Cour d'appel d'Orléans, 20 avril 2015, n° 14/01304

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, 20 avr. 2015, n° 14/01304
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 14/01304
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Tours, 17 février 2014

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 20/04/2015

Me Estelle GARNIER

la SCP LAVAL – LUEGER

ARRÊT du : 20 AVRIL 2015

N° : – N° RG : 14/01304

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 18 Février 2014

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 1510 8931 4983

Monsieur B C

XXX

XXX

représenté par Me Estelle GARNIER, avocat postulant au barreau d’ORLÉANS, assistée de Me Blaise EGON, avocat plaidant inscrit au barreau de TOURS,

D’UNE PART

INTIMÉ : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 1445 4471 1112

Monsieur X Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

représenté par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – LUEGER, avocat postulant au barreau d’ORLEANS, ayant pour avocat plaidant Me Aude GRUNINGER-GOUZE, inscrit au barreau de TOURS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 10 AVRIL 2014.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 08 JANVIER 2015.

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 17 Février 2015, à 14 heures, devant Monsieur BLANC, Magistrat Rapporteur, par application de l’article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre, Rapporteur, qui en a rendu compte à la collégialité,

Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller,

Madame Laurence FAIVRE, Conseiller.

Greffier :

Mme Evelyne PEIGNE, Greffier lors des débats et du prononcé.

Prononcé le 20 AVRIL 2015 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Suivant facture numéro 12/2 en date du 21 avril 2011, X Y achetait auprès de B C exerçant sous l’enseigne commerciale MITIK’ MOTO une motocyclette Kawasaki 500 Match 3 entièrement restaurée pour la somme de 13'000 € réglée par chèque.

Par acte en date du 18 janvier 2012, X Y H B C devant le Tribunal de grande instance de Tours afin de voir, au visa des articles 1109 et suivants, 1147, 1602 et suivants du Code civil et L2 13 ' 1 et L 111 '1 du code de la consommation, prononcer la nullité de cette vente, à titre principal pour dol et à titre subsidiaire pour erreur, et à titre très subsidiaire en prononcer la résolution judiciaire.

En tout état de cause, il demandait qu’il soit dit que B C devra récupérer le véhicule à compter de la restitution du prix de vente et de l’ensemble des dommages-intérêts, sous astreinte de 100 € par jour de retard, et que son adversaire soit condamné à lui restituer la somme de 13'000 €(prix de la moto) ,et à lui payer la somme de 64,50 € (prix de la carte grise) et la somme de 235,30 € (prix de l’assurance), ainsi que la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts, la somme de 2000 € au titre du préjudice de jouissance, et la somme de 3500 € sur le fondement de l’ Article 700 du Code de Procédure civile.

À titre plus subsidiaire, il sollicitait la nomination d’un expert.

Le demandeur exposait notamment, à l’appui de son argumentation sur le dol, que son choix s’est porté sur une moto 500 Match III de 1969, année de lancement de ce modèle, le rendant plus rare et mieux coté que ceux des années suivantes, et que les éléments composant la moto vendue ne sont pas d’origine mais sont des pièces rapportées, ce dont le professionnel devait l’informer ; il affirmait que c’est l’authenticité et la rareté du véhicule de collection qui en déterminent la valeur, que la restauration n’exclut pas qu’il s’agisse de pièces conformes au modèle, et produisait aux débats une expertise concluant que la moto était bien un modèle 1970 habillé en modèle 1969 alors que la différence de valeur entre ces deux modèles et de l’ordre de 5000.€.

B C s’opposait à ces demandes et sollicitaient l’allocation de la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l’article 32 '1 du Code civil (sic) et de la somme de 3500 € au titre de l’ Article 700 du Code de Procédure civile.

Le défendeur répondait qu’aucun des documents contractuels versés aux débats ne fait état de l’année de fabrication de la moto Kawasaki objet du litige, mais seulement du type de cette moto, à savoir une base de restauration 500 Match III, et soulignait que selon le certificat de circulation, la première mise en circulation est du 1er janvier 1970, soutenant qu’au-delà du millésime de la moto, l’année de production n’aurait jamais été une qualité déterminante de l’achat.

Par un jugement en date du 18 février 2014, le Tribunal de grande Instance de Tours prononçait l’annulation de la vente pour dol au sens de l’article 1116 du Code civil, et, en application des articles 1117 et 1304 et suivants du même code, condamnait B C à restituer le prix de vente et à faire procéder à l’enlèvement sous astreinte du véhicule, et à payer à X Y la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et la somme de 1500 €. En application de l’ Article 700 du Code de Procédure civile.

Cette juridiction motivait sa décision en considérant notamment que la moto litigieuse est un modèle de collection de l’année 1970 qui a été transformé sous les caractéristiques du modèle de l’année 1969 , et que B C n’a pas restauré la moto mais qu’il a modifiée , mais qu’il a présenté le modèle vendu dans sa facture comme étant une restauration alors que, s’agissant d’une moto de collection, l’authenticité du modèle est un élément nécessairement déterminant pour l’acquéreur.

Le tribunal considérait que la mention «base 500 match III pour restauration», et l’absence d’indication que le modèle est initialement celui de l’année 1970, restauré à la façon du modèle de 1969, d’autant plus que l’annonce passée à cette même époque dans la revue spécialisée indiquait expressément l’année 1969, caractérisent des man’uvres destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement de l’acquéreur.

Par une déclaration en date du 10 avril 2014 , B C interjetait appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions déposées le 10 décembre 2014, et pour solliciter l’infirmation du jugement querellé et se voir allouer la somme de 3500 € en application de l’ Article 700 du Code de Procédure civile, B C expose notamment que l’erreur n’ est une cause de nullité qu’à la condition d’avoir été déterminante du consentement et que le demandeur doit en établir la réalité, ce qu’il ne ferait pas.

Il explique que X Y n’avait pas souhaité acquérir un modèle d’occasion, c’est-à-dire en état d’origine avec toutes les conséquences mécaniques qui en découlent, mais bien un véhicule restauré, c’est-à-dire dont les pièces mécaniques d’origine usées ont été remplacées, qu’il ne s’est pas rendu au magasin pour acheter spécialement le modèle figurant sur l’annonce, mais qu’il a hésité entre deux modèles avant de porter son choix sur le modèle 500 match III et qu’il a essayé à plusieurs reprises pendant quatre mois.

Il précise que la facture d’acquisition porte sur une motocyclette pour restauration et qu’il ne s’agit donc nullement d’une moto d’origine, estimant que son adversaire ne saurait aujourd’hui soutenir qu’il a acquis un millésime précis, et ajoute que la carte grise mentionne une mise en circulation le 1er janvier 1970, le modèle ne pouvant être sorti d’usine qu’en 1969.

Il ajoute que X Y ne ferait ni la preuve que l’année de fabrication du véhicule ait été déterminante dans son achat , non plus que la preuve corrélative d’avoir été trompé sur ladite année ; B C indique qu’il aurait lui-même listé très précisément les pièces remplacées, aucune objection n’étant émise à la réception de la facture.

Par ses dernières conclusions en date du 18 décembre 2014, X Y demande la confirmation de la décision dont appel , sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts ; il réclame l’allocation de la somme de 3000 € pour l’indemnisation de son préjudice moral et de la somme de 2000 € au titre de son préjudice de jouissance, et sollicite l’allocation de la somme de 1500 € sur le fondement de l’ Article 700 du Code de Procédure civile.

La partie intimée déclare qu’une des caractéristiques essentielles attendues par l’acquéreur d’un tel bien est l’authenticité d’origine de la moto, à savoir qu’elle soit composés des pièces d’origine, et à défaut en être informé, indiquant qu’il pensait acquérir un modèle de 1969, entièrement d’origine, élément déterminant selon lui dans son acquisition.

Il invoque donc l’article 1116 du Code civil, déclarant qu’il est légitime qu’il ait pensé que la moto datait entièrement de 1969 alors qu’il appartient au vendeur de prouver qu’il a exécuté ses obligations.

À titre subsidiaire ils sollicite l’annulation du contrat de vente pour erreur sur les qualités substantielles de la moto, et à titre subsidiaire, le manquement du vendeur à son obligation de délivrance au sens de l’article 1603 du Code civil.

L’ordonnance de clôture était rendue le 8 janvier 2015 par le Conseiller de la mise en état.

SUR QUOI :

Attendu que les premiers juges ont fait application de l’article 1116 du Code civil relatif au dol, alors que le principal de l’argumentation de la partie appelante se fonde sur l’erreur au sens de l’article 1110 du même code, pour tenter de démontrer que l’erreur commise par X Y ne porterait pas sur les qualités substantielles de la chose vendue ;

Attendu que pour examiner les mérites de la motivation du tribunal, il y a lieu de rechercher, selon les termes de l’article 1116, si des man’uvres ont été pratiquées par le vendeur et si elles sont telles qu’il est évident que, sans ces man’uvres, X Y n’aurait pas contracté ;

Attendu dès lors que, sur le terrain du dol, les arguments relatifs à la réalité des relations qui unissaient les parties, aux hésitations de l’acheteur pendant une longue période ou au fait que ce dernier aurait essayé l’engin à de nombreuses reprises avant de s’en porter acquéreur, sont totalement dénuées d’intérêt, puisqu’il y a lieu que de rechercher d’une part si des man’uvres ont été opérées par B C, d’autre part si ces man’uvres ont été déterminantes dans la décision de X Y de faire, en avril 2011, l’acquisition de la motocyclette objet du présent litige;

Attendu que la facture numéro 12/2 du 21 avril 2011 porte la seule mention « type moto : 500 MACH III », et comporte quatre feuillets mentionnant diverses prestations, dont l’énumération est suivie, à la fin du quatrième feuillet, par la mention « Base 500 MACH III pour restauration 4000 € » ;

Attendu que l’annonce insérée dans la revue « Moto Revue Classic », de mars/avril 2011, qui aurait attiré l’attention de X Y est rédigée comme suit : « Kawasaki 500 Mach 3 1969, entièrement restaurée, cg française 13'500,€ , tel (…..),wwwmitikmoto.fr » ; qu’elle était accompagnée d’une photographie dont les dimensions sont de 4,2 cm sur 2,8 cm ;

Que l’appelant produit aujourd’hui des photos format 21 sur 29 ,7 cm pour tenter de prouver qu’il ne s’agirait pas du véhicule choisi, et que les différences « sont visibles et flagrantes », ce qui est douteux eu égard à la petitesse de la photographie accompagnant l’annonce ;

Que c’est principalement au texte de cette dernière qu’il y a lieu de s’attacher pour déterminer ce que recherchait exactement l’acheteur, à savoir un modèle rare de motocyclette Kawasaki Mach 3 1969 entièrement restaurée ;

Attendu que B C , devant les premiers juges, n’a pas allégué que l’annonce versée aux débats par son adversaire ne concernait pas le modèle vendu, puisqu’il a seulement invoqué l’absence de mention de l’année 1969 dans ce qu’il présentait comme étant les documents contractuels ;

Que c’est à bon droit que le tribunal a considéré que la facture n’est pas un document contractuel, mais un document unilatéralement établi par le vendeur ;

Attendu qu’avant d’interjeter appel, B C n’avait jamais contesté que le contrat avait été conclu à la suite de la parution de l’annonce visée supra ;

Que le fait que cet argument, même s’il demeure recevable en dépit de son caractère tardif, ne soit invoqué qu’aujourd’hui jette un doute sérieux sur sa pertinence, et ce d’autant plus que l’expert Sené, mandaté par X Y pour examiner l’engin, conclut de façon formelle qu’il s’agit d’une moto modèle 1970 « habillée » en modèle 1969, précisant que la cote d’un modèle 1969 s’élève à 13'000 € alors que celle d’un modèle 1970 n’est que 9000 € ;

Que chacune des parties est suffisamment versée en matière de motocyclettes de collection pour connaître cette différence de cotation, ce qui rend évident que X Y n’aurait pas contracté s’il avait eu connaissance de ce que l’engin proposé par l’annonce, qui était présenté comme un modèle 1969, était en réalité un modèle 1970 d’une bien moindre valeur, et maquillé de surcroît ;

Attendu que le fait que le véhicule a été mis en circulation le 1er janvier 1970, peut, ainsi que le relève l’expert, avoir fait penser à un modèle 1969 immatriculé tardivement, ce technicien précisant que cela est fréquent aux États-Unis, alors que B C tente d’en tirer argument pour affirmer que cette date de mise en circulation attesterait que le modèle ne peut être sorti d’usine qu’en 1969 ;

Qu’il apparaît ainsi que, ayant attendu le deuxième degré de juridiction pour contester que le contrat avait été conclu pour le véhicule figurant sur l’annonce, il persiste à affirmer que le véhicule a été produit en 1969, ce qui est probablement exact, mais n’en fait pas un « modèle 1969 » ;

Que, en effet et contrairement à ce qu’ affirme B C , ce n’est pas l’année de fabrication de cette motocyclette été déterminant de la volonté d’achat de X Y , mais le millésime du modèle de motocyclette ;

Que cette confusion que tente d’entretenir l’appelant ne peut que renforcer la conviction de la réalité des man’uvres par lui opérées pour aboutir à la vente ;

Attendu que le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a retenu le dol ;

Attendu que X Y sollicite la réformation du jugement sur son indemnisation, et réclame la somme de 3000€ pour l’indemnisation de son préjudice moral et celle de 2 000 € pour l’indemnisation de son préjudice de jouissance ;

Attendu que le tribunal a écarté ce dernier chef de préjudice en considérant que X Y n’expliquait pas en quoi la tromperie l’avait empêché de faire usage de la motocyclette litigieuse ; qu’il convient à cet égard de préciser que le fait que l’acheteur n’aurait parcouru que 3076 km en trois ans ne relève que de sa propre volonté, le comportement de son adversaire étant totalement étranger à cette décision ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu que le tribunal a évalué le préjudice moral à 1000 € ;

Que, si la réalité d’un tel préjudice est indéniable s’agissant d’une personne victime d’une tromperie commise par un professionnel qui a, selon l’expert, habillé la motocyclette en modèle 1969, il échet de tenir compte du fait que le dol a empêché X Y de se présenter comme un collectionneur averti dans les manifestations où il fréquente d’autres collectionneurs avec qui il ne peut pas traiter d’égal à égal eu égard à ladite tromperie dont il a été victime ;

Que ce chef de préjudice sera équitablement arbitré à un montant de 2000 € ;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de X Y l’intégralité des sommes que cette partie a dû exposer du fait de la présente procédure ; qu’il échet de faire application de l’article 700 du Code de Procédure civile et de lui allouer à ce titre la somme de 2000 € ;

PAR CES MOTIFS :

STATUANT publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le Tribunal de grande Instance de Tours le 18 février 2014, sauf en ce qui concerne l’indemnisation du préjudice moral invoqué par X Y ,

STATUANT À NOUVEAU sur ce point,

CONDAMNE B C à payer à X Y la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour l’indemnisation de son préjudice moral,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE B C à payer à X Y la somme de 2000 € en application de l’ Article 700 du Code de Procédure civile,

CONDAMNE B C aux dépens, et autorise les avocats de la cause à se prévaloir des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre et Madame Evelyne PEIGNE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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