Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 27 janvier 2022, n° 17/00209

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 3e ch. civ., 27 janv. 2022, n° 17/00209
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 17/00209
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 27 JANVIER 2022


Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 17/00209 – N° Portalis DBVK-V-B7B-M7NG


Décision déférée à la Cour :

Jugement du 13 décembre2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 15/07062

APPELANTS :

Monsieur D Y

né le […] à MONTPELLIER

de nationalité Française

[…]

57 rue de Tivoli Port-Camargue

[…]


Représenté par Me Arnaud J de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l’audience par Me Stéphane DESTOURS, avocat au barreau d’AVEYRON

Madame A Y

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]


Représentée par Me Christelle GIRARD, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée à l’audience par Me M FALIN, avocat au barreau de MONTPELLIER INTIMES :

Maître J C

de nationalité Française


Résidence Le M Bart

[…]

[…]

et

Société PINHAS-L-C


Résidence Le M Bart

[…]

[…]


Représentés par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER


Ordonnance de clôture du 28 Septembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR :


En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 OCTOBRE 2021, en audience publique, M. Jacques RAYNAUD, Président, ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jacques RAYNAUD, Président

M. Thierry CARLIER, Conseiller

M. Fabrice DURAND, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :


- contradictoire


- prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour fixé au 16 décembre 2021 prorogé au 27 janvier 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;


- signé par M. Jacques RAYNAUD, Président, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
*

* *

EXPOSE DU LITIGE


E Y et F G son épouse sont décédés respectivement les 10 juillet 1976 et 13 juin 2014, laissant pour leur succéder leurs deux enfants, D Y et A Y, ainsi que leurs petits-fils X et Z H, venant aux droits de leur mère décédée, I Y.


Par testament olographe du 1er mars 2004, déposé en l’étude de Maître M-N B, notaire, F G veuve Y a légué la quotité disponible à Z et X H.


Le 8 juillet 2010, selon Mme A Y, elle se serait rendue chez le même notaire, Me M-N B, pour modifier ses dernières volontés et aurait quitté ce rendez-vous avec un brouillon d’un nouveau testament léguant finalement la quotité disponible à ses deux enfants survivants.


Maître J C, successeur de Maître M-N B désormais à la retraite, n’a pas retrouvé la trace de ce nouveau testament.


Une proposition de règlement de la succession a été établie par Maître Z K, notaire, sur la base des seules dispositions du 1er mars 2004.


Par acte d’huissier du 17 novembre 2015, M. D Y et Mme A M A N N I E Z o n t f a i t a s s i g n e r M a î t r e G R A N I E R a i n s i q u e l a S E L A R L PINHAS-L-C dont il est membre, en réparation des préjudices subis.


Par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Montpellier a, notamment :


- déclaré irrecevable l’action en responsabilité engagée à l’encontre de Maître J C et de la SELARL PINHAS-L-C par les consorts Y ;


- condamné in solidum M. D Y et Mme A Y à payer aux défendeurs une indemnité globale de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.


Le 12 janvier 2017, M. D Y et Mme A Y ont tous deux interjeté appel de ce jugement.


Vu les conclusions de Mme A Y remises au greffe le 3 juillet 2020 ;


V u l e s c o n c l u s i o n s d e M . L a u r e n t G R A N I E R e t d e l a S E L A R L PINHAS-L-C remises au greffe le 7 août 2020 ;


Vu l’absence de conclusions de M. D Y ;

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Mme A Y sollicite :


- l’infirmation du jugement du 13 décembre 2016 en toutes ses dispositions ;


- la condamnation solidaire de la SELARL PINHAS-L-C et de M. J C à lui verser les sommes de :


- 19 791,16 euros en réparation du préjudice patrimonial ;


- 15 000 euros en réparation du préjudice moral ;


- 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l’instance d’appel et de première instance.


Elle soutient que :


- elle ne demande pas que les défendeurs soient déclarés responsables d’une faute personnelle commise par leur prédécesseur, Me M-N B, mais leur condamnation à lui payer des dommages et intérêts en raison de cette faute commise par celui-ci dont ils ont pris la suite ;


- la dette de réparation est inscrite au passif du fonds d’exercice libéral que détenait M. M-N B et qui leur a été transmis ;


- M. B a commis une faute en n’ayant pas conservé et en n’ayant pas enregistré le testament olographe du 8 juillet 2010 ;


- subsidiairement, M. B a commis une faute en n’ayant pas radié le testament olographe du 1er mars 2004 du fichier des dispositions des dernières volontés ;


- ces fautes commises par M. B sont directement à l’origine du préjudice patrimonial lié à la perte de la moitié de la quotité disponible et de son préjudice moral.


Me J C et la SELARL PINHAS-L-C sollicitent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et d’y ajouter :


- le prononcé de l’irrecevabilité de l’action dirigée à leur encontre ;


- la condamnation de Mme A Y à leur verser les sommes de :


- 10 000 euros pour appel abusif sur le fondement de l’article 559 du code de procédure civile ;


- 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


- les entiers dépens de première instance et d’appel.


Ils soutiennent que :


- le notaire n’est responsable que de la faute qu’il a personnellement commise dans l’exercice de sa profession ;
- l’action en responsabilité est irrecevable à l’encontre d’un notaire successeur pour des actes accomplis par son prédécesseur et auxquels il n’a en aucune manière participé ;


- Me J C et Me Karène PINHAS-L ont prêté serment le 28 mars 2012, soit postérieurement au dépôt allégué du testament litigieux le 8 juillet 2010 ;


- ils n’ont jamais été associés à Me M-N B et un office notarial n’a pas la personnalité morale de sorte qu’aucun passif ne leur a été transmis ;


- en parallèle, Mme A Y a assigné Me M-N B par acte d’huissier du 15 décembre 2016 ; qu’un jugement du 7 novembre 2017 a débouté celle-ci de toutes ses demandes ; que le 4 décembre 2017 elle en a interjeté appel et que l’affaire est pendant par ailleurs devant la cour ;


- à titre subsidiaire, Mme A Y ne rapporte pas la preuve du dépôt d’un testament en 2010 par la défunte, qu’il n’a pas été inscrit au registre des dernières volontés et qu’il n’a pas fait l’objet des frais relatifs au dépôt d’un testament ;


- en toutes hypothèses, à supposer que le testament ait été rédigé, le contenu de celui-ci est inconnu de sorte que rien ne permet de justifier que la défunte ait entendu rompre l’égalité entre ses héritiers réservataires ;


- aucune faute n’est rapportée à l’encontre de M. J C en ce qu’il a minutieusement vérifié à plusieurs reprises l’ensemble des testaments de son étude sans trouver le testament litigieux ;


- le préjudice invoqué par Mme A Y est sans lien causal avec leur intervention, son montant est incertain et erroné, de même qu’elle ne justifie d’aucun préjudice matériel et moral.

M. D Y, appelant, n’a pas conclu.

MOTIFS DE L’ARRÊT


A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, les demandes tendant simplement à voir « constater », « rappeler » ou « dire et juger » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’i1 soit tranché sur un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.

Sur l’action de M. D Y dirigée contre Me J C et la SELARL PINHAS-L C,


Après avoir interjeté appel le 12 janvier 2017 du jugement du 13 décembre 2016, M. D Y n’a pas conclu, ce qui dès lors ne peut s’analyser qu’en une demande de confirmation de cette décision attaquée.

Sur l’action de Mme A Y dirigée contre Me J C et la SELARL PINHAS-L C,


Le notaire qui prend la succession d’un confrère en cessation de fonctions ne répond que des fautes personnelles qu’il a commises dans la gestion du dossier en cours d’exécution qui lui a été transmis et n’est pas responsable du fait de son prédécesseur (Civ. 1ère, 27 nov. 2008, n° 05-17.740, Bull. civ. I, n° 270).


En l’espèce, Mme A Y ne fonde pas son action en paiement sur une quelconque faute personnelle de Me J C ni de la SELARL PINHAS-L-C. Elle relève même en page 7 (quatrième alinéa) dans ses conclusions, que « compte tenu que M. B a égaré le document, il est logique que son successeur n’ait rien retrouvé ».


Comme le jugement attaqué l’a retenu par des motifs pertinents que le cour ne peut qu’adopter, « la responsabilité du notaire, fondée sur l’article 1382 du code civil, n’est pas retenue s’il n’a pas personnellement commis une faute à l’origine du préjudice pour son client, ou un ayant-droit de celui-ci. Une faute personnelle n’a pas été retenue contre Maître C puisqu’en n’ayant prêté serment qu’en 2012, il n’avait pu recevoir la défunte et enregistrer ses dernières volontés en 2010 ».


Un office notarial n’ayant pas la personnalité morale, aucun passif n’a été transmis à la SELARL PINHAS-L-C contrairement, à ce que soutient Mme A Y.

Mme A Y n’est pas fondée à soutenir ensuite à titre subsidiaire que Me J C doit prendre en charge le montant de son indemnisation pour défaut de conservation du testament olographe du 1er mars 2004 alors que les faits fautifs qu’elle reproche à Me M-N B ne sont pas démontrés par elle dans la présente instance et qu’ils font l’objet de l’instance distincte l’opposant à Me M-N B.


Dès lors, l’action de Mme A Y dirigée contre Me J C et la SELARL PINHAS-L-C n’est pas irrecevable mais mal fondée.


En conséquence, il convient de :


- infirmer le jugement en ce qu’il déclare irrecevable l’action en responsabilité engagée à l ' e n c o n t r e d e M e L a u r e n t G R A N I E R e t d e l a S E L A R L PINHAS-L-C par les consorts Y ;


- débouter Mme A Y de ses demandes non fondées.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,


Me J C et la SELARL PINHAS-L-C sollicitent la condamnation de Mme A Y à leur payer la somme de 10'000 euros de dommages-intérêts pour appel abusif.


L’article 559 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.


En l’espèce, tout en soutenant par voie de conclusions qu’elle ne reproche pas à Me J C ni à la SELARL PINHAS-L-C d’avoir commis une faute personnelle, Mme A Y persiste à solliciter leur condamnation à lui payer, et à elle seule mais pas à son frère D pourtant également appelant, les sommes de :
- 19 791,16 euros en réparation du préjudice patrimonial ;


- 15 000 euros en réparation du préjudice moral ;


- 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel et de première instance.


Mais d’une part alors qu’elle allègue à titre subsidiaire que les successeurs de Me B ont commis une faute en ne conservant pas le second testament du 8 juillet 2010 et en ne supprimant pas le premier du 1er mars 2004, elle ne verse aux débats absolument aucun élément de preuve de l’existence même d’un tel second testament ni de sa remise au prédécesseur de Me J C et de la SELARL PINHAS-L-C, ce qui constitue pour le moins un cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol. Elle persiste dans son action malgré les motifs parfaitement clairs et pertinents du jugement qu’elle a attaqué.


Par son appel abusif, Mme A Y a causé à Me J C et à la SELARL PINHAS-L-C, un préjudice consistant en des démarches, des tracas et des frais qui sera réparé par la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive.


En conséquence, il convient de condamner Mme A Y à payer à Me J C et à la SELARL PINHAS-L-C la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu’une amende civile de folle instance de 500 euros en application des dispositions des articles 559 et 32-1 du code de procédure civile .

Sur les dépens,


Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile qui dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, il convient de :


- confirmer le jugement attaqué en ce qu’il condamne Mme A Y et M. D Y aux dépens de première instance ;


- condamner Mme A Y et M. D Y aux dépens d’appel.

Sur les demandes d’indemnité représentative des frais et honoraires exposés et non compris dans les dépens,


Il résulte de ce qui précède qu’il convient de :


- confirmer le jugement en ce qu’il condamne in solidum M. D Y et Mme A Y à payer aux défendeurs une indemnité globale de 2 000 euros d’indemnité représentative des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamner M. D Y et Mme A Y à payer in solidum à Me J C et à la SELARL PINHAS-L C à la somme de 2 000 euros d’indemnité représentative des frais exposés en appel et non compris dans les dépens en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,
La cour,


Confirme le jugement sauf en ce qu’il déclare irrecevable l’action en responsabilité e n g a g é e à l ' e n c o n t r e d e M e L a u r e n t G R A N I E R e t d e l a S E L A R L PINHAS-L-C par les consorts Y ;


Statuant à nouveau sur ce chef de demande,


Déboute M. D Y et Mme A Y de leurs demandes non fondées ;


Y ajoutant,


Condamne Mme A Y à payer à Me J C et à la S E L A R L P I N H A S – B A T A I L L E – G R A N I E R l a s o m m e d e 2 0 0 0 e u r o s d e dommages-intérêts pour appel abusif ;


Condamne Mme A Y à une amende civile de 500 euros en application des dispositions des articles 559 et 32-1 du code de procédure civile qui sera recouvrée au profit de l’Etat par les soins de l’administration fiscale ;


Condamne M. D Y et Mme A Y à payer in solidum à Me J C et à la SELARL PINHAS-L C la somme de 2 000 euros d’indemnité représentative des frais exposés en appel et non compris dans les dépens en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


Condamne in solidum M. D Y et Mme A Y aux dépens d’appel et de première instance.


Le greffier, Le président,
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