Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 15 juin 2020, n° 19/01140

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, ch. sécurité soc., 15 juin 2020, n° 19/01140
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 19/01140
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Nevers, 4 juin 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SCP FLIPY GRANGE AVOCATS

la SELARL TEISSONNIERE

EXPÉDITIONS à :

J K R Y

L X E-AI Y

M X U Y

P X D X

Q X W X

AA AB V Y

[…]

CPAM DE LA NIEVRE

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉSOCIALE

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NEVERS

ARRÊT du : 15 JUIN 2020

Minute N° 189/2020

N° R.G. : N° RG 19/01140 – N° Portalis DBVN-V-B7C-F44J

Décision de première instance : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NEVERS en date

du 05 Juin 2018

ENTRE

Madame J K veuve X

[…]

[…]

Appelante

Madame L X épouse Y

[…]

[…]

Appelante

Monsieur M X, en son nom et pour N X et O X

[…]

[…]

Appelant

Madame P X

[…]

[…]

Appelante

Monsieur Q X

[…]

[…]

Appelant

Madame R S épouse Z, en son nom et pour T Z et AH

[…]

[…]

Intimée et appelante à titre incident

Monsieur E-AI Y

[…]

[…]

Intimé et appelant à titre incident

Monsieur U Y

[…]

[…]

Intimé et appelant à titre incident

Monsieur V Y

[…]

[…]

Intimé et appelant à titre incident

Monsieur D X, en son nom et pour F X

[…]

[…]

Intimé et appelant à titre incident

Monsieur W X

[…]

[…]

Intimé et appelant à titre incident

Madame AA AB

Chez Mme P X

[…]

[…]

Intimée et appelante à titre incident

Représentés par Me Cédric DE ROMANET, substitué par Me Guillaume BERNARD, de la SELARL TEISSONNIERE, avocats au barreau de PARIS

D’UNE PART,

ET

[…]

Avenue E Jaurès

[…]

Intimé et appelant à titre incident

Représentée par Me Hubert FLICHY, substitué par Me Léa BORDERIE, de la SCP FLICHY GRANGE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS

CPAM DE LA NIEVRE

[…]

[…]

[…]

Intimée

Représentée par Mme Sylvie LAJUGIE, en vertu d’un pouvoir spécial

PARTIE AVISÉE :

MINISTRE CHARGE DE LA SECURITE SOCIALE

[…]

[…]

FIVA

[…]

[…]

Non comparants, ni représentés

D’AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Madame Sophie GRALL, Président de chambre,

Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Greffier :

Madame Ophélie FIEF, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.

DÉBATS :

A l’audience publique le 28 JANVIER 2020.

ARRÊT :

PRONONCÉ le 15 JUIN 2020, après prorogation du délibéré par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

M. AC AD X a été employé par la société Imphy du 28 octobre 1957 au 31 janvier1996.

Le 30 octobre 2013, M. AC AD X a déposé auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre une demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

Un certificat médical du 14 octobre 2013 attestant que M. AC AD X présentait un 'cancer bronchique épidermoïde’ a été joint à cette déclaration.

Par décision du 13 mars 2014, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre a reconnu le caractère professionnel de la maladie au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles.

Par lettre recommandée du 6 mars 2015, la société Aperam Alloys Imphy a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Nièvre d’une demande tendant à ce que la décision prise par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre de reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. AC AD X lui soit déclarée inopposable.

Par lettre recommandée du 12 août 2015, M. AC AD X a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Nièvre d’une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de société Aperam Alloys Imphy.

M. AC AD X est décédé le […] à l’âge de 79 ans.

Ses ayants droit sont intervenus volontairement à la procédure aux fins de reprise de l’instance en cours.

Par jugement prononcé le 5 juin 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nevers a :

— prononcé la jonction des deux instances,

— déclaré opposable à la société Aperam Alloys Imphy la décision de prise en charge au titre des risques professionnels de la maladie constatée le 14 octobre 2013 sur M. AC AD X,

— dit que la maladie professionnelle dont a été victime M. AC AD X et ayant entraîné son décès le […] est due à la faute inexcusable de la société Aperam Alloys Imphy, son employeur,

— dit que la rente servie par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre en application de l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale est majorée à son maximum,

— ordonné le versement de l’indemnité forfaitaire visée par l’article L. 452-3 sous réserve de l’attribution par la juridiction du contentieux de l’incapacité d’une IPP de 100 % par décision devenue définitive,

— débouté les consorts X de leur demande de réparation des préjudices complémentaires subis par M. AC AD X au titre des souffrances morales et physiques, du préjudice esthétique et du préjudice d’agrément,

— fixé l’indemnisation des ayants droit de M. AC AD X comme suit,

' Mme AE K veuve X : 35 000 euros

' Mme L X épouse Y (fille) : 15 000 euros

' M. M X (fils) : 15 000 euros

' M. Q X (fils) : 15 000 euros

' Mme P X (fille) : 15 000 euros

' Mme R Y épouse Z (petite-fille) : 5 000 euros

' M. U Y (petit-fils) : 5 000 euros

' M. E-AI Y (petit-fils) : 5 000 euros

' M. V Y (petit-fils) mineur représenté par Mme R Y : 5 000 euros

' M. D X (petit-fils) : 5 000 euros

' M. W X (petit-fils) : 5 000 euros

' M. N X (petit-fils) mineur représenté par M. M X : 5 000 euros

' Melle O X (petite-fille) mineure représentée par M. M X : 5 000 euros

' Melle AA AB (petite-fille) : 5 000 euros

' M. T Z (arrière petit-fils) mineur représenté par Mme R Y:

2 500 euros

' Melle AH Z (arrière petite-fille) mineure représentée par Mme R Y : 2 500 euros

' Melle F X (arrière petite-fille) mineure représentée par M. D X : 2 500 euros,

— dit que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre versera directement aux ayants droit les sommes précitées,

— condamné la société Aperam Alloys Imphy à rembourser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre les sommes avancées,

— condamné la société Aperam Alloys Imphy à payer à Mme AE K veuve X, Mme L X épouse Y (fille), M. V Y (petit-fils), Mme R Y épouse Z (petite-fille), M. T Z (arrière petit-fils) et Melle AH Z (arrière petite-fille), tous deux mineurs représentés par Mme R Y, M. U Y (petit-fils), M. E-AI Y (petit-fils), M. M X (fils), M. N X (petit-fils) et Melle O X (petite-fille), mineurs représentés par M. M X, M. D X (petit-fils), Melle F X (arrière petite-fille), mineure représentée par M. D X, M. W X (petit-fils), M. Q X (fils), Mme P X (fille), et Melle AA AB (petite-fille) mineure représentée par Mme P X, la somme de 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société Aperam Alloys Imphy de ses demandes d’indemnités fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— dit n’y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Suivant déclaration d’appel en date du 25 juin 2018, Mme AE K veuve X, Mme L X épouse Y, M. M X, Mme P X, et M. Q X, agissant tant en leur nom

propre qu’en leur qualité d’ayants droit de M. AC AD X, ont interjeté appel de ce jugement en ce qu’il les a débouté de leur demande de réparation des préjudices complémentaires subis par M. AC AD X au titre des souffrances morales et physique, du préjudice esthétique et du préjudice d’agrément.

Suivant déclaration d’appel en date du 4 juillet 2018, la société Aperam Alloys Imphy a également interjeté appel de ce jugement à l’encontre de Mme AE K veuve X, Mme L X épouse Y, agissant tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentant légal de son fils mineur, M. V Y, Mme R Y épouse Z, agissant tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, M. T Z et Melle AH Z, M. E-AI Y, M. U Y, M. M X, agissant tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentant légal des ses enfants mineurs, M. N X et Melle O X, M. D X, agissant tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, Melle F X, M. W X, M. Q X, Mme P X, Mme AA AB ainsi qu’à l’encontre de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre.

L’affaire a été transférée à la cour d’appel d’Orléans, compétente en matière de contentieux de la sécurité sociale, à compter du 1er janvier 2019, conformément au décret n° 2018-772 du 4 septembre 2018.

Par ordonnance en date du 14 mai 2019, le président de la chambre a ordonné la jonction de ces deux instances.

Mme AE K veuve de M. AC AD X, Mme L X épouse Y, M. V Y, Mme R Y épouse Z, agissant tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentant légal des ses enfants mineurs, M. T Z et Melle AH Z, M. U Y, M. E-AI Y, M. M X, agissant tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, M. N X et Melle O X, M. D X, agissant tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, Melle F X, M. W X, M. Q X, Mme P X, et Melle AA AB, demandent à la cour, aux termes de conclusions soutenues oralement à l’audience, de :

— recevoir M. V Y et Melle AA AB en leur intervention volontaire.

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a,

' déclaré les ayants droit de M. AC AD X recevables en leur reprise d’instance et non prescrits.

' confirmé le caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire primitif dont M. AC AD X était atteint et dont il est décédé.

' dit que la maladie professionnelle dont était atteint et dont est décédé M. AC AD X est la conséquence de la faute inexcusable de son ancien employeur la société Aperam Alloys Imphy.

' fixé au maximum la rente de conjoint survivant servie à Mme AE X.

— réformer le jugement entrepris pour le surplus.

Statuant à nouveau,

— ordonner le versement de l’allocation forfaitaire prévue à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale au titre de l’action successorale.

— fixer, au titre de l’action successorale, l’indemnisation des préjudices complémentaires selon les modalités suivantes,

' réparation de la souffrance physique : 80 000 euros

' réparation de la souffrance morale : 80 000 euros

' réparation du préjudice d’agrément : 80 000 euros

' réparation du préjudice esthétique : 20 000 euros

— fixer l’indemnisation du préjudice moral de Mme AE X à la somme de 100 000 euros.

— fixer l’indemnisation du préjudice moral de Mme L X, M. M X, et M. Q X à la somme de 50 000 euros chacun.

— fixer l’indemnisation du préjudice moral de M. V Y, Mme R Y, M. U Y, M. E-AI Y, M. N X, Melle O X, M. D X, M. W X et Melle AA AB à la somme de 35 000 euros chacun.

— fixer l’indemnisation du préjudice moral de M. T Z, Melle AH Z et Melle F X à la somme de 20 000 euros chacun.

— ordonner, en outre, à la société Aperam Alloys Imphy de verser aux ayants droit de M. AC AD X la somme de 1 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

La société Aperam Alloys Imphy demande à la cour, aux termes de conclusions soutenues oralement à l’audience, de :

A titre principal,

— infirmer le jugement entrepris.

— dire que les consorts X ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, de la maladie désignée au tableau n° 30 Bis, de l’imputabilité du décès à la maladie professionnelle et de la faute inexcusable qui lui est imputée.

En conséquence,

— débouter les consorts X de leur action en faute inexcusable.

— lui déclarer inopposables les décisions de prise en charge de la maladie et du décès de M. AC AD X.

Subsidiairement, si sa faute inexcusable était reconnue,

— confirmer le jugement dont il est fait appel en ce qu’il a,

' débouté les consorts X de leur demande d’indemnisation au titre des souffrances physiques et morales de M. AC AD X, subsidiairement, réduire ce poste de préjudice à de plus justes proportions.

' débouté les consorts X de leur demande d’indemnisation au titre du préjudice d’agrément de M.

AC AD X, subsidiairement, réduire ce poste de préjudice à de plus justes proportions.

' débouté les consorts X de leur demande d’indemnisation au titre du préjudice esthétique de M. AC AD X, subsidiairement, réduire ce poste de préjudice à de plus justes proportions.

— infirmer le jugement dont il est fait appel et,

' liquider les demandes des consorts X au titre de leur préjudice moral personnel à de plus justes proportions.

' débouter la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre de son action en remboursement au motif de l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. AC AD X le 14 octobre 2013.

' dire qu’en cas d’infirmation du taux d’IPP de 100 % dans les rapports Caisse/Employeur, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre doit être déboutée de son action en remboursement à son encontre au titre de l’indemnité forfaitaire visée à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

' condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre demande à la cour, aux termes de conclusions soutenues oralement à l’audience, de:

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. AC AD X opposable à la société Aperam Alloys Imphy.

— prendre acte de ce qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Dans l’affirmative,

— fixer la majoration de la rente d’ayant droit de Mme AE X.

— se prononcer sur l’allocation de l’indemnité forfaitaire.

— désigner un expert pour évaluer les différents préjudices subis ou les fixer immédiatement.

— condamner la société Aperam Alloys Imphy à régler d’une part, le capital représentatif de la majoration de la rente d’ayant droit servie à Mme AE X et d’autre part, le montant de la réparation des préjudices par elle avancés.

Il est référé pour un plus ample exposé des moyens soutenus par les parties aux écritures par elles déposées à l’appui de leurs explications orales devant la cour.

SUR CE, LA COUR :

A titre liminaire, il convient d’observer que M. V Y et Melle AA AB étaient parties en première instance, et qu’ayant été intimés par la société Aperam Alloys Imphy, ils ont formé un appel incident de sorte qu’ils ne sauraient avoir la qualité d’intervenants volontaires en cause d’appel.

Il n’y a, dès lors, pas lieu, ainsi qu’ils le sollicitent, de déclarer M. V Y et Melle AA AB recevables en leur intervention volontaire en cause d’appel.

* Sur la demande de la société Aperam Alloys Imphy tendant à ce que les décisions de prise en charge de la maladie et du décès de M. AC AD X lui soient déclarées inopposables:

' Sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. AC AD X:

Conformément à l’article L. 461-1 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale, une affection est reconnue comme étant une maladie professionnelle à condition que:

— l’affection soit inscrite à l’un des tableaux annexés au décret en conseil d’Etat énumérant les affections présumées d’origine professionnelle.

— la maladie soit constatée médicalement pendant la période d’exposition au risque ou dans le délai de prise en charge.

— la victime ait été exposée habituellement aux risques engendrés par des travaux dont la liste indicative ou limitative, selon les cas, est énoncée au tableau concerné.

' Sur la désignation de la maladie:

La société Aperam Alloys Imphy soutient que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre a pris une décision de prise en charge au titre du tableau n° 30 Bis sur la base d’un certificat médical initial non conforme à l’article L. 461- 5 du Code de la sécurité sociale en ce qu’il ne désigne pas la maladie visée au dit tableau.

Elle fait valoir, en ce sens, que la condition relative à la désignation de la pathologie, qui s’apprécie au regard du diagnostic posé sur le certificat médical initial, ne peut être réputée remplie dès lors que le certificat médical initial produit à l’appui de la déclaration de maladie professionnelle mentionne 'cancer bronchique épidermoïde', sans aucune précision quant à son caractère primitif, et que la prise en charge a été accordée au titre d’une pathologie du tableau n° 30 bis qui vise pour seule et unique maladie professionnelle le 'cancer broncho-pulmonaire primitif'.

Elle relève, à cet égard, le fait qu’aucun document ne fait expressément état du caractère primitif du cancer de M. AC AD X ainsi que le fait que le compte-rendu anatomopathologique réalisé le 3 octobre 2013 renforce le doute quant à la caractérisation de la lésion primitive dès lors qu’à la date du 7 octobre 2013 le Docteur AJ AK, pneumologue, soulignait la nécessité de poursuivre les investigations 'avec de nouveaux prélèvements biopsiques pour pouvoir préciser le diagnostic'.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre réplique que les deux énoncés 'cancer bronchique épidermoïde' et 'cancer broncho-pulmonaire primitif' sont synonymes, que la juridiction ne doit pas s’en tenir à une analyse littérale du certificat médical initial, et que son médecin conseil a reconnu, au vu de l’ensemble des éléments médicaux du dossier de M. AC AD X, l’existence d’un cancer broncho-pulmonaire primitif.

Il y a lieu de relever qu’aux termes du certificat médical initial établi le 14 octobre 2013, produit à l’appui de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, le Docteur de G, qui certifie que M. AC AD X présente un cancer bronchique épidermoïde, apporte également la précision selon laquelle 'cette pathologie entre dans le cadre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles' et ne mentionne aucunement qu’il s’agit d’un cancer secondaire et non pas d’un cancer primitif défini comme la première tumeur atteignant un organe et pouvant être à l’origine de métastases.

Il apparaît, en outre, que si le Docteur AL AM retient, aux termes d’une note établie le 16 novembre 2017, à la demande de l’employeur, que 'le marqueur TTF1 n’est pas retrouvé dans ce dossier ; Il s’agit d’un marqueur qui nous aurait permis de préciser si la tumeur pulmonaire est primitive ou secondaire (en particulier une métastase de cette tumeur de la vessie ; puisqu’il s’agit d’une tumeur épidermoïde comme le sont les tumeurs de la vessie). Il n’a pas été retrouvé par ailleurs dans cet examen anatomopathologique la présence de corps abestosiques', le Docteur AN AO indique, pour sa part, dans une note du 7 mars 2018, produite par la Caisse primaire, que lorsqu’il remet en cause le caractère primitif au motif que le marqueur TTF1 est négatif, le Docteur AL AM ' fait une confusion avec les adénocarcinomes pour lesquels le marqueur TTF1 est exprimé dans 75 % des cas alors qu’il est rarement exprimé dans les carcinomes épidermoïdes' et qu’il opère également une confusion lorsqu’il laisse supposer que le cancer du poumon pourrait être une métastase d’un cancer de la vessie précédemment traité en exposant que si le carcinome épidermoïde du poumon fait partie au même titre que le carcinome urothélial des tumeurs épithéliales, l’analyse anatomopathologique a montré qu’il n’y avait aucun lien entre les deux cancers.

Il ressort, par ailleurs, de la fiche 'colloque médico-administratif maladie professionnelle’ du 19 février 2014 que le médecin conseil a retenu l’existence d’un cancer bronchique pulmonaire primitif.

Il s’ensuit que la condition relative à la désignation de la maladie est bien remplie.

' Sur les travaux réalisés par M. AC AD X et le délai d’exposition au risque:

La société Aperam Alloys Imphy fait valoir qu’il n’est pas démontré que M. AC AD X ait accompli personnellement les travaux limitativement énumérés au tableau n° 30 bis et ce pendant une durée de dix ans.

Elle soutient que ni les conclusions de l’agent enquêteur, ni la fiche colloque-médico administrative ne précisent les travaux limitativement énumérés au tableau n° 30 bis et accomplis par M. AC AD X au cours des différents postes occupés, et que l’enquête administrative ne fait pas la preuve d’une exposition certaine, habituelle et individuellement subie par M. AC AD X et plus encore de l’acccomplissement par ce dernier des travaux limitativement énumérés au tableau n° 30 bis, l’allégation d’une exposition environnementale étant insuffisante.

Elle invoque, en outre, le fait que M. AC AD X avait un passé tabagique ainsi qu’il ressort d’une lettre adressée le 12 avril 2014 par le Docteur H, au Docteur AP AQ, qui mentionne qu’il a fumé dans le passé et ce, jusqu’à la découverte de sa maladie, ainsi que d’un compte-rendu de réunion de concertation d’oncologie thoracique qui indique à la rubrique 'antécédents du patient: tabagisme: 60PA'.

Le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles cite, notamment, au titre de la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer un cancer broncho-pulmonaire, des travaux d’isolation utilisant des matériaux contenant de l’amiante, des travaux de pose et dépose de matériaux isolants contenant de l’amiante, des travaux d’usinage, de découpe et de ponçage de matériaux contenant de l’amiante et des travaux d’entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d’amiante.

Il ressort des éléments recueillis dans le cadre de l’enquête administrative diligentée par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre que M. AC AD X a été employé du 28 octobre 1957 au 31 janvier 1996 aux aciéries d’Imphy, qu’il a travaillé en qualité de maçon pocheur puis de fumiste (ce qui consistait à réaliser le briquetage des fours), qu’il a travaillé de 1990 à 1996 en qualité de technicien métallurgiste, et qu’il a bénéficié d’un suivi post professionnel à compter du 7 avril 2005 au titre du risque amiante.

Si l’agent enquêteur retient, aux termes de son rapport, que 'compte tenu des périodes d’emploi, il peut être considéré une exposition probable à l’amiante jusqu’en janvier 1996", il résulte cependant clairement des témoignages recueillis lors de l’enquête émanant d’anciens collègues de travail de M.

AC AD X que ce dernier qui était employé à la réfection des poches et des fours, qui manipulait des plaques d’amiante pour l’isolation des lingotières, qui briquetait des fours où l’amiante était utilisé, et qui portait des vêtements de protection revêtus de fibres d’amiante, a été exposé à l’amiante d’octobre 1957 à janvier 1996, les attestations fournies mentionnant notamment ce qui suit :

'En mai 1979, j’ai rejoint l’Aciérie I puis l’Aciérie II. C’est dans ces ateliers que j’ai travaillé avec M. X AD. J’exerçais aux côtés de M. X la fonction d’équipier de bassin. Nous étions amenés à nettoyer les lingotières à raison d’une à deux, voire plus, par poste, lingotières habillées d’amiante. Les joints de base étaient en fibre d’amiante et se désagrégeaient au contact du métal en fusion répandant épaisse fumée et poussière d’amiante. Même chose pour la réfection des cuves des fours. Nous étions équipés de manteaux, moufles, guêtres en textiles revêtus de fibre d’amiante. Nous avons quitté cet atelier à notre départ à la retraite en janvier 1996" (témoignage de M. AR AS).

'déclare avoir été salarié aux aciéries d’Imphy et plus particulièrement dans le secteur Aciérie II d’avoir côtoyé M. AD X de 1977 date à laquelle j’ai intégré ce secteur jusqu’à son départ en retraite. M. AD X travaillait et dirigeait l’activité du secteur maçons-fumiste. Ce secteur se trouvait à proximité du bassin de coulée et était particulièrement poussiéreux notamment lors des opérations de démoulage des lingotières. Celles-ci étant protégées à la base par un joint d’amiante qui au contact du métal liquide à haute température se désagrège et lors du démoulage de la lingotière. Il s’en suivait un nuage de poussières de particules fines de fibre et d’amiante qui se dispersaient dans l’atelier où s’affairaient à d’autres travaux des salariés. Comme risques supplémentaires, démolition des poches de coulée des voûtes de four, réfection de celles-ci et d’autres travaux qui génèrent beaucoup de poussières (…)' (témoignage de M. AJ AT).

'ayant travaillé avec M. X AD de son entrée 1957 à sa sortie en 1996 (…) dans le même atelier aux aciéries II d’Imphy comme maçon fumiste nous étions confrontés tous les deux au même problème de l’amiante tous les jours. Démolitions des poches de coulées. Démolitions de voûtes de fours. Réfections fours, poches (…) L’exposition à l’amiante dûe au travail était dans tous les coins de l’atelier, surtout au démoulage des lingots à la base des lingotières se trouvaient des joints d’amiante brûlés par le métal en fusion. Les particules d’amiante et les poussières étaient présentes quotidiennement dans l’atelier' (témoignage de M. AU AV).

L’exposition à l’amiante de M. AC AD X pendant plus de dix ans du fait de l’accomplissement de travaux limitativement énumérés par le tableau n° 30 Bis étant ainsi établie, la société Aperam Alloys Imphy n’est pas fondée à invoquer le fait que M. AC AD X était fumeur pour contester le caractère professionnel de la maladie.

Il s’en déduit que la condition tenant à l’exposition au risque et celle relative à la durée de cette exposition sont bien remplies.

' Sur l’imputabilité du décès à la maladie professionnelle:

La société Aperam Alloys Imphy soutient que la preuve de l’imputabilité exclusive et directe du décès de M. AC AD X à la maladie déclarée le 14 octobre 2013 n’est pas rapportée.

Elle se prévaut, sur ce point, de l’analyse médicale du Docteur AL AM dont les termes sont les suivants:

'Le patient est décédé le […]. Son décès a été rattaché automatiquement par les organismes sociaux à sa tumeur pulmonaire. Or, son décès peut être rattaché à tous ses antécédents; en particulier à son accident vasculaire cérébral; à son hypertension artérielle; à son cancer de la vessie, à son tabagisme actif et pour une certaine part à sa néoplasie pulmonaire (qui elle-même peut être secondaire à son cancer de la vessie). (…) il est impossible de rattacher de façon formelle et exclusive le décès de M. X à son cancer pulmonaire. Ce patient présentait de multiples antécédents qui pouvaient être la cause de son décès.

Conclusions: (…) Par ailleurs, on ne peut préciser de façon formelle si le décès est exclusivement dû au cancer pulmonaire; son décès est multifactoriel du fait des antécédents du patient (tabagisme actif +++; accident vasculaire cérébral; hypertension artérielle; cancer de la vessie…)'.

Elle en conclut que seule une enquête contradictoire aurait permis un vrai débat médical pour caractériser avec certitude l’imputabilité du décès au cancer broncho-pulmonaire déclaré par M. AC AD X et que ladite enquête n’ayant pas été menée, le caractère professionnel du décès ne saurait être reconnu.

Il ressort, toutefois, du certificat médical établi le 2 juin 2016 par le Docteur I, pneumologue, que M. AC AD X est décédé le […] 'des suites de sa maladie pulmonaire reconnue en maladie professionnelle'.

Le médecin conseil de la Caisse primaire a également reconnu l’existence d’une relation de cause à effet entre la maladie professionnelle du 14 octobre 2013 et le décès.

Le Docteur AN AW a, par ailleurs, retenu ce qui suit, aux termes de la note médicale établie le 7 mars 2018:

'Quant au décès de M. X survenu le […], il est en lien direct avec le cancer du poumon à un stade avancé et c’est donc à juste titre que la caisse a reconnu l’imputabilité du décès à la maladie professionnelle'.

Il apparaît, dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments que l’imputabilité du décès à la maladie professionnelle est suffisamment établie.

' Sur le respect par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre de l’obligation d’information lui incombant:

L’article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale prévoit qu’en cas d’enquête administrative diligentée préalablement à la décision de reconnaissance d’une maladie professionnelle, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13.

En l’espèce, la société Aperam Alloys Imphy soutient que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre a manqué à son obligation d’information à son égard.

Elle fait valoir, en ce sens, que le courrier du 20 février 2014 par lequel la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre l’a informé de la fin de l’instruction du dossier ne lui permettait nullement de connaître les éléments susceptibles de lui faire grief, que la Caisse primaire ne lui a pas communiqué l’ensemble des éléments du dossier de M. AC AD X dans la mesure où le colloque médico-administratif du 7 novembre 2013, mentionné dans la fiche de synthèse de l’enquête administrative, ne lui a pas été transmis, et qu’elle ne l’a pas rendue destinataire d’un certificat médical initial posant le diagnostic précis de la maladie pour laquelle elle a accordé une prise en charge.

Il y a lieu cependant de relever que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre justifie avoir adressé à la société Aperam Alloys Imphy la déclaration de maladie professionnelle et une copie du certificat médical initial par courrier du 4 novembre 2013, ledit certificat médical précisant que la pathologie dont M. AC AD X est atteint entre dans le cadre du tableau n° 30 bis des

maladies professionnelles.

Par lettre recommandée du 20 février 2014, reçue le 24 février 2014, la caisse a avisé l’employeur de ce que l’instruction du dossier était terminée et ce qu’il avait la possibilité de venir consulter le dossier préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie ce qu’il a fait le 3 mars 2014.

La décision de prise en charge de la maladie étant intervenue le 13 mars 2014, il s’ensuit que le délai de 10 jours francs prévu à l’article R. 441-14 précité a été respecté.

S’agissant du colloque du 7 novembre 2013 dont la société Aperam Alloys Imphy fait état, la Caisse primaire indique que ledit colloque avait seulement pour but de fixer la date de première constatation médicale préalablement à la demande d’enquête et qu’aucun écrit spécifique n’a été établi à cette date à l’exception de ce qui est mentionné au verso de la fiche colloque remise au service des risques professionnels le 24 février 2014, à savoir les dates de colloques informels et le tableau visé par l’instruction.

Elle ajoute qu’il n’est, du reste, pas établi que ladite page n’a pas été mise à la disposition de l’employeur.

Quoi qu’il en soit, le colloque décisionnel du 19 février 2014 (fiche 'colloque médico-administratif maladie professionnelle’ du 19 février 2014), qui mentionne que la date de première constatation médicale de la maladie est le 2 octobre 2013 et qu’une ponction sous scanner a permis de fixer cette date, ayant, en tout état de cause, été mis à la disposition de l’employeur, il y a lieu d’en déduire que l’absence de communication par la Caisse primaire d’une information susceptible de faire grief à l’employeur n’est pas démontrée.

S’agissant de la demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge du décès, il y a lieu de rappeler, dès lors que la société Aperam Alloys Imphy relève aux termes de ses écritures que la décision de prise en charge du décès n’a été précédée d’aucune instruction au contradictoire de l’employeur, que l’article R. 443-4 du Code de la sécurité sociale ne prévoit qu’une nouvelle décision de la caisse après avis du médecin conseil et non une reprise complète de l’instruction et que le médecin conseil de la Caisse primaire a donné un avis conforme d’imputabilité du décès à la maladie professionnelle.

Il s’ensuit que par les moyens qu’elle invoque, les demandes d’inopposabilité formées par la société Aperam Alloys Imphy ne sont pas fondées.

* Sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur:

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat.

Tout manquement à l’obligation de sécurité de résultat à laquelle l’employeur est tenu envers ses salariés a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale si l’employeur avait conscience, ou aurait dû avoir conscience, du danger encouru par ses salariés et qu’il n’a pas pris les dispositions nécessaires pour les en préserver.

Le manquement de l’employeur doit être en relation avec le dommage.

La preuve de cette conscience du danger de la part de l’employeur et du défaut par lui de prise des mesures appropriées incombe à la victime, sauf application d’une des présomptions de faute inexcusable instituées par les textes en la matière.

La faute inexcusable de l’employeur ne peut être retenue que pour autant que l’accident ou la maladie revêt le caractère d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ce caractère pouvant toujours être contesté par l’employeur ainsi que l’a d’ailleurs jugé la cour de cassation (2° Civ., 5 novembre 2015, pourvoi n° 13-28.373, Bull. 2015 II n° 247).

En l’espèce, il résulte des motifs qui précèdent que le caractère professionnel de la maladie dont était atteint M. AC AD X ainsi que l’imputabilité de son décès à la maladie professionnelle, sont établis.

Dès le début du 20e siècle, des études scientifiques ont mis en évidence les risques liés à l’inhalation des poussières d’amiante. En 1945, la fibrose pulmonaire consécutive à l’inhalation de poussières d’amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles. Un décret du 31 août 1950 a créé le tableau n° 30 propre à l’asbestose. Un décret du 13 septembre 1955 a qualifié d’indicative la liste des travaux visés au tableau 30. Le cancer broncho-pulmonaire et le mésothéliome primitif ont été inscrits à ce tableau par un décret du 5 janvier 1976.

Par décret du 22 mai 1996 a été créé le tableau n° 30 Bis des maladies professionnelles et le cancer broncho-pulmonaire inscrit à ce tableau. Le décret du 17 août 1977, sur la protection contre le risque d’exposition aux poussières d’amiante a complété le dispositif existant en matière de protection du personnel contre les poussières.

La société Aperam Alloys Imphy ne peut sérieusement prétendre, compte tenu de son importance, de la nature de ses activités, des connaissances scientifiques de l’époque, de l’inscription au tableau des maladies professionnelles des affections liées à l’amiante et de la réglementation applicable, avoir ignoré les dangers inhérents à ce matériau, de sorte qu’elle devait ou aurait dû avoir conscience du risque auquel était exposé M. AC AD X à raison de ses conditions de travail.

Or, il résulte des témoignages des anciens collègues de travail de M. AC AD X, qui ne sont pas utilement contredits par l’appelante, l’absence de mise en place par l’employeur de dispositifs de protection individuels ou collectifs adéquats.

Il y a lieu d’en déduire que la société Aperam Alloys Imphy ne pouvait qu’avoir conscience du danger auquel M. AC AD X était exposé et qu’elle n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la maladie professionnelle dont M. AC AD X était atteint et dont il est décédé le […] est due à la faute inexcusable de la société Aperam Alloys Imphy.

* Sur les conséquences de la faute inexcusable à l’égard de M. AC AD X et de ses ayants droit:

A titre liminaire, il convient de rappeler, qu’en application de l’article 562 du Code de procédure civile, l’étendue de la saisine du juge d’appel est limitée par les énonciations de l’acte qui a déféré le jugement à la cour et qu’elle ne peut être élargie aux conclusions subséquentes.

Il apparaît, dès lors, que Mme AE K veuve X, Mme L X épouse Y, M. M X, Mme P X, et M. Q X, qui ont interjeté un appel limité du jugement entrepris en ce qu’il les a déboutés de leur demande de réparation des préjudices complémentaires subis par M. AC AD X au titre des souffrances morales et physique, du préjudice esthétique et du préjudice d’agrément, ne sont pas en droit de solliciter l’infirmation de ce jugement en ce qu’il a statué sur la réparation de leur préjudice personnel.

' Sur la majoration de la rente d’ayant droit:

La faute inexcusable de l’employeur étant reconnue à l’exclusion de toute faute de même nature de la victime, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la majoration au taux maximal de la rente servie à la veuve de M. AC AD X en application de l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale.

' Sur l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale:

L’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale dispose que si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

En l’espèce, il ressort des pièces produites que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre a notifié à M. AC AD X un taux d’IPP de 100 % le 2 février 2015.

Il convient, par conséquent, de faire droit à la demande des consorts X tendant à voir ordonner le versement de l’allocation forfaitaire au titre de l’action successorale.

Eu égard à l’indépendance des rapports caisse/employeur et caisse/victime, il n’y a pas lieu de dire que, compte tenu de l’action en contestation du taux de l’incapacité engagée par l’employeur, le versement de l’indemnité forfaitaire s’effectuera sous réserve de l’attribution par la juridiction du contentieux de l’incapacité d’une IPP de 100 % par décision définitive, le jugement entrepris étant, dès lors, infirmé sur ce point.

' Sur les préjudices personnels de M. AC AD X:

Dans une décision du 18 juin 2010 (n° 2010-8 QPC), le Conseil constitutionnel a précisé que la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l’employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et qu’en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

' Sur les souffrances physiques et morales endurées par M. AC AD X:

En application de l’article L.452-3 précité, sont réparables les souffrances physiques et morales qui ne sont pas déjà indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.

Il convient donc de faire la distinction entre :

— les souffrances endurées pendant la période antérieure à la consolidation de l’état de la victime,

— les souffrances permanentes de la victime, qui sont quant à elles indemnisées par la rente majorée (ou le capital) accordée à l’intéressé.

Les consorts X sollicitent l’indemnisation des souffrances morales et physiques subies par M. AC AD X durant sa maladie.

Force est toutefois de constater que la date de première constatation de la maladie a été fixée au 2 octobre 2013 et que la date de consolidation retenue par la Caisse primaire a été fixée au 14 octobre 2013, une rente étant attribuée à M. AC AD X à compter du 15 octobre 2013, de sorte que la preuve n’est pas rapportée de la réalité de souffrances endurées par M. AC AD X susceptibles de donner lieu à indemnisation pour ce qui concerne la période antérieure à la date de consolidation, les pièces médicales versées aux débats étant notamment postérieures à cette date ainsi que l’a

justement retenu le tribunal.

Il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les consorts X de leurs demandes à ce titre.

' Sur le préjudice esthétique:

Le préjudice esthétique, visé par l’article L.452-3 précité, répare les atteintes physiques, voire l’altération de l’apparence physique, subies par la victime.

Il ressort, en l’espèce, des pièces médicales versées aux débats par les consorts X que les traitements administrés à M. AC AD X ont entraîné une importante perte de poids, ainsi que des réactions cutanées (érythrose faciale) et qu’il bénéficiait, en outre, d’une oxygénothérapie à raison de 15h par jour.

La preuve d’une altération de l’apparence physique subie par la victime étant, dès lors, suffisamment rapportée, il convient, infirmant sur ce point le jugement déféré, d’indemniser ce chef de préjudice par l’allocation au titre de l’action successorale d’une somme de 5 000 euros.

' Sur le préjudice d’agrément:

Le préjudice d’agrément, réparable en application de l’article L.452-3 précité, est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisir spécifique.

Il ressort, à cet égard, des pièces produites que M. AC AD X a subi un préjudice d’agrément tenant à l’impossibilité du fait de la maladie dont il était atteint de continuer à s’adonner aux activités de loisirs qu’il pratiquait antérieurement (jardinage, bricolage, voyages, promenades à bicyclette) ainsi que les consorts X en justifient par des témoignages émanant non seulement des proches de la victime mais également de voisins de l’intéressé versés aux débats.

Il y a lieu, dès lors, infirmant sur ce point le jugement entrepris, d’allouer au titre de l’action successorale une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice d’agrément.

' Sur les préjudices personnels des ayants droit de M. AC AD X:

Les premiers juges ayant fait une juste appréciation du préjudice moral et d’accompagnement subis par les ayants droit de M. AC AD X, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé comme suit le montant de l’indemnisation leur revenant:

' Mme AE K veuve X: 35 000 euros

' Mme L X épouse Y: 15 000 euros

' M. M X: 15 000 euros

' M. Q X: 15 000 euros

' Mme P X: 15 000 euros

' Mme R Y épouse Z: 5 000 euros

' M. U Y: 5 000 euros

' M. E-AI Y: 5 000 euros

' M. V Y: 5 000 euros

' M. D X: 5 000 euros

' M. W X: 5 000 euros

' M. N X: 5 000 euros

' Melle O X: 5 000 euros

' Melle AA AB: 5 000 euros

' M. T Z: 2 500 euros

' Melle AH Z: 2 500 euros

' Melle F X: 2 500 euros,

* Sur l’action récursoire de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre:

En vertu des dispositions de l’article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, applicables aux instances en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur engagées à compter du 1er janvier 2013, quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable par une décision passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dues dont il est redevable.

Ces dispositions ont vocation à s’appliquer, en l’espèce, dès lors, que la présente action a été engagée le 12 août 2015.

Il résulte des motifs qui précèdent que les moyens d’inopposabilité de fond soulevés par la société Aperam Alloys Imphy pour s’opposer à l’action récursoire de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre ont été écartés.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Aperam Alloys Imphy à rembourser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre les sommes par elle avancées au titre de la majoration de la rente d’ayant droit, des indemnités allouées au titre des préjudices personnels subis par M. AC AD X et ses ayants droit, ainsi qu’au titre de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, sous réserve s’agissant de ladite indemnité, dans les rapports caisse/employeur, de la confirmation par une décision définitive du taux d’IPP de 100 %.

* Sur les demandes accessoires:

Compte tenu de la solution donnée au présent litige, il convient de condamner la société Aperam Alloys Imphy aux dépens d’appel et de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Il y a lieu, par ailleurs, de faire application en cause d’appel au profit des consorts X des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et de condamner la société Aperam Alloys Imphy à payer à Mme AE K veuve X, Mme L X épouse Y, M. V Y, Mme R Y épouse Z, M. T Z et Melle AH Z, tous deux mineurs représentés par Mme R Y, M. U Y, M. E-AI Y , M. M X, M.

N X et Melle O X, mineurs représentés par M. M X, M. D X, Melle F X, mineure représentée par M. D X, M. W X, M. Q X, Mme P X, et Melle AA AB la somme de 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort;

Confirme le jugement prononcé le 5 juin 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Nièvre sauf en ce qu’il a dit que l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale sera versée aux ayants droit de M. AC AD X sous réserve de l’attribution d’une IPP de 100 % par décision définitive de la juridiction du contentieux de l’incapacité, et en ce qu’il a débouté les ayants droit de M. AC AD X de leurs demandes au titre du préjudice esthétique et au titre du préjudice d’agrément ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

Ordonne le versement de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale au titre de l’action successorale ;

Condamne la société Aperam Alloys Imphy à rembourser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Nièvre la somme versée à ce titre aux ayants droit de M. AC AD X, sous réserve, dans les rapports caisse-employeur, de l’attribution par la juridiction du contentieux de l’incapacité d’une IPP de 100 % par une décision devenue définitive ;

Fixe, au titre de l’action successorale, à 5 000 euros le montant de l’indemnisation complémentaire au titre du préjudice esthétique ;

Fixe, au titre de l’action successorale, à 5 000 euros le montant de l’indemnisation du préjudice complémentaire au titre du préjudice d’agrément ;

Condamne la société Aperam Alloys Imphy à payer à Mme AE K veuve X, Mme L X épouse Y, M. V Y, Mme R Y épouse Z, M. T Z et Melle AH Z, tous deux mineurs représentés par Mme R Y, M. U Y, M. E-AI Y , M. M X, M. N X et Melle O X, mineurs représentés par M. M X, M. D X, Melle F X, mineure représentée par M. D X, M. W X, M. Q X, Mme P X, et Melle AA AB la somme de 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Aperam Alloys Imphy aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Madame Sophie GRALL, Président de chambre, et Madame Ophélie FIEF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 15 juin 2020, n° 19/01140