Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 2 novembre 2021, n° 20/04388

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, ch. com., 2 nov. 2021, n° 20/04388
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 20/04388
Sur renvoi de : Cour de cassation, 6 octobre 2020, N° 2014F289
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Texte intégral

AFFAIRE :

SARL AGT UNIT

C/

[…]

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/04388 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OW3Y

Décisions déférées à la Cour :

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 07 Octobre 2020, enregistrée sous le n° E19-18.135 cassant et annulant l’arrêt de la cour d’Appel de GRENOBLE en date du 16 Mai 2019, enregistrée sous le n° 18/04025 rendu suite à un arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 11 Juillet 2018, enregistrée sous le n° U17-10.458 cassant et annulant l’arrêt de la cour d’Appel de LYON, en date du 10 Novembre 2016, enregistrée sous le n° 15/06511 statuant sur appel du jugement du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE en date du 17 Juin 2015, enregistrée sous le n° 2014F289

Vu l’article 1037-1 du code de procédure civile ;

DEMANDERESSE A LA SAISINE:

SARL AGT UNIT représentée en la personne de son gérant, domiciliée ès qualités au dit siège social

2 plan de l’Aramon

[…]

Représentée par Me Christine AUCHE-HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Julien BAUMGARTNER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSE A LA SAISINE

[…] représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

SAS ASSE LOIRE

14 rue Paul et A Guchard

[…]

Représentée par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Charles BRINGAND, avocat au barreau de LYON substituant Me Olivier MARTIN, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 21 septembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 SEPTEMBRE 2021,en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

Mme Mariane ROCHETTE, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER lors des débats : Madame Audrey VALERO,

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

En juin 2013, Z Y, titulaire d’une licence d’agent sportif auprès de la fédération française de football et exerçant son activité par l’intermédiaire de la SARL AGT Unit, a pris contact avec le directeur général de l’AS Saint-Etienne, société anonyme à objet sportif dont l’équipe de football professionnel évolue en ligue 1 du championnat de France, en vue d’organiser, par le biais d’un mandat de vente qui lui serait confié, le transfert d’un joueur de l’équipe, A-B C, vers un club européen.

Par courriel du 27 juin 2013, le directeur général de l’AS Saint-Etienne et membre du directoire de la société, M. X, a confié à M. Y le mandat de négocier pour le compte du club le transfert du joueur vers le club allemand du Borussia Dortmund jusqu’au 29 juin 2013 à minuit, moyennant une commission égale à 5% de l’indemnité de mutation éventuellement majorée de 15 % de la survaleur supérieur à 15 000 000 '.

Le directeur général de l’AS Saint-Etienne a, par un second courriel du 27 juin 2013, accepté de proroger, à la demande de M. Y, la date d’expiration du mandat au dimanche 30 juin 2013 à 18 heures ; celui-ci a alors transmis, le 28 juin 2013, la proposition du club allemand portant sur un transfert d’un montant de 12 millions d’euros payable en deux fois (8 millions d’euros immédiatement et 4 millions d’euros dans 12 mois), outre des bonus conditionnels pour un montant total de 1 250 000 euros ; cette offre ayant été refusée par l’AS Saint-Etienne, M. Y a adressé au directeur général du club stéphanois un courriel en date du 29 juin 2013 faisant état en annexe de l’ultime offre (sic) du club de Dortmund.

Une réunion entre les dirigeants des deux clubs ayant été fixée le lundi 1er juillet 2013 à 16 heures à Saint-Etienne, M. Y a, par courriel du 30 juin 2013, demandé au directeur général de l’AS Saint-Etienne s’il souhaitait qu’il assiste à cette réunion ; ce dernier a répondu par la négative, au motif qu’il s’agissait d’une entrevue club à club, et par courriel du 1er juillet 2013, M. Y a sollicité la prolongation de son mandat jusqu’au lundi 1er juillet à 23 heures.

Le transfert du joueur au Borussia de Dortmund ayant finalement été décidé, M. Y a, par courriel du 5 juillet 2013, demandé au directeur général de l’AS Saint-Etienne de lui confirmer le montant de la commission lui revenant, soit 650 000 euros hors-taxes représentant 5 % du montant du transfert de 13 millions d’euros.

L’AS Saint-Etienne a refusé de régler cette commission en indiquant qu’elle avait elle-même négocié le transfert de son joueur vers le club allemand et que le transfert était d’ailleurs intervenu après le 30 juin 2013, une fois expiré le mandat confié à M. Y.

La société AGT Unit a édité, le 22 juillet 2013, une facture d’un montant de 650 000 euros hors-taxes ou 777 400 euros TTC, qu’elle a mis l’AS Saint-Etienne en demeure de lui régler par lettres des 18 novembre 2013 et 6 janvier 2014.

Le tribunal de commerce de Saint-Etienne, que la société AGT Unit avait saisi d’une action en paiement, a, par jugement du 17 juin 2015, déclaré irrecevables les demandes présentées par cette société et débouté l’AS Saint-Etienne de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts.

Statuant sur l’appel formé par la société AGT Unit, la cour d’appel de Lyon a, par arrêt du 10 novembre 2016 confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes principales et, statuant à nouveau, a débouté la société AGT Unit de ses demandes et condamné celle-ci à payer à l’AS Saint-Étienne la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cet arrêt a été cassé et annulé en toutes ses dispositions par un arrêt de la Cour de cassation (1re chambre civile) en date du 11 juillet 2018, qui a renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Grenoble.

Par arrêt du 16 mai 2019, cette cour, infirmant le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne, a déclaré recevable la demande de la société AGT Unit, mais au fond, a rejeté sa demande en paiement et l’a condamnée à payer à l’AS Saint-Étienne la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en retenant pour l’essentiel que la société AGT Unit ne pouvait se prévaloir d’un mandat conforme à l’article L. 222-17 du code du sport.

Cet arrêt a été cassé et annulé, sauf en ce qu’il a déclaré recevable la demande en paiement de la société AGT Unit, par un arrêt de la Cour de cassation (1re chambre civile) du 7 octobre 2020 ; dans cet arrêt, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu à renvoi du chef de la validité du contrat de

mandat conclu le 27 juin 2013 entre la société AGT Unit et l’AS Saint-Étienne, dit que ce contrat n’encourait pas la nullité et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Montpellier, mais seulement pour qu’elle statue sur les autres points en litige.

L’arrêt de la Cour de cassation est ainsi motivé :

« Sur le moyen relevé d’office

2. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 222-17 du code du sport, 1108-1 et 1316-1 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1316-4, devenu 1367 du même code, et 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016:

3. Selon le premier de ces textes, le contrat en exécution duquel l’agent sportif exerce l’activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un des contrats mentionnés à l’article L. 222-7 du code du sport est écrit.

4. Aux termes du deuxième, lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 susvisés. Selon le troisième, l’écrit sous forme électronique vaut preuve à la condition que son auteur puisse être dûment identifié et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. Selon le quatrième, la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose et manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte et lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.

5. Il en résulte que, si le contrat en vertu duquel l’agent sportif exerce son activité peut être établi sous la forme électronique, il doit alors être revêtu d’une signature électronique.

6. Cependant, si celle-ci constitue l’une des conditions de validité du contrat, son absence, alors que ne sont contestées ni l’identité de l’auteur du courriel ni l’intégrité de son contenu, peut être couverte par une exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité, valant confirmation, au sens du dernier des textes susvisés.

7. Pour rejeter les demandes de la société AGT Unit, l’arrêt se borne à retenir que les courriels échangés entre les parties, non dotés d’une signature électronique, ne répondent pas aux conditions d’exigence de validité de l’écrit électronique, de sorte que la société AGT Unit ne peut se prévaloir d’un mandat conforme à l’article L. 222-17 du code du sport.

8. En statuant ainsi, alors qu’elle avait préalablement constaté que M. X, en sa qualité de directeur général et membre du directoire de la société AS Saint-Etienne, avait le pouvoir d’engager celle-ci et de prévoir l’objet du mandat donné à M. Y, sa durée et sa rémunération, que, le 27 juin 2013, la société AS Saint-Etienne avait ainsi donné mandat à M. Y, jusqu’au 29 juin 2013 à minuit, de mener les négociations avec le club allemand de Dortmund pour procéder à la mutation définitive d’un joueur, avec une commission de 5 % de l’indemnité de mutation, majorée de 15 % de la survaleur supérieure à 15 000000 euros, que ce mandat avait été transmis à la Fédération française de football et que, par échange de courriels du même jour, le mandat de M. Y avait été prorogé au dimanche 30 juin 2013 à 18 heures, ce dont il résultait que les parties avaient mis à exécution le contrat, en dépit de l’absence d’une signature électronique, ce qui valait confirmation, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Cette cour a donc été saisie par la société AGT Unit par déclaration reçue le 14 octobre 2020 au greffe.

Dans les conclusions, que celle-ci a déposées le 9 décembre 2020 via le RPVA, elle lui demande de :

(…)

' juger qu’elle a exécuté la prestation commandée par l’AS Saint-Étienne,

' en conséquence, infirmer l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 16 mai 2019 en ce qu’il a « rejeté les demandes en paiement de la SARL AGT Unit »,

' y faisant droit, condamner l’AS Saint-Étienne à lui payer la somme de 777 400 euros TTC au titre de la part fixe du montant du transfert avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 6 janvier 2014,

' condamner l’AS Saint-Étienne à lui payer la somme de 90 000 euros TTC au titre de la part variable du montant du transfert avec intérêts de droit à compter de l’arrêt à intervenir,

' condamner l’AS Saint-Étienne à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive avec intérêts de droit à compter de l’assignation du 27 mars 2014,

' débouter l’AS Saint-Étienne de l’ensemble de ses demandes,

' la condamner à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait principalement valoir qu’elle disposait d’un mandat clair exprimé par M. X, dirigeant de l’AS Saint-Étienne dans son courriel du 27 juin 2013, qu’elle a effectivement exécuté seule ce mandat puisque grâce à son intervention, l’offre du Borussia Dortmund a été augmentée de 3 millions d’euros pour la partie fixe du transfert et de 2 millions d’euros pour la partie variable, qu’elle n’en a sollicité la prorogation jusqu’au 1er juillet 2013 qu’en vue de s’assurer de la signature effective du contrat de transfert, dont les modalités ont été arrêtées par les dirigeants des deux clubs le 30 juin 2013 correspondant à une indemnité de transfert de 13 millions d’euros et un bonus variable de 3 millions d’euros, que le refus de l’AS Saint-Étienne de proroger le mandat au-delà du 30 juin 2013 ne visait qu’à lui permettre d’être exonérée du règlement de la commission due et qu’une fois organisée la réunion du 1er juillet 2013 entre les dirigeants des deux clubs, elle a été évincée de la discussion ; elle ajoute qu’en plus de la commission de 650 000 euros hors-taxes sur la partie fixe du transfert, elle peut prétendre à une commission de 5 % sur le montant variable du transfert de 500 000 euros, qui était prévu en cas de qualification du Borussia Dortmund pour la phase de groupe de l’UEFA champions League, ce bonus étant valable quatre fois excepté pour la saison 2013/2014 et le club allemand ayant été qualifié à cette phase de groupe au cours des trois saisons suivantes.

L’AS Saint-Étienne, dont les conclusions ont été déposées par voie électronique le 21 décembre 2020, sollicite, au visa des articles L. 222-7 et suivants et R. 222-31 et suivants du code du sport, des articles 1134, 1316-1 (ancien), 1316-4 (ancien) du code civil, des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile et du règlement des agents sportifs de la fédération française de football, de voir :

A titre principal :

' confirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne du 17 juin 2015 en ce qu’il a débouté la société AGT Unit de ses demandes,

' constater que M. Y exerce illégalement la profession d’agent sportif,

' débouter la société AGT Unit, représentée par M. Y, de sa demande relative au paiement de la commission d’agent sportif,

A titre subsidiaire :

' constater que M. Y n’a pas exécuté le contrat de mandat qui lui a été confié,

' débouter la société AGT Unit, représentée par M. Y, de sa demande relative au paiement de la commission d’agent sportif,

A titre très subsidiaire :

' constater que le contrat de mandat accordé à M. Y ne contenait aucune clause d’exclusivité de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée, ce d’autant que M. Y n’apporte aucune preuve d’avoir exécuté le contrat de mandat qui lui a été confié,

' débouter la société AGT Unit, représentée par M. Y, de sa demande relative au paiement de la commission d’agent sportif,

En conséquence :

' condamner la société AGT Unit à lui payer la somme de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que :

' M. Y, qui a dissimulé à la fédération française de football l’existence de la société, dont il est associé et qui a un objet, la « création d’événements sportifs», incompatible avec les dispositions d’ordre public de l’article L. 222-9 du code du sport sur les conditions d’exercice de la profession d’agent sportif, ne peut prétendre au paiement d’une commission résultant précisément de l’exercice illégal d’une telle profession,

' le mandat n’a pas été exécuté dans la mesure où le transfert du joueur ne s’est pas réalisé dans le délai imparti à M. Y, qui expirait le 30 juin 2013 à 18 heures, et ayant refusé de prolonger le mandat, elle a elle-même poursuivi les négociations avec le club allemand de Dortmund, qui ont abouti le 4 juillet 2013, même si la convention de transfert a été antidatée au 30 juin 2013, date à laquelle se terminait la saison 2012/2013,

' le mandat confié à M. Y n’a pas été assorti d’une clause d’exclusivité, en sorte qu’il lui était loisible de mener elle-même les négociations en vue du transfert du joueur.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Instruite conformément aux dispositions de l’article 1070-1 du code de procédure civile renvoyant aux dispositions de l’article 905 du même code, la procédure a été clôturée par ordonnance du 21 septembre 2021.

MOTIFS de la DECISION :

Il est constant qu’au cours de la saison 2012/2013, M. Y était titulaire d’une licence d’agent sportif n° 15110505, qui lui avait été délivrée par la fédération française de football, et que par

décision du 1er décembre 2017, la fédération a pris acte de la demande de l’intéressé de suspendre sa licence à dater de ce jour, au regard des fonctions visées par l’article L. 222-10 du code du sport, que celui-ci était amené à exercer prochainement aux États-Unis.

L’article L. 222-9 du code du sport dispose notamment que nul ne peut obtenir ou détenir une licence d’agent sportif, d’une part, s’il exerce, directement ou indirectement, en droit ou en fait, à titre bénévole ou rémunéré, des fonctions de direction ou d’entraînement sportif soit dans une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives, soit dans une fédération sportive ou un organe qu’elle a constitué, ou s’il a été amené à exercer l’une de ces fonctions dans l’année écoulée et, d’autre part, s’il est ou a été durant l’année écoulée actionnaire ou associé d’une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives ; dans le cas présent, il résulte des pièces produites qu’en juin 2013, lorsque l’AS Saint-Etienne a confié à M. Y le mandat de négocier le transfert de son joueur vers le club allemand du Borussia Dortmund, celui-ci était le gérant et l’associé de la SARL AGT Unit, société ayant pour objet le conseil en management, la gestion d’image, le sponsoring et la création d’événements sportifs ou non, sachant que la facture de commission relative au transfert de A-B C vers le Borussia de Dortmund a été éditée, le 18 juillet 2013, par cette société.

L’organisation d’événements sportifs exercée conformément à son objet statutaire par une société, dont un agent sportif est le dirigeant et/ou l’associé ou l’actionnaire, est donc incompatible avec l’activité même d’agent sportif et expose l’intéressé à des sanctions pénales et à des sanctions disciplinaires de la part de la commission fédérale des agents sportifs ; il ne peut cependant, en l’espèce, être soutenu que M. Y, au motif que l’objet de la société AGT Unit consiste en la création d’événements sportifs ou non, ne peut prétendre au paiement de la commission sollicitée en tant qu’agent sportif en exécution d’un contrat de mandat qui serait nul en raison d’une cause illicite, alors que dans son arrêt du 7 octobre 2020, la Cour de cassation a, statuant au fond, dit n’y avoir lieu à renvoi du chef de la validité du contrat de mandat conclu le 27 juin 2013 entre la société AGT Unit et l’AS Saint-Étienne, dit que ce contrat n’encourt pas la nullité et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Montpellier, mais seulement pour qu’elle statue sur les autres points en litige.

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 222-7 et L. 222-17 du code du sport que l’activité d’agent sportif consiste à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion notamment d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, que l’agent sportif ne peut agir que pour le compte d’une des parties au contrat et que le montant de la rémunération de l’agent sportif ne peut excéder 10% du montant du contrat conclu par les parties qu’il a mises en rapport; l’article 1991 du code civil dispose que le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé et l’article 1134 du même code, mais dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi ceux qui les ont faites, qu’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel et qu’elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l’occurrence, M. Y a été mandaté par l’AS Saint-Étienne, par un courriel du directeur général du club, M. X, en date du 27 juin 2013, à l’effet de mener à bien, pour le compte du club, les négociations avec le Borussia Dortmund en vue du transfert de l’un de ses joueurs, A-B C, moyennant une commission fixé à 5 % de l’indemnité de mutation, le terme de ce mandat initialement fixé au 29 juin 2013 à minuit, ayant été ensuite prorogé au 30 juin 2013 à 18 heures.

Il n’est pas contestable, en l’état des pièces produites, que M. Y est à l’origine de la mise en relation des deux clubs en vue du transfert du joueur et qu’une fois le contrat de mandat conclu, il a transmis, le 28 juin 2013, à l’AS Saint-Etienne la proposition du club allemand portant sur un transfert de 12 millions d’euros payable en deux fois, 8 millions d’euros immédiatement et 4 millions

d’euros dans 12 mois, outre des bonus conditionnels pour un montant de 1 250 000 euros (500 000 euros pour chaque qualification en champion’s League avec un maximum de 2 millions d’euros ; 250 000 euros si le Borussia Dortmund est champion d’Allemagne avec un maximum de 500 000 euros ; 500 000 euros si le Borussia Dortmund gagne la champion’s League avec un maximum de 500 000 euros) ; il n’est pas discuté que cette offre a été refusée par le club stéphanois et rien ne permet d’affirmer qu’une seconde proposition du club allemand ait été transmise en annexe au courriel adressé le 29 juin 2013 par M. Y à M. X, qui lui a en effet répondu le même jour : « ceci n’est pas une offre ».

Force est donc de constater qu’à la date d’expiration du mandat, fixée au 29 juin 2013 à 18 heures, la négociation entre les deux clubs en vue du transfert du joueur n’avait pas abouti, aucun accord de principe n’ayant été arrêté quant au montant du transfert ; des négociations directes ont ensuite été menées entre les deux clubs entre le 1er juillet 2013 et le 4 juillet 2013 en l’état des courriels, produit aux débats, échangés entre leurs dirigeants, qui ont abouti à un transfert d’un montant de 13 millions d’euros, outre un bonus variable de 3 millions d’euros, largement supérieur à l’offre initiale transmise le 28 juin 2013 par M. Y, le contrat de transfert (transfer agreement) ayant été antidaté au 30 juin 2013 correspondant à la fin de la saison sportive 2012/2013.

La société AGT Unit ne peut soutenir, pour obtenir le paiement d’une commission égale à 5 % du montant de ce transfert de 13 millions d’euros, que l’AS Saint-Etienne a volontairement évincé M. Y de la négociation, qu’elle a mené directement avec le Borussia Dortmund notamment en refusant que celui-ci assiste à la réunion entre les dirigeants des deux clubs fixée à Saint-Etienne le 1er juillet 2013, alors que le mandat confié à M. Y était venu à expiration, ce que n’ignorait pas ce dernier qui en avait sollicité, en vain, la prorogation jusqu’au 1er juillet à 23 heures, que l’intéressé n’était pas titulaire d’un mandat exclusif, qui aurait empêché l’AS Saint-Étienne de poursuivre la négociation avec le club allemand, et que le montant du transfert finalement arrêté a été bien supérieur, tant en ce qui concerne la partie fixe que la partie variable de l’indemnité de mutation, à celui correspondant à la proposition transmise par M. Y le 28 juin 2013 ; aucune exécution déloyale du contrat de mandat ne peut ainsi être reprochée à l’AS Saint-Étienne du fait de la poursuite d’une négociation avec le Borussia Dortmund relativement au transfert de son joueur.

M. Y, s’il a mis en rapport les deux clubs, n’est donc pas parvenu, dans le cadre de son mandat, à faire aboutir la négociation en vue du transfert du joueur avant le terme dudit mandat fixé au 29 juin 2013 à 18 heures, ce qui traduit une inexécution de sa part de l’obligation qu’il avait contractée ; il s’ensuit que la société AGT Unit, dont il est le gérant, ne peut prétendre au paiement d’une commission d’agent sportif.

Il convient en conséquence de débouter la société AGT Unit de l’ensemble de ses demandes en paiement d’une commission et de dommages et intérêts pour résistance abusive, sachant que l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 16 mai 2019 qui, infirmant le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne en date du 17 juin 2015, a déclaré recevable la demande en paiement de la société AGT Unit, n’a pas été atteint de ce chef par la cassation.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société AGT Unit doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, y compris ceux afférents aux décisions cassées, ainsi qu’à payer à l’AS Saint-Étienne la somme de 8000 euros au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 16 mai 2019 qui, infirmant le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne en date du 17 juin 2015, a déclaré recevable la demande en paiement de la société AGT Unit, n’a pas été atteint de ce chef par la cassation,

Au fond, déboute la SARL AGT Unit de l’ensemble de ses demandes en paiement d’une commission d’agent sportif et de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société AGT Unit aux dépens de première instance et d’appel, y compris ceux afférents aux décisions cassées, ainsi qu’à payer à l’AS Saint-Etienne la somme de 8000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

le greffier, le président,

JLP

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