Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 20 février 2024, n° 22/00528

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, ch. soc., 20 févr. 2024, n° 22/00528
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 22/00528
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Tours, 1er février 2022
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 25 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A -

Section 1

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 20 FEVRIER 2024 à

la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS

la SELARL MARIE-BÉATRICE GAUCHER

FC

ARRÊT du : 20 FEVRIER 2024

MINUTE N° : – 24

N° RG 22/00528 – N° Portalis DBVN-V-B7G-GRAH

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 02 Février 2022 – Section : ENCADREMENT

APPELANTE :

S.A.S. CORVAISIER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Sophie RISSE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS,

ayant pour avocat plaidant Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

ET

INTIMÉ :

Monsieur [G] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Marie-béatrice GAUCHER de la SELARL MARIE-BÉATRICE GAUCHER, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : le 13 novembre 2023

Audience publique du 7 Décembre 2023 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l’absence d’opposition des parties, assistés lors des débats de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 20 Février 2024, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Madame Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [G] [S] a été engagé à compter du 14 avril 1997 par la S.A.S. Corvaisier en qualité de modeleur responsable de projet au sein du bureau d’études, au coefficient 305, niveau 5, échelon 1 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

Par avenant du 22 janvier 2014, la S.A.S. Corvaisier a confié à M. [G] [S] le poste de responsable commercial exclusif qu’il a accepté. Une garantie contractuelle de réintégration dans son emploi antérieur « dans le cas de non-réalisation d’objectifs commerciaux ou de non-respect des règles commerciales de l’entreprise » a été prévue par les parties. Cette modification s’est faite à niveau équivalent de qualification et classification. La nouvelle rémunération tenait compte du changement de fonction en intégrant un élément de rémunération variable en plus de la rémunération fixe maintenue à l’identique.

Le 28 juillet 2015, la S.A.S. Corvaisier a été placée en redressement judiciaire. A la suite d’un plan de cession arrêté par le tribunal de commerce de Tours par jugement du 22 décembre 2015, une nouvelle société, également dénommée Corvaisier, a été créée.

Le 16 janvier 2018, l’employeur a proposé au salarié un avenant à son contrat de travail révisant les modalités de calcul de sa rémunération variable. Le salarié a refusé de signer cet avenant.

Le 17 octobre 2019, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’employeur a mis en oeuvre la clause de garantie et a demandé à M. [S] de reprendre son poste initial au sein du bureau d’étude à compter du 28 octobre 2019.

Le 24 octobre 2019, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, M. [S] a refusé de reprendre son poste et a confirmé sa volonté d’être maintenu au poste de responsable commercial qu’il occupait.

Le 30 octobre 2019, l’employeur a notifié à M. [S] une mise à pied à titre conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.

Le 20 novembre 2019, l’employeur a notifié à M. [S] son licenciement pour faute grave.

Par requête du 3 juin 2020, M. [G] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours aux fins de voir reconnaître l’absence d’une faute grave ou de cause réelle et sérieuse de son licenciement, son caractère vexatoire et abusif et obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence.

Par jugement du 2 février 2022, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Tours a :

Dit que le licenciement de M. [S] est dénué de cause réelle et sérieuse .

Condamné la S.A.S Corvaisier au paiement des sommes de :

—  77 707,80 euros net au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  33 786 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  3378,60 euros au titre des congés payés afférents,

—  92 911,50 euros net au titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

—  1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les intérêts légaux sur ces sommes seront dus à compter de la saisine du conseil, soit le 3 juin 2020.

Rappelé qu’en vertu de l’article R 1454-28 du code du travail l’exécution provisoire des créances salariales est de droit et fixe la moyenne des 3 derniers mois de salaire à 5631 euros brut.

Ordonné sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement la remise des bulletins de paie conformes au présent jugement et d’une attestation destinée à Pôle Emploi, le conseil se réservant la faculté de liquider ladite astreinte.

Ordonné le remboursement à Pôle emploi conformément à l’article L. 1235-4 du code du travail des indemnités de chômages versées au salarié dans la limite de 2 mois d’indemnités.

Débouté la SAS Corvaisier de toutes ses demandes contraires et lui laisse la charge des dépens qui comprendront les frais éventuels d’exécution.

Le 1er mars 2022, la S.A.S. Corvaisier a relevé appel de cette décision.

Le 5 octobre 2022 le conseiller de la mise en état a rendu une ordonnance par laquelle il a dit n’y avoir lieu à ordonner la radiation du rôle de la cour de l’affaire enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00528. Il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’et a condamné la SAS Corvaisier’aux dépens de l’instance d’incident.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 13 octobre 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.S. Corvaisier demande à la cour de :

A titre principal :

Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Tours le 2 février 2022 en ce qu’il a :

Dit que le licenciement de M. [S] est dénué de cause réelle et sérieuse.

Condamné la société Corvaisier au paiement des sommes de :

77 707,80 euros net au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

33 786 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

3 378,60 euros au titre des congés payés y afférents ;

92 911,50 euros net au titre des dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonné le remboursement à Pôle Emploi conformément à l’article L.1235-4 du Code du Travail des indemnités de chômages versées au salarié dans la limite de 2 mois d’indemnités.

Débouté la société Corvaisier de toutes ses demandes contraires et laissé à sa charge des dépens qui comprendront les frais éventuels d’exécution.

Jugeant de nouveau :

— Constater que l’insuffisance professionnelle de M. [S] ayant présidé à la mise en 'uvre de la clause contractuelle garantissant le retour à l’emploi antérieur est établie; – Constater la mise en 'uvre loyale de ladite clause contractuelle par la société Corvaisier ;

— Constater que le licenciement de M. [S] repose sur une faute grave.

En conséquence :

— Débouter M. [S] de l’intégralité de ses demandes

— Condamner M. [S] à rembourser à la société Corvaisier la somme de 40 852.70 euros versée au titre de l’exécution provisoire

A titre subsidiaire :

— Réduire le montant des éventuelles condamnations à de plus justes proportions.

En tout état de cause :

— Condamner M. [S] au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— Le condamner aux entiers dépens de l’instance.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 25 octobre 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [G] [S] demande à la cour de :

Confirmer en tous points le jugement du conseil de prud’hommes de Tours du 2 février 2022,

Enjoindre la SAS Corvaisier à remettre fiche de paie, solde de tous comptes, et attestation Pôle-Emploi conforme à l’arrêt sous astreinte de 100 euros/jour de retard et par document, à compter du 15ème jour suivant la notification de l’arrêt,

Réserver la liquidation de l’astreinte au conseil de prud"hommes de Tours,

Condamner la SAS Corvaisier à payer à M. [G] [S] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise.

Dans la lettre de licenciement du 20 novembre 2019, qui fixe les limites du litige, l’employeur reproche au salarié de refuser de rejoindre son emploi au sein du bureau d’études en application de la clause de garantie de maintien dans l’emploi antérieur. Il ajoute appliquer loyalement cette clause, le retour à l’emploi précédent étant justifié par l’insuffisance professionnelle du salarié.

Il était convenu en effet entre les parties, par avenant du 22 janvier 2014 confiant au salarié le poste de responsable commercial, qu’en cas de constat d’insuffisance professionnelle, le salarié retournerait au poste qu’il occupait au sein du bureau d’études depuis le 14 avril 1997.

Pour apprécier l’existence d’une faute grave consistant pour le salarié à avoir refusé de réintégrer son poste au sein du bureau d’études il convient d’examiner si l’incapacité alléguée du salarié à exercer les fonctions qu’il occupe est avérée.

L’employeur se fonde sur son courrier du 3 octobre 2018, sur l’audit confié à BPI France au printemps 2019 (pièces n° 9 et 10), sur un compte rendu de réunion des délégués du personnel du 25 janvier 2018 et sur un tableau comparatif qu’il a lui-même établi entre l’activité de M. [S] et celle de son successeur ainsi que sur des tableaux qu’il a également lui-même établis sur le nombre de visites clients effectuées par M. [S].

M. [G] [S] fait valoir qu’il était responsable commercial et non directeur commercial et que l’accès aux réunions de direction lui était interdit. Il conteste l’ensemble des griefs qui lui sont faits.

Le 3 octobre 2018, par courrier remis en main propre, l’employeur a demandé à M. [S] de réaliser les devis pour les offres des nouveaux clients qu’il apportait. Il a ajouté que son « refus de réaliser certains devis relève de cette même tendance de votre part à ne pas porter votre attention sur la suite de la relation avec le client, une fois l’affaire conclue. ».

Aucune pièce produite ne justifie d’un défaut d’attention sur la suite de la relation client.

Par courriel du 4 octobre 2018, M. [G] [S] s’est engagé à réaliser les devis en complément de ceux déjà réalisés par le service concerné tout en demandant des précisions sur la nature, le domaine technique, le volume et la fréquence de ces devis. Il a précisé qu’une formation à la maîtrise des outils serait nécessaire pour atteindre le meilleur résultat.

Le salarié a accepté la demande qui lui était faite. L’absence de réalisation des devis qui lui étaient demandés n’est pas établie. Les pièces précitées ne permettent pas de caractériser une insuffisance professionnelle ou une insubordination.

L’employeur produit également le compte rendu de l’entretien annuel qui s’est tenu le 25 juillet 2019. La case « moyen » concernant l’estimation des réalisations du salarié dans les missions et responsabilités qui étaient les siennes est souvent cochée. Aucune pièce ne vient à l’appui de ce jugement subjectif de l’employeur, après 5 années et demie de collaboration sans la moindre remarque sur la qualité de son travail. Le courrier du 3 octobre 2018 ne peut être considéré comme un rappel à l’ordre objectivement justifié.

Les tableaux produits par l’employeur qui ne sont corroborés par aucune pièce ne peuvent établir l’insuffisance professionnelle du salarié. Ils ne peuvent justifier l’absence d’investissement du salarié dans l’activité de prospection, de diversification sectorielle, de diversification produits et prestations et dans le suivi des clients.

Il n’est donc pas justifié par les pièces produites par l’employeur que le salarié n’ait pas atteint ses objectifs commerciaux. A cet égard, les primes exceptionnelles versées démentent l’existence d’une insuffisance de résultat.

Ainsi :

— le 31 octobre 2018, la S.A.S. Corvaisier a versé une prime exceptionnelle de 2000 € à M. [G] [S] ;

— le 30 novembre 2018, la S.A.S. Corvaisier a versé une prime exceptionnelle de 2117,45 € à M. [G] [S] ;

— le 31 janvier 2019, la S.A.S. Corvaisier a versé la prime annuelle sur objectif atteint de 2000 € à M. [G] [S].

Aucune carence du salarié ne ressort de l’audit de BPI France et du compte rendu de réunion des délégués du personnel du 25 janvier 2018.

L’audit de BPI France ne fait pas état d’une activité ou de résultats insuffisants imputables à M. [G] [S]. Il est fait mention page 12 « d’une équipe commerciale et de chiffrage expérimentée ».

Au surplus, comme le relève le salarié, dans le courrier le convoquant à l’entretien préalable au licenciement, l’employeur indique : « Les points faibles auxquels il est impératif de remédier en urgence par la mise en place d’un plan d’action précis concernent le service commercial. Celui-ci repose sur une redéfinition des objectifs stratégiques, ce qui ne ressort pas de vos compétences ». L’employeur ne saurait utilement reprocher au salarié une situation qui ne relève pas de sa compétence.

En ce qui concerne le compte rendu de la réunion des délégués du personnel du 25 janvier 2018, celui-ci expose l’existence de la situation suivante : « un effondrement des marchés historiques de l’entreprise, ceux des moules de soufflage et de l’outillage aéronautique. En outre le low cost a augmenté sa captation des outillages simples. Confrontée à des marchés moroses, l’entreprise a rencontré tout au long de l’année 2017, des difficultés à réaliser des prises de commandes, malgré une réelle implication des équipes dans la recherche de transformation des devis afin de renforcer le chiffre d’affaires. De nombreuses validations de commandes ont été différées par des clientes elle-même en perte d’activité (Stelia') et / ou en cours de restructuration ».

Il se déduit de ce compte rendu que si les résultats de la société ont été mauvais, cette situation n’est pas imputable à une insuffisance professionnelle de M. [G] [S].

Il n’est produit aucune pièce qui justifierait d’un quelconque manquement du salarié à ses obligations de respecter la politique commerciale de l’entreprise.

Il ressort de l’analyse de l’ensemble des pièces produites que l’insuffisance professionnelle et non-respect de la politique commerciale de l’entreprise énoncés dans la lettre de licenciement ne sont pas caractérisés.

Les conditions d’application de la clause de garantie de maintien dans l’emploi antérieur ne sont donc pas réunies.

Le salarié était par conséquent fondé à refuser de réintégrer son poste antérieur.

Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement

Dès lors que la faute grave n’est pas retenue, la mise à pied conservatoire n’est pas justifiée de sorte que M. [G] [S] a droit au paiement du salaire indûment retenu pendant cette période.

Cependant, si, dans les motifs de ses conclusions, M. [G] [S] demande paiement de la somme de 5631 € brut à ce titre, il convient de relever que dans le dispositif de ses conclusions, il demande uniquement la confirmation du jugement qui ne condamne pas l’employeur au paiement de cette somme. La cour n’est saisie d’aucune demande à ce titre.

La convention collective de la métallurgie prévoit un préavis de 6 mois pour le salarié âgé d’au moins 55 ans et ayant une ancienneté au moins égale à 3 ans. Etant né le 4 octobre 1964, M. [G] [S] était âgé de 55 ans lors de la rupture et avait une ancienneté supérieure à 3 ans.

Le salarié peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis qu’il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait travaillé durant le préavis d’une durée de 6 mois. Il y a lieu de lui allouer les sommes de 33 786 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 3 378,60 € brut au titre des congés payés afférents.

M. [G] [S] est fondé à solliciter une indemnité de licenciement. Pour la détermination du nombre de mois de service, il sera tenu compte de la durée du préavis, même si le salarié ne l’a pas exécuté.

En application des dispositions de la convention collective, la SAS Corvaisier est condamnée à payer à M. [G] [S] la somme de 77 707,80 € net.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

S’agissant des conditions d’ancienneté, la durée du préavis ne sera pas intégrée.

M. [G] [S] a été a engagé le 14 avril 1997 et licencié le 30 octobre 2019. Il a acquis une ancienneté de 22 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés. Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 16,5 mois de salaire.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l’employeur à payer à M. [G] [S] la somme de 75 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.

Il n’y a pas lieu d’ordonner le remboursement des sommes versées au salarié dans le cadre de l’exécution provisoire.

Sur les intérêts de retard

Les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés afférents produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 12 juin 2020 et non pas à compter de la saisine de la juridiction.

La condamnation au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portera intérêts au taux légal à compter du 2 février 2022, date du jugement déféré.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à la SAS Corvaisier de remettre à M. [G] [S] une attestation Pôle emploi, devenu France travail, et un bulletin de paie conformes à ses dispositions.

Aucune circonstance ne justifie le prononcé d’une mesure d’astreinte pour garantir l’exécution de ce chef de dispositif. Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur l’article L. 1235-4 du code du travail

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner le remboursement par la SAS Corvaisier aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [G] [S] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il y a lieu de condamner la SAS Corvaisier aux dépens de première instance et d’appel, de la débouter de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [G] [S] la somme de 2000 euros à ce titre.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement rendu le 2 février 2022, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Tours mais seulement en ce qu’il a condamné la SAS Corvaisier à payer à M. [G] [S] la somme 92 911,50 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, en ce qu’il a ordonné le remboursement à Pôle Emploi conformément à l’article L.1235-4 du code du Travail des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 2 mois d’indemnités, en ce qu’il a fixé au 3 juin 2020 le point de départ des intérêts sur les condamnations prononcées et en ce qu’il a assorti la remise des documents de fin de contrat d’une astreinte ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la SAS Corvaisier à payer à M. [G] [S] la somme de 75 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2022 ;

Dit que les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés afférents produiront intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020 ;

Dit n’y avoir lieu à assortir la remise des bulletins de paie et attestation Pôle emploi d’une astreinte ;

Ordonne le remboursement par la SAS Corvaisier aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [G] [S] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités ;

Condamne la SAS Corvaisier à payer à M. [G] [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la SAS Corvaisier aux dépens de l’instance d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Alexandre DAVID

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