Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 12 décembre 2014, n° 13/06561

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. c, 12 déc. 2014, n° 13/06561
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 13/06561
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saint-Étienne, 9 juillet 2013, N° F.12/296
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/06561

CAILHOL

C/

SAS GIBAUD

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 10 Juillet 2013

RG : F.12/296

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2014

APPELANTE :

[W] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me KIRKYACHARIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Sarah MASOTTA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

SAS GIBAUD

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Pascal GARCIA de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substituée par Me Cécile AZOULAY, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 09 septembre 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Novembre 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Christine DEVALETTE, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Décembre 2014, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Christine DEVALETTE, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

[W] [G] a été embauchée par la S.A.S. GIBAUD par contrat à durée déterminée du 8 juin 2010 au 31 décembre 2010 qui a été prorogé au 30 novembre 2011.

[W] [G] a saisi le conseil des prud’hommes de SAINT-ETIENNE ; elle a demandé la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée, la qualification du terme des relations contractuelles en un licenciement et a réclamé l’indemnité de requalification, l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause, des dommages et intérêts pour conditions vexatoires et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 10 juillet 2013, le conseil des prud’hommes a débouté [W] [G] de l’ensemble de ses demandes, a débouté l’employeur de sa demande fondée sur les frais irrépétibles et a laissé les dépens de l’instance à la charge de [W] [G].

Le jugement a été notifié le 15 juillet 2013 à [W] [G] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 31 juillet 2013.

L’affaire fixée à l’audience du 20 mars 2014 a été renvoyée à l’audience du 5 juin 2014 à la demande des parties puis renvoyée contradictoirement à l’audience du 7 novembre 2014 à la demande des parties.

Par conclusions visées au greffe le 7 novembre 2014 maintenues et soutenues oralement à l’audience, [W] [G] :

— fait valoir que l’avenant de prorogation du contrat à durée déterminée ne comportait pas le motif du recours, que son embauche venait pourvoir un emploi durable et permanent de l’entreprise, demande la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée et réclame la somme de 8.400 euros à titre d’indemnité de requalification,

— explique que le nouveau directeur l’a mise à l’écart,

— soutient que la rupture du contrat doit produire les effets d’un licenciement sans cause et réclame la somme de 12.600 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.260 euros de congés payés afférents, la somme de 1.260 euros au titre de l’indemnité de licenciement, la somme de 26.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour conditions vexatoires de la rupture et mise à l’écart,

— sollicite la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l’employeur aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 7 novembre 2014 maintenues et soutenues oralement à l’audience, la S.A.S. GIBAUD :

— objecte que la mission de la salariée circonscrite à la mise en place des modules de formation médicales avait une nature temporaire et ne s’étendait nullement aux fonctions de responsable promotion médicale et que le contrat a été prorogé car la mission n’était pas terminée,

— analyse cette mise en place des formations en un accroissement temporaire d’activité et précise qu’elles ne relevaient nullement de l’activité permanente et principale de l’entreprise,

— souligne que le motif du recours au contrat à durée déterminée persistait au jour de son renouvellement,

— dément toute mise à l’écart et toute circonstance vexatoire,

— qualifie les demandes d’exorbitantes,

— ajoute que la rupture n’a pas été brutale et vexatoire mais était au contraire programmée,

— est au rejet des prétentions de la salariée et à la confirmation du jugement entrepris,

— sollicite la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la salariée aux dépens.

A l’audience, la Cour met dans la cause l’éventuelle contradiction interne au contrat à durée déterminée qui fixe son terme au 31 décembre 2010 tout en impartissant à la salariée des missions devant être réalisées en janvier 2011 ; la Cour invite les parties à s’expliquer et à en tirer les conséquences de droit au regard de l’existence et de la date du terme du contrat.

La S.A.S. GIBAUD, par la voix de son conseil, déclare que le contrat ne confiait pas de mission à la salariée pour la période postérieure au terme du contrat et que les mentions dans le contrat et son avenant '1 Pour un déploiement septembre : phlébologie’ et '2 Pour un déploiement janvier 2011 : mains rhumato’ signifiaient que la première mission devait être achevée avant septembre 2010 et la seconde avant janvier 2011 pour être déployées au cours des mois précités. [W] [G], par la voix de son conseil, déclare s’opposer à cette interprétation.

La S.A.S. GIBAUD, par la voix de son conseil, déclare également que, dans l’hypothèse d’une requalification du contrat de travail, elle admet l’exactitude des sommes réclamées au titre de l’indemnité compensatrice de trois mois de préavis et au titre de l’indemnité de licenciement.

Les parties s’accordent pour chiffrer le salaire mensuel à 4288 euros.

Mention des déclarations a été portée sur la note d’audience signée par le président et le greffier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification du contrat de travail :

L’article L. 1242-1 du code du travail dispose qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise.

La société GIBAUD vend du petit appareillage orthopédique.

[W] [G] a été embauchée en qualité responsable promotion médicale avec rattachement à la direction marketing par contrat à durée déterminée conclu le 21 mai 2010 ; il comportait le motif suivant : 'assurer le surcroît temporaire d’activité lié à la mise en place de modules de formation médicales auprès des forces de vente afin de professionnaliser leurs interventions auprès des prescripteurs et de former/informer ces derniers’ ; il se donnait effet du 8 juin 2010 au 31 décembre 2010.

Le contrat stipulait que [W] [G] aura en charge principalement et sans que cette liste soit limitative :

'1 Pour un déploiement septembre : phlébologie

— Elaboration sur la base des informations existantes du module phlébologie déclinée selon les cibles et plan de déploiement avec objectif d’élaboration sur Septembre

— Rédaction et création des modules médicale phlébologie sur les cibles (interne, MG, spécialistes)

— Formation de la force de vente au module de promotion médicale phlébologie en pharmacie et module spécifique en CS et hôpital

— Préparation et animation du congrès du CFPV

— Mise en place des tableaux de suivi,

— Analyse des résultats de l’activité VM et recommandations

2 Pour un déploiement janvier 2011 : mains rhumato

— Elaboration sur la base des informations existantes du module mains décliné selon les cibles pour déploiement en Janvier

— Proposition et déploiement de la politique de promotion médicale mains sur les cibles (interne, MG, spécialistes)

— Formation de la force de vente au module de promotion médicale main en pharmacie et module spécifique en CS et hôpital

— Mise en place des tableaux de suivi,

— Préparation et animation des congrès

3 Pour un déploiement Septembre Site Web

— Le développement du website professionnel par la mise en ligne des modules d’éducation’ (sic).

Par avenant signé le 24 décembre 2010 le contrat a été prorogé du 1er janvier 2011 au 30 novembre 2011 ; l’avenant ne comportait aucun motif et ne précisait pas les missions de la salariée.

L’offre d’emploi à laquelle [W] [G] a répondu en mars 2010 correspondait au poste de directeur promotion médicale et formation rattaché au directeur marketing.

L’employeur verse un organigramme de la direction marketing qui fait état de quatre services, le service gamme, le service communication, le service formation et le service communication médicale ; il est précisé que ce dernier service est attribué à [W] [G] ; il produit un schéma de sa stratégie qui mentionne dans les avantages associés l’information médicale, la formation, la documentation, le site internet et PLV. Dans un courrier du 23 septembre 2010, le directeur général de la société GIBAUD annonce que pour répondre aux enjeux définis par notre stratégie, l’organisation commerciale et marketing évolue et se renforce et qu’ 'en ligne avec la stratégie de l’entreprise, nous avons intégré au sein du département marketing un Responsable de la communication médicale depuis le 08 juin 2010 en la personne de [W] [G]. Son rôle est de générer des outils novateurs et différenciants afin de renforcer notre positionnement médical existant. Notre objectif est d’accroître la prescription des produits GIBAUD en multipliant les contacts avec les professionnels de santé via les délégués mais également les symposiums, les tables rondes ou notre site internet'.

La société a embauché par contrat à durée indéterminée [Z] [H] en qualité de responsable des affaires médicales avec rattachement à la direction marketing à compter du 20 août 2012. La finalité de sa fonction était de 'contribuer à définir la stratégie promotionnelle à l’attention de la communauté médicale et prendre une part active à sa mise en place ; définir les standards de connaissance des équipes commerciales et contribuer à leur formation'.

Nonobstant le fait que [W] [G] qui avait un diplôme de kinésithérapeute a eu des missions moindres que celles d'[Z] [H] qui était médecin, il n’en reste pas moins que le poste sur lequel elle a été employée de début juin 2010 à fin novembre 2011 ne répondait pas à un accroissement temporaire d’activité mais à une nouvelle stratégie commerciale de la société GIBAUD ; en effet, cette société avait décidé de créer un nouveau poste destiné à la promotion médicale afin d’améliorer ses ventes et rattaché à la direction marketing ; l’organigramme de la société, la lettre du directeur général, la teneur de l’offre d’emploi et l’embauche à durée indéterminée d'[Z] [H] en sont la démonstration.

Ainsi, l’embauche de [W] [G] avait pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise.

L’article L. 1245-1 du code du travail répute à durée indéterminée le contrat de travail conclu en méconnaissance de l’article L. 1242-1 du code du travail.

En conséquence, le contrat de travail à durée déterminée conclu le 8 juin 2010 entre [W] [G] et la S.A.S. GIBAUD doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

L’article L. 1245-2 du code du travail octroie au salarié dont le contrat est requalifié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

[W] [G] percevait un salaire mensuel de 4.288 euros ; les éléments de la cause justifient de chiffrer l’indemnité de requalification à la somme de 4.500 euros.

En conséquence, la S.A.S. GIBAUD doit être condamnée à verser à [W] [G] la somme de 4.500 euros à titre d’indemnité de requalification.

Sur la rupture des relations contractuelles :

La requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée entraîne la requalification du terme des relations contractuelles en un licenciement privé de cause.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

[W] [G] comptabilisait une ancienneté comprise entre inférieure à deux ans.

La S.A.S. GIBAUD a admis l’exactitude des sommes réclamées au titre de l’indemnité compensatrice de trois mois de préavis et au titre de l’indemnité de licenciement.

En conséquence, la S.A.S. GIBAUD doit être condamnée à verser à [W] [G] la somme de 12.600 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.260 euros de congés payés afférents, et la somme de 1.260 euros au titre de l’indemnité de licenciement.

En application de l’article L. 1235-5 du code du travail [W] [G] peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi ; elle a été au chômage, puis en maladie ; elle a retrouvé du travail en septembre 2012 à temps partiel puis à temps complet avec une baisse importante de rémunération, environ 1.300 euros ; ces éléments justifient de chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 15.000 euros.

En conséquence, la S.A.S. GIBAUD doit être condamnée à verser à [W] [G] la somme de 15.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause.

[W] [G] était inscrite à un séminaire se tenant à MALTE du 4 au 8 avril 2011 ; le 31 mars 2011, sa supérieure a fait annuler cette inscription, estimant nécessaire la présence de [W] [G] à [Localité 1] pour terminer un travail important et urgent ; [W] [G] n’a pas été envoyée à un séminaire sur [Localité 3] ce qui a étonné un de ses collègues ; l’employeur lui a supprimé l’usage de la voiture en août 2011.

Ces éléments traduisent une mise à l’écart.

[W] [G] associe le licenciement brutal et vexatoire à la mise à l’écart ; elle ne donne pas une qualification juridique distincte à la mise à l’écart et elle globalise sa demande de dommages et intérêts.

Or, les faits en question sont bien antérieurs à la fin des relations contractuelles intervenue le 30 novembre 2011 ; par ailleurs, la date de la rupture des relations de travail était fixée dès l’avenant du 24 décembre 2010.

Dans ces conditions, le licenciement n’a été ni brutal ni vexatoire.

En conséquence, [W] [G] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et mise à l’écart.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L’équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de condamner la S.A.S. GIBAUD à verser à [W] [G] en cause d’appel la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S. GIBAUD qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d’appel et le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

Requalifie en contrat à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée conclu le 8 juin 2010 entre [W] [G] et la S.A.S. GIBAUD,

Condamne la S.A.S. GIBAUD à verser à [W] [G] la somme de 4.500 euros à titre d’indemnité de requalification,

Qualifie le terme des relations contractuelles en un licenciement privé de cause,

Condamne la S.A.S. GIBAUD à verser à [W] [G] la somme de 12.600 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.260 euros de congés payés afférents,

Condamne la S.A.S. GIBAUD à verser à [W] [G] la somme de 1.260 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

Condamne la S.A.S. GIBAUD à verser à [W] [G] la somme de 15.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause,

Déboute [W] [G] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et mise à l’écart,

Condamne la S.A.S. GIBAUD aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Condamne la S.A.S. GIBAUD à verser à [W] [G] en cause d’appel la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. GIBAUD aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Christine DEVALETTE

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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