Cour d'appel de Lyon, 26 mai 2015, n° 12/08442

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 26 mai 2015, n° 12/08442
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 12/08442
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Saint-Étienne, 30 octobre 2012, N° 08/02362

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 12/08442

décision du

Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE

Au fond

du 31 octobre 2012

RG : 08/02362

XXX

S.C.I. F

C/

XXX

XXX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile B

ARRET DU 26 Mai 2015

APPELANTE :

S.C.I. F représentée par son gérant

XXX

XXX

Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SELARL LEXFACE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEES :

XXX

XXX

92271 BOIS-COLOMBES

Représentée par la SELARL CABINET CHAUPLANNAZ AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SELARL CHAUCHARD ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

XXX représentée par son gérant

XXX

XXX

Représentée par la SCP BAUFUME – SOURBE, avocat au barreau de LYON

Assistée de Me Bernard PEYRET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 15 Octobre 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Avril 2015

Date de mise à disposition : 26 Mai 2015

Audience tenue par I-J K, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Agnès BAYLE, greffier

A l’audience, I-J K a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— I-J K, président

— Marie-Pierre GUIGUE, conseiller rédacteur

— Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par I-J K, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI F est propriétaire, depuis le XXX, d’un immeuble situé au 21 rue Rouget de Lisle à Saint-Etienne.

En octobre 1983, elle a fait aménager une porte cochère destinée à faciliter l’accès des véhicules à la cour située à l’arrière.

La SCI SAMRA a acquis, le 19 mars 2004, l’immeuble voisin, situé au XXX.

En 2007, le mur du sous-sol du bâtiment appartenant l’immeuble de la SCI SAMRA s’est en partie effondré.

Par actes d’huissier des 23 et 26 mars 2007, la SCI SAMRA a fait assigner la SCI F devant le juge des référés et sollicité l’organisation d’une expertise.

Par ordonnance de référé du 18 avril 2007, une expertise a été confiée à Monsieur C. L’expert a déposé son rapport le 7 mars 2008.

Par actes d’huissier des 22 et 24 juillet 2008, le SCI SAMRA a fait assigner la SCI D et son assureur multirisques habitation, la SA AVIVA, devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne aux fins d’obtenir I’indemnisation de son préjudice sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Par jugement du 31 octobre 2012, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a :

— déclaré la SCI SAMRA recevable en sa demande,

— déclaré que la SCI F est responsable du trouble anormal de voisinage subi par la SCI SAMRA,

— mis hors de cause la compagnie d’assurance SA AVIVA,

— condamné la SCI F A verser à la SCI SAMRA en réparation du préjudice subi la somme de 153 535,37 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et la somme de 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à application dc l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SA AVIVA,

— débouté la SCI F de sa demande reconventionnelle,

— débouté la SCI SAMRA du surplus de ses demandes,

— condamné la SCI F aux dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire et les dépens de la procédure en référé.

Par déclaration du 27 novembre 2012, la SCI G F a relevé appel.

Par déclaration du 12 avril 2013, la SCI F a relevé appel.

Par ordonnance du 20 novembre 2013, le conseiller de la mise en état a :

— déclaré irrecevable l’appel de la SCI G F non partie en première instance,

— déclaré irrecevable les conclusions d’intervention volontaire de la SCI F dans le cadre de l’appel de la SCI G F,

— déclaré régulière la signification du jugement et irrecevable comme tardif l’appel de la SCI F dirigé contre la société AVIVA.

Par arrêt du 3 avril 2014, la cour a réformé l’ordonnance sur la tardiveté de l’appel, a annulé la signification de jugement du 10 décembre 2012 et a déclaré recevable l’appel formé par la SCI F contre la société AVIVA.

La SCI F demande à la cour de :

— rectifier le jugement en remplaçant la mention figurant dans le chapeau concernant l’identification de la SCI F par la mention : « RCS Saint-Etienne 408228500 dont le siège social est sis 8 rue Claudius Racodon 42000 Saint-Etienne »,

— infirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la SCI F sur le fondement des troubles anormaux du voisinage,

statuant à nouveau :

Au principal,

— débouter la SCI SAMRA de sa demande,

— condamner la SCI SAMRA à rembourser à la SCI F la somme de 2.155,85 euros avancée en cours d’expertise pour des travaux d’étaiement qui ne lui incombaient pas,

— la condamner, en tant que de besoin, à lui rembourser la somme de 153.535,37 euros TTC qui lui a été réglée dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement,

A titre subsidiaire,

— ordonner une contre-expertise et désigner tel autre Expert qu’il plaira qui recevra mission identique à celle confiée à Monsieur C par ailleurs complétée sur trois points : établir un diagnostic contradictoire de la structure des deux immeubles, dire si l’un et l’autre de ces immeubles sont en bon état d’entretien plus particulièrement si leurs caves sont correctement ventilées et expliquer les raisons pour lesquelles 24 ans auront été nécessaires pour que les désordres apparaissent,

A titre infiniment subsidiaire,

— limiter les demandes de la SCI SAMRA à la somme de 39.230 euros HT ou 41.387,65 euros TTC selon que la SCI SAMRA aura justifié ou non être en mesure de récupérer la TVA,

— si la SCI SAMRA justifie pouvoir récupérer la TVA, dire que l’indemnisation qu’elle a perçue dans le cadre de l’exécution provisoire devait être fixée pour sa somme HT soit 145.531,15 euros et, dans ces conditions, la condamner à rembourser à la SCI F la somme de 8.004,22 euros représentant la part de TVA indûment perçue.

— dire que la société AVIVA devra relever et garantir la SCI F de toute condamnation qui pourrait être prononcées à son encontre,

En tout état de cause,

Condamner la SCI SAMRA à payer à la SCI F somme de 4000 euros ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais de référés et d’expertise.

La SCI F fait valoir :

— que l’Expert C s’est fondé sur l’analyse établie par Monsieur X expert mandaté par la SCI SAMRA, dont les calculs sont erronés, à partir de laquelle il a tiré ses conclusions alors qu’au surplus il a omis d’expliquer les raisons pour lesquelles 24 ans auraient été nécessaires pour lier les travaux effectués par la SCI F aux désordres apparus sur l’immeuble voisin,

— que deux avis techniques amiables de Monsieur Y, ingénieur structure, et de Monsieur Z, expert près la cour d’appel de Lyon, relèvent les erreurs du rapport C et concluent que l’aménagement d’un passage cocher n’a pu produire les désordres invoqués par la SCI SAMRA, les désordres étant imputables à un défaut de conception de l’immeuble, à l’importante humidité du mur mitoyen et à l’absence totale d’entretien de l’immeuble,

— que la demanderesse ne rapporte donc pas la preuve du lien de causalité entre les désordres survenus en 2007 et les travaux réalisés en 1983, ce qui doit conduire au débouté de la demande ou à l’organisation d’une contre-expertise,

— que l’indemnité sollicitée est excessive, notamment en ce qu’elle conduit la SCI SAMRA à bénéficier d’une plus-value conséquente par reprise totale de la structure pour un coût excédant la valeur de l’immeuble,

— que l’exclusion de garantie invoquée par l’assureur ne peut recevoir application, d’une part, à défaut de produire les conditions générales en vigueur au moment de souscription du contrat d’assurance, et d’autre part, s’agissant d’une clause d’exclusion vidant la garantie de sa substance alors que compte tenu de l’ancienneté des travaux, aucune garantie obligatoire n’a vocation à s’appliquer.

La SA AVIVA demande le rejet des demandes formées par la SCI SAMRA reprenant des moyens de droit et de fait identiques à ceux énoncés par la société F, tout en apportant des développements techniques différents.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande sa mise hors de cause, arguant d’une exclusion de garantie. Elle soutient avoir produit des conditions générales valables déterminant une exclusion de garantie suffisamment limitée.

A titre très infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de reconnaître qu’elle ne saurait être tenue que dans les limites de ses obligations contractuelles, après déduction du montant de la franchise et dans la limite de son plafond de garantie.

La société AVIVA demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a mis hors de cause l’assureur,

— infirmer le jugement en ce qu’il a retenu un lien de causalité entre les désordres et les travaux et par suite, prononcer la mise hors de cause de l’assureur en l’absence de responsabilité de l’assuré,

— lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande de contre-expertise,

— ramener la demande à de plus justes proportions à la somme de 41387,65 euros,

— très subsidiairement, dire et juger que la société AVIVA ne peut être tenue que dans les limites contractuelles après déduction du montant de la franchise et dans les limites du plafond de garantie,

— condamner tous succombant au paiement d’une indemnité de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société AVIVA soutient :

— que l’exclusion de garantie formellement limitée et valable fait obstacle à la demande de garantie,

— que le rapport de monsieur Y permet d’exclure le lien de causalité entre les désordres et les travaux réalisés il y a 24 ans,

— que le montant des réparations ne peut excéder le devis de la société Morel pour la somme de 41 387,65 euros,

— que la société AVIVA ne peut être tenues que dans les limites contractuelles après déduction du montant de la franchise et dans les limites du plafond de garantie conformément à l’article L.112-6 du code des assurances.

La SCI SAMRA demande confirmation du jugement et condamnation de la SCI F au paiement d’une somme supplémentaire de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique :

— que l’expert judiciaire a clairement démontré que la création d’ouverture de la SCI F a ramené une charge concentrée sur le mur de refend, modification qui a créé sur la période de 24 années la destruction des murs de la SCI SAMRA,

— que l’expert souligne qu’une étude de structure lors de la réalisation des travaux en 1983 aurait déterminé l’obligation de faire reposer la porte cochère, non sur les morceaux de murs restant au rez de chaussée mais de descendre ceux-ci jusqu’aux sols d’assise de la cave,

— que rien n’établit l’exactitude des calculs de charge du cabinet Y ou la pertinence de l’analyse des photographies de Monsieur X faite par Monsieur Z en dehors de l’expertise judiciaire,

— que le travail de l’expert judiciaire qui a procédé à la vérification des calculs de Monsieur X n’est donc pas sérieusement remis en cause,

— que l’expert judiciaire a ainsi retenu que la fragilité structurelle de l’immeuble de la SCI SAMRA a conduit à des fissurations mais ne peut expliquer l’effondrement des murs qui trouve sa cause dans l’aménagement du passage,

— que l’expert a préconisé la solution technique de mise en place de barres d’ancrage à travers le mur disloqué et retenu le devis le moins coûteux conforme au principe de réparation intégrale du préjudice, peu important la valeur de l’immeuble.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de la SCI F

Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Celui qui entend engager la responsabilité de son voisin, à l’occasion de travaux opérés par ce dernier, doit démontrer l’existence d’un trouble anormal et d’un lien de causalité entre le chantier et le trouble anormalement subi.

En l’espèce, la SCI SAMRA soutient que la destruction du mur de son sous-sol a été directement causée par les travaux d’aménagement de la porte cochère effectués par la SCI F en 1983.

La SCI F prétend que la demanderesse ne prouve pas le lien de causalité entre les désordres et les travaux réalisés en 1983.

Il résulte du débat et il n’est pas contesté que ces travaux ont consisté en la démolition d’une partie des murs de façade, des murs intermédiaires et de la cour avec renfort de l’immeuble par la pose de linteaux IPN avec remplacement du plancher haut du sous-sol par une dalle en béton armé.

L’expert judiciaire monsieur C a conclu, après avoir vérifié et admis les analyses d’un ingénieur structure mandaté par la demanderesse, M. X, que:

— la création du passage cocher côté SCI F a fait augmenter les charges uniformément réparties sur le mur de 20 tonnes environ à 21 tonnes, modification ne pouvant être à l’origine de l’effondrement,

— la création de l’ouverture dans les trois murs perpendiculaires au mur supposé mitoyen (2 murs de façades plus mur de refend) a amené une charge concentrée qui, sur le mur de refend, est passée de 5,7 tonnes à 49 tonnes,

— la configuration d’effondrement est celle d’un mur subissant des charges verticales importantes puisqu’il périt par gonflement de deux côtés des propriétés.

L’expert en déduit que cette création de l’ouverture dans les trois murs situés a causé à la longue la destruction des murs situés immédiatement au dessous situés dans un milieu relativement humide.

Il ajoute que si la SCI F avait mandaté à l’époque un ingénieur-structure, il aurait été prévu de ne pas se contenter des morceaux de mur restant au rez-de-chaussée faisant office de poteaux mais de descendre ceux-ci jusqu’au sol d’assises de la cave.

L’expert a en outre constaté que côté SCI F, les planchers des étages prennent appui sur le mur mitoyen et que, d’après les déclarations de M. F, le plancher bas du rez-de-chaussée (plancher haut du sous-sol) reposait lui sur les murs de façade avant la création du passage cocher.

Pour critiquer rapport d’expertise judiciaire déposé en 2008, la SCI F se fonde sur deux notes techniques réalisées à son initiative en février et mai 2013 du cabinet Y et de monsieur Z pour soutenir que l’éboulement serait dû non à un report de charges concentrées sur le mur de refend mais à l’humidité excessive du mur et au défaut d’entretien de l’immeuble de la SCI SAMRA.

Cependant, ces études non contradictoires ont été réalisées tardivement sans visite des lieux et ne contredisent pas valablement le rapport d’expertise, étant relevé que les parties défenderesses avaient disposé d’un temps suffisant pour établir leurs dires sans discuter alors les études de charges.

En effet, l’expert judiciaire, après avoir visité les lieux, n’a pas retenu le défaut d’entretien de l’immeuble de la SCI SAMRA et n’a pas constaté d’humidité excessive dans les locaux en cause dont la vétusté ou le défaut d’entretien ne peuvent se déduire du prix d’achat d’origine.

Contrairement aux affirmations de la SCI F et de son assureur, l’expert judiciaire ne mentionne pas, dans son rapport, le mauvais état de l’immeuble mais seulement l’état d’humidité de la cave sans retenir son caractère anormal et causal en précisant seulement (« .., d’autant que ceux-ci sont dans un milieu relativement humide »).

De même, s’il n’est pas contesté que l’immeuble est ancien, les photographies versées aux débats ne prouvent pas que l’immeuble nécessitait des travaux structurels liés à un risque d’effondrement excédant les travaux d’entretien.

Dès lors, la SCI F et son assureur ne démontrent pas que ces prétendus défauts atteignent la structure de l’immeuble et sont à l’origine des désordres constatés.

L’expert judiciaire a, en revanche, relevé, au vu d’une études de charges qu’il a validée, que la création du passage cocher a transformé des charges uniformément réparties sur les murs parallèles à la rue (façades et refend) en charges concentrées au droit du mur mitoyen.

Ainsi que l’a exactement relevé le tribunal, cette analyse est corroborée par les photographies faites par M. X et figurant dans son rapport versé aux débats par la SCI SAMRA permettant de constater que l’éboulement a principalement eu lieu sur le mur commun au niveau des points d’appui des murs perpendiculaires, et en particulier au niveau du mur de refend.

Contrairement à ce qu’affirment la SCI F et son assureur, le fait que vingt-quatre années séparent les travaux litigieux de l’affaissement du mur n’est pas à lui seul de nature à exclure l’existence d’une relation causale entre ces deux événements. L’expert explique, au contraire, que la surcharge sur le mur séparant des propriétés consécutive aux travaux a conduit à l’effondrement du mur par une action progressive sans signe annonciateur notable.

Sur ce point, l’expert constate l’existence de nombreuses fissures dont l’ampleur a été aggravée par la surcharge. C’est d’ailleurs l’existence de ces fissurations à proximité du mur commun qui a conduit à la société SAMRA à mandater un ingénieur-structure avant l’effondrement du mur.

L’expert judiciaire corrobore cette analyse par la constatation faite lors de sa visite des lieux du 4 juin 2007 que du côté de la SCI F au sous-sol le mur mitoyen avait été étayé avant son passage mais qu’un fort gonflement existait conduisant à considérer que si cet étaiement n’avait pas été réalisé, une partie du mur de la SCI F serait dans le même état que celui de la SCI SAMRA.

En outre, l’expert explique clairement en quoi la structure des deux immeubles est commune retenant que « l’examen des deux constructions nous permet de déduire que le bâtiment de la SCI SAMRA qui a dû être construit après celui de la SCI F, est venu s’appuyer sur le mur de cette dernière » grâce à des linteaux encastrés. Cette analyse est identique à celle du conseil technique de la compagnie d’assurance, M. E indiquant suite à l’accédit du 4 mars 2008 que « l’examen des façades a permis de déterminer que l’immeuble SAMRA avait été construit postérieurement à l’immeuble F en étant accolé à celui-ci sans construction d’un nouveau mur pignon, le mur de refend et le mur de XXX étant ancrés dans le mur pignon de l’immeuble F avec des encastrements manifestement de faible profondeur ». Par conséquent, le postulat de l’expert judiciaire n’est pas erroné.

La configuration des lieux permet ainsi de valider l’analyse de l’expert judiciaire selon laquelle l’agrandissement du passage a pu surcharger le mur commun aux deux propriétés sur lequel elles prennent appui.

Enfin, si l’expert n’a pas retenu de défaut d’entretien ou de vétusté de l’immeuble sujet de l’effondrement, il a néanmoins considéré que la fragilité structurelle de l’immeuble appartenant à la SCI SAMRA résultant de la construction des murs perpendiculaires des deux façades et du refend intérieur constitués de linteaux ancrés dans le mur litigieux conduit à des fissurations mais ne peut pas expliquer l’effondrement des murs du sous-sol, qui trouve sa cause dans l’aménagement du passage.

A l’inverse, la SCI F et son assureur ne fournissent pas davantage en appel d’explication technique de nature à démontrer que la fragilité de la structure du bâtiment de la SCI SAMRA a joué un rôle causal prépondérant dans la survenance du dommage. Il n’est pas démontré ensuite que la constatation de l’expert selon laquelle les planchers des étages prennent appui sur le mur mitoyen serait inexacte comme le soutient la société AVIVA, se contentant d’énoncer que cette affirmation serait surprenante au vu de la configuration des lieux.

En outre, la compagnie d’assurance AVIVA estime que l’absence de dommage sur le fonds de la SCI F contredit l’analyse de l’expert. L’expert précise cependant que l’absence de dégât de ce côté du bâtiment s’explique facilement par le fait que, les planchers et les murs du sous-sol ayant été étayés, il n’y a pas eu d’effondrement de mur, donc pas d’affaissement en partie supérieure comme côté SCI SAMRA".

La SA AVIVA prétend également que si, comme le retient l’expert, la seule concentration des charges liées à la création des ouvertures était à l’origine de l’effondrement du mur en sous-sol, le mur du rez-de-chaussée aurait dû également être fortement détérioré, dans la mesure où la concentration des charges a lieu au droit de l’appui des poutres métalliques, soit en sous face du plancher haut du rez-de-chaussée.

Mais il résulte du rapport d’expertise judiciaire que ce sont les modifications faites au niveau du plancher bas du rez-de-chaussée (« d’après les déclarations de M. D, le plancher bas du rez-de-chaussée (plancher haut du sous-sol) reposait lui sur les murs de façade avant la création du passage cocher ») conduisant à faire supporter par le mur commun des charges qui, auparavant, étaient supportées par les murs de façade, qui ont engendré les désordres, ce qui permet d’expliquer la survenance des dégâts les plus importants au niveau du sous-sol.

L’hypothèse maintenue en appel par la société AVIVA d’un écartement entre les deux bâtiments lié à l’absence de chaînage de l’immeuble de la SCI SAMRA n’est pas mieux justifiée par la seule physionomie des fissures de lèvres parallèles, signe d’un écartement, et de l’absence de fissurations verticales de cisaillement assorties de niveaux, complétés de fissurations d’allure diagonale avec ouverture avec des ouvertures de largueur progressive, signe d’un affaissement. Ces constatations, même en les supposant corroborées par les photographies versées aux débats sans constatations matérielles des experts amiables au contraire de celles relevées contradictoirement lors de l’expertise, ne sauraient toutefois suffire à invalider les conclusions de l’expert, d’autant qu’il sera noté que les fissurations sont contiguës au mur litigieux, ce qui accrédite la thèse selon laquelle la cause des désordres provient d’une surcharge sur le mur « mitoyen ».

En conséquence, la cour retient à l’instar du premier juge que les travaux réalisés par la SCI F en 1983 sont à l’origine du trouble anormal causé à la SCI SAMRA résultant de l’effondrement de son mur et l’affaissement de son immeuble, sans qu’il soit besoin d’organiser une contre-expertise.

Sur l’évaluation du préjudice

L’expert judiciaire préconise, compte tenu des fissurations constatées sur les murs avoisinants de la SCI SAMRA, de sceller des barres d’ancrage à travers les parties disloquées permettant de lier ces éléments avec les murs encore sains.

L’expert retient le devis le moins coûteux d’un montant de 146.153 euros comprenant, outre les frais d’études et de chantier, un renfort de structure par tirants, une réfection du mur mitoyen au sous-sol, le renfort de linteaux et une réfection en sous-oeuvre des palliasse et paliers.

La SCI F conteste cette évaluation sur la base des devis de la société MOREL CONSTRUCTION portant exclusivement sur la reprise du mur mitoyen en sous-sol et la mise en sécurité de la façade arrière outre les frais d’étaiement d’urgence, soit au total la somme de 41387,65 euros.

Cependant, les parties défenderesses ne contredisent pas utilement la préconisation de l’expert selon laquelle la remise en état du bâtiment détérioré par surcharge nécessite un renforcement de sa structure et non une simple reprise du mur mitoyen au niveau de la cave.

L’humidité excessive du mur mitoyen retenue par le cabinet Y sans visite des lieux n’étant pas avérée ainsi qu’il ressort des motifs qui précèdent, la SCI F ne peut s’en prévaloir pour limiter la réparation du dommage.

En vertu du principe de réparation intégrale du dommage, la valeur patrimoniale de l’immeuble est sans incidence dès lors que la solution préconisée par l’expert est la seule à même de rétablir l’immeuble dans un état exempt de désordres.

Le premier juge a ainsi exactement fixé le montant de la réparation à la somme de 153.535,37 euros comprenant le coût des travaux de reprise auquel s’ajoutent les frais d’étaiement provisoires et mesures d’urgence non contestés par la SCI F.

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne l’évaluation de l’indemnité allouée à la SCI SAMRA.

Sur la garantie de l’ assureur AVIVA

L’assureur AVIVA venant aux droits de la société ABEILLE ASSURANCES communique les conditions générales correspondant au contrat « Vestale Immeuble », identifiées sous numéro 7171 visées par le contrat d’assurance en date du 23 mai 1997 stipulant à l’article 5.2 que la société garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu’il peut encourir en vertu des articles 1382 à 1386 et 1719 à 1721 du code civil en raison des dommages corporels et matériels ainsi que des dommages immatériels qui en seraient la conséquence directe, résultant d’accidents causés aux tiers par le fait

— des bâtiments et clôtures situés à l’adresse indiquée aux conditions particulières,

— des ascenseurs et des monte-charges

— des gardiens, de leurs aides ou de leurs remplaçants et de façon générale tout préposé de l’assuré dans le cadre de ses fonctions d’entretien ou de garde des bâtiments,

— des arbres, des cours ou des jardins attenant à la propriété, des parcs de jeux mis à la disposition des enfants ou d’une piscine dans l’enceinte de la résidence assurée,

— de l’encombrement des trottoirs, cours et portes cochères ou du non enlèvement de neige ou de verglas ;

— de la chute des antennes de radio ou de télévisions, des paquets de neige ou de glaçons;

— du matériel et des biens mobiliers affectés au service de l’immeuble, à l’exclusion des véhicules terrestres à moteur soumis à l’obligation d’assurance ;

— de vols commis dans l’immeuble au préjudice des occupants,

— de détournement de paquets ou de colis par les gardiens de l’immeuble ou leurs remplaçants au préjudice des locataires ou des copropriétaires habitant l’immeuble ;

— de retards, erreurs ou omissions dans la distribution du courrier ou de plis de toute nature (..)

— de maladies transmises par les vide-ordures de l’immeuble, sous réserve que l’assuré ait respecté les obligations d’entretien mises à sa charge par la réglementation en vigueur.

La clause 5.4 des conditions générales stipule que ne sont pas garanties les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile en raison :

— des dommages susceptibles d’engager la responsabilité décennale de l’assuré, au titre des articles 1792 et 2270 du code civil (..) ;

— des dommages occasionnés par les travaux exécutés sur ou dans l’immeuble (y compris sur les ascenseurs ou les monte-charges) ;

— des dommages résultant d’un défaut permanent d’entretien de la part de l’assuré, d’un manque de réparation indispensables, de la vétusté ou de l’usure signalée à l’assuré et auxquels il n’aurait pas été remédié (sauf impossibilité matérielle par suite d’un cas de force majeure) (..)

— de la réfection des biens appartenant à l’assuré et ayant causé les dommages, même si cette réfection est nécessaire et peut être considérée comme une conséquence de la responsabilité de l’assuré.

Compte tenu de la nature du trouble de voisinage dont est reconnue responsable la SCI F, l’exclusion de garantie ayant pour objet les dommages occasionnés par les travaux exécutés sur l’immeuble a vocation à s’appliquer.

Conformément à l’article L. 113-1 du code des assurances, cette exclusion est suffisamment limitée et ne vide pas le contrat d’assurance de sa substance dès lors que la garantie peut être mise en jeu pour un nombre important de sinistres définis à la clause 5.2 et que de nombreux dommages (chute de neige, vol, encombrement des trottoirs, accidents de personne liés aux portes ou aux sols du bâtiment,..) restent couverts en dehors de tout chantier et sans qu’un défaut d’entretien incombant à l’assuré dépourvu d’aléa puisse être retenu.

L’exclusion de garantie en cas de travaux sur l’immeuble limitée et valable s’explique par la nécessité légale ou l’usage de souscrire d’autres polices d’assurance en matière de travaux soit l’assurance garantie décennale, dommages ouvrage ou police chantier souscrite par l’entrepreneur.

En définitive, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la SCI F à payer à la SCI SAMRA une indemnité de 153,535,37 euros en réparation de son préjudice et en ce qu’il a mis hors de cause la société AVIVA.

Sur les demandes accessoires

La SCI F verse au débat l’extrait du registre du commerce et des sociétés permettant de rectifier la mention erronée en page 1 du jugement concernant l’identification de la société F corrigée par la mention : « RCS Saint-Etienne 408228500 dont le siège social est sis 8 rue Claudius Racodon 42000 Saint-Etienne ».

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la SCI SAMRA succombant aux dépens incluant les frais d’expertise judiciaire et les dépens de la procédure en référé ainsi qu’au paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile. Il sera alloué en appel, la somme supplémentaire de 3000 euros.

L’équité ne commande pas de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SA AVIVA en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Rectifie le jugement en remplaçant la mention figurant dans le chapeau concernant l’identification de la SCI F par la mention : « RCS Saint-Etienne 408228500 dont le siège social est sis 8 rue Claudius Racodon 42000 Saint-Etienne »,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la SCI F à payer à la SCI SAMRA la somme supplémentaire de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SCI F et la société AVIVA de leurs demandes,

Condamne la SCI F aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP BAUFUMÉ SOURBÉ et de Maître CHAUPLANNAZ avocats.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Lyon, 26 mai 2015, n° 12/08442