Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 21 octobre 2019, n° 17/02049

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, ch. soc.-sect. 1, 21 oct. 2019, n° 17/02049
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 17/02049
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Metz, 22 juin 2017, N° 16/00658
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n°19/00324

21 octobre 2019

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RG N° N° RG 17/02049 – N° Portalis DBVS-V-B7B-EQPH

----------------------------

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

23 juin 2017

[…]

----------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt et un octobre deux mille dix neuf

APPELANT

 :

Monsieur A X

[…]

[…]

Représenté par Me Denis MOREL, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE

 :

SAS LOCAMOD représentée par son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 juin 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Véronique LE BERRE, Conseillère

Madame Isabelle BUCHMANN, Vice Présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Monsieur Ralph TSENG, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. A X a été engagé par la SAS Locamod, à compter du 1er juin 1990, en qualité de délégué commercial. Il a été promu directeur d’agence à compter du 1er avril 1993, à l’agence de Peltre. Il a aussi durant trois ans exercé un mandat social au sein du directoire de la société.

En dernier lieu, M. X était directeur régional Nord Est, responsable des agences de Peltre, Ludres et Golbey, statut cadre, et soumis à un forfait jours. La moyenne de ses douze derniers mois de salaire s’élèvait à 7 911,28 €.

Par lettre recommandée du 21 avril 2016, M. X a été convoqué à un entretien préalable fixé au 4 mai 2016.

Par lettre recommandée du 21 avril 2016, M. X s’est vu proposer diverses propositions de reclassement.

Le jour de l’entretien préalable, M. X a refusé ces propositions et s’est vu remettre un contrat de sécurisation professionnelle qu’il a par contre accepté.

Par lettre recommandée du 25 mai 2016, la SAS Locamod a notifié à M. X son licenciement pour motif économique, en fait lui a donné acte qu’il avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, ce qui entraînait la rupture d’un commun accord du contrat de travail à l’expiration du délai de réflexion de 21 jours, soit le 26 mai 2016.

Par demande introductive d’instance enregistrée au greffe le 30 juin 2016, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Metz aux fins de contester son licenciement et d’en obtenir l’indemnisation.

La SAS Locamod a demandé au conseil de prud’hommes de Metz de débouter M. X de l’ensemble de ses demandes et à titre reconventionnel, de le condamner, outre aux dépens, à lui verser 3 000 € au titre de son préjudice moral et d’image ainsi que 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 23 juin 2017, le conseil de prud’hommes de Metz, section encadrement, a statué ainsi qu’il suit :

— déboute M. A X de l’intégralité de ses demandes,

— déboute la SAS Locamod de ses demandes,

— condamne M. A X aux éventuels frais et dépens de l’instance.

Par déclaration formée par voie électronique au greffe le 17 juillet 2017, M. X a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 28 juin 2017 au vu de l’émargement de l’accusé de réception postal.

Par ses dernières conclusions datées du 10 octobre 2018, notifiées par voie électronique le même jour, M. X demande à la cour de :

— infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de METZ du 23 juin 2017, sauf en ce qu’il a débouté la Société Locamod de ses demandes,

Statuant à nouveau, dans cette limite :

— déclarer le licenciement de Monsieur X dépourvu de cause réelle et sérieuse, abusif et vexatoire,

— condamner la SAS Locamod à payer à Monsieur A X :

—  23 733,87 € nets de CSG-CRDS et de toutes charges sociales éventuelles, à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L 1235-15 du Code du Travail,

— au principal, 189 870,96 € nets de CSG-CRDS et de toutes charges sociales éventuelles, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L 1235-3 du Code du Travail,

— subsidiairement, 189 870,96 € nets de CSG-CRDS et de toutes charges sociales éventuelles à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée de son emploi par suite de la violation des critères d’ordre de licenciement sur le fondement des articles L 1233-7 et L 1233-5 du Code du Travail,

—  3 000 € nets de CSG-CRDS et de toutes charges sociales éventuelles à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire du contrat de travail,

—  5 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

condamner la Société Locamod aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Par ses dernières conclusions datées du 16 juillet 2018, notifiées par voie électronique le même jour, la SAS Locamod demande à la cour de :

— dire et juger que le licenciement pour motif économique de M. X reposait bien sur une cause réelle et sérieuse,

— confirmer le jugement entrepris en ce sens,

— débouter M. X de ses demandes subsidiaires et indemnitaires au titre du non-respect des critères d’ordre,

— débouter M. X du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

— à titre reconventionnel, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a refusé d’indemniser la société Locamod au titre de son préjudice moral et d’image,

— en conséquence, dire et juger la demande indemnitaire formulée à ce titre recevable et bien fondée, et condamner M. X à verser la somme de 3.000 € à la société Locamod au titre de son préjudice moral et d’image,

— condamner M. X à verser la somme de 3.000 € à la société Locamod au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2019.

A l’appui de son appel, M. X fait valoir essentiellement que la SAS Locamod, qui emploie plus de 50 salariés ne dispose pas d’institutions représentatives du personnel du fait qu’elle n’a jamais organisé d’élections, de sorte qu’il est fondé à se prévaloir du non respect des dispositions de l’article L. 1235-15 du code du travail qui prévoit une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ' en l’occurrence il réclame trois mois, que le motif économique de son licenciement ne lui avait pas été précisé au moment où il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle, ce qui rend en soi son licenciement sans cause réelle et sérieuse, que les difficultés économiques ne sont pas caractérisées au niveau des sociétés du groupe appartenant au même secteur d’activité, que son poste n’a pas été supprimé puisque ses tâches ont été reprises par un autre directeur régional, qu’il a subi un préjudice important et que subsidiairement l’employeur n’a pas respecté les critères d’ordre du licenciement.

La SAS Locamod soutient en réplique que ses difficultés financières étaient avérées, ayant subi d’importantes pertes en 2014, que le groupe auquel elle appartient a fait l’objet d’une procédure de conciliation en novembre 2014, renouvelée en janvier 2016'; que le licenciement de M. X est intervenu dans ce cadre'; que la consultation des délégués du personnel ne s’imposait pas en l’absence de licenciement collectif sur une période de moins de trente jours sur l’agence de Metz'; qu’elle a adressé un courrier au salarié le 9 mai 2016, soit avant même l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle dont il a été destinataire le 10 mai 2016, lui précisant les difficultés rencontrées, qu’il connaissait bien et n’a pas contesté en première instance, et les conséquences sur son poste, que M. Z n’a fait que reprendre les tâches de M. X, que la contestation des critères d’ordre est nouvelle en cause d’appel et ne peut prospérer par comparaison entre les situations de M. Z et de M. X.

Il convient en application de l’article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité en la forme de la procédure de licenciement

Aux termes de l’article L. 1235-15 du code du travail, dans sa version applicable aux faits, «'est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité d’entreprise ou les délégués du personnel n’ont pas été mis en place alors qu’elle est assujettie à cette obligation et qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi. Le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis.'»

Il est rappelé que l’obligation de consulter le comité d’entreprise ou les délégués du personnel concerne, aux termes de l’article L. 1233-8 du même code tout employeur qui envisage de procéder à

un licenciement économique collectif de moins de dix salariés dans une même période de trente jours.

En l’espèce, la SAS Locamod conteste le caractère collectif du licenciement, faisant valoir que si elle a envisagé plusieurs suppressions de poste, le salarié ne rapporte pas la preuve de l’existence de plusieurs licenciements, de deux au moins à au maximum dix, au sein de l’agence de Metz sur une période de moins de trente jours.

Cependant, la cour estime que ce n’est pas au salarié mais à l’employeur, qui doit respecter son obligation légale, qu’il appartient de prouver que ces conditions d’un licenciement collectif n’étaient pas réunies.

Par ailleurs, si le seuil d’effectif peut, aux termes de la jurisprudence, s’apprécier au niveau du seul établissement concerné par la mesure de licenciement, cela suppose pour le moins que l’employeur démontre que l’agence concernée, celle de Metz, constituait un tel établissement, qui s’entend en principe d’une entité disposant d’une autonomie propre.

En l’espèce, si la SAS Locamod dispose de plusieurs sites ou agences, elle ne justifie pas de l’existence d’un tel établissement à Metz, étant observé que, si le lieu de travail de M. X était selon son dernier contrat de travail situé au sein de l’agence de Metz, établie à Peltre, ses fonctions de directeur régional Nord-Est, soumis à l’autorité du directeur d’exploitation de la société, donc d’un directeur rattaché au siège central de l’entreprise, lui faisait superviser plusieurs agences au sein d’un établissement désigné comme étant en fait «'établi au sein de la direction régionale'» (cf clause de mobilité).

C’est donc au minimum au niveau de la direction régionale que le nombre de licenciements était à prendre en compte.

Par ailleurs, tant la lettre de convocation à l’entretien préalable que celle portant sur les propositions de reclassement ou celle du 9 mai 2016 rappelant les informations liées au contrat de sécurisation professionnelle évoquent la nécessité dans laquelle se trouve la société d’envisager «'des suppressions de postes'», toujours au pluriel, «'notamment sur le site de Peltre'» ou «'dans la région Lorraine'», de sorte que la société a reconnu elle-même avoir engagé un processus de licenciement économique collectif sur cette région, qu’elle est dès lors de mauvaise foi à venir contester, sans plus donner d’informations sur son importance.

Dans ces conditions et alors que la société Locamod ne conteste pas ne pas disposer d’institutions représentatives du personnel, ni ne produit de procès-verbal de carence, l’irrégularité de la procédure de licenciement de M. X sur le fondement de l’article L. 1235-15 susvisé, sur laquelle les premiers juges n’ont pas statué, est établie.

Il sera donc fait droit à la demande de dommages et intérêts du salarié, en l’espèce en l’absence de preuve d’un préjudice plus substantiel lié au non respect de la formalité concernée, à hauteur du minimum d’un mois de salaire, soit 7 911,28 euros, le jugement entrepris étant complété en ce sens.

Sur la validité au fond du licenciement, hors ordre des licenciements

M. X fait d’abord valoir qu’il n’aurait pas eu connaissance du motif économique de son licenciement avant d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.

Il est de jurisprudence constante que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit en énoncer le motif économique ainsi que la mention du bénéfice de la priorité de réembauche soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de

licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation.

En l’espèce, M. X expose qu’il a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle dès le 4 mai 2016 et a adressé par voie postale le bulletin d’adhésion à la SAS Locamod, dont il ne conteste pas qu’elle a réceptionné ce bulletin le 10 mai 2016, comme l’indique le courrier de «'notification du licenciement'» du 25 mai 2016, mais il estime que ce n’est que postérieurement à cette réception que l’employeur lui a fait pleinement connaître les motifs économiques du licenciement, à savoir lorsqu’il a lui-même eu réception du courrier de la SAS Locamod en date du 9 mai 2016.

La Cour constate que les deux courriers de la SAS Locamod en date du 21 avril 2016, qui avaient pour objet respectif «'convocation à un entretien préalable'» et «'proposition de reclassement'», mentionnaient déjà l’obligation dans laquelle se trouvait la société d’envisager des suppressions de postes, notamment sur le site de Peltre par suite des difficultés économiques rencontrées par la société, mais ce n’est que par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 mai 2016, ayant pour objet «'rappel des informations liées au contrat de sécurisation professionnelle, entretien du 4.5.2016'», que l’intimée a précisé de façon exhaustive la nature de ces difficultés.

Ce courrier, qui rappelait aussi le délai de 21 jours dont disposait M. X à compter du 5 mai 2016 pour lui faire part de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle et les conséquences de cette adhésion, a été expédié à bref délai après l’entretien préalable, étant observé que le 4 mai 2016, jour de cet entretien préalable, était, au regard du calendrier de l’année 2016, le mercredi précédant le jeudi de l’ascension, jour férié, et que le 9 mai était donc le deuxième jour ouvrable suivant cet entretien préalable.

Il répondait à l’obligation incombant à l’employeur d’envoyer au salarié un courrier d’information sur le motif économique lorsque le délai de réponse au contrat de sécurisation professionnelle expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, ce qui était le cas en l’occurrence, puisque le licenciement de M. X ne pouvait aux termes du premier de ces articles intervenir qu’après l’expiration d’un délai de sept jours ouvrables à compter de la date prévue pour l’entretien préalable, tandis que le salarié disposait d’un délai de réflexion de vingt et un jours à compter de cet entretien préalable pour adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, donc expirant après le précédent.

Par ailleurs, c’est à la date de son expédition, soit le 9 mai, et non de sa réception, qu’il y a lieu de considérer que l’employeur a exécuté son obligation d’information, laquelle a donc été remplie par lui avant même qu’il n’ait eu réception, donc connaissance, le lendemain, de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié.

Le licenciement de M. X ne peut donc être déclaré sans cause réelle et sérieuse pour le motif pris d’une information tardive du salarié sur les difficultés économiques qui le motivaient.

Ces difficultés, dont le salarié ne contestait pas l’existence en première instance, ressortent par ailleurs largement des documents produits aux débats par la SAS Locamod, tant en ce qui la concerne elle-même qu’en ce qui concerne son groupe d’appartenance, le groupe HTI, qui comprend diverses sociétés intervenant dans des secteurs d’activité variés liés principalement au BTP.

Ces documents montrent notamment que le groupe HTI a fait l’objet le 16 décembre 2014 d’un jugement du tribunal de commerce de Paris ouvrant une procédure de prévention et de sauvegarde, ayant conduit à un premier accord de restructuration des dettes, puis a engagé, essentiellement en ce qui concerne ses filiales Copreloc, spécialisée dans la location de bâtiments modulaires pour le BTP,

et Locamod, spécialisée dans la location de matériels de BTP, une nouvelle procédure de conciliation le 1er février 2016, qui a abouti à la signature d’un nouvel accord homologué par ce même tribunal de commerce par jugement du 23 août 2016, lesquelles décisions judiciaires exposent très largement les difficultés rencontrées globalement par le groupe et par chacune de ses entités.

Par ailleurs, la SAS Locamod produit ses comptes annuels, tels que déposés en annexe de ses déclarations fiscales au titre de l’impôt sur les sociétés en 2012, 2013 et 2014 qui confirment les pertes importantes de la société, notamment 674 000 euros en 2014, perte augmentée à 4,3 M. d’euros en 2015, où le résultat d’exploitation a été déficitaire de 6,3 M. d’euros, selon les termes du jugement du 23 août 2016, dont 468 000 euros de perte d’exploitation pour la seule région Lorraine au vu d’un document produit par la société détaillant les résultats région par région.

Les difficultés économiques de la société Locamod et même du groupe dont elle fait partie, qui persistaient au moment de l’engagement de la procédure de licenciement de M. X, sont donc largement démontrées, même si l’appelant fait grand cas d’un article de journal datant de mai 2017, expliquant que Locamod a investi 11 millions d’euros pour renouveler une partie son parc de matériels à louer grâce au soutien des constructeurs de ces matériels, qui caractérise tout au plus l’effort important consenti par la société pour redresser sa situation face à ses concurrents et attirer de nouveaux clients.

S’agissant de la suppression de son poste de directeur régional Nord-Est, la Cour fait siennes les motivations adoptées par les premiers juges, qui ont constaté que ce poste avait bien disparu puisque M. Z, qui était, au vu de son contrat de travail, depuis le 13 octobre 2014 directeur régional Quart Sud Est, puis à compter du 1er janvier 2015 directeur régional Rhône-Alpes/ Sud Est avec pour base l’agence de Lyon, mais pour mission celle de piloter l’ensemble des agences de location de la région Lyon et Sud Est n’a pas été nommé pour remplacer M. X dans son poste, mais est devenu, par suite d’un avenant à son contrat de travail en date du 1er juillet 2016, directeur d’une nouvelle région créée par regroupement des régions Rhône Alpes et Lorraine.

M. Z a gardé, aux termes de cet avenant, ses fonctions dans sa région de rattachement, son contrat initial demeurant inchangé, et s’est vu attribuer en plus les tâches qui étaient dévolues antérieurement à M. X sur la région Lorraine, en gardant comme lieu de travail l’agence de Lyon ' ces tâches perdurant, contrairement au poste lui-même.

Le licenciement n’est donc pas non plus sans cause réelle et sérieuse au motif que le poste du salarié n’aurait pas été supprimé, ce poste ne se confondant pas, comme l’admet une jurisprudence constante, avec les tâches qu’il recouvre, qui ne sont pas elles-mêmes supprimées mais peuvent être redistribuées par l’employeur entre un ou plusieurs autres salariés déjà en fonction, non nouvellement ou spécialement recrutés à cette fin.

Les premiers juges ont par ailleurs justement relevé que M. X s’était vu proposer par la SAS Locamod, par le courrier du 21 avril 2016 déjà évoqué, divers postes de reclassement disponibles en son sein, dont deux postes de responsable d’agence à Oudalle (76) et Barentin (76), ou au sein des sociétés du groupe, qu’il a refusés.

En définitive, l’employeur a donc respecté les trois des obligations essentielles conditionnant la validité au fond d’un licenciement pour motif économique': l’énoncé du motif économique, la réalité de la suppression du poste et l’effectivité de la recherche de reclassement.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé pour avoir dit que le licenciement de M. X reposait sur une cause réelle et sérieuse et l’avoir en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, ainsi que de sa demande spécifique de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, devenue à hauteur de Cour demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire du contrat de travail.

Sur les critères d’ordre des licenciements

Aux termes de l’article L. 1233-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, «'Lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour l’ordre des licenciements, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Ces critères prennent notamment en compte':

1° Les charges de famille, en particulier celle des parents isolés';

2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise';

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes âgées';

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L’employeur peut privilégier un de ces critères à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères prévus au présent article.

Pour les entreprises soumises à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi (…) le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par l’accord collectif mentionné à l’article L.1233-24-1 ou par le document unilatéral mentionné à l’article L. 1233-24-4.

Dans le cas d’un document unilatéral, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emploi.(…).'»

L’article L. 1233-7 du même code dispose par ailleurs que «'Lorsque l’employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte dans le choix du salarié concerné les critères prévus à l’article L. 1233-5

En vertu d’une jurisprudence constante, à défaut de convention ou d’accord collectif, c’est à l’employeur de définir pour chaque licenciement les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, ces critères doivent être mis en 'uvre à l’égard de l’ensemble du personnel au niveau de l’entreprise et ils doivent être appréciés dans la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié, à savoir parmi les salariés exerçant des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

Par ailleurs, en cas de contestation, il appartient à l’employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s’est fondé pour arrêter son choix, cet employeur pouvant être sanctionné pour inobservation de l’ordre des licenciements s’il n’apporte aucun élément permettant de justifier objectivement ce choix, et au juge saisi de vérifier que la mise en 'uvre des critères d’ordre des licenciement n’a pas procédé d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir, mais sans pouvoir substituer son appréciation à celle de l’employeur, s’agissant notamment des critères privilégiés ou l’évaluation des qualités professionnelles du salarié.

En l’espèce, M. X soulève pour la première fois en appel qu’il a été évincé au profit d’un directeur de région, parmi tous ceux employés par la société, M. Z, qui n’était âgé que de 40 ans, n’avait que 19 mois d’ancienneté dans l’entreprise et dont aucun document officiel ne justifie des charges de famille, alors que lui même avait 53 ans et 26 ans d’ancienneté, outre le fait que son contrat de travail contenait une clause de mobilité géographique stipulant qu’il pouvait être muté dans l’une quelconque des directions régionales de la société Locamod, dont celle de Rhône-Alpes

où exerçait l’intéressé.

Il estime par conséquent que les critères d’ordre des licenciements applicables à tout licenciement économique n’ont pas été respectés.

La SAS Locamod fait valoir que M. X n’a pas demandé à connaître les critères d’ordre des licenciements comme le permet l’article L. 1233-17 du code du travail, dans le délai que lui ouvrait l’article R. 1233-1 du même code, ni n’a contesté le choix opéré devant la juridiction prud’homale'; qu’elle estime que,' en l’absence d’accord collectif, la zone d’emploi à considérer était la région Nord-Est dans laquelle le salarié exerçait ses fonctions et qu’à supposer que cette zone ait été plus étendue, elle indique que, à qualités professionnelles égales et à défaut de caractéristiques sociales particulières, elle a privilégié le critère des charges de famille, à savoir le fait que M. Z avait deux enfants à charge, âgés respectivement de 8 et 12 ans en 2016, comme l’indiquait sa fiche de renseignement.

La Cour rappelle que le fait pour un salarié de ne pas user de la faculté qui lui est offerte de demander à l’employeur les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements ne le prive pas de la possibilité de se prévaloir de l’inobservation de ces critères et de demander réparation de son préjudice pouvant aller jusqu’à la perte injustifiée de son emploi.

Par ailleurs, la disposition dont se prévaut l’intimée pour restreindre la zone géographique d’application est celle du cinquième alinéa de l’article L. 1233-5 du code du travail, qui ne concerne que le document unilatéral pouvant être établi par l’employeur à défaut d’accord collectif définissant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi imposé à toute entreprise de cinquante salariés au moins envisageant un licenciement collectif intéressant plus de dix salariés dans une période de trente jours.

En l’espèce, à défaut de plan de sauvegarde de l’emploi, qui n’était pas nécessaire, et d’accord collectif ' l’intimée reconnaissant ne pas disposer d’institutions représentatives du personnel -, la zone géographique d’application des critères était celle de l’entreprise, soit la France entière, ce qui impliquait en l’occurrence que la SAS Locamod devait choisir le salarié à licencier en tenant au minimum compte de la situation de l’ensemble de ses directeurs régionaux.

Au regard des termes de la clause de mobilité figurant dans le dernier contrat de travail de M. X la société comptait huit directions régionales et les critères d’ordre des licenciements devaient donc intéresser au moins les huit directeurs régionaux, si ce n’est éventuellement d’autres cadres de la société exerçant des fonctions similaires à celles de M. X, à qualification égale.

La seule comparaison avec M. Z ne répond donc pas aux exigences du texte de l’article L. 1233-5 du code du travail et de la jurisprudence s’y rapportant, de sorte que la Cour n’est pas en mesure d’exercer pleinement son contrôle.

Par ailleurs, la Cour rappelle que le critère soit disant privilégié pour le choix de M. Z, soit ses charges de famille intégrant le fait qu’il avait deux jeunes enfants à charge, ce qui ne ressort que d’un «'formulaire de renseignements ' entrée salarié'», non signé par l’intéressé, ne dispensait pas pour autant l’employeur aux termes de la loi de tenir compte de l’ensemble des autres critères, or la SAS Locamod ne justifie pas des prétendues qualités professionnelles équivalentes des deux directeurs, dont l’un, M. X, avait une ancienneté dans le poste de directeur d’agence, puis de directeur régional de près de dix-sept ans, outre que durant trois ans il avait été membre et même Président du Directoire de la société, contre moins de deux ans pour M. Z.

Par ailleurs, l’intimée n’a à l’évidence pas tenu compte du critère d’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise, qui était très loin d’être comparable pour ces deux personnes, or un critère particulier ne peut être privilégié qu’à la condition que les autres soient équivalents ou quasi

équivalents pour les salariés concernés et ne permettent donc pas un choix en les prenant seuls en compte.

Le choix de M. X procède donc aussi d’une erreur manifeste d’appréciation de la SAS Locamod.

Il est rappelé que l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais cette illégalité entraîne un préjudice, pouvant aller jusqu’à la perte injustifiée de l’emploi, qui doit être intégralement réparé par des dommages et intérêts en fonction de son étendue.

En l’espèce, il ressort des pièces versées par lui aux débats que M. X a retrouvé un emploi pérenne à compter du 5 juillet 2017 en qualité de directeur opérationnel, pour un salaire fixe (5 835 euros ) équivalent à celui qu’il percevait chez Locamod (5 832,59 euros), son nouveau contrat de travail comme l’ancien prévoyant aussi une rémunération variable en fonction du résultat, mais il a perdu le bénéfice de sa prime d’ancienneté, une perte néanmoins largement compensée par le versement avec le solde de tout compte de l’indemnité de licenciement pour le montant de 62 401,76 euros, calculé en fonction de cette ancienneté.

M. X a aussi bénéficié, selon attestation de Pôle Emploi, durant sa période de non emploi de 404 jours, des indemnités chômage pour un montant total de 77 625 euros, de sorte que son préjudice réel, au regard du salaire qu’il percevait, salaire variable et prime d’ancienneté inclus, avant son licenciement (103 902 euros sur 13 mois et 4 jours), peut être fixé en montant arrondi à la centaine supérieure à 27 000 euros.

M. X ne justifie pas d’un préjudice supplémentaire, notamment la perte alléguée de la retraite complémentaire ou du plan d’épargne retraite que prévoyaient son contrat de travail, ou un préjudice moral distinct de celui dont il réclamait l’indemnisation au titre du caractère vexatoire de son licenciement.

La Cour accordera donc à M. X le montant susvisé de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des critères d’ordre des licenciements, le jugement entrepris étant complété en ce sens.

Sur le surplus

Tous les montants alloués sont à considérer comme nets de charges sociales, compte tenu de leur nature indemnitaire et ils porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La SAS Locamod, succombant pour partie, ne peut voir prospérer sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour préjudice moral et atteinte à son image et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sera par ailleurs tenue des dépens de première instance et d’appel.

Il est équitable enfin d’allouer à M. X une somme de 3 000 euros pour les frais autres que les dépens exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a mis les dépens de l’instance à la charge de M. A

X';

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Condamne la SAS Locamod à payer à M. A X les sommes de':

—  7 911,28 euros nets à titre de dommages et intérêts en application de l’article L. 1235-15 du code du travail,

—  27 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non respect des critères d’ordre des licenciements,

—  3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Le tout avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt';

Condamne la SAS Locamod aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière La Présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 21 octobre 2019, n° 17/02049