Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale 2e section, 29 septembre 2022, n° 21/01558

  • Heures supplémentaires·
  • Employeur·
  • Heure de travail·
  • Salarié·
  • Convention de forfait·
  • Demande·
  • Titre·
  • Homme·
  • Paiement·
  • Sociétés

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Nancy, ch. soc. 2e sect., 29 sept. 2022, n° 21/01558
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 21/01558
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières, 7 décembre 2017, N° 16/00335
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 4 octobre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° /2022

PH

DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/01558 – N° Portalis DBVR-V-B7F-EZMG

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHARLEVILLE-MÉZIERES

16/00335

08 décembre 2017

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2

Renvoi après cassation

DEMANDEUR A LA SAISINE :

Monsieur [W] [E]

[Adresse 3]

[Localité 1] / FRANCE

Représenté par Me Mélanie TOUCHON de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau des ARDENNES

DÉFENDERESSE A LA SAISINE :

S.A.R.L. BUREAU D’ETUDES DUMAY prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Elodie FOULON, avocat au barreau des ARDENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :TRICHOT-BURTE Clara

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 02 Juin 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Anne-Sophie WILLM, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Stéphane STANEK et Anne-Sophie WILLM, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 15 Septembre 2022 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 29 septembre 2022;

Le 29 Septembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

Monsieur [W] [E] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société BUREAU D’ETUDES DUMAY à compter du 15 avril 2008, en qualité d’assistant technique VRD, après une période de contrat à durée déterminée de la période du 15 octobre 2007 au 15 avril 2008.

A compter du 21 mai 2013, Monsieur [W] [E] a signé un contrat de travail à durée indéterminée avec une convention de forfait en jours sur l’année, ainsi qu’une clause d’exclusivité et de discrétion.

Par avenant au contrat de travail du 06 janvier 2014, Monsieur [W] [E] occupe les fonctions de chargé d’études, relevant de la catégorie ingénieurs et cadre de la convention collective national des bureaux d’études techniques.

La convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport s’applique au contrat de travail.

Par courrier du 18 février 2016, Monsieur [W] [E] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 01 mars 2016.

Par courrier du 07 mars 2016, Monsieur [W] [E] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Par requête du 24 octobre 2016, Monsieur [W] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières, aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec le paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre le paiement de rappels de salaires à titre d’heures supplémentaires.

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières rendu le 08 décembre 2017, lequel a :

— déclaré les demandes de Monsieur [W] [E] recevables et non-fondées,

— dit que le licenciement de Monsieur [W] [E] est justifié par une cause réelle et sérieuse,

— débouté Monsieur [W] [E] de l’intégralité de ses demandes,

— débouté la société BUREAU D’ETUDES DUMAY de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Monsieur [W] [E] aux entiers dépens.

Par déclaration d’appel formée le 29 décembre 2017, Monsieur [W] [E] a saisi la cour d’appel de Reims aux fins de réformation du jugement du conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières.

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Reims rendu le 12 décembre 2018, laquelle a :

— confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 08 décembre 2017 par le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières,

— y ajoutant, condamné Monsieur [W] [E] à payer à la société BUREAU D’ETUDES DUMAY la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles,

— rejeté le surplus des demandes,

— mis les dépens de l’instance à la charge de Monsieur [W] [E].

Sur pourvoi régularisé par Monsieur [W] [E], la chambre sociale de la Cour de cassation un rendu un arrêt en date du 12 novembre 2020, lequel a :

— cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il déboute Monsieur [W] [E] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires, l’arrêt rendu le 12 décembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Reims,

— remis, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la Cour d’appel de Nancy.

Vu l’acte de saisine formé par Monsieur [W] [E] le 22 juin 2021,

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [W] [E] déposées sur le RPVA le 25 novembre 2021, et celles de la société BUREAU D’ETUDES DUMAY déposées sur le RPVA le 07 février 2022,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 27 avril 2022,

Monsieur [W] [E] demande :

— de condamner la société BUREAU D’ETUDES DUMAY à verser à Monsieur [W] [E] les sommes suivantes :

—  1 020,60 € pour la période les mois d’octobre, novembre et décembre 2013 soit 48 heures non réglées,

—  4 747,60 € pour l’année 2014 soit 208 heures complémentaires non réglées,

—  4 713,36 € pour l’année 2015 soit 206,5 heures non réglées,

—  652,80 € pour l’année 2016 soit 28,6 heures non réglées,

—  1 113,44 € au titre des congés payés sur rappel de salaire,

—  3 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures antérieures,

—  3 000 € pour les frais engagés devant la présente Cour,

— de condamner la société BUREAU D’ETUDES DUMAY, aux entiers dépens de l’instance.

La société BUREAU D’ETUDES DUMAY demande :

— de dire et juger que le salarié ne rapporte pas la preuve de l’existence des heures supplémentaires,

— de dire et juger que l’employeur justifie du respect du temps de travail hebdomadaires,

— dans ces conditions, de débouter Monsieur [W] [E] de ses demandes,

— de condamner Monsieur [W] [E] à verser à la société BUREAU D’ETUDES DUMAY la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure devant la Cour d’appel de renvoi.

SUR CE, LA COUR :

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures de Monsieur [W] [E] déposées sur le RPVA le 25 novembre 2021, et de celles de la société BUREAU D’ETUDES DUMAY déposées sur le RPVA le 07 février 2022.

Sur la demande de paiement d’heures supplémentaires :

Monsieur [W] [E] fait valoir que la convention de forfait passée avec l’employeur étant nulle, il a droit au paiement des heures de travail réalisées chaque semaine au-delà de 39h hebdomadaire.

Il produit ses agendas pour les années 2013 à 2016, sur lesquels sont reportées ses heures de présence au sein de l’entreprise.

Il réclame le paiement de 48 heures supplémentaires pour l’année 2013, soit 1020,60 euros ; de 208 heures supplémentaires pour l’année 2014, soit 4 747,60 euros ; de 206,5 heures supplémentaires pour l’année 2016, soit 4 713,36 euros ; de 28,6 heures pour l’année 2016, soit 652,80 euros. Il réclame également la somme de 1 113,44 euros de congés payés sur rappels de salaire.

L’employeur fait valoir que les agendas communiqués par le salarié ne permettent pas à l’employeur de vérifier utilement la réalité des heures alléguées.

Il fait également valoir que Monsieur [W] [E] a signé les tableaux récapitulatifs des heures qu’il a effectuée à l’occasion d’entretiens sur l’accomplissement de son forfait jour.

Motivation :

En application de l’article 623 du code de procédure civile : « la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu’elle n’atteint que certains chefs dissociables des autres ».

Selon l’article 624 du même code, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce.

Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire. La Cour de cassation précise donc, dans son dispositif, la portée de la cassation qu’elle prononce, qu’elle soit totale ou partielle. Dans l’hypothèse d’une cassation partielle, elle en précise expressément de quel chef.

Par ailleurs, en application de l’article 625 du code de procédure civile, sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

En l’espèce, il résulte de l’arrêt K 19-15.173 du 12 novembre 2020 de la Cour de cassation, que l’arrêt de la cour d’appel de Reims rendu le 12 décembre 2018 a définitivement jugé que la convention de forfait en jours conclue entre le salarié et l’employeur est nulle, de sorte que le décompte de la durée du travail doit être fait selon les règles de droit commun.

La cour constate à cet égard que l’employeur reconnaît dans ses conclusions page 12 l’absence de validité de la convention forfait jours, indiquant :

« Deux entretiens annuels se sont tenus, le 14 janvier 2015 et le 10 février 2016.

La chambre sociale de la Cour d’appel de Reims considérait que "Monsieur [E] n’a bénéficié que d’un seul entretien annuel avec l’employeur, l’un en 2014 pour la période où la convention de forfait était nulle, l’autre en 2015, ce qui signe pour cette année une exécution défectueuse de la garantie conventionnelle".

En conséquence, le paiement des heures supplémentaires peut être recherché par le salarié ».

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

La cour constate que Monsieur [W] [E] a fourni, sous forme d’agendas, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies (pièces n° 33 à 36 de l’appelant).

Ils permettent à la société BUREAU D’ETUDES DUMAY d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments, étant rappelé qu’en tant qu’employeur elle a l’obligation de mettre en place un système permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chacun de ses salariés.

En l’espèce, l’employeur la copie d’un tableau récapitulatif, non visé par le salarié, des congés qu’il aurait pris en 2014 et 2015.

Il produit également un « entretien forfaits en jours » signé par le salarié le 14 janvier 2015 et faisant état de 1819 heures travaillées dans l’année et portant la mention par ce dernier d’un horaire de travail de « 42 heures par semaine en moyenne ».

La cour constate que l’employeur ne produit aucun autre document comptabilisant les heures de travail accomplies par son salarié pour les années 2013, 2014 et 2016.

En conséquence, la SARL BUREAU D’ETUDES DUMAY devra verser à Monsieur [W] [E] les sommes demandées au titre des heures supplémentaires, le jugement du conseil de prud’hommes étant infirmé sur ce point.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

Monsieur [W] [E] sera débouté de sa demande de paiement de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles « pour les procédures antérieures ».

La SARL BUREAU D’ETUDES DUMAY devra verser à Monsieur [W] [E] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel et sera déboutée de sa propre demande.

La SARL BUREAU D’ETUDES DUMAY sera condamnée aux dépens de première et seconde instances.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de de Charleville-Mézières du 8 décembre 2017 en ses dispositions soumises à la cour,

STATUANT A NOUVEAU ;

Condamne la SARL BUREAU D’ETUDES DUMAY à payer à Monsieur [W] [E] les sommes de 11 134,36 euros (onze mille cent trente quatre euros et trente six centimes) à titre de rappels de salaire, outre 1 113,44 euros (mille cent treize euros et quarante quatre centimes) de congés payés y afférant ;

Y AJOUTANT ;

Condamne la SARL BUREAU D’ETUDES DUMAY à payer à Monsieur [W] [E] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute Monsieur de sa demande de paiement de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés « pour les procédures antérieures »,

Déboute la SARL BUREAU D’ETUDES DUMAY sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SARL BUREAU D’ETUDES DUMAY aux dépens de première et seconde instances.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre et par Madame Clara TRICHOT-BURTE, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en sept pages

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale 2e section, 29 septembre 2022, n° 21/01558