Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 26 avril 2017, n° 16/02705

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, ch. soc.-sect. 1, 26 avr. 2017, n° 16/02705
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 16/02705
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Metz, 22 mars 2012
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n° 17/00239 26 Avril 2017


RG N° 16/02705


Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

23 Mars 2012

XXX


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ Chambre Sociale-Section 1 ARRÊT DU

vingt six Avril deux mille dix sept

APPELANT :

Monsieur E F

XXX

XXX

Représenté par Me Antonio MARTINEZ-MATALOBOS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

SAS X prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

Représentée par Me Ariane QUARANTA, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Renée-Michèle OTT, Présidente de Chambre

Monsieur L LAFOSSE, Conseiller

Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Geneviève BORNE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Renée-Michèle OTT, Présidente de Chambre, et par Monsieur Ralph TSENG, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil des prud’hommes de Metz en date du 23 mars 2012;

Vu la déclaration d’appel de M. E F en date du 30 mars 2012;

Vu les conclusions de M. E F en date du 17 novembre 2014 et déposées le 20 novembre 2014 ;

Vu les conclusions de la société X en date du 20 février 2015 et déposées le 25 février 2015 ;

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 16 février 2006, M. E F a été engagé par la société X, en qualité de directeur au niveau IX échelon 1 de la convention collective du commerce de gros, avec une reprise d’ancienneté au 1er novembre 1987.

Il percevait en dernier lieu un salaire brut de 8 755 € brut par mois, auquel s’ajoute une rémunération variable correspondant à 20% du dépassement d’un seuil de résultat d’exploitation des sociétés Loraflex et Loraflex Luxembourg, après déduction des impôts.

Le 23 novembre 2010, M. E F a saisi le conseil des prud’hommes de Metz d’une demande de rappel de salaire correspondant à la part variable de sa rémunération, ainsi que d’une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur et de condamnation de ce dernier au paiement des indemnités de rupture.

Par lettre en date du 20 décembre 2010, la société X a notifié à M. E F son licenciement pour faute grave.

Suivant jugement en date du 23 mars 2012, le conseil des prud’hommes de Metz a débouté M. E F de toutes ses demandes, ainsi que la société X de sa demande formée au titre des frais irrépétibles de procédure. Par conclusions sus-visées et reprises à l’audience, M. E F demande d’infirmer le jugement entrepris et de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, avec effet au 29 décembre 2010.

Subsidiairement, il demande de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. M. E F demande en tout état de cause de condamner la société X au paiement des sommes suivantes :

—  115 246 €, au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  26 265 € brut, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  2 626 € brut, au titre des congés payés y afférents,

—  450 000 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

—  4 948,48 € brut, au titre des sommes retenues pendant sa mise à pied conservatoire,

—  494,85 € brut, au titre de l’indemnité de congés payés sur ce rappel de salaire,

—  67 919 € brut, à titre de rappel de salaire sur les primes d’objectifs pour l’exercice 2007/2008,

—  6 791,90 € brut, au titre de l’indemnité de congés payés sur ce rappel de salaire,

—  38 888 €, brut à titre de rappel de salaire sur les primes d’objectifs pour l’exercice 2008/2009,

—  388,88 € brut, d’indemnité de congés payés sur ce rappel de salaire,

—  93 919 €, au titre de l’indemnité compensatrice à l’obligation de non-concurrence,

M. E F demande de condamner la société X, sous astreinte de 100 € par jour de retard, commençant à courir après la notification de la décision à intervenir à produire aux débats l’ensemble des éléments comptables permettant de calculer la prime d’objectif due pour l’exercice 2009/2010, et ce jusqu’au 29 décembre 2010, outre la fiche de salaire de décembre 2010, ainsi que l’attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée conformément à la décision à intervenir. Il sollicite en conséquence le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure, afin de calculer les primes d’objectifs dues. M. E F demande enfin de condamner la société X à lui payer la somme de 5 000 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens.

Par conclusions sus-visées et reprises à l’audience, la société X demande de confirmer le jugement entrepris, en toutes ses dispositions. Elle demande également de dire que la demande de paiement de la contrepartie de la clause de non-concurrence est irrecevable, car prescrite en application de l’article L. 3245-1 du code du travail. A titre subsidiaire, il demande de dire qu’en tout état de cause l’article 75 a du code de commerce local n’est pas applicable à la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail et de débouter le salarié de sa demande. A titre infiniment subsidiaire, la société X demande d’ordonner à M. E F de produire les renseignements sur le montant de ses profits, en application de l’article 74 c du code de commerce local. La société X sollicite enfin la condamnation de M. E F à lui payer la somme de 5 000 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées. MOTIFS

Sur le rappel des primes d’objectifs

Attendu que l’article 5 du contrat de travail prévoit que M. E F bénéficie d’une prime obtenue sur la réalisation d’objectif, prenant effet à partir du 1er avril 2005 sur l’exercice en cours, payable chaque année au 30 juin, correspondant à 20 % du dépassement d’un seuil de résultat d’exploitation des sociétés X et X Luxembourg, après déduction des impôts sur ces sociétés, dont le taux moyen est fixé à 34,33 % ;

Qu’à l’appui d’une attestation établie le 31 janvier 2011 par une société fiduciaire d’expertise comptable (société Sofico France), M. E F conteste le calcul de ses primes, tel qu’il a été effectué par son employeur pour les exercices 2007/2008 et 2008/2009 ;

Que sur la base du résultat d’exploitation de la société X, ayant atteint pour l’exercice 2007/2008 la somme de 871 070 €, et celui de X Luxembourg s’élevant à 77 616 €, le salarié estime qu’il aurait dû percevoir une prime d’objectif d’un montant de 99 052 €, au lieu de 31 133 €, d’où un rappel de salaire de 67 919 € brut ;

Que s’agissant par ailleurs de l’exercice 2008/2009, le résultat d’exploitation de la société X et X Luxembourg, ayant respectivement atteint 644 753 € et 145 216 €, M. E F fait valoir qu’il aurait dû percevoir, au titre de sa prime d’objectif, la somme de 79 728 € brut, alors qu’il n’a perçu de son employeur que 40 840 €, ayant donc droit à un rappel de salaire à concurrence de la somme de 38 888 € brut ;

Attendu que la société X relève à juste titre que le calcul de la prime d’objectif, tel qu’il est ainsi présenté par M. E F, intègre à tort le résultat d’exploitation l’ensemble des agences de la société X, alors que seules celles relevant de son secteur géographique, et dont il a personnellement la responsabilité, doivent être prises en compte ;

Que l’article 5 du contrat de travail précise à cet effet que la prime d’objectif est déterminée sur la base des agences existantes au 31 mars 2005, c’est-à-dire Metz, Reims, Strasbourg, Dijon, Nancy et Luxembourg et ne peut donc concerner les agences de Lyon et de Marseille, dont il n’a pas la charge, et qui ont été intégrées à la société X, le 31 décembre 2007, suite à la fusion de celle-ci avec la société X Rhône Alpes Auvergne ;

Que M. E F ne peut prétendre que la prime d’objectif lui revenant annuellement doit être calculée sur la base du résultat d’exploitation de l’ensemble des agences de la société X, alors qu’il justement refusé le 27 mars 2009 de signer avec son employeur un projet d’avenant à son contrat de travail, prévoyant le retrait de l’agence de Dijon, au motif que celui-ci aurait une incidence sur le montant de la part variable de sa rémunération ;

Attendu que sur la base du décompte établi par l’employeur, limité aux agences relevant du périmètre du salarié (soit respectivement Metz, Reims, Strasbourg, Dijon, Nancy et Luxembourg), dont le résultat d’exploitation n’est pas contesté, M. E F a droit à une prime d’objectif d’un montant de 31 133 € pour l’exercice 2007/2008 et de 40 840 € pour celui 2008/2009 ;

Que M. E F sera en conséquence débouté de sa demande de rappel de salaire formé au titre des primes d’objectifs, dues pour ces deux exercices, et sera par ailleurs débouté de sa demande de production sous astreinte de l’ensemble des éléments comptables permettant de calculer la prime d’objectif due pour l’exercice suivant 2009/2010 ;

Que sur ce dernier point, M. E F ne conteste pas en effet avoir perçu pour l’exercice 2009/2010 une prime d’objectif d’un montant de 38 733 € brut qui a été calculée selon les éléments comptables versés par la société X sur la base du résultat d’exploitation des agences placées sous son contrôle ;

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Attendu que lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée, et doit, dans le cas contraire se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur ;

Qu’en l’espèce, M. E F ayant saisi le conseil des prud’hommes de Metz, le 23 novembre 2010, soit avant que la société X ne lui notifie son licenciement pour faute grave le 20 décembre 2010, il convient d’examiner en premier lieu la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Attendu que M. E F fait grief à la société X d’avoir modifié de manière substantielle ses attributions, à compter du 1er octobre 2007, date à laquelle M. H I a été nommé en qualité de directeur général, en remplacement de M. Y et M. Z ;

Que le salarié affirme, qu’à compter de cette date, son planning de visites commerciales a été bouleversé et que, d’autre part, il n’était plus tenu informé de certains mouvements du personnel au sein des agences, placées sous sa responsabilité, bien qu’il ait été jusqu’alors en charge de la gestion du personnel ;

Que M. E F soutient également qu’il a été dépossédé par M. H I de ses attributions antérieures, concernant la gestion des achats liés aux activités « ventilation » et « fumisterie », et que ce dernier lui a imposé d’accomplir des tâches administratives, telles que l’établissement de rapports mensuels sur l’activité des commerciaux, au détriment des fonctions commerciales qu’il exerçaient précédemment ;

Attendu que M. E F ne justifie pas que M. H I, alors nommé directeur général, aurait modifié ses plannings de visites commerciales, comme il est allégué, ne versant sur ce point aucun document venant attester ce fait ;

Que selon l’article 3 de son contrat de travail, il convient de relever que le salarié était en outre simplement chargé de « la gestion courante des agences », et qu’il ne démontre pas qu’il aurait assuré dans le passé le recrutement du personnel des agences placés sous sa direction ;

Qu’enfin, contrairement à ses allégations, il résulte du courriel adressé le 31 mai 2010 par M. J K, directeur du développement, que M. E F verse lui-même aux débats, qu’il était tenu informé par sa hiérarchie des futures embauches de commerciaux au sein des agences dépendant de son secteur géographique ;

Attendu que l’article 3 du contrat de travail précise que M. E F est directement rattaché au président de la société X et qu’il est chargé en particulier, dans le cadre d’une délégation de pouvoir, de la sélection des fournisseurs, de la politique d’achat, ainsi que de la définition des règles d’approvisionnement au sein de ses agences ;

Que conformément à une lettre recommandée avec accusé de réception, adressée le 9 février 2008 à M. L M, président de la société X, il est certes établi que M. E F a reproché à M. H I, directeur général depuis le 1er octobre 2007, une immixtion dans ses fonctions, déplorant ainsi « une réduction progressive mais importante dans mes fonctions, sans que cette modification ne m’ait été notifiée par écrit » ; Que toutefois, M. E F ne rapporte pas la preuve qu’il aurait été dépossédé par M. H I de ses anciennes attributions, s’agissant en particulier de la gestion des achats liés aux activités « ventilation » et « fumisterie, relevant de son secteur géographique ;

Qu’il ressort au contraire d’un compte-rendu de réunion daté du 3 avril 2008, aux termes de laquelle la société X lui a demandé d’établir un point complet sur les négociations des marchés conclus en 2008, afin de finaliser son budget, que le salarié assurait toujours à cette date sa mission relative à la définition de la politique d’achats et de la sélection des fournisseurs ;

Attendu que M. E F ne démontre pas non plus que M. H I lui aurait imposé, à compter du 1er octobre 2007, d’établir des rapports d’activité supplémentaires, étant observé que l’article 6 de son contrat de travail prévoit qu’il doit impérativement fournir chaque mois un rapport d’activité des agences suivant le cadre défini par son directeur général ;

Que la société X justifie par ailleurs que le salarié a toujours adressé à sa hiérarchie des comptes-rendus détaillés de ses différentes activités au sein des agences placées sous son contrôle, comme en témoignent ceux versés aux débats qu’il rédigeait en juillet 2007, avant l’arrivée en fonction de M. H I ;

Attendu que dans le cadre d’une réorganisation de ses services intervenue le 31 décembre 2007, la société X a adressé le 9 novembre 2009 à M. E F un projet d’avenant à son contrat de travail, prévoyant le rattachement de l’agence de Dijon, dépendant jusqu’alors de son secteur, au directeur commercial de Lyon, ainsi qu’une révision du calcul de la part variable de sa rémunération ;

Que cette simple proposition ne constitue pas cependant une modification unilatérale du contrat de travail, imposée par l’employeur, dès lors que celle-ci a formellement été refusée par M. E F, le 27 novembre 2009, et qu’il a conservé jusqu’à son licenciement la gestion de l’agence de Dijon qui devait lui être retirée ;

Attendu qu’enfin, M. E F ne peut faire grief à la société X de lui avoir infligé un avertissement le 8 avril 2008 pour avoir insulté M. H I, alors qu’il ne sollicite pas l’annulation de cette sanction, laquelle a été prise par l’employeur dans le cadre de l’exercice de son pouvoir disciplinaire ;

Qu’il ne peut en outre être reproché à la société X d’avoir diligenté dans le cadre de son obligation de prévention une enquête interne, après avoir été alertée par certains salariés des agissements de M. E F, pouvant caractériser une situation de harcèlement moral, étant observé que celui-ci a été convoqué afin d’être entendu sur les faits dénoncés par ses collègues de travail ;

Qu’en conclusion, il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a débouté M. E F de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, après avoir considéré qu’il ne justifiait d’aucun manquement grave imputable à ce dernier ;

Sur le licenciement

Attendu que la lettre licenciement en date du 20 décembre 2010 est ainsi rédigée : « (') Nous avons donc décidé de vous licencier pour faute grave ceci pour les motifs suivants : dérives comportementales portant atteinte à la société et à ses collaborateurs. En effet au début du mois d’octobre 2010, nous avons été alertés par des salariés de l’entreprise d’agissements de votre part s’apparentant à des faits de harcèlement moral. Dans un mail du 11 octobre 2010, Madame DE B, commerciale à l’agence de Nancy, précise que vous vous êtres référé à elle comme « n’étant qu’une femme », « une langue de pute », « une connasse ». Elle n’a pas supporté d’être une nouvelle fois insultée et a décidé, cette fois-ci de nous en faire part. De même, par mail du 14 octobre 2010, Madame A, assistante commerciale se trouvant dans la même situation, s’est plainte de votre comportement et des insultes quotidiennes qu’elle et ses collègues subissent par vous dans l’exercice de leurs fonctions (notamment qu’elle précise que vous avez l’habitude de leur dire qu’ils ont « une bite à la place du cerveau », « qu’il n’y a pas assez de doigts pour compter les cons et les connes à X Metz ».

Que la société X précise : « En conséquence, au vu du caractère gravissime de ces accusations, nous avons décidé de mettre en place une enquête interne au sein de la société afin de nous assurer de la réalité des faits. Nous avons entendu l’ensemble des personnes concernés, vous y compris. Dans le cadre de l’enquête que nous avons activé suite à ces alertes, nous avons pu avoir des entretiens avec Mesdames A, DE B et C. A cette occasion, Madame DE B nous a précisé que vous tenez habituellement des propos :

— obscènes, racistes et antisémites notamment « demande à ton client s’il se tripote la nuit » ou « les femmes, les arabes et les avocats c’est comme les juifs il faut les mettre dans le four »,

— humiliants et dégradants notamment « tu ne comprends pas tu es une femme » ou « c’est comme ça tu n’y es pour rien’ Tu ne peux pas être un homme demain ».

Elles ne supportaient pas de tels propos permanents. Madame A nous a aussi précisé que vous avez l’habitude de tenir des propos humiliants « pourquoi moi je suis intelligent et pas toi ' » ou « on va créer une agence avec tous les cons on y mettra (nom de la salariée) » et racistes et antisémites « les avocats, les banquiers et les comptables devraient tous finir au four » ou « du temps d’Hitler, on éliminait tous les cons ». Madame C, secrétaire commerciale à l’agence de Nancy, a aussi témoigné de propos « vulgaires et méchants » notamment « je suis entouré et je travaille qu’avec des cons et des connasses » ou bien « une femme ne peut être que secrétaire ou femme de ménage », « l’arabe, le bougnoule » (en parlant d’O P). Nous avons entendu Madame D, ancienne salariée de X Metz qui nous a encore une fois fait part de propos insultant, notamment « j’espère que tu te sens moins conne maintenant que tu es mariée » lors de son retour

du congé de mariage ou bien qu’elle ferait « mieux d’aller vendre des tomates au marché plutôt que de travailler pour lui ». Enfin, plusieurs témoins vous ont entendu avoir des propos racistes et insultants à l’encontre d’O P, ex-magasinier à Metz. Cela est d’autant plus avéré que ce dernier a contesté son licenciement pour faute grave dont il avait fait l’objet en faisant état notamment des nombreuses injures racistes que vous avez proférées à son encontre » ;

Attendu que les attestations de Mme AC De B, technico-commerciale, de Mme Q C, secrétaire, de Mme S A, assistante commerciale, de Mme U D, ancienne employée de la société Loraflex, confirment toutes le fait que M. E F a tenu à l’égard de ses collègues de travail des propos sexistes présentant un caractère méprisant, dévalorisant, voire insultant pour certains d’entre eux ;

Que nonobstant les dénégations du salarié, il est établi en particulier que celui-ci a insulté, le 8 octobre 2010, Mme AC De B, dans les termes qui sont repris dans la lettre de licenciement, ce qui a légitiment conduit l’employeur à diligenter une enquête interne dans la cadre de son obligation de prévention en matière de harcèlement moral ;

Qu’il convient de relever également que les insultes, dont Mme AC De B a été victime de la part de son supérieur hiérarchique direct, sont confirmées notamment par Mme U D qui était présente le jour des faits ; Que par ailleurs, M. O W, ayant exercé les fonctions de magasinier au sein de la société Loraflex a confirmé également dans son attestation produite aux débats qu’il avait fait l’objet à plusieurs reprises de la part de M. E F d’insultes à caractère raciste, en raison de son origine maghrébine ;

Attendu que les témoignages qui sont versés par M. E F, le décrivant comme un homme courtois et respectueux envers ses subordonnés et ses clients, ne sont pas susceptibles de remettre en cause les déclarations précises et circonstanciées des salariés qui ont été entendus par la société X, suite à la plainte de Mme Mme AC De B, lesquelles sont reprises dans leurs attestations ;

Que M. E F ne verse aux débats aucun élément qui serait de nature à démontrer que ses collègues de travail auraient porté à son encontre de fausses accusations dans le dessein de lui nuire et d’obtenir ainsi son éviction de l’entreprise ;

Que le salarié évoque simplement l’existence d’une relation intime entretenue avec l’un des témoins (Mme AC De B) ou amicale avec un autre (Mme U D), dont l’existence n’est pas prouvée, et qui en tout état de cause ne permettent pas d’affirmer le caractère mensonger de leur attestation ;

Attendu que par une appréciation pertinente des faits, le conseil des prud’hommes de Metz relève à juste titre que la gravité du comportement de M. E F envers ses subordonnés a rendu impossible son maintien dans l’entreprise, au regard notamment de ses fonctions de directeur et du caractère réitéré des propos désobligeants et des insultes proférés ;

Que conformément à l’article L. 1332-5 du code du travail, la société Loraflex relève en outre que M. E F a fait l’objet, le 8 avril 2008, d’un avertissement pour avoir insulté M. H I et M. AA AB, faits similaires à ceux motivant son licenciement ;

Qu’il convient en conclusion de confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a dit que le licenciement de M. E F reposait sur une faute grave et a en conséquence débouté celui-ci de ses demandes formées au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, des dommages-intérêts pour licenciement abusif, ainsi que celle correspondant au remboursement de la somme retenue sur son salaire en exécution de sa mise à pied conservatoire, dont il a fait l’objet ;

Sur la contrepartie financière à la clause de non-concurrence

Attendu qu’en application de l’article L. 1471-1 alinéa 1er du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ;

Que toutefois, conformément à l’article 2241 du code civil et à la règle de l’unicité de l’instance posée par l’article R. 1452-6 du code du travail, la demande en justice interrompt le délai de prescription pour toutes les demandes formées par les parties, peu importe à la date à laquelle elles sont présentées devant la juridiction de première instance ou d’appel ;

Attendu qu’en l’espèce, la saisine du conseil de prud’hommes de Metz, le 23 novembre 2010, par M. E F a interrompu le délai de prescription de sa demande formée au titre de l’indemnité compensatrice à l’obligation de non-concurrence, qu’il a présentée postérieurement devant la cour d’appel de ce siège, par voie de conclusions en date du 17 novembre 2014 ;

Qu’il convient par conséquent de déclarer recevable la demande formée par le salarié tendant à la condamnation de la société X au paiement d’une indemnité au titre de la contrepartie financière à l’obligation de non-concurrence qui est édictée à l’article 75 du code de commerce local ;

Attendu qu’en application de l’article 74 alinéa 2 du code de commerce local, la convention prohibitive de la concurrence n’est obligatoire qu’autant que le patron s’oblige à payer pour la durée de la prohibition une indemnité annuelle de la moitié au moins des rémunérations dues en dernier lieu au commis en vertu du contrat de louage de services ;

Que selon l’article 75 a du même code, le patron peut, avant la fin du contrat de louage de services, renoncer à la convention prohibitive de concurrence par une déclaration écrite ; il est alors libéré de l’obligation de payer une indemnité après l’expiration d’une année depuis la date de cette déclaration ;

Attendu que l’article 10 du contrat de travail, signé le 1er mars 2006, prévoit que M. E F est tenu de respecter, postérieurement à la rupture de son contrat de travail, une obligation de non-concurrence, limitée en l’espèce à la France, au Luxembourg et à la Belgique, pendant une durée de deux ans, compte tenu de la nature de ses fonctions exercées au sein de la société Loraflex ;

Qu’aux termes de la lettre de licenciement notifiée le 20 décembre 2010, la société X ayant signifié au salarié, qu’il était libéré de cette clause de non concurrence, M. E F sollicite la condamnation de son employeur au paiement de l’indemnité prévue par l’article 75 a du code de commerce local ;

Attendu que le directeur commercial ayant un statut de cadre ne peut cependant prétendre à la qualification de commis et donc au bénéfice de l’article 75 a prévoyant l’obligation pour l’employeur de verser une indemnité à celui-ci, correspondant à la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;

Qu’en l’espèce, conformément à son contrat de travail, M. E F a été engagé par la société X, en qualité de directeur de niveau IX, échelon 1, selon la convention collective du commerce de gros qui précise que celui-ci « engage l’entreprise dans le cadre de la large délégation, attachée à son domaine d’activité, informe la direction de ses réalisations par rapport aux objectifs, en justifie les écarts et propose les dispositions correctives » ;

Que l’article 3 du contrat de travail confirme le fait que M. E F dispose d’une large autonomie dans les fonctions qui lui sont attribuées, au titre du développement commercial, de la sélection des fournisseurs, de la politique d’achat et de la gestion courantes des agences placées sous son ressort, ce qui est en l’espèce incompatible avec les fonctions exercées par un commis commercial ;

Que M. E F sera par conséquent débouté de sa demande d’indemnité formée au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence ;

Sur la délivrance de l’attestation destinée à Pôle Emploi et du bulletin de paie de décembre 2010

Attendu que M. E F ayant été débouté de sa demande de rappel de salaire, au titre de la prime d’objectif afférent à l’exercice 2009/2010, il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a débouté ce dernier de sa demande tendant à la condamnation sous astreinte de son employeur à lui verser une attestation destinée à Pôle Emploi et son bulletin de paie du mois de décembre 2010 rectifiés ;

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Attendu que M. E F, succombant dans son appel, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et débouté de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure ;

Que M. E F sera également condamné à payer à la société X la somme de 1 000 €, au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

— Confirme le jugement entrepris, en toute ses dispositions

Y ajoutant :

— Déboute M. E F de sa demande formée au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence ;

— Déboute M. E F de sa demande formée au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d’appel ;

— Condamne M. E F à payer à la société X la somme de 1 000 €, au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d’appel ;

— Condamne M. E F aux dépens d’appel.

Le Greffier, La Présidente de Chambre,

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Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 26 avril 2017, n° 16/02705