Cour d'appel de Montpellier, 21 décembre 2011, 11/02934

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Est entièrement responsable d’un accident de ski la commune qui, en présence d’une plaque de verglas sur une piste fréquentée par des skieurs peu expérimentés et située sur une portion étroite dans une zone boisée et bordée de rochers, a fortement sous estimé le danger et failli à son obligation de moyens qui lui imposait soit d’interdire le passage sur cette portion, soit de prévenir et baliser la présence de cette plaque, soit encore de poser des filets de protection en bordure de piste

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Eurojuris France · 18 septembre 2013

A- Rappel du principeDans son Arrêt du 3 juillet 2013, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation rappelle que l'exploitant d'un domaine skiable est tenu à l'égard des skieurs à une obligation de sécurité et de moyens qui l'oblige à prévenir les usagers des pistes des dangers présentant un caractère anormal ou excessif Cette obligation de sécurité de moyens et non pas de résultat s'explique parfaitement, compte-tenu du rôle actif du skieur et du risque inhérent à cette pratique sportive. Dès lors, la charge de la preuve de la faute de l'exploitant ou de ses manquements à son …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1o ch. sect. b, 21 déc. 2011, n° 11/02934
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 11/02934
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Perpignan, 11 avril 2011, N° 09/3249
Identifiant Légifrance : JURITEXT000026002280

Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section B

ARRET DU 21 DECEMBRE 2011

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/ 02934

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 AVRIL 2011
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
No RG 09/ 3249

APPELANTS :

Mademoiselle Alyette X…
née le 19 Juillet 1974 à LAVAL (38190)
de nationalité Française


53410 MARTIGNE
représentée par la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES, avoués à la Cour
assistée de Me Patrice MARCEL, avocat au barreau de LAVAL

Monsieur Yannick X…
né le 24 Mars 1950 à MARTIGNE (53410)
de nationalité Française


53410 MARTIGNE
représenté par la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES, avoués à la Cour
assisté de Me Patrice MARCEL, avocat au barreau de LAVAL

Madame Jacqueline Y… épouse X…
née le 26 Septembre 1951 à ASSE LE BOISNE (72130)
de nationalité Française


53410 MARTIGNE
représentée par la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES, avoués à la Cour
assistée de Me Patrice MARCEL, avocat au barreau de LAVAL

INTIMEES :

COMMUNE DE FONT ROMEU prise en la personne de son Maire en exercice, domicilié ès-qualités
Hôtel de Ville
Avenue du Professeur Trombre
66120 FONT ROMEU
représentée par la SCP Gilles ARGELLIES ET Fabien WATREMET, avoués à la Cour
assistée de la SCP COSTE-BERGER-PONS-DAUDE, avocats au barreau de MONTPELLIER

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MAINE ET LOIRE représentée par son Directeur, domicilié ès-qualités audit siège social
32 Rue Louis Gain
49037 ANGERS CEDEX 01
représentée par la SCP AUCHE HEDOU AUCHE AUCHE, avoués à la Cour
assistée de Me BECAUD, avocat au barreau de PERPIGNAN

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 12 Octobre 2011

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 OCTOBRE 2011, en audience publique, Monsieur Jacques MALLET ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques MALLET, Président
Madame Chantal RODIER, Conseiller
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI

Ministère public :

L’affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

— CONTRADICTOIRE.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;

— signé par Monsieur Jacques MALLET, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 30 décembre 1997, Mlle Alyette X…, alors âgée de 23 ans comme étant née le 19 juillet 1974, a été victime d’un accident de ski sur une piste verte du domaine skiable de la commune de Font-Romeu. Ayant dérapé sur une plaque de verglas elle a quitté la piste et heurté un rocher, lui provoquant un polytraumatisme grave qui a nécessité plusieurs interventions chirurgicales et entraîné sur le plan neurologique, une tétraplégie sensitivo-motrice.

Par arrêt du 14 septembre 2000, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Montpellier a confirmé le non-lieu prononcé par le magistrat instructeur dans le cadre de l’information ouverte contre X … du chef de blessures involontaires.

Recherchant alors la responsabilité de la commune de Font-Romeu, Mlle X… et ses parents (les consorts X…) ont saisi le tribunal administratif de Montpellier qui par jugement du 6 mai 2002, confirmé par arrêt du 6 février 2006 de la cour administrative d’appel de Marseille, a écarté toute faute de la commune dans l’exercice de ses pouvoirs de police.

Par arrêt du 19 février 2009, le Conseil d’État a rejeté le recours formé par la victime et ses parents contre l’arrêt de la cour administrative d’appel.

Suivant exploit du 20 juillet 2009, Mlle X… et ses parents ont alors saisi le tribunal de grande instance de Perpignan d’une demande de réparation de leurs préjudices sur le fondement d’une responsabilité présumée dont le principe aurait été posé par l’arrêt du 19 février 2009.

Par jugement contradictoire du 12 avril 2011, le tribunal de grande instance de Perpignan a débouté Mlle X…, Monsieur Yannick X… et son épouse, Madame Jacqueline Y…, ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie d’Angers de leurs demandes, condamnant les consorts X… solidairement à payer la commune de Font-Romeu la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction par application des dispositions de l’article 699 du dit code.
Le 28 avril 2011, Mlle X…, Monsieur et Madame X… ont relevé appel de ce jugement.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2011.

******

Dans leurs ultimes écritures déposées le 12 octobre 2011, les consorts X… concluent, au visa de la responsabilité pour faute de la commune sur le fondement de l’article 1147 du code civil et sur celle sans faute telle que ressortant de l’arrêt du Conseil d’État du 19 février 2009 :
* à l’infirmation du jugement entrepris ;
* à ce qu’il soit dit que Mlle X… a été victime en sa qualité d’usager d’un service public industriel et commercial dépendant de la commune de Font-Romeu, laquelle doit être déclarée entièrement responsable des conséquences de l’accident survenu le 30 décembre 1997 ;
* et sollicitent :
• pour Mlle X…, la fixation de ses préjudices-patrimonial temporaire et permanent, extra-patrimonial temporaire et permanent, matériel et moral- ;
• la condamnation de la commune de Font-Romeu à verser à Mlle X… la somme globale de 3 675 387, 17 €, sous déduction, poste par poste, de la créance de l’organisme de sécurité sociale ;
• la condamnation de la commune de Font-Romeu à verser à Monsieur et Madame X… la somme de 886. 153, 20 € au titre des frais de déplacement, d’aménagement de la maison, d’assistance par tierce personne, sauf mémoire, le préjudice moral à chacun d’eux, sous déduction, poste par poste, de la créance de l’organisme de sécurité sociale ;
• outre les intérêts légaux à compter du jugement à intervenir et le paiement d’une indemnité de 20 000 €, d’une part à Mlle X… et d’autre part à Monsieur et Madame X…, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Très subsidiairement, concernant l’appréciation du préjudice matériel invoqué par les appelants et relatif aux frais d’aménagement de la maison, d’un logement et d’un véhicule adapté, il est sollicité la désignation d’un expert et dans ce cas, la condamnation de la commune de Font-Romeu à leur verser :
• à Mlle X…, une provision de 1 000 000 €, à valoir sur tout chef de préjudice en sus des sommes qui seraient retenues en faveur de l’organisme de sécurité sociale ;
• à Monsieur et Madame X…, chacun, une provision de 500 000 € ;
• à chaque appelant, une provision de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction au profit de l’avoué de la cause.

Par conclusions déposées le 11 octobre 2011, la commune de Font-Romeu demande à la cour de confirmer le jugement dont appel, le rejet des demandes des appelants et de la caisse primaire d’assurance maladie du Maine-et-Loire. Subsidiairement, elle sollicite la désignation, avant dire droit, d’un expert afin de chiffrer le préjudice matériel et corporel subi par Mlle X…, outre la condamnation solidaire des appelants à lui rembourser ses frais irrépétibles à hauteur de la somme de 5 000 € et les dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions déposées le 2 septembre 2011, la caisse primaire d’assurance maladie du Maine et Loire sollicite, au visa notamment d’un relevé des prestations provisoire du 21 juillet 2009 :
• l’infirmation du jugement déféré ;
• la condamnation de la commune de Font-Romeu à réparer le préjudice subi par Mlle X… ;
• la fixation de sa créance provisoire à la somme de 232 311, 64 €, étant précisé que seules les prestations échues s’élevant à 222 434, 50 € sont immédiatement exigibles ; les frais futurs pour 9 877, 14 € donnant lieu aux remboursements correspondants à leur service, au fur et à mesure de leur prise en charge ;
• la condamnation de cette commune à lui payer la somme de 222 434, 50 €, outre l’intérêt légal à compter du 6 octobre 2009, date de notification des premières conclusions, étant précisé que les frais futurs donneront lieu à remboursement dans les conditions précitées ;
• la constatation qu’elle ne s’oppose pas à la demande d’expertise ;
• dans cette hypothèse, la condamnation de la commune de Font-Romeu à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens avec distraction au profit de la SCP Auché-Hédou-Auché, avoué.

SUR CE :

Sur la responsabilité de la commune :

Selon l’arrêt du Conseil d’État rendu le 19 février 2009, en raison de la nature juridique des liens existant entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, lesquels sont des liens de droit privé, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître d’un litige opposant une victime à une commune en sa qualité d’exploitant de la station, que la responsabilité de l’exploitant soit engagée pour faute et sans faute.

Au cas d’espèce, la relation liant la victime et l’exploitant est contractuelle, en sorte que Mlle X… est fondés à rechercher la responsabilité de la commune de Font-Romeu sur le fondement de l’article 1147 du code civil, cette dernière étant débitrice d’une obligation de sécurité envers tout usager de ses pistes.

Il n’est pas sérieusement discuté que dans les moments qui ont précédé l’accident, le rôle actif de Mlle X… en sa qualité de skieuse, usager des pistes exploitées par la commune de Font-Romeu, tout comme le risque inhérent à cette pratique du ski, font que l’obligation de sécurité de l’exploitant s’analyse comme une obligation de moyens.

Aussi, la charge de la preuve de la faute de l’exploitant ou de ses manquements à son obligation contractuelle incombe-t-elle aux consorts X…, par ailleurs tenus, conformément aux règles de droit commun de la responsabilité, de démontrer l’existence d’un préjudice réel et certain, direct et personnel et d’un lien de causalité entre les deux.

Il ressort de l’enquête préliminaire effectuée par les services de gendarmerie comme de l’instruction pénale qui a suivi que :

le jour des faits, l’enneigement sur la piste « Plan du levant » de couleur verte (facile, pour débutants) était correct et suffisant ;

cette piste est située entre 2100 m et 2000 m d’altitude, soit un dénivelé de 100 m sur une longueur de 500 m, réparti en trois zones :- une pente de départ de 13, 3 % sur 150 m ;
- une pente plus raide de 50 % sur 100 m ;
- une dernière pente de 12 % sur 250 m ;

sur cette dernière zone, la piste est large de 47 m et s’y trouvait implanté un tremplin pour surfeurs (dit « half-pipe »), large de 12 m et long de 150 m, laissant de chaque côté une piste large de 13 m sur la gauche du tremplin dans le sens de la descente et de 17 m sur la droite ;

du haut de la piste, il est possible de percevoir l’intégralité de son tracé et plus particulièrement, dans sa partie basse, le « half-pipe » et les deux parties de piste de part et d’autre ;

la victime qui avait emprunté la partie de piste la moins large (13 m), est sortie de celle-ci après avoir parcouru environ 65 m entre le bord de piste et le « half-pipe ».

Dans son audition par les enquêteurs, Mlle X…, étudiante en maîtrise de Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) pour être professeure d’éducation physique, déclare :
- qu’elle pratiquait le ski depuis l’âge de 13 ans environ, soit près de 10 ans ;
- qu’elle a bénéficié de cours de ski les premières années mais qu’elle sait seulement « virer parallèle », a « dépassé le stade du chasse-neige depuis longtemps » et a obtenu deux « étoiles » de ski ;
- que dans le cadre de sa formation universitaire, il n’est pas prévu de pratique de ski ;
- qu’elle est allée dans la même station de Font-Romeu l’année précédente, sans pour autant connaître tout le domaine skiable, mais n’ignorait pas la signification du balisage des pistes suivant leur degré de difficulté ;
- que le jour des faits, elle a « emprunté la partie gauche de la piste » (par rapport au « half-pipe »), a « amorcé plusieurs virages sans aucun problème » puis est « passée sur une plaque de neige verglacée », et ainsi, n’a « pu contrôler ses skis » et s’est « dirigée vers l’extérieur de la piste ».

Il ressort par ailleurs de l’audition de Mme Laetitia Z… qu’en sa qualité de pisteur secouriste, elle avait été chargée, le matin du 30 décembre 1997, d’effectuer une reconnaissance de la piste litigieuse avant son ouverture prévue à 9 heures, a constaté que l’enneigement était suffisant mais sans excès, que le damage était correct mais que la surface était très dure, que le tremplin de surf avait été sécurisé par des filets orangés tout autour et a ainsi informé son chef de service (A… José), en lui faisant part notamment des remarques concernant la dureté de la surface de la piste, celui-ci lui indiquant qu’il allait se rendre lui-même sur les lieux.

Entendu le 15 janvier 1998, M. A… qui décédera d’un accident de montagne durant l’été 1998 et ne pourra de ce fait, être à nouveau interrogé durant l’instruction judiciaire, confirmait les déclarations de Mme Z… quant à l’enneigement, la clôture du « half-pipe » et ajoutait que la piste avait été ouverte après la procédure normale dès le début de matinée, qu’elle était très peu fréquentée, précisant y être passé aux environs de 10 heures.

Il s’évince de l’ensemble de ces constatations et autres éléments aux débats que l’accident dont a été victime Mlle X… trouve sa cause directe dans la présence d’une portion verglacée sur laquelle après avoir effectué une série de virage « sans problème », cette dernière est passée sans pouvoir contrôler ses skis, selon ses dires, et donc sa trajectoire, la conduisant, voire la projetant contre un rocher situé à quelques mètres en lisière de cette piste.

La victime elle-même ne laisse aucunement entendre que la partie de pente à 50 % sur 100 m, située en amont de celle à 12 % où s’est produit l’accident aurait joué un rôle quelconque dans sa chute, ayant effectué juste avant cette dernière une série de virage « sans problème ».

Il est tout aussi constant, à la lecture même des déclarations de la victime, que celle-ci n’a été gênée ou perturbée ni par la présence d’autres skieurs, au demeurant fort peu nombreux, à telle enseigne qu’aucun d’entre eux n’a été le témoin direct de l’accident, ni par celle du « half-pipe » au sujet duquel la signalisation comme les mesures de protection ne sont pas sérieusement mises en cause.

Mais la piste, certes praticable au point de n’avoir pas empêché son ouverture, était qualifiée par Mlle Z… de « surface très dure », ce qui l’avait d’ailleurs conduite à solliciter l’avis de son chef de service, corroborant en tant que de besoin les témoignages des membres de la famille de la victime ou de ses amis dont aucun élément sur ce point ne permet de douter de leur sincérité, nonobstant l’absence de données nivologiques recueillies dans le cadre de l’instance pénale.

De même, si comme l’ont relevé non sans pertinence les premiers juges, la pose de filets de protection en bordure d’une piste qualifiée de facile, à faible dénivelé et ne présentant pas un réel danger au contraire d’une piste à forte déclivité, ne s’impose nullement, force est de constater qu’il en est autrement quant à la présence d’une plaque de glace précisément sur la portion de piste réduite de 47 m à 13 m, à faible dénivelé pour être classée « verte », autrement dit empruntée par des skieurs débutants, sinon d’un niveau moyen, ne maîtrisant assurément pas toute la technique de ski.

En effet, la présence d’une plaque verglacée constituait dans les circonstances de l’espèce, un risque tout particulier à raison de son emplacement dans la portion réduite, bordée à sa droite par le « half-pipe » mais à sa gauche par des arbres et des rochers, ces derniers étant plus ou moins dissimulés par la végétation.

Ainsi, au passage de cette plaque, la probabilité de survenance de chutes de la part de skieurs, même d’un niveau moyen, dans l’incapacité de pouvoir contrôler leur trajectoire et avec la quasi-certitude de terminer leur course en dehors de la piste et donc, contre un arbre voire un rocher, était objectivement non négligeable et a, en tout état de cause, été fortement sous-estimée par l’exploitant qui aurait dû soit interdire le passage sur cette portion, soit prévenir et baliser la présence de cette plaque de verglas, soit poser des filets de protection le long de la zone boisée et parsemée de rochers située en bordure de piste, précisément à raison du danger réel et anormal que présentait ladite plaque.

Il est par ailleurs observé que si la piste a fait l’objet d’une reconnaissance avant son ouverture au public, aucune précision n’est apportée quant à la reconnaissance effectuée de part et d’autre du « half-pipe ».

Vainement la commune intimée peut soutenir, en dehors de procéder par simple allégation, que la victime dont il n’est fait état ni d’une vitesse excessive de sa part ni d’une absence totale de maîtrise de sa trajectoire au moment d’aborder cette portion réduite de la piste, aurait commis une faute voire aurait accepté des risques inhérents à la pratique du ski, excluant ainsi toute responsabilité de la commune et tout droit à indemnisation de cette victime qui précisément skiait sur une piste conforme à son niveau.

Il est enfin noté que si à raison des études qu’elle poursuivait avant l’accident, Mlle X… peut être considérée comme une sportive accomplie, cela ne saurait faire d’elle une skieuse accomplie ou expérimentée au point de pouvoir faire face à toute situation imprévue, telle que la présence d’une plaque verglacée l’ayant éjectée au-dehors de la piste non protégée à cet endroit.

Dans ces conditions, la commune de Font-Romeu sera déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l’accident dont Mlle X… a été victime le 30 décembre 1997 et tenue, à ce titre, de réparer son entier dommage ainsi que celui éventuellement subi, par ricochet, par ses parents, M. et Mme X…, à la condition qu’il soit direct et certain.

Le jugement déféré sera donc infirmé dans toutes ses dispositions.

Sur les préjudices de Mlle X… et de ses parents :

Mlle X… invoque différents chefs de préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux, notamment à raison de frais liés à l’adaptation du logement de ses parents chez qui elle demeure depuis sa sortie d’hôpital, à l’adaptation à son état d’un véhicule lui permettant de conduire, à l’assistance d’une tierce personne, 24 heures sur 24, actuellement assurée par ses parents.

Dans son rapport d’expertise judiciaire déposé le 19 octobre 1999 dans le cadre de l’instance pénale, le docteur B… avait notamment conclu à :
- la persistance d’une tétraplégie sensitivo-motrice de niveau C6, spastique, avec troubles sphinctériens, limitation des mouvements du rachis cervical avec douleurs importantes, insuffisance respiratoire, dysphonie ;
- un état strictement post-traumatique justifiant de multiples aides, soins médicaux et paramédicaux, techniques par fauteuil roulant, lit médicalisé, lève-malade, table de verticalisation ;
- une consolidation au 18 décembre 1998 ;
- une incapacité temporaire totale jusqu’à la consolidation ;
- un abandon de manière définitive des études d’éducation physique et sportive ;
- une incapacité permanente partielle de 90 % ;
- des souffrances endurées fixées à 5, 5/ 7 ;
- un dommage esthétique estimé à 4/ 7 ;
- l’existence d’un préjudice d’agrément et très certainement, d’établissement à une vie de couple ;
- des travaux alors envisagés par les parents de la victime pour l’aménagement du domicile familial.

En l’état de l’ancienneté de cette expertise-plus de 10 ans-, de l’absence d’éléments suffisants quant aux conditions de l’aide par tierce personne, de l’aménagement du domicile de la victime qui est aussi celui de ses parents, l’adaptation d’un véhicule sans que la cour sache si la victime est, dans cette hypothèse, en capacité d’assurer la conduite d’un véhicule, il convient d’ordonner une nouvelle expertise médicale dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt ainsi qu’une expertise confiée à un architecte concernant le coût des aménagements réalisés et à réaliser du logement, étant précisé que les deux experts devront accomplir leurs missions respectives en concertation.

En l’état des pièces produites aux débats et de l’expertise médicale du docteur B…, il convient de faire droit à la demande de provision de Mlle X… à hauteur de 800 000 €, en sus des prestations avancées par la caisse primaire d’assurance maladie du Maine et Loire.

En revanche, il n’y a pas lieu au stade de la procédure de faire droit à la demande à ce titre de M. et Mme X…, faute pour la cour d’être en mesure de déterminer le lien direct et certain des chefs de préjudices invoqués avec l’accident dont s’agit. Leurs droits seront réservés dans l’attente des expertises ordonnées.

Enfin, il sera fait droit à la demande de provision de la caisse primaire d’assurance maladie à hauteur de la somme de 222 434, 50 €.

Tous droits et moyens des parties seront réservés en ce compris les frais irrépétibles et les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déclare la commune de Font-Romeu entièrement responsable des conséquences dommageables de l’accident dont Mlle Alyette X… a été victime le 30 décembre 1997,

Dit que la commune de Font-Romeu sera tenue de réparer l’entier dommage subi par Mlle Alyette X…,

Avant dire droit,

I/- Ordonne une mesure d’expertise médicale,

Désigne le docteur Guy B…, demeurant…, en qualité d’expert, pour y procéder, avec mission, après avoir entendu les parties et leurs conseils, de :

1o) Convoquer Mlle Alyette X…, victime de l’accident, à son lieu de vie ; y convoquer aussi les autres parties par lettre recommandée avec avis de réception et leurs conseils par lettre simple en invitant chacun, le représentant légal de la victime ou tout tiers détenteurs à communiquer tous les documents médicaux relatifs à l’accident.

2o) Compléter sa première expertise concernant les changements et évolutions de la victime dans sa situation personnelle, professionnelle ou occupationnelle.

3o) Le compléter également en ce qui concerne les modalités de traitement, les hospitalisations qui seraient intervenues depuis, en précisant autant que possible les durées exactes et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concernés et la nature des soins.

4o) Actualiser les conditions de vie de la victime, notamment au regard de son autonomie et de la nécessité d’une aide.

5o) Prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits.

6o) Recueillir toutes les doléances actuelles de la victime et/ ou de ses proches en l’interrogeant sur les conditions d’apparition des douleurs et de la gêne fonctionnelle, sur leur importance et sur leurs conséquences depuis le dépôt du premier rapport.

7o) Compléter son premier rapport quant à la durée du déficit fonctionnel temporaire en lien avec le fait dommageable.

8o) Fixer, en cas de modification, la date de consolidation.

9o) Chiffrer, par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable à l’accident, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation.

10o) a) Etablir le bilan fonctionnel en décrivant les mouvements, gestes et actes rendus difficiles ou impossibles.
b) Dresser un bilan situationnel en précisant l’incidence des séquelles. S’aider si besoin de la fiche d’évaluation médico-légale des séquelles graves telle que retranscrite dans le barème de la Société de Médecine Légale et de Criminologie de France.
c) Décrire avec précision le déroulement d’une journée à domicile.

11o) Evaluer la capacité de la victime à prendre conscience de son état et à appréhender l’environnement. Donner tous renseignements utiles sur la nature et le degré de cette conscience.

12o) Compléter son rapport, depuis le retour à domicile de la victime :
- en disant précisément quels moyens techniques palliatifs sont susceptibles d’accroître l’autonomie de la personne blessée (appareillage, aide technique, aménagement du logement, aménagement du véhicule…) ;
- en décrivant les gênes engendrées par l’inadaptation du logement, étant entendu qu’il appartient à l’expert de se limiter à la description scrupuleuse de l’environnement en question et aux difficultés qui en découlent sans empiéter sur la mission confiée à un homme de l’art mais si nécessaire, en lien avec ce dernier ;
- en précisant les besoins en tierce personne en indiquant la qualité, la qualification professionnelle requise, la fréquence et la durée d’intervention quotidienne.

13o) Dire si les frais médicaux, pharmaceutiques, paramédicaux, hospitalisation, appareillage postérieurs à la consolidation directement imputables à l’accident sont actuellement prévisibles et certains. Dans l’affirmative, indiquer pour chacun de ces frais, le caractère occasionnel ou viager, la nature, la quantité et la durée prévisibles.

14o) Compléter son premier rapport sur la situation professionnelle (ou occupationnelle) de la victime : formation professionnelle possibilité d’un travail adapté, restriction à un travail occupationnel, inaptitude absolue et définitive à toute activité rémunératrice.

15o) Préciser de nouveau les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées du fait des blessures subies pendant la maladie traumatique (avant consolidation) et telles qu’évaluées selon l’échelle habituelle de 7 degrés.

16o) Donner un nouvel avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant s’il est temporaire ou définitif. L’évaluer selon l’échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l’éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit fonctionnel proprement dit.

17o) Dire s’il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l’acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction).

II/- Ordonne une mesure d’expertise sur l’adaptation du logement où demeure Mlle Alyette X…,

Désigne Monsieur Jacques C…, demeurant…-49021 Angers Cedex 02-, en qualité d’expert architecte d’intérieur, pour y procéder, avec mission, après avoir entendu les parties et leurs conseils, de :

1o) Convoquer Mlle Alyette X…, victime de l’accident, à son lieu de vie ; y convoquer aussi les autres parties par lettre recommandée avec avis de réception et leurs conseils par lettre simple en invitant chacun, le représentant légal de la victime ou tout tiers détenteurs, à communiquer tous les documents relatifs à la situation du logement.

2o) Décrire le logement sis …,-53410 Martigne.

3o) Décrire l’ensemble des aménagements déjà effectués dans ce logement depuis le retour à domicile de la victime, dire s’ils sont en lien nécessaire ou indispensable avec l’état de la victime et qui les a exposés ; en chiffrer le coût.

4o) Décrire les aménagements nécessaires ou indispensables devant être effectués pour adapter le logement à l’état de la victime, faire toute proposition utile pour cette adaptation ; en chiffrer le coût.

5o) Recueillir toutes les doléances actuelles de la victime et/ ou de ses proches en l’interrogeant sur ses conditions de vie au sein du logement, sur les difficultés rencontrées.

Dit que les experts se conformeront pour l’exécution de leur mission aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile, communiqueront directement rapport de ses opérations à chacune des parties, conformément à l’article 173 du code de procédure civile, avec mention faite sur l’original, et en déposeront deux exemplaires au greffe de la cour dans les six mois suivant leur saisine,

Dit qu’à défaut de pré-rapport, les experts organiseront à la fin des opérations, un accedit de clôture où ils informeront les parties du résultat de leurs investigations et pour recueillir leurs ultimes observations, le tout devant être consigné dans leur rapport d’expertise,

Dit que les expertises auront lieu aux frais avancés de Mlle Alyette X… qui consignera au greffe de la cour d’appel de Montpellier dans les deux mois suivant le prononcé de la présente décision la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert médical et celle de 1 500 € (mille cinq cents euros) à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert architecte,

Dit qu’à défaut de consignation dans le délai ci-dessus fixé, la désignation du ou des experts sera caduque, sauf à être relevé de la caducité, que l’affaire sera fixée à nouveau et qu’il en sera tiré toutes conséquences quant aux demandes de Mlle Alyette X…,

Dit que, s’ils estiment insuffisante la provision ainsi fixée, le ou les experts devront, lors de la première ou au plus tard lors de la deuxième réunion, dresser un programme de leurs investigations et évaluer de manière aussi précise que possible le montant prévisible de leurs honoraires et de leurs débours,

Dit qu’à l’issue de cette réunion, conformément aux dispositions de l’article 280 modifié du code de procédure civile, les experts feront connaître aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l’expertise la somme globale qui leur paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de leurs honoraires et de leurs débours et solliciteront, le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire,

Condamne la commune de Font-Romeu à payer :
à Mlle Alyette X…, à titre de provision à valoir sur ses préjudices définitifs, la somme de : 800 000, 00 €
* à la caisse primaire d’assurance maladie du Maine-et-Loire, à titre de provision à valoir sur ses débours définitifs, la somme de : 222 434, 50 €

Renvoie la cause et les parties devant le conseiller de la mise en état pour suivre les opérations d’expertise,

Réserve tous droits et moyens des parties sur les autres chefs de demandes, objets de l’expertise, sur les demandes de M. et Mme X… ainsi que sur le remboursement des frais irrépétibles et les dépens.

LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.

JM

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Montpellier, 21 décembre 2011, 11/02934