Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 23 mai 2019, n° 18/02744

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 6e ch., 23 mai 2019, n° 18/02744
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 18/02744
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Minute n° 19/00152

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G. : N° RG 18/02744 – N° Portalis DBVS-V-B7C-E34P

X, SARL ORTHES DONT LE NOM COMMERCIAL EST KINEPOD

C/

Y

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE DES URGENCES

ARRÊT DU 23 MAI 2019

APPELANTS

Monsieur Z X

[…]

[…]

Représentant : Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ

SARL ORTHES dont le nom commercial est KINEPOD Prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[…]

[…]

Représentant : Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ

INTIME

Monsieur B Y

[…]

[…]

Non représenté

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 02 Avril 2019 tenue par Sandrine GUIOT – MLYNARCZYK, présidente de chambre, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l’arrêt être rendu le 23 Mai 2019.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Madame DEVIGNOT, Conseiller

Madame FOURNEL, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame ADELAKOUN GREFFIER PRESENT AU PRONONCÉ DE L’ARRÊT: Madame ANTOINE, Directrice de Greffe

ARRÊT :

Par défaut

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

FAITS ET PROCEDURE

La SARL Orthes a pour activité la fabrication et la vente de matériel médical et notamment de semelles orthopédiques ayant pour dénomination commerciale « Kinepod ».

Par actes d’huissier en date du 23 juillet 2018, la SARL Orthes et son gérant, M. X, ont fait assigner M. Y, éditeur du site internet www.courseapied.net, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Metz aux fins de :

— lui ordonner, en sa qualité de directeur de publication, de supprimer les commentaires des pages accessibles via les liens hypertextes :

http://www.courseapied.net/forum/msg/109845.htm

http://www.courseapied.net/forum/msg/83200.htm

http://www.courseapied.net/forum/msg/35193.htm

et/ou tout lien hypertexte et/ou contenu s’y rapportant sous astreinte de 200 euros par jour à compter de l’ordonnance à intervenir

— condamner M. Y à leur payer les sommes de 2.500 euros chacun à titre de provision sur dommages et intérêts sur le préjudice de perte d’image et de réputation

— condamner M. Y à leur payer les sommes de 1.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens comprenant le constat d’huissier.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire en date du 9 octobre 2018, le président du tribunal de grande instance de Metz a débouté M. X et la SARL Orthes de leurs demandes de retrait de contenus sous astreinte, de provision et d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les a condamnés aux dépens.

Il a estimé que les demandeurs, qui fondaient leur demande de retrait de contenus sur les articles 808 et 809 alinéa 2 du code de procédure civile, ne justifiaient pas du caractère d’urgence en raison de l’ancienneté des messages incriminés et que la demande de provision dépendait de l’appréciation du

caractère effectivement dénigrant des propos incriminés, cette appréciation relevant de la compétence des juges du fond. Il a ajouté qu’il résultait des pièces produites et notamment du mail en réponse de M. Y, que l’obligation en cause était sérieusement contestable.

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 22 octobre 2018, M. X et la SARL Orthes ont interjeté appel de cette décision.

Ils concluent à l’annulation de l’ordonnance et à son infirmation, demandant à la cour de :

— ordonner à M. Y, en sa qualité de directeur de publication, de supprimer les commentaires des pages accessibles via les liens hypertextes :

http://www.courseapied.net/forum/msg/109845.htm

http://www.courseapied.net/forum/msg/83200.htm

http://www.courseapied.net/forum/msg/35193.htm

et/ou tout lien hypertexte et/ou contenu s’y rapportant sous astreinte de 200 euros par jour à compter de l’ordonnance à intervenir

— condamner M. Y à leur payer les sommes de 2.500 euros chacun à titre de provision sur dommages et intérêts sur le préjudice de perte d’image et de réputation

— condamner M. Y à leur payer les sommes de 2.500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens comprenant le constat d’huissier.

Les appelants exposent que, dans la mesure où le contenu dont la suppression est sollicitée est manifestement illicite et où l’éditeur n’a pas retiré ce contenu malgré leurs demandes, ce dernier est responsable du contenu publié sur internet, conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Ils estiment que l’ordonnance doit être annulée aux motifs que leur assignation en première instance était fondée sur les articles 808, 809 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile et 6.1.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 et que l’ordonnance, dont le dispositif ne comporte aucun visa à un article de loi, ne fait pas référence dans sa motivation, à l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile ou à l’article 6.1.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004.

Sur la demande de retrait de contenus, ils soutiennent que les termes « arnaque », « escroc », « idiot » visant les produits Kinepod sont manifestement illicites et dénigrants, que les commentaires postés ne se basent sur aucun fondement et qu’ils sont victimes d’un acharnement par des concurrents. Ils affirment que les propos tenus par ces internautes sont constitutifs d’un dénigrement pour la SARL Orthes puisqu’ils remettent en cause son honnêteté, sa compétence professionnelle ainsi que le prix et la qualité des services rendus, ajoutant que la société propose des produits médicaux reconnus et utiles. Ils précisent que les messages litigieux ont été publiés entre 2013 et 2018, que ces messages dénigraient les produits de la société et que l’article 1240 du code civil est applicable, les faits n’étant pas prescrits.

Sur la provision, les appelants font valoir que ces commentaires ont causé à la société un préjudice lié à l’atteinte à l’image et à la réputation de la marque Kinepod, de la SARL Orthes et de M. X dès

lors que de nombreuses rétractations sont intervenues postérieurement à leurs publications.

Par acte d’huissier en date du 3 décembre 2018 délivré à étude, M. Y a été régulièrement assigné devant la cour et n’a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION :

Vu les écritures déposées le 23 novembre 2018 par M. X et la SARL Orthes, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 2 avril 2019 ;

Sur l’annulation de l’ordonnance

Attendu qu’aucune disposition légale n’impose de viser un texte de loi dans le dispositif d’une décision de justice ; que par ailleurs si le premier juge ne s’est pas prononcé sur l’application des articles 809 alinéa 1 du code de procédure civile et 6.1.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, cette circonstance ne peut en aucun cas donner lieu à l’annulation de l’ordonnance ;

Qu’il convient par conséquent de débouter M. X et la SARL Orthes de leur demande d’annulation de l’ordonnance du 9 octobre 2018 ;

Sur la suppression des contenus

Attendu que selon les dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond mais le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ;

Que selon les dispositions de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que selon les dispositions de l’article 6. I. 8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, au prestataire d’hébergement ou au fournisseur d’accès, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ;

Qu’il convient de rappeler que la liberté d’expression est la règle et ne peut être limitée qu’en cas de preuve d’un abus tel que le dénigrement fautif ; que le dénigrement fautif au sens de l’article 1240 du code civil, qui consiste à jeter le discrédit en répandant des informations malveillantes sur les produits, le travail ou la personne d’un concurrent, doit être apprécié en fonction de l’auteur des propos incriminés, qu’il s’agisse d’un consommateur ou d’un concurrent de la société qui se prétend victime;

Qu’en l’espèce, M. X et la SARL Orthes invoquent un trouble manifestement illicite du fait de messages publiés sur le site internet édité par M. Y, tendant au dénigrement des semelles Kinepod et en affirmant être victimes d’un acharnement de la part de concurrents ; que cependant, il ressort du constat dressé par huissier de justice le 23 juillet 2018, que les messages incriminés ont été rédigés par des personnes sous pseudonyme (« Edgar », « Luxo », « Paul », « Henry de Lille », « Hervé ») sans qu’il soit démontré qu’il s’agissait de faux messages d’internautes émanant en réalité d’un

concurrent cherchant à dénigrer les produits Kinepod dans un contexte de concurrence déloyale ; qu’il est observé à cet égard que les messages ne citent aucun produit concurrent et que plusieurs d’entre eux sont positifs à l’égard des produits commercialisés par la société Orthes ; que si dans certains messages le terme 'arnaque’ ou 'escroc’ peut paraître virulent, il reste cependant dans les limites de ce qui peut être admis d’un consommateur sur un forum dédié à la discussion et à l’expression des consommateurs sur leurs expériences et notamment leur déconvenue ou mécontentement ; qu’il n’est justifié par aucune pièce que ces messages ont eu pour but ou effet de discréditer M. X et sa société ;

Qu’il s’ensuit que la publication des messages litigieux ne caractérise pas un trouble manifestement illicite, de sorte que l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a débouté les appelants de leurs demandes de suppression de contenus internet ;

Sur la demande de provision

Attendu que selon les dispositions de l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ;

Que c’est à juste titre et par des motifs pertinents que la Cour adopte, que le premier juge a considéré que l’appréciation du caractère dénigrant des propos incriminés relevait des pouvoirs du juge du fond et que la demande de provision se heurtait à l’existence d’une contestation sérieuse ; qu’il convient donc de confirmer l’ordonnance ayant rejeté la demande de provision ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu que la SARL Orthes et M. X, parties perdantes, devront supporter les dépens et seront déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

DEBOUTE M. X et la SARL Orthes de leur demande de nullité de l’ordonnance de référé du 9 octobre 2018 ;

CONFIRME l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DEBOUTE M. X et la SARL Orthes de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. X et la SARL Orthes aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé pour la Présidente empêchée par Madame DEVIGNOT, Conseiller à la Cour d’Appel de METZ et par Madame ANTOINE, Directrice de Greffe, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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