Cour d'appel de Paris, 4e chambre section b, 20 juin 2003

  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Reproduction des caracteristiques protegeagles·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Forme utilitaire d'un sac de voyage·
  • Combinaison de matieres identiques·
  • 2) droit des dessins et modèles·
  • Physionomie propre et nouvelle·
  • Ressemblances non pertinentes·
  • Élément du domaine public·
  • Élément non protegeable

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. b, 20 juin 2003
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : PROPRIETE INTELLECTUELLES, 9, OCTOBRE 2003, P. 396-399, NOTE DE PATRICE DE CANDE ET DE CHARLES DE HAAS
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS, 17 OCTOBRE 2001, (D20010168)
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : DM/031849
Classification internationale des dessins et modèles : CL03-01
Référence INPI : D20030124
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Prétendant que THE CONRAN SHOP commercialiserait un sac qui en serait la contrefaçon et après avoir procédé à une saisie contrefaçon le 22 juin 2000, dans les locaux de cette société, M. C et les sociétés Philippe CASSEGRAIN et LONGCHAMP l’ont fait citer devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 6 juillet 2000 en contrefaçon sur le fondement des articles L. 111-1 et suivants, L. 122-4 et suivants et L. 521-4 et suivants du Code de la propriété intellectuelle et des articles 1382 et 1383 du Code civil, pour obtenir, outre des mesures d’interdiction sous astreinte, et de publication, paiement de dommages et intérêts et une indemnité à chacun d’eux au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société Jean CASSEGRAIN est intervenue au lieu et place de la société PHILIPPE CASSEGRAIN en formant les mêmes demandes. THE CONRAN SHOP a conclu au débouté, contestant l’originalité du sac « SPIDER » et la nouveauté du modèle déposé ainsi que la contrefaçon. Par le jugement déféré, le tribunal a :

- déclaré la société Jean CASSEGRAIN recevable en son intervention volontaire,
- donné acte à la société Philippe CASSEGRAIN de son maintien dans la procédure,
- débouté M. Philippe C, la société Jean CASSEGRAIN et la société LONGCHAMP de l’ensemble de leurs demandes,
- condamné M. Philippe C, les sociétés Jean CASSEGRAIN et LONGCHAMP à payer à la société THE CONRAN SHOP la somme de 18 000 francs (2744, 08 euros) au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Appelantes de ce jugement, par leurs dernières écritures en date du 23 avril 2003, M. Philippe C, les sociétés LONGCHAMP et Jean C prient la cour de : "Vu le code de la propriété intellectuelle, notamment pris en ses articles L 111-1 et suivants et L. 511-1 et suivants,
- Vu le code civil notamment pris en ses articles 1382 et subsidiairement 1383,
- confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le modèle « SPIDER » original et nouveau,
- le réformer pour le surplus,
- juger que la société THE CONRAN SHOP a commis des actes de contrefaçon du modèle de sac « SPIDER » dont M. Philippe C est l’auteur et la société Jean CASSEGRAIN détient les droits patrimoniaux,
- juger que THE CONRAN SHOP a commis des actes complémentaires de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice des sociétés Jean CASSEGRAIN et LONGCHAMP,
- faire interdiction à THE CONRAN SHOP de fabriquer, faire fabriquer, importer, détenir, proposer à la vente ou distribuer, exposer, reproduire, vendre et d’une manière générale commercialiser, des contrefaçons ou copies serviles du modèle invoqué sous astreinte de 1500 euros par infraction constatée et ce, dès la signification de la décision à intervenir,
- condamner THE CONRAN SHOP au paiement des sommes de :

- 15 000 euros sauf à parfaire à M. Philippe C en réparation des atteintes à son droit

moral,
- 25 000 euros, sauf à parfaire, à la société Jean CASSEGRAIN en réparation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire,
- 40 000 euros, sauf à parfaire, à la société LONGCHAMP en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- autoriser la publication de la décision à intervenir, par extraits ou in extenso, et accompagné du dessin du sac original, dans 4 revues ou journaux au choix des demandeurs,
- condamner THE CONRAN SHOP à rembourser le coût de ces publications à hauteur d’une somme globale de 15 000 euros hors taxes,
- rejeter les moyens et demandes de la société THE CONRAN SHOP,
- condamner THE CONRAN SHOP au paiement d’une somme de 3 000 euros à chacun des demandeurs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’à supporter la charge des entiers dépens (première instance et appel) lesquels comprendront notamment les frais de saisie contrefaçon, de récupération et de destruction des sacs litigieux. Par ses dernières écritures du 16 avril 2003, THE CONRAN SHOP demande à la cour de :

- en application des dispositions des articles L. 111-1 et L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil,
- constater l’absence de caractère protégeable du modèle « SPIDER » n° DM/031 849 tant au titre du droit d’auteur que du droit des dessins et modèles,
- en conséquence,
- prononcer la nullité du modèle n° DM/031 849,
- dire que l’arrêt à intervenir sera inscrit au registre national de dessins et modèles à l’INPI sur réquisition du greffier,
- déclarer M. Philippe C, les sociétés LONGCHAMP et Jean C irrecevables en leurs demandes, les en débouter,
- subsidiairement,
- les déclarer mal fondés en toutes leurs demandes, les en débouter,
- en tout état de cause,
- condamner les appelants à verser à THE CONRAN SHOP la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

DECISION I – SUR LE CARACTERE PROTEGEABLE DU SAC « SPIDER » Considérant que l’intimée expose que ce sac ne peut être protégé ni sur le fondement des droits d’auteur ni sur le fondement des droits sur les dessins et modèles ; que selon elle, :

- les documents versés aux débats démontrent qu’aucune des caractéristiques n’est

originale (certaines étant fonctionnelles, d’autres déjà utilisées sur des sacs),
- contrairement à ce qu’a dit le tribunal, l’association de ces éléments est banale et ne constitue nullement une combinaison originale au sens du droit d’auteur,
- dans la mesure où il n’est pas démontré en quoi le sac « SPIDER » aurait des lignes ou un volume particuliers, la combinaison de ces différents éléments ne lui « donne aucune physionomie propre qui exclurait chez une personne ayant une connaissance de la maroquinerie, le sentiment de »déjà vu" ; Considérant, cela étant, que les appelants revendiquent pour le sac « SPIDER », comme en première instance les éléments caractéristiques suivants :

- un large rabat triangulaire, souligné d’une bordure surpiquée, qui, une fois fermé, enserre les deux poignées du sac au travers d’une fente pratiquée en son centre,
- une large patte de fermeture qui coiffe le rabat tout en passant entre les deux poignées, cette patte de fermeture, cousue au dos du sac, se rétrécissant très sensiblement à son extrémité pour venir se fermer sur le devant du sac au moyen d’une boucle métallique,
- deux poignées enserrées l’une contre l’autre dans la fente centrale située sur le haut du rabat,
- une large base rectangulaire avec un renfort à chacun des quatre coins,
- un profil triangulaire resserré en partie haute et souligné par d’épais bourrelets ; Considérant que les documents mis aux débats (dont il convient d’écarter le catalogue VUITTON qui est daté de 1999, date postérieure à la date de création du sac SPIDER) montrent que certains éléments étaient déjà utilisés sur d’autre sacs ; qu’il en est ainsi :

- de la forme du sac d’un profil triangulaire (plus large à la base et resserré aux parties hautes) se trouvant notamment dans le modèle n° 881273 déposé le 29 février 1988 (modèles 4 et 5) ou le dépôt du 3 novembre 1983 n° 834049,
- de l’existence de rabat de forme triangulaire, (voir notamment dépôt de modèle du 29 février 1988 n° 4, ou dépôt du 11 juillet 1984, modèle n° 217 635),
- d’une fermeture par une languette sur laquelle est apposé un fermoir en métal et qui enserre la poignée du sac à travers une fente (extrait du livre « Fashion Accessories » modèle de 1963),
- des renforts en cuir à la base ; Considérant toutefois qu’en dehors des nécessités techniques liées à la fonction utilitaire d’un sac de voyage, le sac SPIDER présente des caractéristiques esthétiques indépendantes de cette fonction qui n’existent dans aucun des documents invoqués, essentiellement par le rabat triangulaire comportant une fente dans laquelle passent les courroies du sac associé au dessin particulier de la languette de fermeture fixée sur ce rabat, éléments qui procèdent d’un effort créatif et révèlent l’empreinte de la personnalité de son auteur ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que le sac SPIDER était protégeable au titre des livres I et III du Code de la propriété intellectuelle qui fondent l’action de M. Philippe C ; Considérant qu’en outre, le modèle déposé présentant une physionomie propre et nouvelle par la combinaison de tous les éléments ci-dessus mentionnés et n’étant nullement antériorisé par les documents versés aux débats, c’est par des motifs pertinents que la cour

adopte que les premiers juges ont retenu qu’il était également protégeable au titre du livre V qui fonde l’action de la société Jean CASSEGRAIN, titulaire des droits sur le modèle déposé ; II – SUR LA CONTREFAÇON Considérant que les appelants font valoir que, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, THE CONRAN SHOP a repris la partie la plus caractéristique du modèle SPIDER, c’est à dire l’agencement « singulier du rabat, des poignées et de la patte de fermeture qui, selon eux, a été copiée à l’identique et dans son intégralité » ; que la copie de THE CONRAN SHOP reprend, selon eux, :

- le même large rabat souligné d’une bordure surpiquée qui, une fois fermé, enserre étroitement ses deux poignées au travers de la fente pratiquée en son centre,
- les mêmes poignées tubulaires enserrées dans une fente centrale sur le haut du rabat,
- la même patte de fermeture qui coiffe le rabat en passant entre les deux poignées et qui se rétrécit à son extrémité pour se terminer par une fixation métallique,
- les mêmes proportions ; Qu’ils ajoutent que les différences relevées par le tribunal ne peuvent être qualifiées d’essentielles alors qu’elles n’altèrent pas la ressemblance tenant à la reprise de toutes les caractéristiques fondamentales du sac « SPIDER » ; que, selon eux, le simple ajout d’une bande marron sur le devant du sac, de même que l’allongement des poignées ou de la patte de fermeture ne suffit pas à écarter la contrefaçon car l’impression visuelle d’ensemble produite n’est pas différente et que le sac incriminé reprend trois caractéristiques originales du sac :

- "le système esthétiquement spécifique de fermeture du sac, composé du rabat, des poignées et de la patte de fixation,
- les renforts en cuir,
- la forme générale du sac (large base rectangulaire et profil triangulaire resserré)" ; Mais considérant que les premiers juges ont avec raison dit que la forme générale du sac (profil triangulaire et base rectangulaire comportant des renforts aux quatre coins) appartenait au domaine public et que la reprise de cette caractéristique ne pouvait à elle seule caractériser un acte de contrefaçon ; qu’en ce qui concerne le système « esthétiquement spécifique de fermeture du sac », si comme le rappellent exactement les appelants, il doit être tenu compte pour apprécier la contrefaçon des ressemblances et non des différences, il convient de souligner que les ressemblances doivent porter sur les éléments caractéristiques de la création ; Or, considérant qu’en l’espèce, comme l’ont relevé exactement les premiers juges, :

- le rabat triangulaire muni d’une fente dans laquelle sont insérées les brides du sac est remplacé par un rabat rectangulaire,
- la patte de fermeture du sac incriminé présente une large bande qui, au delà du fermoir, se prolonge également par une bande de même largeur sur toute la face centrale du sac alors que celle du sac « SPIDER » comporte un rétrécissement en forme de languette au

niveau de la pointe du rabat triangulaire ; que cette large bande donne un aspect d’ensemble distinct du modèle « SPIDER » ; Que les caractéristiques originales du sac SPIDER ne sont en conséquence pas reproduites, les seules ressemblances portant sur des éléments appartenant au domaine public ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en contrefaçon ; III – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE Considérant que les appelants font grief à THE CONRAN SHOP d’avoir fait une copie quasi servile du modèle, d’avoir copié les matériaux et leur contraste et d’avoir diffusé le sac à moindre prix ; Considérant, toutefois, que, dans la mesure où, comme il a été dit ci-dessus, les sacs ne peuvent être confondus, le grief de copie quasi-servile sera écarté ; que le tribunal sera entièrement approuvé en ce qu’il a dit, par ailleurs, que l’identité de format (d’ailleurs contestable) et l’association comparable d’une toile épaisse avec du cuir adoptée par la gamme LONGCHAMP BOXFORD n’étaient pas suffisants pour entraîner un risque de confusion des deux sacs ou entraîner un trouble commercial ; qu’il sera ajouté que la vente de sacs à des prix inférieurs à ceux de concurrents procède de la règle de la libre concurrence et ne peut davantage caractériser des agissements déloyaux de concurrence, sauf à démontrer qu’il s’agit de vente à perte ; que le jugement sera donc confirmé ; Considérant que l’équité commande d’allouer à l’intimée la somme complémentaire de 2 500 euros au titre des frais d’appel non compris dans les dépens ; PAR CES MOTIFS : Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Ajoutant, Condamne in solidum M. Philippe C, les sociétés Jean CASSEGRAIN et LONGCHAMP à payer à la société THE CONRAN SHOP la somme complémentaire de 2 500 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne les appelants aux entiers dépens ; Autorise la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENE, avoué, à recouvrer les dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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