Cour d'appel de Lyon, 25 octobre 2013, n° 12/07286

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 25 oct. 2013, n° 12/07286
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 12/07286
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 3 octobre 2012, N° 09/02515

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

Y

R.G : 12/07286

SAS AVIAPARTNER LYON

C/

A

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 04 Octobre 2012

RG : 09/02515

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2013

APPELANTE :

SAS AVIAPARTNER LYON

XXX

XXX

représentée par Me Bruno DEGUERRY de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me SUZY CAILLAT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

D A

née le XXX à XXX

XXX

XXX

comparante en personne, assistée de Me Gilles BOREL, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 01 Mars 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Septembre 2013

Présidée par Catherine PAOLI, Conseiller magistrat Y, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— Nicole BURKEL, président

— Marie-Claude REVOL, conseiller

— Catherine PAOLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Octobre 2013 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame D A a été embauchée par la société AVIAPARTNER, société chargée d’assurer une prestation d’assistance aéroportuaire, en qualité d’agent de passage (réservation des billets, enregistrement, embarquement') à l’aéroport LYON-SAINT-EXUPERY suivant plusieurs contrats à durée déterminée à compter du 6 décembre 2002, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 20 octobre 2003.

Par avenant en date du 1er avril 2008, elle a été affectée au Terminal T3 de l’aéroport en qualité de « superviseur passage ».

Par lettre du 24 mars 2009, la SAS AVIAPARTNER a convoqué Madame D A à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er avril 2009 et prononcé une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 24 avril 2009, Madame D A a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Par jugement contradictoire du 4 octobre 2012, le conseil de prud’hommes de LYON, section commerce, rendu en formation de départage, a :

— déclaré le licenciement de Madame D A sans cause réelle et sérieuse

— condamné la SAS AVIAPARTNER à lui payer les sommes suivantes :

* 21 094 euros à titre de dommages-intérêts

* 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

— rejeté les demandes plus amples ou contraires

— condamné la SAS AVIAPARTNER à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Madame D A à compter du jour de son licenciement jusqu’à la date du jugement et ce dans la limite de six mois d’indemnités

— fixé le salaire mensuel moyen de Madame D A au cours des trois derniers mois de son exercice professionnel à la somme de 2 261,94 euros

— ordonné l’exécution provisoire de la décision

— mis les dépens à la charge de la SAS AVIAPARTNER.

Le jugement prud’homal a été notifié le 5 octobre 2012 à la SAS AVIAPARTNER qui en a régulièrement relevé appel par déclaration formée le 10 octobre 2012 par lettre recommandée avec avis de réception et enregistrée, le 12 octobre 2012, au greffe de la cour.

L’affaire initialement attribuée à la section B de la 5e chambre de la cour d’appel de Lyon a été transférée à la section C de la même chambre le 1er mars 2013.

La société AVIAPARTNER emploie plus de 11 salariés et applique la convention collective du personnel au sol des transports aériens.

Par conclusions écrites déposées au greffe le 2 juillet 2013, visées le 12 septembre 2013 par le greffier et soutenues oralement, la SAS AVIAPARTNER demande à la cour, de :

— infirmer le jugement entrepris

— débouter Madame D A de l’intégralité de ses demandes

— condamner Madame D A au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions écrites déposées au greffe le 29 juillet 2013, visées le 12 septembre 2013 par le greffier et soutenues oralement, Madame D A demande à la cour, de :

— confirmer le jugement prud’homal querellé en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement de madame A ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

— « infirmer le montant des dommages et intérêts qui ont été demandées en équivalence à 24 mois de salaire, soit 41 808 euros », ayant une ancienneté de 7 ans

— lui allouer les sommes de :

* 41 808 euros, équivalent à 24 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts

* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner SAS AVIAPARTNER en tous les dépens de l’instance.

Pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives des parties, la Cour se réfère, par application de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites et visées par le greffe, auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6 et L.1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé de manière précise par l’employeur et justifié par une cause réelle et sérieuse.

Dans l’hypothèse d’un licenciement disciplinaire, il appartient au juge saisi du litige, dont la lettre de licenciement fixe les limites du litige, de vérifier que le motif allégué est établi et constitue bien une faute, laquelle est caractérisée par une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, et d’apprécier, si cette faute est suffisante pour justifier un licenciement.

Madame D A a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre du 24 avril 2009 rédigée en ces termes :

« 'Résumé des faits :

La compagnie EASYJET nous a fait parvenir des documents mettant en évidence une utilisation anormale de l’outil informatique mis à notre disposition.

Vous auriez utilisé la fonction « Move » de cet outil afin de bénéficier et de faire bénéficier des membres de votre famille des tarifs avantageux.

Il est rappelé que vous êtes superviseur du service passager AVIAPARTNER LYON intervenant principalement sur le Terminal 3 d’où opère uniquement la compagnie EASYJET.

Déroulement de l’entretien :

Le résumé des faits a été présenté en début d’entretien :

Je vous ai alors demandé de m’expliquer le processus utilisé et le gain que vous aviez retiré.

Vous m’avez indiqué la modalité suivante :

1. acheter des billets pour un trajet peu cher, généralement à une date éloignée.

2. modifier, grâce à la fonction « Move » de l’outil informatique d’EASYJET, le billet acheté contre le trajet réellement recherché à la date proche.

3. réaliser le voyage avec le billet ainsi modifié à moindre coût.

Ceci permet de voyager pour un tarif peu élevé (probablement autour de 30 euros) au lieu de payer le tarif applicable dans les conditions habituelles de vente d’EASYJET.

Entre novembre 2008 et janvier 2009, vous avez réalisé 5 opérations de ce type pour vous-même et votre famille. Vous avez reconnu que ces manipulations étaient réalisées sans autorisations préalables ni d’EASYJET, ni de votre hiérarchie, et que vous aviez réitéré consciemment l’opération.

Je vous ai demandé si cette pratique était courante.

Vous m’avez répondu que oui vous concernant depuis septembre 2008, mais que vous avez déjà connaissance de ces pratiques depuis 2003, période à laquelle vous en aviez déjà bénéficié.

A cette date, la manipulation avait été réalisée par un agent de billetterie. Vous m’avez alors indiqué que Madame F. C, ancienne responsable de la billetterie et du service passage d’AVIAPARTNER LYON faisait ce type de transaction, sans m’apporter plus d’éléments tangibles.

Je vous ai demandé s’il existait d’autres cas de ce type postérieurs à ceux déjà connus.

Vous m’avez indiqué avoir fait une autre manipulation en mars 2009, et que d’autres agents en avaient probablement réalisé également.

Ceci relève de la fraude, ce qui est inacceptable.

Je vous ai demandé si vous aviez une estimation de l’économie que vous aviez réalisée avec ces opérations, vous m’avez indiqué ne pas être en mesure de les estimer.

Je vous ai alors demandé si vous avez des éléments supplémentaires à me communiquer pour votre défense. Vous m’avez communiqué deux points :

— Vous auriez commencé ce type de manipulation après avoir constaté que votre chef de service, Monsieur Z, en bénéficiait. Vous m’avez fourni des documents informatiques sur cela.

— Vous m’avez indiqué que le système informatique est simple à utiliser et qu’il n’existe aucune alerte sur l’utilisation de la fonction « Move ».

Il ressort de ces différents points que :

— Vous êtes pleinement consciente que les manipulations effectuées vous permettraient de bénéficier d’avantages entraînant une perte de recette pour EASYJET, notre client.

— Vos agissements nuisent gravement à l’image d’AVIAPARTNER LYON et peuvent avoir des conséquences commerciales lourdes pour l’escale et son personnel et également pour l’ensemble de notre réseau d’escales où nous assistons ce client en faisant courir des risques importants aux salariés du groupe, notamment pour leurs emplois si nous perdions ce client.

— Que votre fonction de superviseur aurait dû vous pousser à adopter un comportement exemplaire, irréprochable et loyal.

Sur les points que vous avez relevés pour votre défense :

— En premier lieu, un éventuel comportement anormal d’une personne tiers ne saurait justifier votre comportement. Je tiens cependant à vous apporter les précisions suivantes. Monsieur Z n’a jamais effectué la même démarche que vous consistant à acheter des billets à une date lointaine, donc peu chers, puis à les « rajeunir » pour voyager à la date souhaitée. La dernière modification qui a été faite a consisté à repousser des billets achetés pour voyager en mai 2008 afin de voyager en août 2008, lui permettant ainsi d’être présent sur l’escale à la demande de sa hiérarchie, lors du début des opérations de la base EASYJET sur le Terminal 3 en mai 2008.

— La facilité d’utilisation de l’outil informatique d’EASYJET ne saurait justifier son utilisation frauduleuse’ » ;

Les parties s’accordent sur le caractère disciplinaire du licenciement prononcé.

Les termes clairs de la lettre de licenciement ne sont pas discutés et la matérialité des griefs retenus contre la salariée ne fait pas débat en cause d’appel.

Madame D A reconnaît, en effet, avoir manipulé à plusieurs reprises le dispositif « Move » pour bénéficier d’économies sur les achats de ses billets de vol sur la compagnie EASYJET et admet que de tels agissements aient pu nuire à l’image de son employeur auprès de son client.

Toutefois, des éléments du dossier, il ressort de manière constante que le détournement du dispositif « Move » était une pratique courante et ancienne dans l’entreprise dont ont bénéficié nombre de salariés à tout niveau de responsabilité dans l’entreprise, parfois identique ou supérieur à celui de Madame A.

La SAS AVIAPARTNER n’a mis en place aucun dispositif de contrôle ou d’alerte pour éviter de telles pratiques et a attendu la plainte d’une cliente, la compagnie EASYJET, pour diligenter une enquête et rappeler à l’ordre les salariés dans une note de service du 6 avril 2009.

Au surplus, il n’est pas contesté que les autres salariés identifiés comme ayant également détourné le dispositif « Move » n’ont pas été licenciés mais ont été mis à pied quelques jours à titre disciplinaire.

La société appelante, au nom de l’exercice de son pouvoir d’individualisation des sanctions, soutient que Madame A a réalisé plus de manipulations que les autres salariés, notamment Madame X, superviseur passage comme elle, ou encore qu’elle a toujours rajeuni ses dates de vol quand d’autres, dont Monsieur Z, responsable d’exploitation et supérieur hiérarchique de l’intimée, les reculait ; toutefois, la société n’apporte pas le moindre élément sur le préjudice et le trouble spécialement causés par le comportement de Madame A en comparaison avec celui adopté par son homologue ou son supérieur hiérarchique, ni ne répond utilement à l’argument de Madame A selon lequel les frais administratifs sont identiques que la date de vol soit avancée ou repoussée.

SI la faute de Madame D A est caractérisée et si la SAS AVIAPARTNER est légitime à se placer sur le terrain disciplinaire, la sanction ultime du licenciement, dont seule Madame A a fait l’objet, apparaît disproportionnée, au regard d’agissements de même nature ayant été commis à tous les niveaux de responsabilité dans l’entreprise, de la nature de la sanction de mise à pied prononcée à l’encontre du supérieur hiérarchique direct de la salariée, auteur de faits similaires et en l’absence de tout passé disciplinaire de Madame A.

Dès lors, le licenciement querellé est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur les conséquences financières de la rupture

Au moment de la rupture de son contrat de travail, Madame D A avait plus de deux années d’ancienneté, l’entreprise employant habituellement au moins onze salariés.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, elle peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement, soit en l’espèce14062,69 euros ;

Madame D A, née le XXX, demande à la cour de lui allouer la somme 41 808 euros pour réparer le préjudice résultant de la rupture abusive de son contrat de travail.

Elle justifie avoir été indemnisée par Pôle Emploi du 27 août 2009 au 30 avril 2010.

La cour dispose d’éléments suffisants, eu égard à l’âge de la salariée, aux circonstances particulières ayant entouré la rupture des relations contractuelles et aux difficultés de reconversion professionnelle rencontrées, pour allouer à Madame D A une indemnité définitive devant lui revenir personnellement, pouvant être justement évaluée à la somme de 15000 euros.

Enfin, il y a lieu également de condamner l’employeur à rembourser aux organismes intéressés les allocations-chômage perçues par la salariée dans la limite de six mois, en application de l’article L.1235-4 du code du travail.

Le jugement entrepris doit être confirmé de ces chefs à l’exception du quantum des dommages et intérêts alloués en application de l’article L1235-3 du code du travail.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La SAS AVIAPARTNER, qui succombe dans ses prétentions, doit supporter les dépens de première instance et d’appel et être déboutée de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande, en outre, de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de faire droit à la demande de Madame D A au titre des frais irrépétibles d’appel.

Dès lors, le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions à l’exception de celle relative au montant des dommages et intérêts alloués en application de l’article L1235-3 du code du travail et, y ajoutant condamner la SAS AVIAPARTNER à verser à Madame D A une indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire

RECOIT l’appel de la SAS AVIAPARTNER

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception de celle relative au montant des dommages et intérêts alloués en application de l’article L1235-3 du code du travail

L’INFIRME de ce seul chef

Statuant à nouveau de ce seul chef

CONDAMNE la SAS AVIAPARTNER à payer à Madame D E la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l’article L1235-3 du code du travail

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS AVIAPARTNER à payer à Madame D A la somme complémentaire de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

DEBOUTE les parties de toute autre demande

CONDAMNE la SAS AVIAPARTNER aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL

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