Cour d'appel de Lyon, 8e chambre, 27 mai 2014, n° 14/00607

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 8e ch., 27 mai 2014, n° 14/00607
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 14/00607
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 9 décembre 2013, N° 2013r00409
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 9 mai 2023
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Sur les parties

Texte intégral

R.G : 14/00607

Décision du

Président du TC de LYON

Référé

du 10 décembre 2013

RG : 2013r00409

SASU CYBERCITE

C/

Société WALL ART VINYL, INCORPORATION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRET DU 27 MAI 2014

APPELANTE :

SASU CYBERCITE

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON (toque 1106)

Assistée de la SCP JAKUBOWICZ MALLET-GUY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Société WALL ART VINYL, INCORPORATION de droit américain

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3] ETATS-UNIS D’AME

Représentée par la SCP BAUFUME – SOURBE, avocat au barreau de LYON (toque 1547)

Assistée de la SELARL ASTA-VOLA MARRO & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l’instruction : 25 Mars 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Mars 2014

Date de mise à disposition : 27 Mai 2014

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Pascal VENCENT, président

— Dominique DEFRASNE, conseiller

— Françoise CLEMENT, conseiller

assistés pendant les débats de Magali QUELIN, greffier placé

A l’audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Pascal VENCENT, président, et par Marine DELPHIN-POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

La société WALL ART VINYL INCORPORATION, installée à [Localité 2] en Californie, est une société américaine qui exerce une activité de vente en ligne de produits de décoration à coller sur murs ou autres supports.

Elle vend exclusivement ses produits sur internet et jusqu’au mois de novembre 2009, elle a géré seule ses campagnes publicitaires.

Elle a décidé de faire appel, à compter de décembre 2009, à un professionnel du secteur afin d’optimiser ses campagnes publicitaires futures et s’est rapprochée en ce sens de la société française CYBERCITE, agence spécialisée dans le webmarketing.

Elle a ainsi confié à la société CYBERCITE une mission de référencement de son site Web, de mise en place et de contrôle d’outils de mesure avec analyse des données et la mise en place de campagnes publicitaires.

Se plaignant des mauvais résultats obtenus qu’elle considérait fautifs, la société WALL ART VINYL INCORPORATION a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier 2013, résilié avec préavis d’un mois le contrat conclu avec la société CYBERCITE et sollicité l’indemnisation de son préjudice à hauteur d’une somme de 743.616 €, déduction à faire du montant des factures en cours de 46.578 € dont elle annonçait d’ores et déjà qu’elle ne les payerait pas au titre de l’exception d’inexécution.

La SASU CYBERCITE a alors saisi le juge des référés du tribunal de commerce de LYON aux fins d’obtenir condamnation de la WALL ART VINYL INCORPORATION au paiement du solde de ses factures et par ordonnance du 10 décembre 2013, le juge des référés a fait droit à l’exception d’incompétence territoriale soulevée par cette dernière au profit des juridictions américaines.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société CYBERCITE, appelante selon déclaration du 23 janvier 2014, laquelle conclut à la réformation de l’ordonnance susvisée et demande à la cour de retenir la compétence des juridictions françaises et plus spécialement celle du président du tribunal de commerce de LYON et condamner la société WALL ART VINYL INCORPORATION à lui verser une provision de 56.086 €, outre intérêts calculés selon dernier taux de financement de la BCE majoré de 10 points et une indemnité de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions signifiées par la société WALL ART VINYL INCORPORATION qui demande à la cour de :

— à titre principal, dire n’y avoir lieu à référé s’agissant pour le juge de devoir analyser les relations contractuelles,

— à titre subsidiaire, se déclarer incompétent au profit des juridictions américaines,

— à titre infiniment subsidiaire, constater l’existence de contestations sérieuses et dire n’y avoir lieu à référé,

— en toute hypothèse, débouter la société CYBERCITE de l’intégralité de ses demandes et la condamner aux dépens et au paiement d’une somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SASU CYBERCITE soutient que :

— en application de l’article 46 du code de procédure civile, le lieu de la diffusion de la publicité est indifférent dès lors que les prestations techniques de conception, d’achat et de mise en ligne d’une campagne publicitaire ont été réalisées depuis le siège de l’agence, tel le cas en l’espèce s’agissant d’une agence située à [Localité 4],

— en tout état de cause, même à supposer que la compétence des juridictions françaises ne puisse être retenue en application de l’article 46 susvisé, la compétence du juge des référés français demeure fondée sur des aménagements spécifiques retenus par la jurisprudence et à tout le moins sur les dispositions de l’article 14 du code civil qui prévoit que le critère de la nationalité constitue en toute matière un critère de compétence juridictionnelle,

— la société WALL ART VINYL INCORPORATION a d’ailleurs reconnu la compétence des juridictions françaises lors d’une précédente instance,

— les documents qu’elle produit au dossier démontrent que sa créance est certaine, liquide et exigible alors même que la créance d’indemnisation alléguée par la société américaine est parfaitement hypothétique.

La société WALL ART VINYL INCORPORATION expose quant à elle que le juge des référés, juge de l’évidence, est incompétent pour apprécier quel était le lieu d’exécution du contrat, élément dépendant de l’analyse des relations contractuelles entre les parties à laquelle le juge de l’évidence ne peut se livrer ; elle ajoute qu’elle est une société de droit américain et que toutes les factures ont été signées au Etats-Unis, les conditions générales de vente, qui ne lui ont jamais été communiquées et qui seules pourraient prévoir une dérogation de compétence, ne pouvant d’ailleurs être appréciées que par le juge du fond.

La société WALL ART VINYL INCORPORATION ajoute que les fautes commises par sa cocontractante et dont les documents qu’elle produit au dossier permettent de constater l’évidente réalité, remettent en cause le fondement même des factures dont le paiement lui est réclamé.

1/ Sur la compétence territoriale du juge des référés du tribunal de commerce de LYON

En l’absence de traité international régissant les critères de compétence entre les juridictions françaises et les juridictions américaines, les règles de compétence interne à l’ordre judiciaire français doivent recevoir application ; l’article 46 du code de procédure civile prévoit ainsi que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service.

Aucune règle particulière ne définit la compétence territoriale du juge des référés qui doit appartenir à la juridiction amenée à statuer au fond ; il appartient alors à ce dernier d’appliquer les règles de compétences territoriales définies par les articles 42 et suivant du code de procédure civile, l’appréciation du critère de compétence lié à l’exécution d’une prestation de service n’excédant pas ses pouvoirs en ce qu’elle ne consiste pas à analyser au fond les relations contractuelles entre les parties mais à s’attacher seulement à déterminer le lieu d’exécution de la prestation.

S’agissant en l’espèce d’une prestation de service qui consiste, selon le contrat des parties, a d’une part fournir et faciliter pour un public américain, l’accès à partir des outils de recherche américains, au site web américain d’une société américaine diffusant les produits qu’elle commercialise sur le territoire américain, d’autre part mettre en place au bénéfice de cette société américaine, différents outils d’exploitation des données enregistrées notamment au vu du nombre de visites du site et enfin assurer la gestion de campagnes publicitaires à destination des internautes américains sur le territoire américain, il convient de considérer que même si la conception intellectuelle des outils mis en place se fait à partir de l’agence française villeurbannaise de la société CYBERCITE, la prestation de service s’exécute au lieu où l’internaute se connecte et bénéficie ainsi de l’information mise en place à son intention, soit en l’espèce sur le territoire américain.

La compétence des juridictions françaises ne saurait donc être retenue en application des dispositions de l’article 46 du code de procédure civile, pas plus qu’elle ne saurait non plus être retenue au titre de mesures d’urgence ou de mesures conservatoires qui ne sont pas réclamées en l’espèce, s’agissant d’une simple demande provisionnelle en paiement.

L’article 14 du code civil est encore invoqué en cause d’appel par la société CYBERCITE sans que ce nouveau fondement juridique ne puisse constituer une demande nouvelle prohibée au sens de l’article 564 du code de procédure civile ; il prévoit que l’étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français.

La compétence ainsi retenue des juridictions françaises au titre de la seule nationalité du demandeur qui l’invoque n’a lieu de s’appliquer que lorsqu’ aucun critère ordinaire de compétence territoriale n’est réalisé en France, tel étant manifestement le cas en l’espèce ; il convient en conséquence de retenir la compétence des juridictions françaises et particulièrement celle du juge des référés du tribunal de commerce de LYON, dans le ressort duquel se trouve le siège de la société CYBERCITE, choix correspondant aux exigences d’une bonne administration de la justice.

L’ordonnance critiquée sera donc réformée en ce sens.

2/ Sur la demande en paiement d’une provision

L’article 873 du code de procédure civile dispose que 'Le président (du tribunal de commerce) peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.'

Lorsque le débiteur prétend détenir une créance réciproque susceptible de s’imputer sur le principal réclamé, il appartient au juge des référés de vérifier si chacune des créances remplit la condition de l’absence de contestation sérieuse sans se borner à observer que le débiteur émet de son côté des prétentions.

En l’espèce, la société WALL ART VINYL INCORPORATION, qui a reconnu sa dette aux termes des mails d’octobre et décembre 2012, ne conteste ni le principe ni le montant des factures émises par la société CYBERCITE à son égard dans le cadre de leurs relations contractuelles ; sa contestation consiste à prétendre à une créance indemnitaire largement supérieure au montant du solde ainsi réclamé à son encontre, sans que pour autant et contrairement à ce que soutient l’intéressée, cette contestation ne remettre en cause le fondement même des factures dont le paiement provisionnel est réclamé.

L’appréciation des fautes qu’auraient commises la société CYBERCITE dans l’accomplissement de sa mission nécessite manifestement une appréciation et une analyse des relations contractuelles des parties qui ne ressort pas de la compétence du juge des référés mais de celle du juge du fond.

Aucune compensation éventuelle ne peut donc être retenue en l’état par le juge des référés et il convient en conséquence de condamner la société WALL ART VINYL INCORPORATION à payer à la société CYBERCITE la somme provisionnelle de 56.806 €, outre de cette somme intérêts de retard au taux légal à compter de l’assignation devant le tribunal de commerce, faute de toute possibilité d’appréciation par le juge des référés des conditions de règlement définies entre les parties.

3/ Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’équité et la situation économique des parties commandent enfin l’octroi à la société CYBERCITE d’une indemnité de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la société WALL ART VINYL INCORPORATION qui succombe ne pouvant qu’être déboutée en sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme l’ordonnance rendue le 10 décembre 2013 par le juge des référés du tribunal de commerce de LYON en toutes ses dispositions,

Vu l’article 14 du code civil,

Déclare territorialement compétent le juge des référés du tribunal de commerce de LYON,

Vu l’article 873 du code de procédure civile,

Condamne la société WALL ART VINYL INCORPORATION à payer à la SASU CYBERCITE la somme provisionnelle de 56.806 € au titre des factures n°17339, 17440, 17601, 17747, 18215, 18827 et 19088 émises respectivement les 29 février, 26 mars, 21 et 30 avril, 30 juillet, 31 octobre et 30 novembre 2012, outre de cette somme intérêts au taux légal à compter de l’assignation devant le tribunal de commerce de LYON,

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples des parties,

Condamne la société WALL ART VINYL INCORPORATION à payer à la SASU CYBERCITE une somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société WALL ART VINYL INCORPORATION aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Lyon, 8e chambre, 27 mai 2014, n° 14/00607