Cour d'appel de Montpellier, Chambre correctionnelle, 15 septembre 2010

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, ch. corr., 15 sept. 2010
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e CHAMBRE CORRECTIONNELLE

ARRET N°

DU 15/09/2010

XXX

GN/CC

prononcé publiquement le Mercredi QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Monsieur J, Conseiller, en application des dispositions des articles 485 dernier alinéa et 486 du code de procédure pénale, le Président étant empêché,

et assisté du greffier : AH CONSTANT

qui ont signé le présent arrêt

en présence du ministère public près la Cour d’Appel

sur appel d’un jugement du tribunal de grande instance de I du 17 DECEMBRE 2009


COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur CLAVEL, désigné par ordonnance de AH la Première Présidente du 6 avril 2010 en remplacement de M. A, empêché

Conseillers : Monsieur J

Monsieur ANDRIEUX, désigné par ordonnance de AH la Première Présidente du 6 avril 2010


présents lors des débats :

Ministère public : Monsieur G

Greffier : Mademoiselle ROUGY


PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

PREVENU

C AD

Né le XXX à TOULOUSE (31), fils de C Lucien et de BE BF-BG, salarié, de nationalité française, demeurant 1 rue des Narcisses – Cité des Douanes – 66760 AG AH -

XXX du 30/11/2006)

Prévenu, appelant

Comparant et assisté de Maître NICOLAU Etienne, avocat au barreau de I (conclusions visées)

LE MINISTERE PUBLIC, appelant

PARTIE CIVILE

XXX, 7 Avenue Pierre Cambres – 66000 I

Partie civile, intimée

Non comparante


RAPPEL DE LA PROCEDURE :

Par jugement contradictoire du 17 décembre 2009, le Tribunal Correctionnel de I, statuant à la suite d’une ordonnance de renvoi du Juge d’Instruction en date du 29 mai 2009, a :

Sur l’action publique : déclaré C AD coupable :

* pour avoir dans les départements des AW-B, de l’ARIÈGE, de l’AVEYRON et sur le territoire national, entre courant 2003 et le 12/10/2006 et depuis temps non couvert par la prescription, été complice du délit de tromperie, commis par R Z, en l’aidant ou en l’assistant sciemment dans sa préparation ou sa consommation, en l’espèce en se rendant à X avec Z et en ramenant sur le territoire français le véhicule, alors qu’il savait que le compteur kilométrique de ce dernier avait été modifié ;

infraction prévue par l’article L.213-1 du Code de la consommation, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal et réprimée par les articles L.213-1, L.216-2, L.216-3, L.216-8 AL.5 du Code de la consommation, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code pénal ;

* d’avoir dans les départements de l’ARIÈGE, des AW-B, de l’AVEYRON et sur le territoire national, entre courant 2006 et le 28 novembre 2006 et depuis temps non couvert par la prescription ;

— importé sans déclaration préalable des marchandises fortement taxées, en l’espèce des cigarettes et des bouteilles d’alcool en provenance d’F ;

infraction prévue par les articles 414, 423, 424, 425, 7 du Code des douanes et réprimée par les articles 414, 437 AL.1, 438, 432-BIS 1°, 369 du Code des douanes ;

— importé sans déclaration préalable des marchandises prohibées, en l’espèce un véhicule O Range Rover en provenance d’F ;

infraction prévue par les articles 414, 423, 424, 425, 426, 427, 38 du Code des douanes et réprimée par les articles 414, 437 AL.1, 438, 432-BIS 1°, 369 du Code des douanes ;

Et en répression, l’a condamné à la peine de 10 mois d’emprisonnement avec sursis et a ordonné la confiscation des scellés ;

Sur l’action douanière :

— condamné solidairement AI K et C AD à payer à l’Administration des Douanes une amende de 35.000¿ et une somme de 49.678 € au titre des droits et taxes éludés ;

— condamné C AD à payer à l’Administration des Douanes une amende de 1.000 € correspondant à une fois la valeur du véhicule RANGE ROVER et une somme de 196 € au titre de la T.V.A. éludée.

APPELS :

Par déclaration faite au greffe le 23 décembre 2009, AD C a interjeté appel à titre principal des dispositions pénales et douanières de ce jugement.

Le Ministère Public a formé appel incident le même jour.

DEROULEMENT DES DEBATS :

A l’appel de la cause à l’audience publique du 24 JUIN 2010, Monsieur le Président a constaté l’identité du prévenu, puis a fait le rapport prescrit par l’article 513 du Code de procédure pénale.

Le prévenu a été entendu en ses explications.

L’Administration des douanes, bien que régulièrement citée à personne habilitée le 14 mai 2010, est absente et non représentée.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.

Maître NICOLAU Etienne pour le prévenu est entendu en sa plaidoirie. Il dépose des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et la greffière, mentionnées par cette dernière aux notes d’audience et jointes au dossier.

Le prévenu a eu la parole en dernier.

A l’issue des débats, la Cour a mis l’affaire en délibéré et Monsieur le Président a averti les parties que l’arrêt serait prononcé à l’audience publique du 15 SEPTEMBRE 2010.

FAITS

Dans le cadre d’une information judiciaire ouverte contre X… des chefs de corruption et contrebande, les enquêteurs découvraient un encart publicitaire au nom d’une Société D, spécialisée dans l’import’export de véhicules andorrans, sur lequel figurait un numéro de téléphone attribué à AH BB BC Y, mais utilisé par son concubin R Z.

Par ailleurs, dans le cadre d’une interception téléphonique réalisée sur la ligne de AI K, agent des douanes à la brigade de E, il était constaté, que celui-ci était souvent en relation avec R Z. Les deux hommes discutaient librement de la vente de véhicules d’occasion en provenance d’F.

Sur la base de ces éléments, une enquête préliminaire était ouverte le 06 mai 2005, par le Parquet de I et confiée à la brigade des recherches de la Gendarmerie de Prades et au service national de la douane judiciaire.

Les premiers éléments de l’enquête montraient que R Z possédait un compte courant et un plan épargne logement, ainsi qu’un compte bancaire en F. L’étude des mouvements financiers sur ses comptes français, laissait apparaître plusieurs dépôts en numéraire et en chèques, pour un montant total de 37 000 €, entre juin 2004 et juin 2005. Il était noté par ailleurs de nombreux déplacements dans l’AVEYRON.

L’étude des importations en FRANCE de véhicules d’occasion en provenance d’F, montrait que la Société N O, basée en AVEYRON et ayant comme gérant T AZ Y, oncle de la concubine de R Z, avait procédé à quatre importations de ce type, pour des valeurs unitaires très faibles.

Entre le 02 mai 2003 et le 25 septembre 2005, la Société N O déclarait à la sous-préfecture de MILLAU, l’importation de 8 véhicules en provenance d’F, dont un acheté auprès de la Société D située en F et dont R Z se déclarait commissionnaire.

La liste des déclarations d’importations de véhicules d’occasion andorrans, fournis par les services de la DNSCE, ne correspondaient pas à la liste des déclarations d’achats établie par N O à la sous-préfecture de MILLAU.

Le 03 avril 2006, une information judiciaire contre X… était ouverte, des chefs d’importation en contrebande, détention, transport, circulation irrégulière de marchandises fortement taxées, importation sans déclaration de marchandises prohibées commises en bande organisée, corruption passive,corruption active, exercice d’un travail dissimulé.

L’instruction était par la suite élargie par plusieurs réquisitoires supplétifs, en date des 12 octobre, 30 novembre et 19 décembre 2006 et du 03 avril 2007.

Interpellé à son domicile le 10 octobre 2006 et entendu sous le régime de la garde à vue, R Z expliquait avoir une activité d’intermédiaire dans la vente de véhicules en provenance d’F et à destination de la France depuis 2001. Il avait d’abord travaillé comme associé officieux de H M, gérant du garage D, puis avait poursuivi seul son activité, sans jamais déclarer ses bénéfices auprès des services fiscaux. Il avait toutefois procédé à son inscription, comme négociant en véhicules, auprès du Tribunal de Commerce de I, à la suite d’un contrôle douanier intervenu en 2004, alors qu’il détenait une moto non dédouanée. Il disposait de deux filières d’approvisionnement en véhicules andorrans (H M et R S). Une fois les diverses formalités réalisées, les véhicules étaient vendus en FRANCE, soit par l’oncle de sa concubine, T AZ Y, gérant du garage N O, soit vers des particuliers. T AZ Y était son meilleur client, il lui achetait en moyenne 25 à 30 véhicules par an, depuis son installation en AVEYRON en 2002. Il percevait des commissions, la plupart du temps en numéraire. Ces commissions s’élevaient entre 300 et 500 € par véhicule, sachant qu’il intervenait en moyenne pour un à deux véhicules par mois. Il assistait les clients, afin qu’ils effectuent les formalités de dédouanement des véhicules. Il avait ainsi accompagné T AZ Y aux postes douaniers de AU AV et de L’HOSPITALET. Les véhicules andorrans étaient valorés par le gouvernement andorran et la T.V.A. payée à l’État français, en fonction de cette valeur. Toutefois H M et R S avaient un contact au gouvernement andorran, qui minimisait artificiellement la valeur vénale du véhicule à l’exportation. Cette manoeuvre permettait de payer beaucoup moins de T.V.A. en FRANCE. Xavie Z déclarait encore que Y et lui avaient bénéficié de l’aide du douanier AI K, lorsque celui-ci se trouvait en poste à L’HOSPITALET. AI K s’abstenait volontairement de contrôler la valeur des véhicules importés et remplissait sans difficulté le formulaire 846A, document administratif permettant l’immatriculation des véhicules en FRANCE. Lorsqu’il avait été muté à la brigade du PAS DE LA CASE, AI K leur avait communiqué la cote de service des douaniers en faction. En échange il bénéficiait de tarifs préférentiels sur les véhicules vendus par H M et R S et de pièces détachées gratuites chez R S. Depuis 2001 AI K avait ainsi acheté deux véhicules Toyota, une Audi A4 et une Audi break, ainsi qu’une Mercedes, une moto et d’autres véhicules, dont il ne se souvenait plus. Pour tous ces véhicules, il lui avait dit profiter de son boulot de douanier afin de payer le minimum de T.V.A. AI K lui avait présenté des collègues douaniers, afin qu’il leur vende des véhicules. Ils avaient vendu certains véhicules, dont le compteur kilométrique avait été «tombé». Cette opération leur permettait de vendre plus facilement et plus cher les véhicules en question. Il se souvenait s’être rendu à X, accompagné de AD C, douanier à AG AH, afin de faire «descendre» le kilométrage d’un véhicule O appartenant à H M.

C était tout à fait au courant de leurs agissements. R Z ajoutait s’être rendu en ce lieu à deux reprises, accompagné de AI K, pour baisser les compteurs des deux véhicules Audi. Il savait que par la suite, AI K avait revendu ces véhicules. Il avait demandé à AI K, de lui faire par informatique, un masque de facture vierge au nom de la Société D, dont il s’était servi pour une transaction. I1 savait que AI K participait à des livraisons de cigarettes pour le compte d’un certain T AB. À plusieurs reprises, il lui avait demandé de lui descendre du PAS DE LA CASE, des cartouches de cigarettes pour sa consommation personnelle. Il expliquait enfin, que T AZ Y, avait utilisé à trois ou quatre reprises des faux certificats de conformité, pour l’immatriculation de véhicules Suzuki. R S avait remis à T AZ Y des papiers vierges, afin qu’il puisse se faire des fausses factures de vente de véhicules. (D206)

La perquisition à son domicile permettait la découverte de 2000 € en espèces et d’un chèque du même montant, correspondant à des commissions sur la vente de véhicules, ainsi qu’un disque dur contenant notamment une facture vierge, à l’en-tête d’D, adressée par K et un faux certificat de conformité Toyota.

Lors de sa mise en examen, R Z confirmait ces déclarations. Il précisait que H M faisait deux factures pour T AZ Y, une correspondant au prix d’achat réel du véhicule et une correspondant au prix minoré. Il s’était parfois chargé de récupérer certaines de ces factures. Il reconnaissait avoir détenu des documents administratifs 846A, délivrés au vu de factures minorées. Il contestait avoir fourni de faux certificats de conformité à son oncle. Celui-ci connaissait la pratique du trafic des compteurs kilométriques.(D278).

Entendu ultérieurement, il se souvenait avoir demandé à AI K, d’établir un faux certificat de conformité Toyota, pour le compte de T AZ Y ; il avait fourni à sa concubine AQ AR, des documents vierges de la société de R S, afin qu’elle puisse établir des factures correspondant au prix réel des véhicules. (D389).

À l’audience, R Z maintenait pour l’essentiel ses déclarations. Il prétendait avoir eu l’accord de H pour éditer des factures D. Il admettait avoir pu intervenir dans la vente de 130 véhicules, entre 2003 et 2006. Il n’avait jamais fait de faux certificats de conformité et il ne savait pas pourquoi un document de ce type avait été retrouvé sur son ordinateur. Il confirmait le système de la double facturation.

T AZ Y, gérant de la Société N O depuis le 16 juillet 2003, indiquait que ses principaux fournisseurs en F, étaient R S et D. Il reconnaissait avoir déclaré à l’importation de chaque véhicule d’origine andorrane, une valeur minorée par rapport au prix d’achat réel, afin de payer moins de droits de douane et de T.V.A. I1 avait importé d’F environ 15 véhicules par an, soit 30 % de ses achats de véhicules. Il avait bénéficié de l’aide de AI K pour le dédouanement. Lorsque celui-ci était en poste à L’HOSPITALET. R S lui fournissait une vraie facture, correspondant à la valeur réelle du véhicule, dont il se servait pour sa comptabilité et une fausse facture correspondant à la valoration minorée. Il lui avait également remis des exemplaires vierges, pour qu’il puisse établir les factures qui lui manquaient. Son épouse, chargée du secrétariat et de la comptabilité de la société, était au courant de ces pratiques et faisait les fausses factures à partir de son ordinateur. R Z leur avait également remis des factures vierges, ainsi que trois certificats de conformité falsifiés, dont un certificat de conformité pour une Toyota qui lui avait été fourni par AI K. Il avait lui-même falsifié deux ou trois certificats de conformité, pour pouvoir immatriculer des véhicules Suzuki. Il reconnaissait également qu’il avait acheté, importé et revendu une quinzaine de véhicules «au Black» après la création d’N O. Il n’inscrivait pas ces véhicules dans son registre de police et il les payait en liquide. Il admettait avoir vendu des véhicules, dont les compteurs avaient été manipulés, pour faire baisser le kilométrage de moitié, selon lui. H M ou R Z se chargeaient de faire réaliser cette opération dans un garage à X. R Z servait d’intermédiaire dans les opérations d’achat et de revente et percevait des commissions d’environ 300 à 500 €. (D227 D232 . D235). Lors de sa mise en examen, T AZ Y confirmait ses déclarations. Il précisait que lorsque AI K avait été muté au PAS DE LA CASE, il passait par AU AV pour dédouaner. La valeur des véhicules était minorée, mais il ne bénéficiait plus d’aide particulière pour ces dédouanements. (D279).

Lors de ses interrogatoires ultérieurs, T AZ Y précisait, que dans le cas de vente «au black», le dédouanement était fait au nom du client. Il confirmait le système de la double facturation. Il niait avoir bénéficié des services de AI K, pour des passages de cigarettes ou d’alcool. La perquisition à son domicile permettait la découverte de nombreux documents, qui établissaient l’achat par T AZ Y de nombreux véhicules, sous immatriculation andorrane: 16 de ces véhicules n’étaient pas repris sur le registre de police de la S.A.R.L. N. O.

À l’audience, T AZ Y minimisait ses agissements, notamment en ce qui concernait le travail dissimulé. Il prétendait qu’il n’avait pas participé à la modification des compteurs kilométriques des véhicules et qu’il avait dit n’importe quoi en fin de garde à vue. Il confirmait que la valeur des véhicules importés d’F était toujours minorée. Il sollicitait la relaxe des chefs de contrebande et d’ importation non déclarée de cigarettes et d’alcool, et de tromperie. Il contestait en outre la circonstance aggravante de bande organisée.

AQ AR, compagne de T AZ Y et secrétaire comptable d’N O, confirmait être au courant que son concubin et R Z achetaient et revendaient des véhicules d’origine andorrane, en dehors de l’activité du garage. Lorsqu’elle s’apercevait de la présence d’un véhicule andorran et qu’elle ne voyait aucun papier concernant ce véhicule, elle ne faisait pas d’inscription au registre de police. Son concubin conservait dans une enveloppe de l’argent liquide qui lui servait pour ses achats «au noir». Le bénéfice de ce travail dissimulé était compris entre 500 à 2 000 € par véhicule.

Selon elle, R Z participait à tous les achats de véhicules faits par T AZ Y. Elle était sûre qu’il vendait lui-même des véhicules «au noir» pour son propre compte. Elle confirmait le système de la double facturation systématique (l’une mentionnant la valeur réelle des véhicules achetés en F, et l’autre indiquant une valeur minorée utilisée pour les opérations de dédouanement). Elle reconnaissait avoir établi elle-même, à plusieurs reprises, des factures, à partir de documents informatiques vierges fournis par R Z et ce «afin que sa comptabilité concorde». Elle réceptionnait les documents douaniers 846A établis sur les factures minorées.(D254 à D259, D387). Elle réitérait ces déclarations à l’audience.

AI K, contrôleur des douanes, reconnaissait effectuer des achats de marchandises fortement taxées, alcool et de tabac pour le compte d’amis, en quantités supérieures aux franchises légales. Il prétendait qu’il ne faisait pas de bénéfices sur ces commandes. Il admettait avoir communiqué à R Z la cote de services, pour lui permettre d’éviter les contrôles douaniers et de faire entrer sur le territoire français des véhicules non dédouanés. Il admettait avoir participé, au moins à deux reprises à des faits de contrebande et d’importation non déclarée en FRANCE de cigarettes et d’alcool en grande quantité pour T U. Il avait perçu une commission de 100 € au premier passage et n’avait pas été payé pour le second voyage. Il avait l’impression de ne prendre aucun risque, en raison de ses fonctions de douanier. Il reconnaissait avoir demandé à une collègue de travail, V W, de faire une liquidation d’office, sans présentation du véhicule. Il lui avait proposé un cadeau pour cette intervention illégale. Bien que cette dernière ait accepté, l’opération n’avait pas eu lieu, ce que confirmait V W(D274). Il expliquait qu’il aimait les voitures et qu’il était devenu acteur des ventes de véhicules réalisés par R AN, notamment en 2005 et début 2006. Il indiquait qu’il s’était rendu à X, en compagnie de R Z pour modifier le compteur kilométrique de deux véhicules Audi, qu’il avait revendus. Un collègue douanier, AD C, avait également accompagné Z dans les mêmes circonstances. Il admettait qu’il avait fait, à la demande de Z, des factures à l’en-tête D, pour que T AZ Y puisse entrer ces véhicules dans sa comptabilité. Avec la complicité de P Q, employé comme déclarant chez le transitaire AS AT, il avait acheté du matériel informatique hors-taxe, en simulant une exportation en F. Il avait minoré la valeur de son véhicule Land Cruiser, acquis en F, afin de payer moins de T.V.A. Pour cela il avait fourni une fausse facture lors de la liquidation d’office. Il ne se souvenait pas s’il avait lui-même établi cette fausse facture. Il avait également rédigé en connaissance de cause, les documents administratifs 846 A, permettant l’immatriculation en FRANCE, de véhicules dont la valeur était minorée (D 199).

La perquisition de son domicile permettait d’extraire de ses ordinateurs une facture D vierge signée et tamponnée, des factures D renseignées paraissant contrefaites, un certificat de conformité Toyota, une comptabilité d’achat et de revente de véhicules, 100 photos de véhicules, de nombreux mails contenant des annonces de vente de véhicules, d’achat de cigarettes et d’alcool et de matériel informatique, ainsi que des certificats de cession de véhicules vierges (D201.D505-3,D519).

Lors de sa mise en examen, il confirmait l’intégralité de ses propos et notamment le fait qu’il avait accepté de dédouaner des véhicules, tout en sachant que leur valeur était minorée. Il avait communiqué la côte de service à R Z lors des passages de celui-ci et établi des factures pour Y. En contrepartie de ses services il avait bénéficié de tarifs préférentiels sur les véhicules achetés.(D280).

Entendu ultérieurement, il admettait avoir établi une fausse facture, pour la liquidation d’office de son véhicule Toyota Land Cruiser, afin d’éluder environ 400 € de T.V.A. Il servait d’intermédiaire entre R Z et les acheteurs, sans percevoir d’argent (D390). Il avait dédouané un véhicule Land Rover acquis par AD C, sans que ce véhicule soit présenté, pour lui rendre service (D801).

À l’audience, il expliquait qu’il ne procédait pas à des dédouanements à E, ces formalités devant être accomplies aux postes de L’HOSPITALET ou de LA TOUR AV. Il prétendait que la valeur du véhicule B.M. W. qu’il avait importé d’F n’était pas minorée. Il soutenait que les acheteurs étaient au courant des manipulations des compteurs kilométriques des véhicules. Il sollicitait la relaxe partielle des chefs de corruption passive. Il contestait la circonstance aggravante de bande organisée. Il expliquait n’avoir procédé à aucune formalité de dédouanement, pour la période visée dans la prévention, à l’exception de la liquidation d’office du véhicule de AD C, de la B.M. W. de sa compagne et du véhicule Toyota. Il prétendait que T U ne l’avait rémunéré qu’après le passage et qu’il n’y avait donc pas de pacte de corruption préalable. Il sollicitait le prononcé d’une peine aménageable.

T U reconnaissait avoir bénéficié de l’aide de AI K à deux reprises, pour importer d’F des quantités importantes de cigarettes et d’alcool. Il avait revendu les cigarettes avec un bénéfice de cinq euros par cartouche. A l’issue du premier transport, il avait remis à AI K la somme de 100 € pour le dédommager de ses frais (D 436). Il confirmait ses déclarations devant le Juge d’Instruction, en précisant qu’il ne faisait pas de bénéfices lorsqu’il revendait les cigarettes à des membres de sa famille. I1 avait fait appel aux services de K, après s’être fait verbaliser une première fois, pour avoir importé huit cartouches. Un troisième passage prévu en juin 2006 ne s’était pas réalisé (D 443).

A l’audience il expliquait qu’une partie des cigarettes et de l’alcool appartenait à son ami AK AL. Il prétendait que ce n’était qu’après le second voyage qu’il avait remis 100 € à AI K. Il sollicitait la relaxe du chef de corruption et demandait la non inscription de la condamnation au bulletin N'2 de son casier judiciaire.

AD C, agent des douanes, reconnaissait qu’il avait acheté un véhicule Range Rover O en F. AI K, qui travaillait alors à la brigade de E , s’était chargé de réaliser les formalités de dédouanement de ce véhicule, sans le présenter à l’agent de la recette, comme le veut la réglementation. Il admettait s’être rendu en janvier 2005 à X avec R Z à bord d’un O. Au cours du trajet, Z lui avait dit qu’il allait faire «tomber le compteur» de ce véhicule. Il s’était chargé de ramener ce O, dont le compteur était falsifié, à F LA VIEILLE, tandis que R Z ramenait un autre O de couleur sombre. Il reconnaissait également avoir ramené d’F des bouteilles d’alcool et des cartouches de cigarettes pour des connaissances et des personnes du syndicat. Les achats étaient faits au-delà de la franchise. Il avait agi pour rendre service, sans faire de bénéfice. Il lui était arrivé de faire ces 'courses’ avec AI K (D44I 0,D419). Il confirmait pour l’essentiel ses déclarations à l’audience. Il expliquait qu’il souhaitait pouvoir exercer à nouveau ses fonctions de douanier. Il soulevait la prescription de l’action publique, s’agissant de l’importation sans déclaration préalable du véhicule Range Rover.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le Ministère Public requiert la confirmation du jugement sur la culpabilité et le prononcé d’une peine d’emprisonnement assortie du sursis.

Monsieur C rappelle qu’il a bien payé la T.V.A. sur le véhicule acheté en F. Cet achat n’avait rien à voir avec le circuit de Z. C’est une connaissance qui lui avait présenté ce véhicule. Concernant le voyage à X, il devait aller chercher un véhicule avec Z. Il avait vu les compteurs. Il cotoyait K pour des raisons syndicales. S’agissant des achats de tabac et d’alcool, c’était pour sa consommation personnelle. Cela fait 43 mois qu’il est suspendu avec 50 % du traitement. Il n’a aucune nouvelle de son administration. Il convient que ce n’est pas normal de revenir avec une voiture avec un compteur 'trafiqué'. Il n’avait rien dit, car dans son métier, on garde parfois des informations. Son conseil conclut à la relaxe pour les faits de complicité de tromperie, à la prescription pour le délit d’importation de marchandises prohibées et subsidiairement, à la relaxe dans la mesure où le véhicule automobile n’est pas une marchandise prohibée. Il conclut également à la relaxe pour le délit d’importation sans déclaration préalable de marchandises fortement taxées, la preuve du dépassement de la franchise n’étant pas rapportée. En toute hypothèse, il demande le rejet des prétentions de l’administration des douanes concernant les droits et taxes éludés.

L’administration des douanes ne comparaît pas.

DISCUSSION

Sur la recevabilité des appels

Les appels du prévenu et du Ministère Public, interjetés dans les formes et délais légaux, sont recevables.

Sur l’action publique

Sur le délit de complicité de tromperie

Il n’est pas discuté, que Monsieur C a accompagné Z à X en janvier 2005, afin 'de faire descendre les kilométrages d’un véhicule O appartenant à H'… 'on appelle ça amener la voiture chez le docteur’ pour reprendre les termes employés par Z (D 206 feuillet 10), lequel ajoute 'C était tout à fait au courant de nos agissements'. Il est également établi, et notamment par les dires du prévenu lui même, que c’est lui qui a ramené le véhicule, dont le compteur avait été falsifié, en FRANCE et non en F, même s’il y a eu un passage par F LA VIEILLE, endroit où Z a repris le volant du dit véhicule (il conduisait jusque-là un autre O), (cf par exemple audition C du 29 novembre 2006, pièce D 410 feuillet 8 ou encore D 419 procès-verbal de première comparution ). Le prévenu convenait d’ailleurs, même s’il s’en défend aujourd’hui, que Z lui avait bien dit, lors de l’aller à X, que le but du voyage était de faire 'tomber’ le compteur du véhicule dans lequel ils se trouvaient. Monsieur C reconnaissait même initialement avoir fait 'une connerie'.

Il est par ailleurs constant que ce véhicule était destiné à être vendu, par l’intermédiaire du réseau, dont Z était la cheville ouvrière.

Sur le délit d’importation non déclarée de marchandise fortement taxée

Cette prévention concerne l’importation des cigarettes et bouteilles d’alcool en provenance d’F.

C’est vainement que Monsieur C conclut qu’il n’est pas établi que la franchise ait été dépassée. Comme le rappelait Monsieur C lui même à ce propos lors de sa première comparution devant le Juge d’Instruction, 'on me demandait de rendre service. Je faisais cela pour deux ou trois fois la franchise permise… Je faisais parfois les courses avec Monsieur K'. Il avait au demeurant déjà reconnu dépasser la franchise lors de son audition par les gendarmes (D 410 feuillet 12) lorsqu’il faisait 'les courses’ pour des connaissances et des personnes du syndicat. Il lui arrivait même de passer commande à K (par exemple deux bonbonnes de 5 litres d’alcool, au cours d’une communication téléphonique, (cf D 94 appel 134 CD-R1).

Sur le délit d’importation non déclarée de marchandise prohibée

Il sera tout d’abord rappelé qu’au sens du code des douanes, et notamment de son article 38, constituent des marchandises prohibées, non seulement celles dont l’importation ou exportation est interdite (prohibition absolue), mais également celles soumises à des restrictions, des règles de qualité ou conditionnement ou à des formalités particulières ou à la présentation d’un titre quelconque, autorisation, licence certificat …(prohibition relative), les automobiles relevant bien de cette catégorie et la principauté d’F ne se trouvant pas à l’intérieur du territoire douanier communautaire.

De plus, l’article 426-3 de ce même Code des douanes dispose, que sont réputées importation ou exportation de marchandises prohibées… 'les fausses déclarations dans l’espèce, la valeur … lorsque ces infractions ont été commises à l’aide de factures, certificats ou tous autres documents faux, inexacts, incomplets ou non applicables'.

Il est avéré que le prévenu a importé d’F un véhicule O Range Rover, les formalités de dédouanement ayant été réalisées par son collègue K et sans présenter le dit véhicule à l’agent de la recette, comme le veut la réglementation.

Concernant également la prescription invoquée, la Cour fera sienne la motivation du Tribunal, qui a opportunément rappelé que la liquidation d’office du véhicule, établie à partir de fausses déclarations (montant T.V.A.) est intervenue le 23 juin 2003, le réquisitoire introductif du chef notamment d’importation sans déclaration de marchandises prohibées étant du 03 avril 2006.

Il importe par ailleurs peu que Monsieur C ne se soit pas procuré ce véhicule par le 'circuit’ de Z.

C’est en conséquence et à juste titre, que le Tribunal, tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s’imposaient, a retenu la culpabilité du prévenu.

La décision déférée sera en conséquence confirmée sur la culpabilité.

Elle sera en revanche infirmée sur la peine prononcée. Monsieur C n’a tenu qu’un rôle mineur dans le déroulement des faits, dont il n’est en aucune manière l’instigateur. Il s’est laissé manifestement entraîné dans cette affaire par son collègue K, dont il sera d’ailleurs relevé, qu’il était d’un grade supérieur au sien. Monsieur C n’a au demeurant tiré quasiment aucun profit des délits commis, son comportement s’expliquant par la faiblesse dont il a fait preuve et non par l’appât du gain.

Une peine d’emprisonnement de quatre mois entièrement assortie du sursis, Monsieur C n’ayant jamais été condamné, constituera une réponse pénale adaptée.

Sur l’action douanière

Le Ministère Public est intervenu pour l’application des sanctions fiscales, l’administration étant intervenue pour le paiement des droits et taxes éludés conformément aux dispositions de l’article 343 du Code des douanes.

Comme indiqué ci-dessus, Monsieur C ne s’est pas enrichi. Il y a lieu de lui accorder des circonstances atténuantes et de le faire bénéficier des dispositions de l’article 369 du Code des douanes.

Pour ce qui est du délit d’importation non déclarée de marchandise prohibée (véhicule O), pour lequel Monsieur C est seul concerné, la Cour limitera la sanction pécuniaire à 350 €, le montant des droits éludés de 196 € méritant confirmation.

Pour le délit d’importation non déclarée de marchandises fortement taxées, il sera rappelé que Messieurs K et C ont tous deux participé à la même fraude, ainsi qu’en atteste leurs déclarations et les écoutes. La solidarité est donc justifiée, le Code des douanes la prévoyant, non seulement pour un même fait de fraude, mais y associant l’ensemble des personnes ayant participé à la fraude. Le montant des droits fraudés, tel que retenu par le Tribunal, soit 49 678 € sera modifié. Il apparaît que le tableau ayant servi de base au calcul de l’amende fiscale et des droits éludés est erroné, certaines cartouches ayant été comptabilisées plusieurs fois. Compte tenu des éléments du dossier et des justificatifs y figurant, le montant de l’amende, égale à une fois la valeur des marchandises de fraude, sera arrêté à 29 788 € (500 cartouches X 50 € et 399 litres de boissons alcoolisées à 12 €).

Compte tenu des circonstances atténuantes, le montant de l’amende sera limité au tiers de ce montant, soit 9 929 €. Il y aura lieu par ailleurs de supprimer la solidarité de Monsieur C avec Monsieur K.

Le montant des droits éludés s’établit quant à lui à 25 253 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement à l’égard du prévenu, et par défaut à l’égard de l’Administration des douanes, en matière correctionnelle, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

Déclare les appels recevables ;

AU FOND

Sur l’action publique

Confirme la décision déférée sur la culpabilité ;

La réforme sur la peine ;

Et statuant à nouveau :

Condamne Monsieur AD C à une peine de quatre mois d’emprisonnement ;

Dit toutefois qu’il sera sursis à l’exécution de cette peine dans les conditions, le régime et les effets du sursis simple défini aux articles 132-29 et suivants du Code pénal ;

Rappelle à Monsieur que s’il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l’objet d’une nouvelle condamnation, qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première condamnation, sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines de la récidive, dans les termes des articles 132-8 à 132-16 du Code pénal ;

Confirme la confiscation des scellés ;

Sur l’action douanière

Confirme le jugement en ce qu’il a condamné Monsieur AD C à payer à l’Administration des douanes une somme de 196¿ (CENT QUATRE VINGT SEIZE EUROS) au titre des droits et taxes éludés pour le délit d’importation non déclarée de marchandise prohibée (véhicule RANGE ROVER O) ;

L’infirme pour le surplus ;

Et statuant à nouveau :

Condamne Monsieur AD C à payer à l’Administration des douanes une amende de 350 € (TROIS CENT CINQUANTE EUROS) pour ce même délit;

Condamne Monsieur AD C à payer à l’Administration des douanes :

— une amende de 9.929¿ (NEUF MILLE NEUF CENT VINGT NEUF EUROS) ;

— la somme de 25.253 € (VINGT CINQ MILLE DEUX CENT CINQUANTE TROIS EUROS) au titre des droits et taxes éludés, pour le délit d’importation non déclarée de marchandises fortement taxées ;

Dispense Monsieur AD C de toute solidarité avec Monsieur K, concernant ce délit d’importation non déclarée de marchandises fortement taxées ;

Dit que le condamné sera soumis au paiement du droit fixe de procédure d’un montant de 120 Euros prévu par l’article 1018 A du Code général des impôts ;

Informe le condamné que le montant du droit fixe de procédure sera diminué de 20% s’il s’en acquitte dans le délai d’un mois à compter du prononcé du présent arrêt ;

Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique les jours, mois et an susdits ; le présent arrêt a été signé par Monsieur J, Conseiller, le Président étant empêché, et le greffier présents lors de son prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Montpellier, Chambre correctionnelle, 15 septembre 2010