Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 24 janvier 2017, n° 15/01385

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2° ch., 24 janv. 2017, n° 15/01385
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 15/01385
Décision précédente : Tribunal de commerce de Rodez, 12 janvier 2015, N° 2014 02414
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER 2° chambre ARRET DU 24 JANVIER 2017 Numéro d’inscription au répertoire général : 15/01385 Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 JANVIER 2015 TRIBUNAL DE COMMERCE DE RODEZ N° RG 2014 02414 APPELANT : Monsieur E Z né le XXX à XXX de l’Angle 12260 SAUJAC représenté par Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de MONTPELLIER INTIME : Monsieur LE PROCUREUR GENERAL En son Parquet près la cour d’Appel 1, XXX Représenté par M. Laurent BEBON, substitut de Monsieur le procureur général INTERVENANTE : Madame C A, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de SARL BATI CAUSSE 2, XXX représentée par Me Aude DARDAILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER de la SCP PHILIPPE SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me Aude DARDAILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Catherine KERDONCUFF, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant ORDONNANCE DE CLOTURE DU 15 Novembre 2016 COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 06 DECEMBRE 2016, en audience publique, Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Madame Laure BOURREL, Président de chambre Madame Brigitte OLIVE, conseiller Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Madame N ALBESA Ministère public : représenté lors des débats par Monsieur Laurent BEBON, substitut de Monsieur le procureur général, entendu en ses réquisitions ARRET : – Contradictoire – prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; – signé par Madame Laure BOURREL, Président de chambre, et par Madame N ALBESA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. **** FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Par jugement en date du 26 février 2013, le tribunal de commerce de Rodez a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL Bati Causse, entreprise de maçonnerie générale à Saujac (12260), dont le gérant était M. E Z et qui exploitait un fonds de commerce appartenant à M. E Z. Il a fixé la date de cessation des paiements au 11 janvier 2013. Par jugement en date du 12 mars 2013, le tribunal de commerce de Rodez a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, désignant Me C A, mandataire judiciaire, en qualité de liquidatrice. Ce jugement a maintenu la date de cessation des paiements au 11 janvier 2013 et est devenu définitif en l’absence de recours exercé à son encontre. A la date du 20 juillet 2014 le passif produit s’élevait à la somme de 130.581,32 € pour un actif de 3.239,71 €. Le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rodez, par requête en date du 11 juillet 2014, a saisi le tribunal de commerce de Rodez aux fins de voir condamner M. E Z à une sanction de faillite personnelle d’une durée de 12 ans et à une mesure d’incapacité d’exercer une fonction publique pour une durée de 5 ans, au vu de diverses anomalies apparues dans sa gestion, examinée par la liquidatrice judiciaire. Il lui reprochait trois fautes : – d’avoir omis de déclarer l’état de cessation des paiements de la SARL Bati Causse dans le délai de 45 jours de sa survenance, la procédure collective ayant été ouverte à la suite d’une assignation délivrée par la Caisse Retraite du BTP, – d’avoir poursuivi une activité déficitaire dans un intérêt personnel, alors que les cotisations dues à la Caisse Retraite du BTP étaient impayées depuis le 1er trimestre 2011, lui-même continuant pourtant de percevoir son salaire de gérant, sans autorisation d’une assemblée générale de la société, en outre, – d’avoir omis de tenir une comptabilité régulière et complète, ou d’avoir fait disparaître les documents comptables. Par jugement contradictoire en date du 13 janvier 2015, le tribunal de commerce de Rodez a notamment, au visa des articles L.653-3 à L.653-8 et R.123-174 à R.123-76 alinéa 2 du code de commerce : – fixé au 26 août 2011 la date définitive de la cessation de paiements de la SARL Bati Causse, – prononcé à l’encontre de M. E Z né le XXX à XXX, une mesure de faillite personnelle pour une durée de 12 ans et une mesure d’incapacité d’exercer une fonction élective pour une durée de 5 ans, – condamné M. E Z aux dépens. Par déclaration parvenue au greffe de la cour d’appel de Montpellier le 20 février 2015, M. E Z a interjeté appel de ce jugement, qui lui avait été signifié par acte d’huissier de justice délivré le 17 février 2015. Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 9 novembre 2016, M. E Z sollicite notamment : – l’annulation du jugement pour défaut de motif, au visa de l’article 455 du code de procédure civile, – subsidiairement, l’infirmation du jugement et le rejet des sanctions proposées par le Procureur de la République, – la condamnation de Me A, ès-qualités, à lui payer une somme de 3.000,00 € par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 6 octobre 2016, Me C A, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Bati Causse, sollicite notamment : – le rejet de la demande d’annulation, considérant que le premier juge a répondu aux arguments de défense soulevés par M. Z et a procédé à un examen approfondi des pièces et arguments soulevés par les parties, – la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, au visa des articles L.653-3, L.653-4, L.653-5 et L.653-8 du code de commerce, au motif que M. E Z a : * omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire dans les 45 jours de la date de cessation des paiements de la SARL Bati Causse, dont elle demande à la cour de constater qu’elle doit être fixée au 26 août 2011, * omis de tenir ou de présenter une comptabilité pour les années 2012 et 2013, * poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une activité déficitaire ne pouvant conduire qu’à la cessation des paiements, * fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective en s’abstenant de remettre au liquidateur les renseignements qu’il était tenu de lui communiquer, en l’occurrence la liste des créanciers, les éléments comptables pour 2012 et 2013, les factures clients permettant de recouvrer les créances de la société Bati Causse, – subsidiairement, qu’il lui soit donné acte qu’elle s’en rapporte aux conclusions du Procureur général, – la condamnation de M. E Z à lui payer une somme de 2.500,00 € par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 28 septembre 2015, Monsieur le Procureur Général près la Cour d’appel de Montpellier sollicite notamment : – l’infirmation du jugement entrepris, – le rejet de la demande de faillite personnelle à l’encontre de M. E Z, initialement présentée par le ministère public, les manquements reprochés à l’intéressé n’étant pas caractérisés. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 novembre 2016. ********** MOTIFS : SUR LA PROCEDURE : Sur la demande d’annulation du jugement : Le jugement déféré a motivé sa décision après une analyse sommaire des pièces et des conclusions des parties pour les manquements reprochés à M. Z, en retenant divers moyens de fait et de droit, ce qui n’équivaut pas à un défaut de motif, au sens de l’article 455 du code de procédure civile, pas plus que le manque de pertinence des motifs retenus par le tribunal de commerce de Rodez n’y équivaut. Il convient donc de rejeter la demande d’annulation du jugement. SUR LES FAUTES REPROCHEES A M. E Z : Il incombe aux parties qui sollicitent le prononcé d’une sanction de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer, de rapporter la preuve des fautes commises par la personne mise en cause et de leur prévision par les textes du code de commerce prévoyant ces sanctions. Il est reproché par Me C A, agissant en sa qualité de mandataire liquidatrice à la liquidation judiciaire de la SARL Bati Causse, qui s’est associée en première instance à la requête du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rodez, la commission de plusieurs fautes commises dans la gestion de cette société, dont il était le gérant et l’associé unique, sanctionnables par le prononcé d’une mesure de faillite personnelle. 1°/ L’omission de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours : Ce manquement du dirigeant social est prévu et sanctionné par l’article L.653-8 du code de commerce, d’une mesure d’interdiction de gérer et non d’une mesure de faillite personnelle, comme l’a retenu, à tort, le tribunal de commerce de Rodez dans son jugement déféré. Il est de principe, ainsi que l’a rappelé la chambre commerciale de la cour de cassation dans son arrêt du 5 octobre 2010, que la date de cessation des paiements est celle fixée dans le jugement d’ouverture ou lors d’un jugement de report, en l’espèce le 11 janvier 2013. En effet, avant la procédure de poursuite du dirigeant social pour voir prononcer une faillite personnelle, aucun jugement de report n’a été prononcé dans cette procédure collective. Selon les articles L.631-8 et L.641-1 du code de commerce la date de cessation des paiements, pour être reportée, doit faire l’objet d’une demande particulière de modification, dans le délai d’un an à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective, notamment par le ministère public ou le mandataire judiciaire et le tribunal de commerce statue après avoir entendu le débiteur sur cette demande de modification. En l’espèce à la date de la requête du ministère public qui tendait à titre principal au prononcé d’une sanction contre le dirigeant social et incidemment au report de la date de cessation des paiements, le 11 juillet 2014, il s’était écoulé plus d’un an depuis le jugement d’ouverture de la procédure collective de la SARL Bati Causse et le tribunal de commerce de Rodez ne pouvait donc être saisi, et encore moins se saisir d’office, d’une demande de report de la date de cessation des paiements. En outre il lui appartenait, pour statuer sur le report de la date de cessation des paiements, d’entendre le débiteur en liquidation judiciaire, la SARL Bati Causse, ce qu’il n’a pas fait. Le jugement déféré doit donc, en premier lieu, être réformé de ce chef et la demande de report de la date de cessation des paiements de la SARL Bati Causse, maintenue en appel par Me A, ès-qualités, rejetée. Le délai de 45 jours dont disposait M. Z pour déposer le bilan expirait donc le 26 février 2013, date à laquelle le jugement d’ouverture du redressement judiciaire a été prononcé sur assignation de la Caisse de Retraite et Prévoyance du BTP. Il est aussi de principe, désormais, que le dirigeant social, même déjà assigné en redressement judiciaire, demeurait tenu de déclarer l’état de cessation des paiements de sa société dans le délai légal de 45 jours ; mais en raison du changement législatif de la loi Macron du 6 août 2015, applicable immédiatement aux instances en cours pour le prononcé d’une sanction au titre de ce manquement, il convient aussi d’établir que cette omission de déclarer la créance a été faite « sciemment » par M. E Z. La preuve du caractère conscient et volontaire de l’abstention reprochée à M. Z, n’est pas rapportée, alors même que selon la jurisprudence encore appliquée à la date des faits, le 26 février 2013, lorsqu’une assignation entraînait le prononcé du redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire d’une société dans le délai de 45 jours, il n’était pas exigé du dirigeant social qu’il déclare lui-même, parallèlement, l’état de cessation des paiements. Le jugement déféré doit donc être réformé de ce chef également et les demandes fondées sur cette faute alléguée rejetées. 2°/ l’absence de tenue de la comptabilité sociale à compter du 1er janvier 2012. Ce manquement est prévu et sanctionné par l’article L.653-5, 6° du code de commerce. Il s’étend également à la tenue d’une compatibilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables Il est constant que les comptes annuels de l’exercice 2012 n’ont pas été établis, l’expert comptable, Mme M-N O, déclarant dans une lettre du 21 novembre 2014 qu’elle ne les avait pas établis car ses honoraires étaient impayés, les derniers bilans ayant été établis pour l’exercice comptable de juin 2010 à décembre 2011 (pièce n°3). Elle assurait toutefois aussi que les livres comptables avaient été régulièrement tenus au cours de l’année, jusqu’au 31 décembre 2012 (comptabilisation des opérations d’achat, vente, banque et opérations diverses) ce qui n’est pas particulièrement contesté ni contredit par les pièces versées aux débats. Me A reproche à M. Z de ne pas produire les éléments de sa comptabilité tenue en 2012, ce que ce dernier ne pouvait faire en raison du droit de rétention sur son travail de l’expert comptable impayé de ses honoraires, mais ne justifie ni même n’allègue avoir elle-même sollicité de l’expert comptable la communication des pièces comptables, ainsi qu’elle en avait la possibilité en sa qualité de liquidatrice judiciaire de la SARL Bati Causse, sa cliente. L’article L.123-12 du code de commerce impose au commerçant d’établir des comptes annuels à la clôture de l’exercice, comprenant le bilan, le compte de résultat et une annexe. Or cela n’a manifestement pas été fait pour l’exercice 2012 en l’espèce. Donc la comptabilité produite n’est, en l’état, manifestement pas complète et donc pas conforme aux dispositions légales, ainsi que l’a rappelé la chambre Commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt du 12 avril 2005. Il est en effet de principe aussi que l’existence de pièces permettant de reconstituer une comptabilité n’équivaut pas à l’existence même de cette comptabilité au sens du texte susvisé. Toutefois, ainsi que l’a rappelé le Procureur Général à l’appui de sa demande de rejet de cette demande de sanction envers M. E Z, s’agissant de la comptabilité d’une SARL, celle-ci dispose conformément aux dispositions de l’article L.223-26 du code de commerce, d’un délai de six mois après la clôture de l’exercice comptable pour faire approuver les comptes par une assemblée générale ordinaire. Donc le bilan et les comptes de résultats pouvaient encore être établis, régulièrement, jusqu’au 30 juin 2013, en l’espèce. En matière fiscale, les obligations déclaratives de la SARL Bati Causse lui imposaient seulement de déposer ses déclarations comptables relatives à l’impôt sur les sociétés avant le 15 avril 2013 et la liasse fiscale accompagnée de la déclaration de TVA avant le 3 mai 2013. Il ne peut donc être retenu de manquement sanctionnable à l’encontre de M. E Z de ce chef, pour l’exercice comptable achevé le 31 décembre 2012. Il n’est donc établi d’absence de tenue de la comptabilité, sanctionnable en application de l’article L.653-5, 6° du code de commerce, que pour la période du 1erjanvier jusqu’au 12 mars 2013, date de la liquidation judiciaire. Mais compte-tenu de la brièveté de cette période, marquée par la survenance de l’état de cessation des paiements de la SARL Bati Causse le 11 janvier 2013, et de l’ensemble des autres éléments de cette procédure collective, il n’y a pas lieu de prononcer de ce chef une mesure de faillite personnelle ni d’interdiction de gérer, ainsi que l’a requis le Procureur Général devant cette cour. Il est de principe en effet que le juge a la faculté de ne pas prononcer la faillite personnelle du dirigeant contre lequel il a relevé des faits mentionnés à l’article L.653-5 du code de commerce, ainsi que l’a rappelé la chambre commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt du 23 mai 2000. 3°/ la poursuite abusive dans un intérêt personnel d’une activité déficitaire, qui ne pouvait conduire qu’à l’état de cessation des paiements : Ce manquement est prévu et sanctionné par l’article L.653-4,4° du code de commerce. Le Procureur Général relève que l’activité de la SARL Bati Causse était bénéficiaire au 31/12/2011 (+ 10.834,00 €) et qu’au 11 janvier 2013 elle avait un passif produit mais non vérifié supérieur à 100.000,00 € sans actif correspondant, ce qui traduisait nécessairement une activité devenue déficitaire en 2012 ; sans toutefois qu’il puisse être retenu une date particulière de survenance de cette activité déficitaire ni de la connaissance certaine qu’en avait ou pas M. E Z, de même que du caractère inéluctable de la cessation des paiements entraînée par ce déficit, au sens de l’article L.653-4,4° du code de commerce. Ceci notamment du fait de l’absence de production du bilan et des comptes de résultats de la comptabilité 2012, lesquels n’ont pas été établis par l’expert comptable de la société, faute de paiement de ses honoraires. Dès lors que le tribunal de commerce de Rodez n’a pas retenu que la SARL Bati Causse était en état de cessation des paiements avant le 11 janvier 2013, les éléments produits ne permettent pas non plus de retenir comme établie une poursuite abusive de l’activité déficitaire conduisant inéluctablement à la cessation de paiements de la SARL Bati Causse par M. E Z au cours de l’année 2012, dans un intérêt personnel. Il est pour le moins incohérent que Me C A, ès-qualités, soutienne dans ses conclusions d’appel que la SARL Bati Causse était en état de cessation des paiements avéré depuis le 26 août 2011, alors qu’elle a toujours négligé de saisir le tribunal de commerce de Rodez d’une demande de report de la date de cessation des paiements fixée par lui au 11 janvier 2013, comme elle en avait pourtant la faculté juridique. Par ailleurs, il n’est nullement établi au vu des pièces versées aux débats, contrairement à ce qui est seulement affirmé par Me A, ès-qualités, que M. E Z a continué d’être salarié par la SARL Bati Causse en 2012 et 2013 ; pas plus qu’il n’ait continué à percevoir le montant du loyer de location-gérance du fonds de commerce. M. Z déclare d’ailleurs dans ses conclusions (page 6) qu’il n’est rapporté aucune preuve de la perception par lui-même d’une quelconque rémunération de la part de la SARL Bati Causse, ce qui est exact. Le Procureur de la République, dans sa requête initiale, n’avait d’ailleurs pas retenu comme caractérisant l’intérêt personnel de M. Z, le montant des loyers de location-gérance du fonds de commerce versés mensuellement par la SARL Bati Causse à celui-ci, soit 2.500,00 €, qui sont désormais allégués par la liquidatrice judiciaire comme ayant été vraisemblablement payés en 2012. Mais en l’absence de toute certitude quant à la réalité de ces paiements, qualifiés de « vraisemblables », il ne saurait être assis une condamnation à la faillite personnelle sur cet élément de fait non établi. Par ailleurs, si les créances déclarées au passif de la SARL Bati Causse ont toutes été admises, faute de contestation par le gérant de la société, absent à la procédure de vérification le 24 février 2014 (pièce n°5) et que certaines cotisations sociales impayées étaient dues depuis le 4emetrimestre 2010, il est inexact d’en déduire comme le fait Me A, ès-qualités, que cette société s’exonérait du paiement de toutes charges sociales. En effet, il résulte du bilan et du compte de résultat de l’exercice clos le 31 décembre 2011 qui est produit (pièce n°7) qu’avaient été payées à l’URSSAF une somme de 21.588,12 € à titre de cotisations, celle de 7.961,89 € pour les cotisations retraite et celle de 3.114,28 € à titre de cotisations ASSEDIC, notamment. Le Procureur Général conclut donc au rejet de ce manquement, non caractérisé, ce que retient aussi la cour. Sur les autres griefs retenus par le tribunal de commerce de Rodez : Le Procureur Général considère que la cour est saisie uniquement des faits ou fautes exposés dans la requête initiale du Procureur de la République et pas de ceux invoqués par le mandataire judiciaire, notamment le défaut de coopération avec les organes de la procédure collective (L.653-5, 5° du code de commerce) par la communication des documents requis, retenu par le tribunal de commerce de Rodez dans son jugement. Mais il ne s’agit pas en l’espèce d’une procédure pénale, où la juridiction est saisie par citation du Procureur de la République, laquelle délimite la liste exhaustive des infractions poursuivies et donc l’étendue limitée de la saisine de la juridiction pénale. En l’espèce, conformément aux dispositions de l’article L.653-7 du code de commerce, le liquidateur judiciaire dispose aussi de la faculté de saisir le tribunal afin qu’il prononce une mesure de faillite personnelle à l’encontre du dirigeant social d’une société en liquidation judiciaire, par voie d’assignation. Il ne saurait donc lui être interdit de s’associer en première instance à la requête du ministère public ayant déjà saisi le tribunal de commerce de Rodez pour voir prononcer cette sanction du fait de trois fautes reprochées à M. E Z, ainsi que l’a fait Me C A devant cette juridiction ; ceci d’autant plus qu’il apparaît que cette requête du Procureur de la République reprend en fait les fautes dénoncées par Me A, ès-qualités, à ce magistrat, dans son rapport du 7 mai 2014 (pièce n°6). Il ne peut pas plus être interdit au mandataire judiciaire d’invoquer lui-même des faits non retenus par le Procureur de la République à l’appui des fautes invoquées, voire d’arguer de la commission d’une ou plusieurs autres fautes non retenues par le ministère public dans sa requête, au soutien de la demande commune de prononcé d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer ; ceci dès lors qu’elles ont été invoquées devant la juridiction de première instance dans le respect de la procédure et du principe du contradictoire vis à vis de M. E Z, ce qui résulte des mentions figurant dans le jugement déféré, rappelant les prétentions et moyens des parties exposés devant le tribunal de commerce de Rodez. Toutefois, seules peuvent venir utilement à l’appui d’une demande de prononcé d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer, des fautes commises par le dirigeant social qui sont visées par les dispositions des articles L.653-3 à L.653-8 du code de commerce. Tel n’est pas le cas de la faute de gestion de la SARL Bati Causse reprochée par Me A, ès-qualités, à M. E Z, tenant au défaut de paiement des cotisations sociales à l’URSSAF, à la Caisse PRO-BTP et à la Caisse de Congés intempéries du BTP. C’est donc à tort que le tribunal de commerce de Rodez a retenu le défaut de paiement des cotisations sociales dues par la SARL Bati Causse comme une faute personnelle commise par M. E Z, justifiant le prononcé d’une sanction de faillite personnelle. De même, le défaut de tenue du registre des assemblées générales annuelles de la SARL Bati Causse, également reproché à M. E Z, ne caractérise pas une faute sanctionnable d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer. C’est donc à tort que le tribunal de commerce de Rodez a retenu ce manquement de M. Z pour prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle. La mention dans les motifs du jugement déféré de « l’aveu » par M. Z que la SARL Bati Causse avait repris des travaux défectueux précédemment réalisés par lui-même en qualité d’artisan en 2007 et 2008 (chantier Quinn), ne caractérise aucun manquement susceptible de justifier le prononcé d’une mesure de faillite personnelle, sauf à établir que ces travaux n’auraient pas été facturés par la société, ce qui n’est pas particulièrement soutenu ni ne peut se déduire des seules pièces produites. D’autre part, le visa dans les conclusions de la liquidatrice judiciaire de textes inapplicables en l’espèce est inopérant. Tel est le cas des dispositions de l’article L.653-3,I,1° du code de commerce, lesquelles ne concernent que les personnes physiques exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole et non le gérant d’une société commerciale qu’était M. E Z. Le visa des dispositions de l’article L.654-2, 4° et 5° du code de commerce (page 11 des conclusions de Me A) est sans effet dans la présente procédure, puisque ces dispositions concernent uniquement le délit pénal de banqueroute, dont la répression ne relève pas de la présente juridiction commerciale. Par contre, l’article L.653-5,5° du code de commerce prévoit que le dirigeant social d’une société commerciale qui a fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, encourt la sanction de faillite personnelle. Mais en l’espèce il ne ressort pas des éléments versés aux débats que c’est de façon volontaire que M. E Z n’a pas remis à la liquidatrice judiciaire sa comptabilité pour l’année 2012, celle-ci n’ayant pas été complètement établie par manque d’argent de la SARL Bati Causse, qui a entraîné sa cessation de paiement le 11 janvier 2013. Au contraire il apparaît qu’il a bien remis à Me A, ès-qualités, la seule comptabilité de la société tenue jusqu’au 31 décembre 2011 et qu’il lui a indiqué le nom de son expert comptable, Mme M-N O, laquelle détenait les éléments de la comptabilité de l’année 2012, ainsi qu’elle en a attesté (pièce n°3). Me A lui reproche également sa carence à lui remettre les documents suivants : – la liste des créanciers, – les relevés des comptes bancaires de la SARL Bati Causse, – les factures clients, qui auraient pu permettre le recouvrement de créances, malgré sa demande formulée le 19 mars 2013 (pièce n°13) et un rappel concernant la créance client de M. X, le 22 mai 2013 (pièce n°14). Toutefois il n’est pas justifié en l’espèce en quoi ces carences de M. E Z ont effectivement fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective, comme l’invoque Me A, ès-qualités, dans ses conclusions ni à partir de quels éléments il résulte que cette carence à fournir ces pièces aurait été volontaire, en vue de faire obstacle au bon déroulement de la procédure collective. Il ressort des pièces versées aux débats que Me A, ès-qualités, a bien été informée de l’existence d’une créance client envers M. X, et a reçu des éléments d’information à ce sujet de la part de l’expert comptable de la SARL Bati Causse (pièce N°3). La liquidatrice judiciaire n’explique pas en quoi les éléments communiqués auraient nui au recouvrement d’une créance particulière envers ce client, ni si elle a contacté ce dernier et quelle a été sa position sur l’existence de sa dette ; pas plus qu’elle n’invoque l’existence d’autres créances clients qui ne lui auraient pas été révélées en temps utile et qui auraient pu être recouvrées. Me A, ès-qualités, n’indique pas non plus en quoi l’absence de fourniture initiale par M. E Z des relevés des comptes bancaires de la SARL Bati Causse a fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective, dès lors qu’en sa qualité de liquidatrice judiciaire de la SARL Bati Causse elle représentait celle-ci auprès des banques et pouvait donc obtenir tous les relevés de ses comptes bancaires sur sa simple demande. Il convient donc de rejeter ce grief invoqué à l’appui du prononcé d’une mesure de faillite personnelle, à tort et d’infirmer en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS : Il y a lieu d’allouer à M. E Z la somme de 1.500,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que devra lui payer Me C A, ès-qualités, condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel. Il n’est pas inéquitable en l’espèce de laisser à la charge de Me A, ès-qualités, les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens. ********** PAR CES MOTIFS : LA COUR, Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire, après communication au ministère public et en dernier ressort, Vu les articles 6, 9 et 455 du code de procédure civile, Vu les articles L.123-12, L.631-4, L.631-8, L.653-1, L.653-4, 4°, L.653-5, 5°, L.653-5, 6°, L.653-7, L.653-8, Y et B du code de commerce, Rejette la demande d’annulation du jugement du tribunal de commerce de Rodez en date du 13 janvier 2015, pour défaut de motifs, Infirme le jugement du tribunal de commerce de Rodez prononcé le 13 janvier 2015, en toutes ces dispositions, Et statuant à nouveau : – Dit n’y avoir lieu de prononcer une sanction de faillite personnelle ni d’interdiction de gérer à l’encontre de M. E Z, né le XXX à XXX, – Condamne Me C A, prise en sa qualité de mandataire judiciaire et liquidatrice à la liquidation judiciaire de la SARL Bati Causse, aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. E Z la somme de 1.500,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ; Ainsi prononcé et jugé à Montpellier le 24 janvier 2017. Le GREFFIER Le PRESIDENT BB

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Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 24 janvier 2017, n° 15/01385