Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 22 décembre 2020, n° 18/00824

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, ch. com., 22 déc. 2020, n° 18/00824
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 18/00824
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Perpignan, 24 janvier 2018, N° 16/02878
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

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délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 22 DECEMBRE 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00824 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NRD2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 JANVIER 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 16/02878

APPELANT :

Monsieur Y X

[…]

[…]

[…]

Représenté par Me Jacques-Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SA BANQUE COURTOIS

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Emilie MURCIA-VILA de la SCP GIPULO – DUPETIT – MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

Assistée de Me SCHNEIDER, avocat au barreau des Pyrénées Orientales, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 01 Octobre 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 NOVEMBRE 2020, en audience publique, Madame A-B C ayant fait le rapport

prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme A-B C, Conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvia TORRES

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Sylvia TORRES, Greffier.

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Y X a ouvert dans les livres de la SA Banque Courtois un compte courant particulier n°10268 02520 307062 003 00.

Le 23 novembre 2015, il a effectué un ordre de virement à destination de l’étranger à hauteur d’un montant de 57'934,02 euros au profit d’un compte ouvert dans les livres d’une banque, dénommée « Dubaï Islamic Bank », dont le titulaire est une société Emaar Properties PJSC en vue de l’achat d’un bien immobilier.

Ce virement n’a pas été effectué ; un virement à hauteur de la somme de 58 005 euros au profit d’un compte bancaire ouvert dans les livres de la SA BNP Paribas au nom de Monsieur et Madame X a été réalisé le 27 novembre 2015.

Le 8 février 2016, la Banque Courtois a procédé à la clôture de ce compte bancaire et a adressé à Monsieur et Madame X un chèque de banque d’un montant de 5 948,42 euros correspondant au solde de son compte.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 mars 2016 (avis de réception signé le 29 mars 2016), le conseil de Monsieur X sollicitait auprès de la Banque Courtois des explications au sujet de cette clôture de compte.

Par courrier daté du 13 avril 2016, la Banque Courtois lui indiquait qu’elle pouvait refuser d’ouvrir un compte ou procéder à sa fermeture « sans qu’il y ait de sa part un comportement fautif et sans qu’elle ait à justifier de sa décision ».

Saisi par acte d’huissier du 28 juin 2016 par Monsieur X, le tribunal de grande instance de Perpignan a, par jugement du 25 janvier 2018 :

« - déclaré non abusive la clôture du compte de Y X par la SA Banque Courtois,

- débouté Y X de ses demandes à l’encontre de la SA Banque Courtois,

- condamné Y X à payer à la SA Banque Courtois la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. »

Par déclaration reçue le 15 février 2018, Monsieur X a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Il demande à la cour, en l’état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 23 juin 2020, de :

« – (…) dire l’appel interjeté recevable,(…) réformer en son intégralité la décision rendue (…)

- dire abusive la clôture du compte bancaire (…),

- condamner l’intimé

- à l’indemniser des préjudices matériels et moraux subis et à lui payer la somme de :

- 21 826 euros au titre du préjudice matériel.

- 2 000 euros au titre du préjudice moral,

- aux entiers dépens et à la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »

Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :

— la clôture est abusive, car elle est intervenue brutalement et sans explication réelle,

— la rupture du lien de confiance, avancée par la banque, découlerait de sa volonté de transférer son argent dans une banque concurrente alors qu’elle relève de sa responsabilité puisqu’elle a mis un terme à des relations anciennes sans la moindre explication,

— la banque ne peut produire une mise en demeure préalable à la clôture prononcée,

— elle a refusé la demande de virement à destination de Dubaï sans notification (violation des dispositions de l’article L. 133-10 du code monétaire et financier),

— elle a régulièrement reçu dans le cadre de la relation les justificatifs prévus par l’article L. 561-5-1 du code monétaire et financier concernant les versements en espèces effectués sur ledit compte à l’appui de justificatifs originaux émanant du Crédit populaire d’Algérie,

— elle n’a pas réclamé le moindre document concernant le virement critiqué en application des dispositions de l’article L. 561-5 du code monétaire et financier, lui permettant d’en justifier,

— aucune dispense de respect du délai légal de préavis n’est justifiée en l’absence de tout comportement gravement répréhensible pouvant lui être imputé,

— le virement critiqué avait pour objet l’achat d’un appartement qui n’a pu se réaliser alors qu’il avait effectué plusieurs voyages et visites, dont le coût a été dépensé en vain et que les négociations allaient connaître une issue favorable (perte de chance),

— la clôture abusive de son compte traduit pour lui une atteinte à son honneur.

La Banque Courtois sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie

électronique le 1er août 2018, confirmer le jugement et condamner Monsieur X à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle expose en substance que :

— la clôture non motivée d’un compte ne peut être constitutive d’un abus de droit, la banque disposant d’un pouvoir discrétionnaire,

— la gestion du compte de Monsieur X, compte tenu de son alimentation par le biais de dépôt d’espèces (152 000 euros entre 2011 et 2015) exigeait une vigilance accrue,

— elle a exigé oralement des justificatifs de l’ordre de virement du 23 novembre 2015, qu’elle n’a pas obtenus, et ne peut rapporter la preuve de ces échanges, mais le virement intervenu trois jours plus tard les corrobore,

— ce compte n’a été débité que par trois virements courant 2012 au profit d’un office notarial et l’ordre de virement était une opération inhabituelle en raison de son montant et du pays destinataire,

— Monsieur X n’ayant pas fourni de justification, il a lui-même sollicité un virement au profit d’un autre compte,

— la perte de confiance est la conséquence du fonctionnement du compte, alimenté par des versement en espèces, et de la demande de virement au profit d’un compte dans une banque située en dehors de l’Union européenne,

— elle est liée au secret quant aux déclarations qu’elle peut être amenée à effectuer en application de l’article 561-18 du code monétaire et financier,

— au regard de l’opération suspecte sollicitée, elle était tenue de mettre un terme sans délai à la relation commerciale,

— il ne démontre pas qu’il n’aurait pas pu, du fait de la clôture du compte, se porter acquéreur d’un appartement à Dubaï, au demeurant il disposait de la somme sur un autre compte et ce dès le 27 novembre 2015,

— rien n’exclut que les dépenses effectuées pendant les deux séjours du couple à Dubaï courant octobre et décembre 2015 ne correspondaient pas à des déplacements de loisirs,

— elle n’a fait preuve d’aucun comportement discriminatoire.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 1er octobre 2020.

MOTIFS de la DECISION :

1- Aux termes des dispositions des articles L 561-1 et suivants du code monétaire et financier visant à lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les établissements financiers supportent une obligation de vigilance et une obligation de déclaration. Elles doivent, notamment, pratiquer un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu’elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu’elles ont de leur relation d’affaires (articles L. 561-5 à L. 561-6) dans le cadre, entre autres, de l’identification et de la connaissance du client.

L’article L. 561-8 I du même code prévoit que lorsque la banque n’est pas en mesure de satisfaire aux obligations prévues à l’article L. 561-5 ou à l’article L. 561-5-1, elle n’exécute aucune opération, quelles qu’en soient les modalités, n’établit ni ne poursuit aucune relation d’affaires. Si celle-ci a déjà été établie (…), elle y met un terme et effectue la déclaration destinée à TRACFIN (articles L. 561-15, L. 561-18 et L. 561-23), qui est confidentielle.

Selon l’article L 133-10 du code monétaire et financier, lorsque le prestataire de services de paiement refuse d’exécuter un ordre de paiement ou d’initier une opération de paiement, il le notifie à l’utilisateur de services de paiement, ou met la notification à sa disposition selon les modalités convenues, dès que possible et, en tout état de cause, dans un délai ne pouvant excéder celui prévu à l’article L. 133-13, et lui en donne, si possible, et à moins d’une interdiction en vertu d’une autre disposition du droit de l’Union ou de droit national pertinente [telles, à titre d’exemple, que les dispositions de l’article L. 561-8], les motifs. (…).

En l’espèce, le compte de Monsieur X ouvert dans les livres de la Banque Courtois n’était alimenté que par des versements en espèces, qui provenaient, selon ce dernier , du Crédit populaire d’Algérie. Si Monsieur X ne produit aucun des justificatifs qu’il soutient avoir remis à la banque à l’appui de ces versements, cette justification régulière montre qu’il était parfaitement informé du contrôle exercé par la banque sur les mouvements de son compte.

Ce compte a été crédité entre le 31 janvier 2011 et le 30 novembre 2015 d’environ 140 000 euros. Il n’a été débité qu’à trois occasions en mars (31 683,90 euros) et octobre 2012 (45 004,25 euros) au profit de deux offices notariés et en novembre 2013 pour un achat de meubles (30 004,30 euros).

La demande de virement formée par Monsieur X le 23 novembre 2015 par son montant (équivalent au solde du compte) et sa destination était soumise à l’examen attentif qui pèse sur le banquier dans le cadre de son obligation de vigilance. La case « documents joints », figurant sur cette demande de virement, n’a pas été remplie.

Si aucune demande de justificatif concernant ce virement n’est rapportée par la banque et s’il est établi qu’elle n’a pas notifié son refus de procéder à cette opération, le virement effectuée le 27 novembre suivant d’une somme quasiment équivalente permet de retenir qu’ayant avisé son client de son refus en l’absence de tout justificatif, celui-ci, qui ne produit, au demeurant, aucun justificatif dans la présente instance bien qu’il soutienne qu’il était en mesure d’y procéder si la banque le lui avait demandé, a fait le choix d’effectuer un autre virement.

Dès lors, en application des dispositions ci-dessus rappelées, la Banque Courtois était en droit de ne pas exécuter l’opération sollicitée et de résilier sans préavis le compte bancaire ouvert dans ses livres, support des opérations suspectes, de sorte que la clôture de ce compte n’était pas abusive.

Les accusations de discrimination de Monsieur X à l’encontre de la banque ne sont nullement étayées tandis que celui-ci a pu disposer quatre jours plus tard d’une somme équivalente à celle n’ayant pas été virée au profit d’un compte bancaire ouvert dans les livres d’une banque dubaïote et n’établit pas que ce décalage dans le temps est à l’origine du prétendu échec de la transaction immobilière envisagée.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

2 – Succombant sur son appel, Monsieur X sera condamné aux dépens et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2 000 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 25 janvier 2018,

Condamne Y X à payer à la SA Banque Courtois la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de Monsieur X fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur Y X aux dépens d’appel.

le greffier le président

ACB

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