer du passage nécessaire pour l’acheminer,

elle verse de nombreuses attestations en ce sens,

sa parcelle est totalement enclavée et l’accès des engins pour assurer l’entretien de son terrain ne peut s’effectuer que par la parcelle des époux [K],

le tribunal a totalement méconnu son état d’enclave qui explique l’instauration de la servitude de passage,

il est incontestable que les constructions des époux [K] empiètent sur l’assiette de la servitude en obstruant partiellement son droit de passage,

la seule configuration des lieux devait permettre au tribunal d’apprécier la largeur de la servitude et d’en tirer les conséquences légales,

la présence de l’escalier réduit encore l’assiette de la servitude,

en outre, les époux [K] entreposent divers matériels sur l’assiette de la servitude qui est particulièrement encombrée,

les époux [K] limitent la servitude de passage en hauteur par la pose d’une marquise et d’un bloc de climatisation,

elle ne peut même pas passer avec une simple brouette,

subsidiairement, l’atteinte à son droit de passage sera indemnisée par l’allocation de dommages-intérêts,

la mesure d’instruction, qui n’a pas vocation à pallier la carence d’une partie dans la démonstration des faits qu’elle allègue, doit être rejetée.

Par conclusions récapitulatives du 2 octobre 2023, M. et Mme [K] demandent à la cour de :

1) à titre principal, confirmer le jugement déféré,

2) subsidiairement, ordonner une mesure d’expertise aux frais avancés de Mme [U] pour démontrer que leurs aménagements ne lui causent aucun trouble anormal du voisinage,

3) en tout état de cause, condamner Mme [U] à leur payer des dommages-intérêts de 5.000€ pour procédure abusive, une indemnité de procédure de 3.000€ et à supporter les entiers dépens de l’instance.

Ils exposent que :

ils n’ont en rien rendu plus malcommode l’usage de la servitude,

il ressort du constat d’huissier qu’ils ont diligenté que le chemin n’est pas carrossable et que leurs aménagements situés le long de la façade de leur maison n’altèrent en rien le passage pouvant être exercé sur le chemin,

le bloc de climatisation et la marquise se trouvent en hauteur,

l’escalier ne fait que remplacer un ancien ouvrage qui avait le même aspect,

Mme [U] n’a pas contesté la présence de l’échangeur thermique durant 7 années,

il est constant que durant ces dernières années, Mme [U] a pu entretenir sa parcelle sans aucune difficulté,

la même entreprise d’entretien, la société Laurie Paysage est venue chaque année accomplir sans difficulté sa prestation de services,

depuis 2011, cette société n’a jamais été empêchée de passer,

le tribunal n’a nullement sur-interprété l’acte constitutif de servitude,

en outre, la parcelle de Mme [U] ne comporte aucun arbre fruitier mais seulement 3 ou 4 noyers,

l’entretien consiste donc en une tonte annuelle avec une débroussailleuse portée à la main,

en page 20 de ces écritures, Mme [U] se prévaut d’un petit ouvrage situé en face de l’escalier qui est un dispositif ancien d’évacuation des toilettes commun aux deux habitations,

à défaut, une mesure d 'expertise sera ordonnée.

La clôture de la procédure est intervenue le 17 octobre 2023.

MOTIFS

1/ sur les demandes de Mme [U]

Mme [U], bien qu’elle expose dans ses écritures divers griefs sur l’illégalité de certaines constructions des époux [K], ne soutient plus sa demande en démolition sur le fondement de l’article L.480-4 du code de l’urbanisme.

Mme [U] fonde sa demande en démolition et/ou enlèvement d’un bloc climatisation, d’une marquise, d’un échangeur thermique, d’un palier et d’un escalier en béton sur la violation de la servitude de passage dont bénéficie son fonds.

Suivant acte du 22 février 1997, M. et Mme [E] ont constitué une servitude de passage, « telle qu’indiquée en jaune sur un plan demeuré annexé à l’acte, sur les parcelles AH [Cadastre 4] et [Cadastre 7], pour accéder, en vue des travaux d’entretien, à la parcelle AH [Cadastre 6] de Mme [U] ».

Aux termes de l’article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l’usage ou à la rendre plus incommode.

Au regard des termes de l’acte de constitution de la servitude, notamment du défaut de précision sur la largeur de la servitude, c’est à bon droit que le tribunal a, par application de l’article 1188 du code civil, interprété le contrat constitutif de la servitude litigieuse en recherchant la commune intention des parties.

En l’espèce, le terme « entretien de la parcelle de Mme [U] », la nature de celle-ci, à savoir à usage de jardin avec divers arbres dont des noyers ainsi que la configuration des lieux, soit un passage pentu en terre non carrossable entre deux maisons d’habitation rendant, notamment, impossible le passage d’un tracteur comme soutenu par Mme, [U] permet de retenir la volonté de parties de garantir au fonds de Mme [U] un accès ponctuel à pied.

Le positionnement en hauteur d’une marquise et d’un bloc de climatisation n’empêchent nullement le passage.

Il ressort du constat d’huissier du 10 octobre 2018 produit par les époux [K] que dans sa largeur la plus étroite de 1,26 mètres le passage avec du matériel de jardinage, y compris brouette ou motoculteur, est parfaitement possible, de sorte que c’est à bon droit que le tribunal a débouté Mme [U] de sa demande en démolition ou enlèvement des ouvrages tels que listés dans le dispositif de ses écritures.

Pour les mêmes raisons, sa demande subsidiaire en dommages-intérêts a également été justement rejetée.

2/ sur la demande de M. et Mme [K] en dommages-intérêts pour procédure abusive

En l’absence de démonstration d’un abus de Mme [U], c’est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande en dommages-intérêts des époux [K].

Par voie de conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

3/ sur les mesures accessoires

L’équité justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de M. et Mme [K].

Enfin, les dépens de la procédure d’appel seront supportés par Mme [U].

Le jugement déféré est par ailleurs confirmé en ses dispositions relatives aux mesures accessoires.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [O] [U] à payer à M. [P] [K] et Mme [V] [J] épouse [K] la somme de 1.500€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel,

Condamne Mme [O] [U] aux dépens de la procédure d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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